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vais pas "3 crainte de quelque embufcade j qui
feroit plus dangereufe fi elle étoit fur un flanc ;
la défenfe que vous auriez à oppofer feroit
beaucoup moindre que fi l’embufcade fe trou-
voit fur le front.
Cælar , vainqueur des Morins & de leurs alliés,
pourfuivoit les fuyards. Le premier jour fes
troupes s’avancèrent inconfidérément dans le bois
par lequel les ennemis faifoient retraite, & il y
perdit beaucoup de monde. Le lendemain , pour
éviter les embufcades & une perte femblable à
_ celle de la veille, il fit couper les arbres de part
& d’autre à mefure qu’il avançoit, afin que ces
grands abattis fuffent un obftacle aux ennemis,
qui, cachés & en embufcade, auroient voulu venir
fondre fur les ailes de fon armée.
Le conful Quintus Martius , pourfuivant les Ligures
qu’il avoit battus , donna dans une embufcade
, & y perdit quatre mille hommes.
Etelred Ier, roi d’Angleterre , ayant obfervé
qu’Agnère & Ubon , généraux de l’armée danoife,
le pourfuivoient avec peu d’ordre , rallia fes
troupes, les embufqua , & les Danois vi&orieux
furent vaincus à leur tour.
Quelques généraux, pour obliger l’armée ennemie
qui les pourfuivoit, de faire halte dans la
crainte de quelque embufcade, ont ordonné à
différents petits partis de fe laiffer voir adroitement
dans les bois & fur les montagnes qui
étoient au front ou aux flancs. Pour éviter que
les ennemis, par un pareil ftratagème , ne retardent
la marche de votre armée , il faut que_ vos
partis avancés aillent reconnoître en même temps
qu’ils vous donnent avis qu’ils découvrent quelques
troupes ; & , s’ils voient que ces troupes qu’ils
avoient découvertes ne font qu’en petit nombre ,
ils doivent au plutôt vous en inftruire par un
fécond avis. Lorfque ces bois ou ces montagnes
n’ont pas allez d’ctendue pour cacher un nombre
confidérable, n’arrêtez point la marche du gros de
votre armée , quand même vos partis avancés
vous donneroient avis qu’ils découvrent des partis
ennemis.
Ne pourfuivez jamais pendant la nuit un gros
corps qui fait retraite , fur-tout fi les étoiles & la
lune n’édairent pas , ou fi l’obfeurité , qui eft plus
grande dans les bois , empêche vos batteurs d’ef-
trade de reconnoître les- environs du chemin ; vous
vous expoferez encore à un plus grand danger, fi
le pays par lequel les ennemis font retraite leur
eft mieux connu qu’à vos troupes; quand même
vous auriez pris la précaution d’avoir de bons
guides. Mais* fi quelque motif particulier vous
fait prendre la réfolution de pourfuivre Kennemi
pendant la nuit, la prudence exige, pour votre
propre gloire, & pour la fureté de vos-troupes,
que vous mettiez en ufage les préceptes qui feront
donnés concernant les marches.
Si vous voyez, foit de nuit, foit de jour, que-,
malgré toutes vos précautions, y,os foldats. fe. font
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arretés en grand nombre pour piller le camp ; que
plufieurs , par une ardeur indifcrète , fe hâtent
daller en avant pour atteindre plus promptement
1 ennemi , & que quelques autres retardent la
marche par laffitude ; faites battre la retraite avant
que le défordre augmente, & détachez des patrouilles
de cavalerie, avec des officiers fages &.
d un certain grade , qui s’avanceront vers l’avant-
garde , afin de raffembler les troupes débandées.
Daphnee, général des troupes de Syracufe , fit
battre la retraite dès qu’il vit que fon armée
pourfuivoit en défordre quarante mille Carthaginois
qu’il avoit défaits près d’Agrigente. Si les ennemis
que vous avez mis en déroute font encore en-
femble en grand nombre, & fi leur courage n’eft
pas entièrement abattu votre armée ne doit jamais
tant craindre d’être défaite que la nuit qui
fuit votre viéfoire ; parce que la confiance &. la
laffitude rendent les troupes viéforieufes moins
vigilantes : les foldats s’abandonnent à la joie, &
aux divertifïements , qui font ordinairement un-
commencement de défordre ; ils ne font plus capables
d’une garde exaéfe ; ils s’abandonnent à un
fommeil pefant , caufé par l’excès des aliments
&. du vin qu’ils trouvent dans le camp ennemi r
ou qu’ils achètent des vivandiers avec le butin
qu’ils ont fait. Il peut même arriver que les ennemis
laîffent à deffein dans leur camp, ou aux
environs, des vivres en abondance., afin que vôtre-
armée s’en puiffe remplir outre mefure ; ils peuvent
même mixtionner le vin de maniéré qu’une très-
petite quantité fuffira pour enivrer.
Les Romains battirent près d’Agrigente l’armée*
carthaginoife, commandée par Hannon. La négligence,
que la confiance & la laffitude introdui-
firent parmi les vainqueurs, fut fi grande qu’An-
nibal , affiégé dans cette place , en- fortit avec-
fa garnifon , 6 t , paflant à minuit- près des- lignes
romaines, fe retira fans obftacle;
Molon, chef de l’armée des rebelles contre An-
tiochus, roi de Syrie, abandonna une nuit fou
camp & fon bagage; Xénète , général-des troupes
d’Antiochus , perfuadé que la frayeur avoit obligé
les ennemis-à fa retraite-, occupa leur camp. Au
point du-jour , Molon vint fondre fur les troupes
d’Antiochus, qui dormoient avec tant de fécurité,
qu elles furent plutôt vaincues que réveillées- par
leur général..
Les Syracufains, ayant gagné une Bataille contre
Denys ne pensèrent, plus qu’à manger-, a
boire , & à fe livrer à toutes fortes de divertiffe—
ments. Nypfius général; du prince, en eut con—
noiflànce : il vint les attaquer , les trouva ivres,
dormants & les- défit, fans peine;
Dans la guerre-de Guftave contre Chriftierne
celui-là fe-rendit maître de la place de Vefteras ;
les Suédois y trouvèrent beaucoup d’eau-de-vie,
& en burent avec excès* Le gouverneur du château
, qui ne s’étoit point encore rendu, en ayant
eu connoiffance, fit une fortie fur. les Suédois ,,
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qm étant ivres, & fans armes, né fe trouvèrent
pas’en état de faire la moindre réfiftance.
* Grimoald, roi des Lombards, fçachant que les
Francs aimoient le vin , feignit de les craindre ,.
& fe retira , en abandonnant quelques bagages,
tentes, & provifions, mais fur-tout- beaucoup de
vin. Les Francs fe débandèrent , coururent au
pillage , & principalement au vin. Grimoald ne
tarda point à revenir fur fes pas, & eut plus de
peine à les éveiller qu’à les vaincre.
Pendant que les Ruffes faifoient , en 1678 , le
fiège de Skid , Lofnowuski, gouverneur de la
place, fous prétexte de capitulation , obtint une
fufpénfion d’armes , pendant laquelle il regala les
affiégeants de trois tonneaux d eau-de-vie , & de
vingt-deux tonneaux-d’une autre liqueur enivrante.
Les Ruffes burent fans modération ; & , ’lorfque
Lofnowuski jugea qu’ils feroient hors d’état de
fe défendre , il fit une fortie fur eux , & il ne lui
en échappa qu’un très petit nombre, qui prit la
fuite avec leur commandant Pultora-Kç>fuck.
Créfus donna d.e même à Cyrus le confeil de
s’avancer d’une marche au-delà de l’Araxe, d’abandonner
enfuite une partie de fon bagage le moins
important ; de laiffer fur-tout beaucoup de vivres
& de vin ; de fe retirer comme fi la frayeur Fobli-
geoit de prendre la. fuite , & de tomber par une
contre-marche fur les ennemis, lorfque le vin les
auroit mis hors d’état de combattre. Cyrus fuivit
exactement ce confeil, & réuffit complètement.
Les Maffagètes furent furpris , égorgés, ou faits
prifonniers. Spargabife , fils de Thomyris, qui,
avec un tiers de l’armée de la reine fa mère , étoit
venu occuper le camp que les Perfès avoient
abandonné, fut pris &. mené à Cyrus.
Donald V I , roi d’Ecoffe , envoya à Svénon ,
roi de Norwège , qui le tenoit affiégé dans. Berta ,.
un préfent des vins les plus exquis ,. & des plus
beaux fruits de fon royaume ; mais on avoit mêlé,
à ces vins, le fuc d’une certaine herbe , & on y
avoit. auffi trempé les fruits. Ce fuc , fans faire,
d’aiitre mal, caufoit pendant quelques heures un
fommeil très profond. Les Ecoffois , qui portèrent
ce préfent à l’armée de Svénon , en firent l’épreuve
, en mangeant de ces fruits , & en buvant
de ces vins , afin d’ôter toutfoupçon aux. troupes,
norvégiennes* Cette rufe eut l’effet qu’on s’en étoit
promis. Machbeth , général“ de Donald., marcha
contre, les affiégeants , les trouva prefque touts
endormis y & les défit fans peine.
Ces exemples prouvent que vous devez- faire
paffer la nuit à vos troupes fur. le champ de. ba-
ta ille , pendant que des- officiers de confiance , à
la tête,de. divers partis, de cavalerie, feront des
patrouilles pour punir & arrêter touts les foldats
qui fe feront échappés pour aller au pillage.. Les
colonels doivent auffi mettre autour de leurs, régiments
des officiers & des fergents chargés d’empêcher.
que. les foldats ne. fe. débandent, avant
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l’heure prêfcrite pour le pillage , s’il n’y a pas eu-
le temps dë le finir avant la nuit.
Ces mêmes patrouilles arrêteront les valets , le s<
vivandiers les payfans, les femmes, les gens des
équipages , & généralement touts ceux qui avant
le temps commenceront à piller. Ce n’eft pas affez
de les priver de la part du butin à laquelle ils
pouvoient prétendre dans la diftribution générale ;
il faut encore les punir de quelqu’autre peine.
Les officiers veilleront à ce que les foldats ne
boivent pas avec excès , & à ce qu’en danfant,
chantant, & buvant, ils ne faffent pas un bruit
qui puiffe empêcher les fentinelles d’entendre ce
qui fe paffe au dehors. Les gardes avancées doivent
être vigilantes, prendre toutes les-précautions qui-
peuvent les garantir de furprife , & faire tenir
promptement & furement les avis qu’elles ont à-
envoyer.
Si vous faites la guerre contre des peuples.barbares
, qui ayent quelquefois commis l’atrocité'
d’empoifonner les vivres , vous devez prévenir ce
danger , & défendre à. vos troupes d’ufer de ce
qu’elles trouveront dans le camp ennemi, jufqu’à-
ce qu’on en. ait fait l’épreuve fur des animaux.
( Faire cette épreuve fur des ennemis prifonniers-,^
comme le confeille le marquis de Santa-Cruz , ce
feroit fe rendre coupable de l’atrocité qu’on al>-
horre.- ).
Afin que cette vigilance & toutes ces précautions
foient mieux obfervées par vos troupes vic-
torieufes ; dites aux colonels, qui le perfuadèront'
aux foldats , qu’il y a du danger à ne- pas prendre-
toutes ces furetés, que plufieurs peut-être regar--
deront- comme inutiles, quoiqu’elles foient extrêmement
importantes,
Onofandre nous apprend que fi .un' bon général1
doit ranimer* le courage de fes foldats abattus par
une trop grande crainte , il doit auffi réprimer une-'
trop' grande confiance, afin qu’une appréhenfion*
modérée faffe naître en eux la vigilance néceffaire.-
Salufte rapporte que Marius ne fe tint- jamais tant
fur fes gardes-que îa nuit qui fuivit- immédiatement
le jour, où il avoit défait ïugurtha & Bocchus,-
R É C O M P E N S E S,
Dès que les' troupes-viéîorieufes feront raffem-
filées, témoignez*leur votre reconnoiffance , 8ü
donnez-leur la première & la plus flatteufe des ré-
comp.enfes, o’eft-à-dire les-louanges^ les- applau**
diffements qu’elles-méritent. Si-le butin n’eft pas
confidérable, parce que les ennemis ont fauve leur
bagage, recompenfez-les-de quelqu’autre manière,
& exhortez-les*à finir glorieufement la guerre, en
leur repréfentant qu’à l ’avenir ils doivent fe promettre
plus dé biens que de maux, de repos que
de- fatigues; de gloire que dé périls;
Après queCæfar eutgagnéla de Thapfè
il employa, en parlant à-fes légions, les difcours &
les expreffions les plus honorables- ; il leur fit