défenfeurs ï & de prouver que leur défaite eft
l’effet du malheur & non du manque de courage.;
En parlant des dragons , nous avons dit que le
fufil armé de la ^fo/îefrrparoiflbit leur -être inutile
quand ils font à cheval. Ne feroit-il pas pof-
fible de l’employer même alors avec 'avantage ?
On pourroit , par exemple , mettre î’-arme de'
longueur en arrêt comme la lance ; le -fiifil &.fa>
baïonette étant plus courts feroîent plus faciles
à manier. Le cavalier pourroit conduire fori
cheval avec la main gauche , appuyer la crofle
contre la hanche & foutenir l’arme avec la main
droite. Il me femble qu’une troupe d’infanterie en
colonne pourroit être percée par un pareil choc.
La trouée étant faite, le cavalier redrefferoit fon
arme , mettroit le labre à la main, & chargèroit
les ennemis qu’il trouveroit en dêfordre.
Nous ne propofons ce dernier emploi de la
baïonette que comme un doute. L’opinion qu’on
en concevra ne doit influer en rien fur les autres
avantages de cette arme.
PalTons aux objections qu’on pourroit nous
faire.
P R E M I È R E O B J E C T I O N .
La cavalerie ne doit jamais faire feu ; s’ébranler
au pas, continuer au trot, aborder au galop , telle
eft la manière dont elle doit combattre, quand
elle eft en corps ou en détachement. Audi n’eft-ce
point pour cette circonftance que nous l’armons
d’un fufil; mais pour celles que nous avons indiquées
ci-deffus. Quelque officier de cavalerie,
ennemi de cette manière de combattre, parce
qu’elle demande plus de nerf qu’une fufillade,
s ’amufera, dira-t-on peut-être, à tirer au lieu de
marcher à l ’ennemi, & s’y croira autorifé par fon
armement. Si l’on calcule d’après les abus , il faut
fe taire. On ne doit jamais en faire le fond des
objections , fur-tout quand elles font auffi aifées à
détruire. On peut renverfer celle ci en preferivant
par une ordonnance que : fous quelque prétexte que
ce foit , une troupe de cavalerie , étant à cheval &
pompofèe de plus de quatre cavaliers , ne fera feu*
S E C O N D E O B J E C T I O N
Lebon cavalier efi un homme précieux>, il faut le
conferver. Je conviens que les bons cavaliers font
rares , qu’il faut beaucoup de temps pour les
former, & qu’on doit les conferver avec foin.
Mais, en prétendantque l’armement offenfifpropofé
caufera une plus grande cbnfommation d’hommes ,
on calcule encore fur un abus. T ont général habile
sr’emploira les cavaliers à pied que quand la né-
ceffité l’exigera ; en fuppofant qu’on s’en fervît
trop fouvent, on gagneroit d’un côté ce que l’on
perdroit de l’autre. L.es cavaliers qui furvivroient
aux périls auxquels on les auroitexpofés en feroient
beaucoup meilleurs foldats. Et à la guerre on
doit moins compter les combattantsque pefer
leurs qualités.
On fe plaint communément que la cavalerie ne
voit pas allez fouvent l’ennemi ; que cet ufage eft
nuifible au fuccès des affaires , parce qu’il n’y a
de bon militaire que celui qui eft aguerri, de qu’on
rie s’aguerrit que dans les combats. L’armenlent
offenfif propofé obvie à cet inconvénient ;Timpof-
fibilité de faire fervir le cavalier fans fon cheval
étant détruite , on familiarifera, : par ' de petits
combats, l’homme avec l’ennemi, & le cheval
fera réfervé pour les affaires générales ou importantes.
Le cheval a , j ’en conviens , autant beioin
d’être aguerri que l’homme ; ou , pour mieux dire,
il eft néceffaire qu’il * foit accoutumé au feu ,. à
l’èxplofion de la poudre, aux cris des foldats y à
l’éclat & au cliquetis des armés : mais ce n’eft pas.
a l’armée qu’il doit recevoir ces leçons ; il doit1
arriver tout formé dans le camp. En effet, il peut recevoir
d’auffi bonnes- inftru&ions dans les combats
fimulés , qu’au milieu des horreurs d’une mêlée ,
tandis que l’homme ne peut être formé , à cet
égard , que fur un champ de bataille.
T R O I S I È M E O B J E C T I O N .
Le cavalier ejl déjà très occupé ; Vobliger Rapprendre
les exercices de Vinfanterie feroit T accabler
de devoirs. Le dragon e f t - il furchargé par ces
exercices ? Le cavalier lui-même n’eft-il pas obligé
d’apprendre à manier fon moulqueton ? La marche,
cette partie effentielle des exercices de toute troupe
à pied , 11e demandera que quelques leçons- déplus ;
parce que le cavalier connoît déjà - la théorie & la
pratique des alignements ; fi on ne fait pas de changement
dans les exercices , - & fi on exerce à
pied la cavalerie une fois ou deux par fomaine, elle
fora avant deux ans auffi inftruite qu’elle doit l’être ;
& , en fe rendant doublement utile, elle jouira fous
un plus jufte titre de la haute paye qui lui eft
attribuée,
<2 U A T R 1 È M E O B J E C T I O N .
Le fufil généra la cavalerie quand elle chargera
V ennemi. Le dragon n’eft pas gêné : comment le
cavalier le feroit - il f Le dragon trote , galope
autant & plus que le cavalier ; il monte à cheval
& en defeend auffi facilement. La conclufion eft
évidente.
C I N Q U I È M E O B J E C T I O N
H riy aura plus de difiinElion entre le cavalier
& le dragon. Il feroit très mal adroit d’ôter cette
diftinétion ; elle excite entre ces deux corps une
heureufe-rivalité ; mais ne reftera-t-il pas toujours
la taille de l’homme-, celle du cheval, là.euiraffe,
le plaftron ,4e cafque ? Ne reftera-t-il pas* encore
la couleur de l’iiabit 6c les différentes dénommatîons
? Toutes ces différences font très fenfibles ;
quelques-unes conftitutives J &. par conféquent
nécefiàires.
S I X I È M E O B J E C T I O N
Ce que nous avons, dit de cavalerie peut s’appliquer
aux chevaux légers , & ce qui concerne
les dragons regarde auffi les chaffeurs à cheval :
airifi nous n’ajouterons, rien de particulier pour ces
deux corps.
A rme d e ma in p o u r l’I n f a n t e r i e .
IV. La baïonette, telle que nous l’avons propofée,
fera la reine des armes, pour le fantaffin ; mais lui
fuffira-t-elle $ N’y a-t-il pas des moments, où il ne
peut en faire ufage Tels font une mêlée v iv e ,
un paffage de -rivière , un aflaut, un combat dans
un bois; en un mot, tous les inftants où la main
gauche , étant occupée ailleurs, ne peut aider la
droite, à foutenir & à manier Karme de longueur.
S i, dans ces circonftances décifives, elle eft dépourvue
d’une arme de main, elle doit avoir du
défavantage contre des troupes mieux armées
malgré fa valeur , elle fuccombera. Donnons^lui
donc une épée ; alors toute, troupe qui ne fera pas
armée corçime elle fera vaincue par la fupériorité
de l’armement, & celle, qui fera auffi bien armée
pourra être défaite par la. fupériorité du courage;
Tel eft l’avis prefque unanime des militaires; ils
voient avec peine que l’infanterie ne. foit-pas
pourvue d’une arme qui lui affine la vi&oire , quand
elle trouve la poffibilitéde joindre l’ennemi corps
à corps. Si,.outre ce' défir .prefque général, qui
nous paroît d’un très f^rand poids , on vouloit
d’autres autorités, il nous feroit aifé de montrer
les Grecs, les Romains , les Daces, lesParthes ,
les Gaulois , les Germains ; en un mot, la plupart
des peuples anciens armés . d’un fabre ou d’une
épée-,- en même temps qu’ils- portoient des piques,
des lances, & d’autres armes de jet ou de.longueur ;
nous pourrions faire yoir que les François, dans
leurs différentes âges. , ont eu des épées , ,des
haches , & d'autres armes de main ; nous po.urr
rions extraire touts les anciens auteurs, faire
voir qu’ils-recommandent d’armer l’infanterie d’une
épée; fi nous defeendions aux modernes, nous
entendrions Maurice de Saxe, Puifégur, Folard ,
& plufieurs autres, demander Une épée, pour ]'inT
fanterie françpife..
Quant à fa forme, fi les auteurs.militair.es;anciens
& modernes-ne s’étoiênt pas réunis en faveur
de l’épée efpagnole, que les Romains adoptèrent
auffitôt qu’ils la connurent: ce poi^ot demandero.it
quelque difeuffion ; mais la réunion des opinions ,
& les viâoires continuelles que les-Romains remportèrent
avec l’épée , forment ;, en faveur de cette
arme , une préfomption trop forte pour que..nous
jie.bprniotis pas ici nos recherches. En effet, l’épée
romaine, étoit par fa forme également fufceptible
de frapper d’eftoc & de taille : tranchante des
deux côtés, elle frappoit d’avant & d’arrière main.
Forte & roide , elle ne plioit jamais. Sa longueur
étoit d'environ vingt pouces : on pourroit peut-
être , fans inconvénient, lui en donner quelques-
uns de plus. Par exemple , quatre , ou même fix ,
& cette arme ne gêneroit point la marche.
Mais- vingt-fix pouces ne- font-ils pas la longueur
que nous avons donnée à notre baibnette ? N’avons-
nous pas vu auffi que cette arme devoit être large,
forte , & tranchante des. deux côtés ? Puifqu’elles
ont l’une & l’autre les mêmes dimenfions , & qu’il
fe préfente peu de circonftances où l’on puiffe
faire ufage en même temps de l’une & de l’autre ,
ne pourroit-on pas faire de l’épée la baïonette ?
M. le maréchal de Saxe le penfoit ainfi. Il pre--
pofoit une baïonette à manche pour fes premiers
rangs, & vouloit qu’elle leur fervît d’épée. Mais
ce grand homme avoit - il bien réfléchi que fa
baïonette devant entrer dans le canon, la poignée
devoit être d’un diamètre bien moins confidérable
que celui, qui eft. néceffaire pour remplir la main.
Avoit - il pourvu au moyen d’empêcher le foldat
de perdre fa baïonette en bleffant fon ennemi ? Son
épée-baïonette à manche étoit donc vicieufe ? En
faifant de légers changements dans la douille de
la nôtre., en l’allongeant d’un demi-pouce-à-peu-
près , en plaçant de légères arrêtes , qui cou-
peroient la circonférence à angles droits, 6c en»
y adaptant un reffort fimple , mais folide , qui*
retiendroit la baïonette au bout du canon ; on auroit
pourvu l’infanterie d’une arme propre à combattre
l’ennemi corps- à corps , d’une arme utile dans
plufieurs circonftances, fans avoir augmenté fos
dépenfos de; l’Etat , &. fans avoir furchargé l e
foldat d’une arme & d’un poids inutile.
Le foldat, ayant une épée, febattra, dit-on ,.
plus* fréquemment.. Cette alfertion eft douteufe. 11-
eft aifé de cacher une baïonette ; mais l’arme pro-
pofée ayant vingt-fix pouces , fera plus difficile à
cacher.- En fuppofant même que les foldats fe
battiflent plus fouvent, il eft vraifembiable que
l’Etat ne perdroit pas tant de fujets. De toutes les
armes, la baïonette aétuelle eft la plus meurtrière ,
foit par les coups fourrés qui en réfultent , foit
parce qu’étant très courte , i l n’eft guère poffible
d’en parer les coups, portéspar un bras très vipou-
reux. Mais l’arme propofée. fut-elle plus meurtrière'
que la baïonette, occafionnât-eile un plus grand
nombre de duels, ces.raifons , qui ont pour caufe
des abus-faciles à réprimer V. D u e l s ) , ne
doivent pas empêcher d’adopter une- arme offen-.
five auffi néceffaire [C ].
BALLISTE. Machine à lancer-des pierres. Elle
a été employée, depuis les plus anciens temps
jüfcfu’à- celui où l’on a fait uiage de. la poudre
pour lancer des corps pefànts. ( V. Diéliorud'antiq. )„
BALLISTIQUÊ. Science de la projeéHon des
corps pelants. ( V. Dirions, de mathem. & Diélior;.
d’artill. ).