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horamès &. des feigneurs, auxquels on donnoît des
chefs ou des capitaines pour une campagne, pour
une bataille , pour les marches , 5c enfin d’archers
6 d’arbalétriers génois ; ceux-ci avoient peut-être
deS'Capitaines ôc des commandants de leur nation.
On y joignoit quelques cavaliers envoyés par les
communes des villes.
De-là venoit que la cavalerie légère françoife
n’étoit point’ cenfée faire.corps, & n’étoit guère
eftimée. C ’étoit la gendarmerie qui faifoit toute la
force de l’armée , tant par la bonté de fes armes,
que par la vigueur de fes chevaux, nommés alors
deftriers , dextrarii : c’eft--à-dire chevaux de bataille.
Aufli la cavalerie légère , telle qu’on vient
de la décrire, ne pouvoit tenir devant la gendarmerie
; & une ancienne chronique dit que cent gendarmes
fuffifoient pour battre mille autres cavaliers
non armés, c’eft-à-dire armés à la légère, parce
que les armes des gendarmes étoient prefque impénétrables
, & que. leurs grands & forts chevaux
culbutoient dès le premier choc ceux de cette cavalerie
légère. ( Chrome, Calmar, an. 12.98. ).
Celle-ci ne fervoit guère qu’à deux ufages ; le
premier à achever la déroute de la gendarmerie
ennemie , lorfque la gendarmerie françoife l’avoit
rompue : alors la cavalerie légère , fe divifant en
petits pelotons, pourfûivoit les gendarmes difper-
fés : plufieurs cavaliers attaquoient un gendarme,
& à coups de maffue & de hache le renverfoient
de fon. cheval , le prenoient ou le tuoient. On
employoit aufli ces chevaux- légers à^pourfuivre
l’infanterie après la défaite de l’armée ennemie, à
continuer d’y répandre le défordre , & à faire des
prifonniers : la gendarmerie viâorieufe ne pouvoit
pourfuivre les ennemis à caufe de la pefanteur de
les armes défenfives. On fe fervoit aufli de la
cavalerie pour battre l’eftrade, pour aller en parti,
& pour efeorter les petits convois : mais , quand
l’armée marchait, c’étoit la gendarmerie qui cou-
.vroit les v ivre s , les bagages, & l’artillerie.
C ’eft donc depuis Louis X I I , au plutôt, que :
doit commencer l’hiftoire de la cavalerie légère de
France. Le comte de Bufly-Rabutin, dans le pre- i
mier volume de fes mémoires , ou il a inféré un
petit traité de la cavalerie légère , marque l’origine
de cette cavalerie fous Charles Y I I I , prédécefleur
de Louis X I I , lorfque ce prince paffa en Italie ,
& prétend la trouver dans les cavaliers qui furent
nommés ejlradiçts ; mais on doit préférer à fon*
autorité celle de Brantôme, qui étoit plus près de
ces temps-là, & on ne voit point dans l’hiftoire que
Charles VIII ait eu l’idée de former un corps de
cavalerie françoife fur le modèle des eftradiots.
Cela paroît même évident par le témoignage de
Comines ; qui, parlant des eftradiots vénitiens, au
fujet de la bataille de Fornoüe, gagnée par Charles
V I I I , à fon retour de la conquête du royaume de
Naples, dit que cette efpèce de troupes, qui incommoda
fort les François avant la bataille , étoit alors
pour eux chofe fort nouvelle. Il paroît, par ces !
c a y
termes de Comines, que CharlesVIII, en paflant en
Italie, n’avoit point d’eftradiots dans fon armée.
M. de Buflÿ convient avec Brantôme que l’on
prit pour modèle en France la cavalerie albanoife,
a laquelle on y donnoit, comme en Italie, le nom
d’Eftradiots ou Stradiots : mais ils ne nous difent
point ce que l’on imita de cette cavalerie étrangère.
Celle que l’on forma ne faifoit point le même
lervice, & n’avoit point l’arzegaie , qui étoit
l’arme offenfive des Eftradiots.
Ils ne reflemblèrent peut-être à notre cavalerie
légère qu’en ce qu’on fit de celle-ci un corps particulier
, comme les Eftradiots en étoient un dans les
armées des Türcs & dans celles des Vénitiens ;
qu’on leur donna des capitaines & d’autres officiers
fixes, un commandant général, & un état-major ;
que ce ne furent plus des gens ramaffés & pris de la
fuite des feigneurs , des gentilshommes, des gendarmes
; mais des foldats levés exprès, & formés
en compagnies, pour fecourir les gendarmes dans
le combat, comme faifoient les Eftradiots.
Le maréchal de Fleuranges, dans fes mémoires
manuferits qui font à la bibliothèque du roi, nous
dit que Louis X I I , dans l’armée qu’il conduifit eiH
Italie lors de la révolte de Gènes, avoit deux mille
Eftradiots commandés par le capitaine Mercure. Il
y en eut encore depuis dans les troupes de France ,
& jufqu’au règne de Henri IV.
Il paroît donc que Louis XII forma dès-lors
quelques compagnies françoifes de cavalerie légère
; mais en petit nombre : & c’eft ce que donne
aflez à entendre Montluc dans fes commentaires ,
lorfqu’il dit, en parlant de M-. de Fontrailles, qu’il
étoit général des douze cents chevaux-légers, dont
la plûpart étoient albanois,
François Ier fuivit l’exemple de Louis X I I , &
eut un corps de cavalerie légère : on en trouve dans
fes armées dès l’an 1523 ; & il en augmenta le
nombre dans la fuite. En 1543 M. de Briffac fervoit
dans l’armée des Pays-Bas à la tête de quinze
cents chevaux-légers, parmi lefquels il y avoit aufli
des Eftradiots ou Albanois fous le capitaine Bé-
daigne, qui étoit de la même nation : mais il paroît
que ce fut principalement fous Henri II que cette
cavalerie fut nombreufe dans les armées. Ce prince,
dans fon expédition d’Allemagne en 1552., avoit
trois mille hommes de cavalerie légère, dont toutes
les compagnies étoient commandées par les. plus
grands feigneurs ; (ce qu’on ne voit point fous fes
prédécefleurs ). 11 en laifla aufli quelques-unes dans
les places frontières du royaume, & ces compagnies
commencèrent à être mieux difeiplinées qu’elles ne
l ’aVoient été jufqu’alors.
Les premières ordonnances concernant l.a cavalerie
légère font du règne de Henri II ; on y règle
la folde, le nombre des cavaliers dont les compagnies
feront compofées : on y diftingue les vieilles
& les nouvelles compagnies; ce qui fait entendre
qu’il y en avoit déjà eu quelques-unes inftituées
fous François P r. Quant à la folde , elles y fonjj
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■ miles'fur le pied des archers des compagnies d’ordonnance
; mais cela varia dans la fuite.
Il y eut d’abord fous ce règne des compagnies
de deux cents hommes , de cent, & de cinquante.
En 1553 , celles de deux cents furent réduites
à cent foixante, celle de cent à quatre-vingt,
& celles de cinquante à quarante.
On voit dans cette ordonnance que dès-lors il y
avoit un colonel & un mefire-de-camp de la cavalerie
légère ; ainfi le comte de Bufly-Rabutin a eu
raifon de placer en ce temps-là ces officiers dans la
cavalerie ; ôc cette inftitution prouve que ce fut
Henri II qui donna une forme à cette milice, devenue
enfùite très nombreufe dans les armées de
France ; au lieu que la gendarmerie au contraire y
a beaucoup diminué.
Quant aux Allemands &. aux Efpagnols, George
Bafta , fameux capitaine , qui fervoit dans les
troupes de la maifon d’Autriche en Hongrie &
aux Pays-Bas , & qui a écrit le premier fur la cavalerie
légère, dit qu’au temps de Henri I I , leur
cavalerie légère n’étoit pas bonne , & que ce fut le
ducd’Albe , q u i, étant venu commander aux Pays-
Bas en 1567, donna une bonne conftitution à cette
milice.
La cavalerie légère fut très augmentée fous
Henri IV : les guerres civiles avoient tellement
épuifé le royaume de grands chevaux, qu’on abandonna
les'lances dont on ne pouvoit guère fe fervir
qu’avec des chevaux de bataille, &. les exercices
des joûtes & des tournois, dont la jeune noblefle
n’avoit plus ni le temps ni les moyens de s’occuper.
La même chofe arriva en Hollande dans le
même temps : le comte Maurice de Nafl'au y
abolit les lances pour les mêmes raifons, & pour
celle qui fuit : c’eft qu’il falloit aux lanciers des
campagnes ouvertes & un terrein uni & non marécageux,
afin de prendre carrière de loin pour
aflaillir l ’ennemi : or le pays où il faifoit la guerre
étoit pour la plûpart un pays coupé & fourré.
Louis XIII eut aufli beaucoup de cavalerie
légère, & elle devint fous Louis X IV extrêmement
nombreufe ; non - feulement parce qu'il eut de
grandes armées., mais encore parce qu’à la paix
des Pyrénées il ‘fupprima toutes les compagnies
d’ordonnance qu’avoient les maréchaux de France:
& plufieurs autres feigneurs, & les réduifit aux
compagnies des princes, lefquelles fubfiftent encore.
Mais ces compagnies ne font plus gendarmerie
que de nom. Elles n’ont plus les armes, tant défenfives
qu’offenfives, qui diftinguoient la gendarmerie.
de compagnies, comme l’étoitla gendarmerie. Les
compagnies étdîent ordinairement plus fbrtes que
celles d aujourd’hui : chacune formoit un efeadron ,
& prefque toutes étoient commandées par des
gentilshommes & des feigneurs. On. ne voyoit
meme guère de lieutenant & de cornette de cavalerie
qui ne fut gentilhomme. Elle demeura ainfi
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• divîfée en compagnies jufqu’ën 1635 • a^ors on CIÎ
forma des régiments.
En difant que les régiments de cavalerie furent
inftitués en France l’an 1635 * on ne parle que des
régiments françois:, & non des troupes étrangères
qui étoient. alors au fervice de Louis XIII. Dès
ce temps-là leStrégiments de cavalerie de Batilly,
d’Egenfeld, de Heucourt, de Hums, de Rantzau ,
&e. étoient dans nos armées. Il y en avoit chez les
Efpagnols & .chez les Allemands, & ce fut à leur
exemple qu’on réfolut d’enrégimenter la cavalerie
françoife.
L’époque de cette inftitution fe prouve par
notre hiftoire. Jufqu’à cette année, toutes les fois
qu’on y parle de régiments françois, c’eft de l’infanterie
qu’on défigne, & la cavalerie n’y eft jamais
mentionnée que par compagnies ou par efeadrons.
On le voit aufli dans les deux volumes des mémoires
pour l’hiftoire du cardinal de Richelieu 1
ce ne font, pour la plus grande partie, que des
lettres de Louis X I I I , de fon miniftre, & des fVcré-
taires d’état, écrites aux généraux, aux arabaffa-
deurs , dans lefquelles commencent à pxroître les
régiments dé cavalerie , dont il n’eft point fait mention
auparavant.
On donna aux chefs des régiments de cavalerie
légère le titre de meftre-de-camp, & ils l’ont gardé
jufqu’à préfent. *■
Peu après l’inftitution des régiments de cavalerie^
on en fut mécontent, & dès l’année fuivante on
penfa à les fupprimer. C ’eft ce qui paroît par une
lettre de M. des Noyers à M. de la Meilleraye *
datée de Chaillot le 16 juillet 1636, & par une
autre lettre du mêmeSecrétaire d’état à M. le comte
de Soiffons , du 30 du même mois.
D ans la première il dit : « Le roi met la cavalerie
en efeadrons au lieu de régiments : fon éminence
n’a point eu de fatisfaéfion de fon régiment
ni du vôtre ».
Dans la fécondé : « Le roi vous envoie un ordre
pour diftribuer la cavalerie par efeadrons de trois
compagnies,chacun félon le rang de leur ancienneté;
n’ayant pas trouvé celui des régiments bien convenable
à l’humeur françoife,& a à cet effet révoqué
touts lefdits régiments en toutes fes armées ».
Il eft néanmoins confiant, par plufieurs lettres
des fecrétaires d’état, que cette révocation n’eüt
point lieu , & que, loin de fupprimer les régiments
de cavalerie, on les multiplia beaucoup.
Depuis qu’on eut mis la cavalerie légère en régiments,
on en fit de diverfes efpècés. Il y avoit dès
l’an 1635 un régiment de moufquetaires à cheval
du fleur de Jouy, en 1640 un régiment de fùfi-
liers à cheval du cardinal de Richelieu, en 1643
un régiment de fufiliers du roi. On créa dans la
fuite une compagnie de moufquetaires à cheval
dans chaque régiment. Les autres cavaliers avoient
les piftolets, l’ép é e , .& le moufqueton. Sous le
règne de Louis-le-grand on y mit des carabiniers.
L’inftitution des régiments de cavalerie produifiî;