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comme les fufillers : s’ils étoient obligés d’enfoncer
la balle à coups de marteau fur la baguette de
fer j ils ne tireroient pas trois coups, à moins que
les ennemis ne fiffent quelques pofes dans leur
marche.
Je voudrois donner à un régiment de dragons,
qui dans plufieurs occafions. fert. à pied , les
mêmes munitions qu’à un bataillon de nombre
égal, Ôc trois coups pour le piftolet, en fuppofant
que chaque dragon en a un, ôc qu’à, la place de
l’autre il porte un outil de pionnier, comme c’eft:
aujourd’hui l’ufage.
Je ne donnerois à la cavalerie légère que fix
coups à chaque homme pour le. moufqueton,
quatre pour le piftolet, & quatre coups de plus à
chaque carabinier, avec quelque, poudre de ré-
ierve aux uns & aux autres, pour amorcer de
nouveau. Comme le moufqueton ne porte pas.
fort loin, ÔC que les coups tirés à cheval ne
s’ajuftent pas fi bien, on ne s’en fert que dans
une marche où n’ayant ni infanterie, ni dragons,
■ on fait mettre pied à terre à quelques cavaliers,
outre leurs carabiniers, pour franchir un paffage
•défendu par des payfans , ou par quelque peu
d ’infanterie ennemie : mais , dans les batailles, les
cavaliers & les dragons à cheval ne devroient
pas tirer un coup , fur-tout s’ils ont des chevaux
•d’Efpagne, q u i, par leur vivacité ôc leur ardeur.,
mettent le défordre dans les efcadrons au bruit
des coups de fufil que tirent ceux qui les montent.
C ’eft pour cela que la cavalerie efpagnole ne
tire jamais dans ces occafions. D ’ailleurs , lorfque.
ta cavalerie tire de près , fi les ennemis courent
pour aborder , les cavaliers qui auront' tiré fe
trouveront embarraffés. de leurs, fufils ou de leurs
moufquetons, ôc n’auront peut-être pas le temps
de les remettre dans, le porte-fufil. ou. dans, le
porte-moufqueton..
. Les carabiniers de cavalerie ou de dragons,
peuvent fe fervir. de leurs armes rayées, depuis
l ’inftant où leurs ennemis font à la diftance d’environ
fix cents pas, jufqu’à ce qu’ils arrivent à la
portée des fufils ordinaires ; Ôc, pendant que les.
ennemis ont encore à parcourir cet intervalle, de
quatre cents pas ,Jes carabiniers de cavalerie ôc de
dragons ont tout le temps-de mettre, leurs armes
dans le porte-fufil ou le porte-moufqueton.
Je fuppofe les fufils de l’infante rie.& des. dragons
égaux en toute chofe. Je fuppofe aufli que . les
moufquetons des cavaliers., leurs piftolets, ÔC les
piftolets des-dragons font égaux en calibre-, & en
platines. De cette manière il ne. faudroit dans les*
magafins de. campagne que des.pierres à fufil dé
deux différentes grandeurs , & des balles, de quatre
fortes ; fçavoir des balles du poids de fix huitièmes
d’once, pour les fufils de l’infanterie Ôc des dragons
; des balles d’une once^pour les carabiniers,
de, ces deux mêmes corps; des balles de demi-
once pour les moufquetons des cavaliers, pour
leurs piftolets & ceux des dragoqs, & de§ J?allçs.
de cinq huitièmes d’once pour les carabiniers- ds
la cavalerie.
Outre les; pierres que les-foldats ont à leurs»
armes , je voudrois- qu’on en donnât deux de
rechange à chaque fantafiin ôc dragon pour le
fufil ; un à chaque dragon pour- le piftolet ; ôc
deux à chaque cavalier , qui ferviffent indifféremment
pour le piftolet ôc le moufqueton.
Pour l^s meilleures platines à l’efpagnole qui
ont des reflorts extrêmement forts , &. dont la
batterie eft rayée , il faut des pierres épaifies par
le côté qui entre dans la mâchoire du chien, Ôc
point trop minces à la partie oppofée qui frappe
[ contre la batterie. On doit les choiftr de couleur
rougeâtre ; les blanches font trop dures ; & , quoique
les noires ôc les grifes faflent beaucoup de
feu , ôn a ton jours- éprouvé qu’elles - étoient trop
molles pour nos platines efpagnoles.,
Les platines à la françoife demandent dés pierres
déliées, tranfparentes, ou grifes. Elles.doivent être
plates ;,fi elles-font hautes par. derrière , elles ne.
frappent la batterie que près du baftinet ; Ôc, fi ora les.
met de revers -, elles caftent au premier coup.**
Pour quelques platines que ce foit, il faut rebuter
les pierres dont les veines ne font pas droites
ou qui font entremêlées de veines de . terre ou
de couleur d’albâtre: ces matières étrangères empêchent
l’union des parties de là pierre , ôc font;.
qu’elles, caffent.trop aifément. On. donne jufqu’à.
trois ou quatre grenades à chaque grenadier d’infanterie.
ou de dragons, lorfque parv un deffein
déterminé on va pour défendre ou pour attaquer.'
un retranchement- ou- quelques mai-ions fortifiées.-
Mais-, quand on n’a en vue que de fe pré cautionner
contre quelque rencontre imprévue , ÔC
qu’on ne, veut pas charger les foldats d’un poids*
exceflifjon ne donne, qu’une grenade à chaque,
grenadier. Elles* peuvent fervir dans une bataille-.
pour: déloger une troupe ennemie ; qui ; duranfr-
le combat, ou dans la retraite , tâche de trouver
fa fureté derrière, des murailles, ou.dans quelque,
maifon...
Afin que lés foldats ÔC les dragons puiffent p o r ter
le nombre de charges que j’ai propofé, au lieu
de ces petites cartouches-de- bois qu’ils - ont aujourd'hui
, il faudroit leur donner de grandes gibernes
de cuir , un peu moins grandes que celles-
des.grenadiers ; diviféespar trous ou petites fepara—
tions de. cuir,jo u de fer-blanc.; pour mettre dans*.
chacune de ces féparations- une» charge, de leurs-,
armes ; ÔC, f l , pour, ne pas-faire; ces gibernes trop-
amples , elles ne contenoient- que deux rangs de.
dix trous chacun, les dix charges reliantes pour-
roient fe. mettre enfemble: dans une petite bourfe*
de toile,..de drap,.ou.de peau, que le foldatpor—
teroit attachée aux mêmes gibernes*
Avec, ces grandes, cartouches, le-foldat a l’avan»'-
tage de porter un petit flacon avec un peu d’huiles
pour fon fufil, un moule pour les charges de fora*
arme, un petit; bâtçn ? ua morceau de drap, & de.--
ïa pouffière de brique pour polir le canon, quand
-ïl n’eft pas bronzé; des grenades, lôrfqu’ il doit
faire la fonétibn de grenadier ; de la bourre, un
^tire-bourre , des pierres , un petit marteau , &
autres menues choies que les cartouches d’aujourd’hui
ne fçauroient contenir. En 1717 le régiment
des Afturies fit faire de ces gibernes ou grandes
cartouches , ôc divers corps d’Efpagne fuivirent
cet exemple. Le premier qui en donna l’idée ôc
le confeil fut don Jofeph Tinéo, alors major de
mon régiment, aujourd’hui capitaine des gardes
Efpagnoles, ôc un des plus habiles officiers que
j ’aye connus.
En donnant trente coups par homme à chaque
fantaffin & à chaque dragon , vos foldats fe trouvent
pourvus des munitions néceffaires s’il fur-
•vient quelque combat inopiné , où l’on peut n’être
pas à portée de faire diftribuer aux troupes des
munitions de réfer-ve. D ’ailleurs c’eft une épargne
.pour le fouverain , qui pendant toute la campagne
eft obligé d’entretenir des mulets pour le tranf-
port de ces vingt coups par homme, au-defiùs des
dix que les cartouches actuelles de l’infanterie ÔC
des dragons peuvent contenir.
Celles de la cavalerie devroient être comme
celles que l’infanterie a préfentement ; puifque je
ne propofe pour là cavalerie qu’un nombre de
coups beaucoup moindre. Elles devroient être
feulement un peu moins hautes ; afin que l’extrémité
fupérieure de la charge pour le moufqueton
ou le piftolet pût paroître.
Je fuppofe qu’une armée , qui a fon parc d’artillerie
a une quantité fuffifante de poudre , de
balles , de grenades, ôc de mèches pour faire cinq
diftributions complettes des munitions néceffaires
aux troupes qui ne vont pas attaquer des
places. Mais , fuppofe- qu’on éloigne le grand parc
par les raifons que j’ai déjà dites, il faut toujours
laiffer dans le parc ambulant les munitions dont
j’ai parlé : à la veille d’un combat on les fait charger
fur des mulets, ainfi que je l’ai dit des y ivres.
Les munitions ne manqueront point dans un
combat à des troupes qui ont trente coups par
homme, à moins que les deux armées, féparées
par un canal, ou par quelque autre obftacle , ne
foient longtemps à fe fufiller, parce qu’aucun des
généraux ne veut être le premier à céder du ter-
rein , ou que ni l’un ni l’autre ne veut s’expofer
à être défait en allant à la charge.
Il fe peut cependant que des corps détachés,
qui ont confumé une bonne partie de leurs muni- j
tions viennent rejoindre l’armée pendant la ba- I
taille. Pour prévenir ce qui pourroit arriver en
pareil cas , ou en tout autre femblable , faites
défenfe aux troupes de demander tout haut des
munitions, en quelque occafion que ce puiffe
être, parce que ce feroit relevèr le courage des
•ennemis qui l’entendroient, ôc abattre le coeur de
-.vos troupes.
:Un officier fort éclairé m’a donné deux ayis
que je crois utiles. Le premier eft que les balles
pour les fufils carabinés devroient être de même
diamètre que les autres. On les feroit faire dans
un moule qui laifferoit tout-au-tour comme une
petite bave de plomb fort déliée , qui fuffiroit
pour remplir les rainures du fufil, en enfonçant
feulement la balle avec la longue baguette de fer ,
fans employer tant de temps à l’enchaffer à
coups de marteau fur la baguette courte. Si cette
idée étoit fui vie , au lieu de quatre balles que
j ’ai propofées pour chaque carabinier d’infanterie ÔC
de dragons, on pourroit leur en donner huit, ÔC
de la poudre à proportion ; les carabiniers, étant
moins longtemps à charger avec les balles de
cette nouvelle invention , auroient le temps de
tirer un plus grand nombre de coups, jufqu’à
ce que les ennemis fuffent arrivés à la portée des
fufils ordinaires.
Le fécond avis de cet officier eft qu’au lieu de
vingt cartouches à balle Ample que j’ai propofées
pour chaque fantaffin ÔC pour chaque dragon, on
leur donne dix balles de fept huitièmes d’once ,
détachées de la cartouche , pour tirer en bourrant
fortement la poudre , depuis la diftance de
quatre cents cinquante pas jufqu’à celle de trois
cents cinquante. Ces balles étant plus groffes que
celles dès cartouches porteroient plus loin.
Dès que les régiments feront en bataille, l’aumônier
de chaque corps lui fera une courte exhortation
, ôc lui donnera l’abfolution générale.
Un peu avant le combat , les aumôniers de la
fécondé ligne, ôc ceux des corps détachés paffe-
ront derrière cette ligne, ôc s’y retireront également
; ceux qui auront affez de charité ôc de
valeur demeureront entre les lignes, pour réconcilier
les moribonds qu’ils jugeront ne pouvoir
pas arriver en vie aux petits hôpitaux du premier
fang. Les aumôniers de la première ligne pafferonf
à la v ille, ou au village voifin du camp , que l’on
aura.deftiné pour l’hôpital général.
Les chirurgiens de la fécondé ligne , ôc ceux des
corps détachés entre les lignes, fe porteront derrière
les réferves. Ils y tiendront des feux allumés ,
ôc touts les inftruments de leur métier préparés,
comme aufli le linge , la charpie , les bandes, Ôcles
remèdes néceffaires , tirés de l’hôpital général ; il
ne faut pas compter feulement fur les bleffés de
votre armée, mais encore fur ceux de l’armée
ennemie , ainft que la charité, la politique, ôc les
égards réciproques y obligent. Dans une armée
de vingt mille hommes , qui en combat une de
pareil nombre , on peut compter, dans les deux
enfemble fur quatre ou cinq mille bleffés.
Les chirurgiens des troupes de la première ligne
iront à l’hôpital général établi dans la ville ou
le village voifin. Je fuppofe qu’on y aura choifi
les édifices les plus grands ôc les plus commodes ,
ôc qu’outre les lits du même hôpital on en aura
pris plufieurs autres de la ville ôc des lieux vôffin??
Pour retirer les bleffés ôc les faire porter à
K k i j