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Mais fur - tout, n’oublions pas les trois ïfraélites
qui entendirent leur roi former ce foûhait : « Q u il
y a de bonne eau dans ma patrie, à la citerne
veifme de la porte de Betheléem ; fi quelqu’un
m’en apportait, elle me feroit plus précieufe qu’une
grande quantité d’or». Trois foldats partent auffi-
t ô t , traverfent le camp des Philiftins , étonnés de
leur audace , vont puifer de l’eau à cette citerne ,
& l’apportent à leur prince. David ne la but point.
« A Dieu ne plaife, dit-il; boirai - je le fang de
ces hommes, & le péril de leurs âmes»? 11 la
répandit, en remerciant Dieu de les avoir confervés.
AUMONIER. Prêtre attaché à la fuite d’un
régiment, ou à un hôpital militaire, pour y exercer
les fondions de fon miniftère.
Les aumôniers font de toute ancienneté dans les
armées. Les anciens y avoient des prêtres pouç
faire les facrifices , & pour, prendre les augures.
j( Voye^ Su p e r s t it io n .). Nous voyons,- par le
concile des Eftines , ( c’étoit le palais des rois
<d’Auftrafie) , tenu fous Childeric I I I , & fous
Carloman , maire du palais, l’an 743 , que lorfque
les armées étoient en campagne, le prince mènoit
avec lui un ou deux évêques avec leurs chapelains
, & quelques - uns de leurs prêtres , & que
chaque chef devoit avoir un prêtre attaché à la
trpupe qu’il commandoit. a Nous défendons, dit
Carloman dans lé fécond canon , à touts ceux
qui font confacrés au fervice de Dieu , de porter
des armes , & de combattre , pu d’aller à
l ’armée & contre l’ennemi. Nous exceptons feulement
ceux quT auront été choifis pour célébrer
la melfe, & porter les reliques des faints, c’eft-
à-dire, un ou deux évêques avec leurs chapelains
& leurs prêtres, que le prince mène avec
lui. Que chaque Commandant ait auffi un prêtre
pour entendre les corifeffions des foldats, leur
impofer dès pénitences, &c. ». ( Daniel Mil.
Franc. Tom. J, pag. 35.).
Les aumôniers ont une chapelle que le roi
leur fournit. Ils inftruifent les foldats, difertt la
melfe, & font la prière touts les jours : ils font,
à un régiment ce qu’un curé eft à une paroilfe.
Par une ordonnance du 15 décembre'1681 , il,
leur eft défendu, fous peine d’être punis comme
fauteurs & complices du crime de rapt , de
célébrer aucun mariage entre les foldats de leur
régiment, & les filles ou femmes domiciliées
dans les villes ou places où " ils font en garni-
fon , &. aux environs, pour quelque raifon que
ce foit. ( J. ).
H feroit à defirer que le choix des aumôniers
fût fait avec plus de foin. S’ils étoient éclairés,
inftruits , & de bonnes moeurs, ils donneroient
aux foldats & aux officiers de bons exemples &
de fages leçons, qui feroier.t utiles, du moins à
quelques - uns , & dont l’avantage s’étendroit de
jour en jour à un plus grand nombre. Une graine
bien choifie produit toujours de bons fruits,
& ces fruits des aliments fains.
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[ La religion peut, par les craintes falutaires qu’elle
inipire , retenir, dans les bornes du devoir , les
hommes qui n’ont pas reçu une éducation foignée ,
& dont le coeur n’a pas été prémuni par les principes
d’une morale fage ; la religion peut, par
les encouragements qu’elle donne , & par les con-
folafions qu’elle offre , faire fupporter fans murmure
, & même avec joie, les peines , les travaux
les maux attachés à l’état militaire ; elle
peut, par les couronnes immortelles qu’elle fait
entrevoir, & par ces flatteufes efpérances qu’elle
fait naître dans les âmes , éveiller , animer , fou-
tenir , enflammer le courage des hommes qui font
peu fenlibles à l’aiguillon de l'honneur, au fenti-
ment de la gloire , à l’enthoufiaftne de la patrie.
(Fbye^ R e l i g i o n . ). La religion , çonfidérée relativement
à l’état militaire , eft donc un reffort
puiffant & utile. Mais, pour que l’homme de guerre
trouve dans la religion touts les fecours quelle'
lui offre d’une main fi libérale , il doit être inftruit
& guidé par des miniftres éclairés, fages, & vertueux;
il faut que les interprètes de la religion la
lui montrent fous l’afpeâ. qui a le plus de rapport
à fa manière de penfer & de vivre ; que les aumôniers
militaires le foient, par des études longues
& confiantes , préparés à parcourir cette carrière
pénible & difficile ; que leurs moeurs foient auffi
pures que leurs paroles feront inftruéfi.ves ; qu’un
âge mur les mette à l’abri des pallions dangereufes ;
que l’oifiveté ne puiffe ni les replonger dans l’Ignorance
, ni les entraîner dans le vice. Il faut
enfin , pour qu’ils s’attachent à leur état, qu’il
foit auffi honoré qu’honorable , & qu’il leur donne
une aifance convenable à fa dignité.
Il n’y a pas encore long-temps qu’un miniftre
de la guerre, perfuadé de ces vérités, avoit formé
le projet de raffembler & de faire inftruire un
certain nombre d’eccléfiaftiques, auxquels il vou-
loit confier les places d’aumôniers militaires. Ce
projet, plein de fagefîe , auroit produit de grands
avantages. Comme les divers obftacles qui en ont
empêché l’exécution peuvent être furmontés, nous
effayerons d’efquiffer le plan qu’on pourroit fuivre,
fi quelque jour on vouloit former un établiffement.
auffi defirabJe.
Dans les environs de Paris , ou dans un de
fes fauxbourgs , on pourroit choifir une maifon re-
ligieufe, affez vafte pour contenir quarante maîtres,
affez bien bâtie pour qu’ils y fuffent commodément.
Dans cet édifice , trente prêtres , qui feroient
deftinés à l’aumônerie militaire , recevroient une
inftruéfion complette , réunie aux commodités de
la vie. Us feroient, dans cette maifon, fous la
direéfion immédiate du grand aumônier de France,
& fous la conduite d’un principal , d’un fous-
principal , d’un théologal, d’un tréforier fyndic.
Us recevroient' des leçons gratuites de mathématiques
, de lavis,, de fortification , de defîin , de
géographie , d’hiftoirc , de langue allemande , &c.
Ces leçpns leur feroient données par fix habiles
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profeffeiurs, nommés au concours. Le théologal
feroit chargé de la partie relative à la religion.
Une table fobre &fuffifante feroit, aÿeç 300 liv.
de penfion, pendant le cours de leurs .études, un
dédommagement de leurs travaux,. & des goûts
qu’ils facrifieroient au fervice de la fociété.
■ On donneroit à cette maifon des réglements
propres à y maintenir l’ordre, fans en bannir
cette liberté honnête, convenable à des hommes
parvenus à l’âge où la raifon doit être leur guide.
Un examinateur, nommé par le ro i, fe tranf-
porteroit, chaque année , au féminaire militaire
pour juger des progrès des élèves , & décider
quels feroient ceux qui auroient affez d’inftruétion
pour aller remplir une place d'aumônier dans un
des régiments .de fa majefté.
Un eccléfiaftique, élevé en dignité, feroit chargé
de l’examen des prônes militaires que les élèves
auroient çompofés & appris pendant leur - féjour
dans la maifon d’inftruéfion. Ces prônes expofe-
roient les dogmes de la religion, & principalement
les préceptes de la morale. Us feroient deftinés
à faire fentir aux foldats qu’on peut à la fois fervir
fidèlement fon Dieu , fon ro i, & fa patrie ; à
leur apprendre que la prière la plus agréable à
l’ être fuprême , & la plus fûrement exaucée eft
l’accompliffement des devoirs de fon état ; que
cet accompliffement doit être entier Sc fans ré-
ferve ; que celui qui en aura fait fon objet & fon
étude principale trouvera juftice & grâce aux yeux
de l’éternel, & que le facrifice de la v ie , en combattant
pour fon ro i, eft tout e.nfemble un facrifice
expiatoire & méritoire.
Le refpeéi pour fes fupérieurs , l ’amitié pour
fes égaux, l’humanité pour fes inferieurs dèvroit
fouvent occuper le zèle du millionnaire militaire.
Le prédicateur, en parlant de la difcipîine, la
mettroit au rang des premières vertus de l’homme
dé guerre , & lui démontreroit qu’elle eft elle-même
line de fes récompenfes. Il apprendroit aux foldats
que la moindre repréfentation , quand il faut agir ,
eft une faute grave ; que la répliqué eft un trait
de défobéiffance, & un commencement de rébellion
; que celui qui ne fçait point obéir ne
fçaura jamais'commander, & ne doit jamais parvenir
au commandement.
Tantôt il feroit naître l’émulation dans les âmes,
mais ce feroit en marquant l’inftant où elle prend
la teinte de l’envie.
Tantôt, en parlant des ordonnances militaires,
il feroit voir que celui qui leur obéiroit ponéiuelle-
ment feroit auffi heureux qu’il peut l’être relativement
à l’état de foldat.
U fe rappelleroit, en traitant des moeurs, qu’il
parle à des militaires ; il prouveroit qüe fans
moeurs il n’y a point de difcipîine, & fans difci-
pline point de viétoires ; que la corruption en ce
genre a plus détruit d’armées que les coups des
ennemis ; que le bonheur d’un homme de guerre
confifte dans l’eftime de fes chefs, dans l’amitié
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de fés égaux, dans le refpeéi de fes inférieurs,
& dans un tribut d’éloges & d’égards payé par le
réfte de la fociété ; mais que ces fentiments font
réfervés pour ceux qui joignent des moeurs pures
aux autres vertus de leur état.
Les âmes foible.s & püfillanimes peuvent chercher
à infpirer de la mort la même crainte &
la même horreur qui les agite : le millionnaire
militaire la leur peindroit fous d’autres couleurs. Si
en la montrant comme le terme de nos misères ,
& le commencement d’une vie heureufe , il ne
réuffit pas à la faire defirer , il parviendra du
moins à la faire entrevoir & même fixer d’un oeil-
calme.
En parlant de la valeur , il apprendroit ail foldat
qu’étant réglée & employée, à propos, elle a toujours
fon effet, & qu’à l’inftant où elle devient
imprudence , & témérité , elle ceffe d’être une
vertu, & devient prefque toujours funefte. Il
s’attacheroit .à lui faire fentir qu’il n’y a de vrai
courage que contre les ennemis de l’état , que
tout autre emploi de la bravoure eft une férocité
digne des peuples barbares.
D an s fes difcours , la lâcheté feroit toujours
repréfentée comme une infamie-, aux. yeux des
hommes , & comme un crime .aux yeux du Dieu,
des armées. U leur répéteroit fouvent ce qu’Abu-
fofian difoit à fes troupes à la bataille d’Yarmourc :
« Fidèles difciples du grand prophète, le ciel eft
devant vpus , l’enfer eft derrière ». La défertion
feroit un crime infamant, dont la punition commence
dans ce monde , & s’achève dans l’autre ;
l’ivrognerie , un vice qui dégrade l’homme & le
ravale au rang .des brutes. Enfin, l’amour dé la
gloire & des honneurs, fouvent funefte dans les
grands ôç dans les premiers chefs , feroit préfenté
comme une paffion utile & defirable dans le coeur
de tous les foldats.
Quelques fois, s’adreffant aux officiers , il peindroit
avec force la baffeffe des vices où ils s’abandonnent
, l’avantage &. la douceur des vertus qu’ils
devroient avoir. Les charmés de l’union & de l’amitié
, la franchife , la loyauté, la fimplicité de
nos anciens chevaliers, oppofés aux traits hideux
de l’envie & dé la haine, à notre luxe effrené ,
à notre faux & chétif efprit, pourroient couvrir
de quelque rougeur le front de fes auditeurs, &
en ramèneroient peut-être une partie à ces vertus
aimables & prefque ignorées. Quelquefois , élevant
fa voix jufqü’aux chefs , l’aumônier militaire ,
digne organe de la v é r ité , leur diroit que ceux-
là feuls.' font vraiment dignes de l’êtrè qui n’oublient
jamais qu’ils commandent à leurs égaux;
qué l’air altier', le ton impérieux, fimpoliteffe ,
l’entêtement accompagnent toujours l’incapacité ;
que l’homme digne de commander eft doux fans
fôibleffe, ferme fans dureté , fans prévention, fans
orgueil ; que l’exemple eft puiffant, & le leur
fur-tout ; qu’ils doivent être des modèles d’ôbéif-
fance , d’exaéiitude, ôt de beaucoup d’autres vertus,
C c i j