
le feu au premier, il ne fe communique pas au
fuivant, du moins tout-de-fuite.
Folard dit que les faules font les arbres les plus
propres à conftruire des abattis, parce que leurs
branches, cédant fous le coup , donnent moins de
prife au fabre , à la hache * oir à la ferpe * & que
ces branches étant fort ferrées , il eft impoflible
defe couler entre elles ou de les écarter. Je ne fçais
fi l’expérience a prouvé cette aflertion. La flexibilité
des branches du faule donne , il eft v ra i,
moins de prife au tranchant des armes ; mais elles
les rend aufli plus faciles à écarter ou abaifler ,
& d’autant plus qu’elles ont toutes la même direction:
elles font aufli plus foibles, moins entrelacées.
J’avoue que je préférerois pour cet ufage le bois
le plus dur & les branchages les plus irréguliers ,
les plus impliqués l’un dans l’autre : je laiflerois
pour eux le faule, quand même je pourrois trouver
de celui-ci en quantité fuffifante ; ce qui eft allez
rare.
On augmentera la force propre à Y abattis , &
on diminuera fes défauts en y joignant des dé-
fenfes naturelles , telles que des roches efcarpées
dans les montagnes, bu de grandes rivières défendues
par du canon pofté avantageufement. Voilà
les deux pofttions où il confervera le plus touts
fes avantages. Dans l’une , lé foldat, couvert en
entier tant par les rochers que par les arbres ,
tirera des coups plus certains. Dans l’autre, ft on
peut faire derrière Y abattis un fofle un peu profond
, le foldat y fera encore très à l’abri, &
fon feu plus dangereux.
Qn peut conftruire aufli une efpèce. d'abattis
avec des débris de bâtimens , & on le nomme
gjors abattis de maifons,
Attaque de /’abattis.
Après avoir employé les principes généraux de
l ’attaque, ( chofe qu’il faut fuppofer dans tout le
cours de cet ouvrage? & que je ne répéterai pas, )
on fera ufage des trois moyens qui peuvent ouvrir
ou rafer cette efpèce de retranchement ; fçavoir,
le canon, le feu , & le fabre ou la hache.
Si on a du canon , il faut d’abord tirer à boulet,
pour brifèr les plus grofîes branches , qui en eimporteront
avec elles beaucoup de petites , ainfi
que pour culbuter & défunir les troncs ; enfuite,
en s’approchant, tirer à cartouche, pour éçarter
les troupes qui défendent Y abattis, & font alors
plus à découvert. On ne battra de cette manière
que là partie la plus foible , dans un elpace d’environ
quinze ou vingt toifes., à chaque point d’attaque
, afin que la brèche foit plutôt & mieux
faite. Il fuffira d’employer quelques pièces à inquiéter
l’ennemi dans les autres parties. La trouée
étant fuffifamment éclair pie . les aflaillants en cordonne
s’y porteront avec vivacité , tandis que
l’artillerie , placée fur les ailes , fera un grand
fgyi fur les autres points , & quelques pièces fur
la brèche même , aufli long-temps qu’il fera pof?
flble de le faire fans danger pour la troupe qui
s’y porte, afin d’en écarter celles qui voudroient
la défendre. On doit joindre à l’artillerie quelques
troupes en bataille qui feront un feu très-vif. Elles
feront d’autant plus nombreufes que l’artillerie le
fera moins. La tête de la colonne fera munie de
fabres & de haches pour couper les branches que
le canon n’aura point abattues. Lorfqu’on aura pénétré
, on fe conduira comme à l’attaque de tout
autre retranchement. On pourra aufli mettre le
fe.u a Y abattis avec des boulets rouges.
Cette attaque par le canon eft la moins dange-
reufe & la plus fûre ; mais on n’en a pas toujours,
& on ne peut pas en mener par-tout. Si on en
manque , ou fi Y abattis eft fur une éminence
efcarpée , où l’artillerie ne puifle être conduite ,
& feroit d’ailleurs de peu d'effet 3 il faut recourir
au feu. On fe pourvoira de fafcines bien fèches ,
goudronnées s’il fe p eut, & en grand nombre.
Les foldats qui les porteront, les allumeront par
un bout, & les tiendront, devant eux , pour fe
garantir des balles de l’ennemi, en marchant à
Y abattis. Dans cette attaque, la troupe doit être
en bataille. Si on peut donner des fafcines à touts
les foldats, ils marcheront enfemble jufqu’au retranchement
, les jetteront au milieu des branches ,
&• feront aufli-tôt le feu le plus v if , jufqu’à ce
que celui des fafcines fe foit communiqué aux
arbres ; alors 3 ils reculeront à la diftance nécef-
faire, pour ne pas en être incommodés.
Si on ne peut diftribuer des fafcines qu’au premier
rang, il pourra fe détacher feul à la diftance
d’environ deux cents pas, & fe retirer promptement
dès qu’il les aura jettées. Le» rangs fuivants , ayant
fait halte à la même diftance, feront prêts à faire
feu dès que le premier les aura rejoints. Leurs
décharges empêcheront l’ennemi d’éteindre les
fafcines enflammées. On peut aufli ne tenter de
mettre le feu qu’à plufieurs points dé Y abattis ,
par des pelotons qui fortiront de la”*ligne, & y -
rentreront au plutôt, tandis que les autres, arrêtés
à deux cents pas , feront feu fur l’ennemi. Il faut ,
s’il eft poflible, fe donner l’avantage du vent ,
afin qu’il accélère l’incendie, & que la flamme.
& la fumée. foient pouflees contre ceux qui dé-,
fendront Y abattis..
C ’eft ce que fit le di&ateur Camille au mont
Marcius , où les. Latins & les Volfques tenoient
inveftie une armée romaine. La guerre contre les
Gaulois avoit détruit l’élite de la jeunefle. Rome*
trembloit ; mais l e . diéiateur , inacceflible à la
crainte, raflemble ce qui reftpit des plus jeunes
citoyens & ceux des plus âgés qui pouvoient encore
porter les armes. Il marche vers Lanuvium, tourne,
le mont Marcius à l’infçu des .ennemis , & paroît
foudain derrière leur çamp. Les Volfques , étonnés
de voir une armée fortir, pour ainfi dire , des
cendres de Rome, effrayés du feul nom de Camille,
fe retirèrent dans, leur camp , &, le fprtifièrçtiU
A B A
'Rabattis & de palliflades. Un grand nofnbte de
feux que fit allumer ce chélateur, annoncèrent à
l’armée inveftie fon arrivée , & lui rendirent le
courage & le defir du combat. Les Volfques, craignant
une double attaque , n’avoient plus d’efi-
pérance que dans les Etrufques. Camille , pour
éviter que leur fecours ne le mît dans une fituation
pareille à celle de fes ennemis , ne différa pas
l’attaque. Ayant obfervé qu’au lever du foleil un
grand vent fouffloit du côté des montagnes , il fit
préparer beaucoup de matières inflammables ,
lortit de fon camp avec toutes fes' forces , dès
que le jour parut ; envoya une partie de les
troupes attaquer d’un côté les retranchements dès
Vollques, en ordonnant qu’elles ne fiflènt ufage
> clu^ des flèches, & lui-même conduifant celles
qu’il deftirioit à mettre le feu du côté où le vent '
avoit coutume de fouffier fur Y abattis des ennemis,
attendit linftant favorable. L’autre attaque étoit
. commencée ; lorfque , le foleil & le vent s’élevant
enfemble , il fit donner le fignal. Aufli - tôt une
]?luie de traits enflammés tomba fur Y abattis ; une
épaifle fumée , pouflee contre l’ennemi, lui déroba
les objets. Bien-tôt les flammes, dévorant
tout le retranchement , en écartèrent les défen-
' 9 & emkrâsèrent jufqha leur camp. Les
|T Volfques, environnés de feux & d’ennemis , tentèrent
inutilement de s’ouvrir un paflage : • ils
périrent prefque touts par le fer ou ' dans les
flammes, & ce qui ne fut pas confumé devint
lu proie du vainqueur.
■ Sl ,?n ? e Peut employer ni la force du canon ,
f 1 H , ie“ .'> î1 mettre fa confiance dans
. te ter & dans fon courage. Lorfqu’on eft parvenu
au pied d’un parapet de terre ou de pierre , on
n elt plus vu par l’ennemi, & on peut le fapper
ou le franchir ; mais icig au contraire , le retranchement
donne mille paflages à la vue & aux coups
, e" nemi- 11 oo peut être abordé qu’en coupant
■ les arbres fous fon feu, & on ne lui Ôte ces
filnne5“ que pa*' Une réfolution fupérieure à la
Pour rattaqoe eft , fuivant l’étendue
\ abattis , celle d’une ou plufieurs colonnes
a tete armee de haches & de fabres , & la
ache eft préférable. On mettra fur les ailes de
la colonne , ou entre elles , s’il y en a plufieurs
quelques troupes en bataille , fur peu de hauteur •
moins pour combattre l’ennemi par un feu qui né
peut etre qu inferieur au fien , que pour le diftraire
& lempecher de porter fes principales forces aux
points.ou Ion veut faire brèche & pénétrer. Il
ne fera pas mutile d’armer de fafcines la tête de
f t e u ^ “ ^ ' I “ efP/Ce de bouclier Parera plu-
nlus b PS r S confervera quelques-uns de vos
p r I ie r aIbSord a v U ^ ^ ? ériI ^ ™
Fait fon premier' feu I n ' Lorr<5ue.1\ nn«“ i a«ra
■minés H , ■ , S Sl1 vous voit bien déter-
& U c o n f u w T §emParera de 1m; le défordre conluhçn.fe mettront dans fes mouvements;
À B A y
fes coups deviendront moins vifs & plus incertains.
L ouverture étant faite, la première troupe qui
pénétrera , doit tomber, la hache à la main lùr
ceux qui tiendront ferme devant elle • les fuivants
tacheront d élargir la brèche , en coupant les liens
des arbres & tirant les troncs hors de rang ; le
reftedela colonne s’avancera auplutôt, & tombera
a e . anc troupes qui bordent Y abattis. Au
meme inftant, celles que vous avez mis en bataille ,
pour faire feu , marcheront vivement, le premier
rang, la bâche o u ïe fabre en main , pour ietter
1 épouvanté , couper & percer par-tout où elles
pourront , & fe joindre à ceux qui font déjà
au-dedans. J
J’ai dit que cette attaque étoit périlleufe , &
demandoit beaucoup de réfolution ; il ne faut cependant
pas fe l’exagérer : on doit être bien convam-
cu que le courage ôte la moitié du danger : que la
tete de la colonne eft expofée au feul feu direft
d un front égal au fien ; que ce feu , dirigé par
des hommes obligés de chercher, à travers cet
amas de branches , un paffage à leur vue & à
leur coup-, eft fort incertain ; qu’il le devient de
pbs en plus par le trouble & la précipitation ;
oc qu il y a plus de balles reçues par les branches
■ que par l’affaillant. Ç ’eft ce « B
fenter & perfuader au foldat avant l’attaque /afin
obftacie. porte.avec cette audace qui franchit tout
Défenfe de l ’abattis.
Quelques militaires propofent contre cette attaque
les armes de longueur, la pique, la bayonnette
attachée au bout d une longue, perche. Je conçois
S m h ?OUr c efei\Clre un ParaPet que l'attaquant
effaie de franchir. Mais comment défendrontelles
un abattis quil faut néceflairement brûler
ou couper On ne pourroit en faire ufage qu’en
les mnodmfant entre les branches ; alors il feroit
mpoffible de les diriger, & celuiqui attaque,
es faififfant facilement, les rendrait inutiles en
lesairachant ou les bnfant, ou , ce qurferoit encore
plus mfé, en les coupant d’un feul coup. Il me
emble que le feu de la moufqueterie peut feule
empçcher louverture ; je ferois donc une petite
éferve des foldats les plus braves & les plus adroits
a tirer : j en porterais un nombre fuffifam à chacun
des^ points fur lefquels je verrais les c o W s
ennemies déterminées Ceux-là feuls tireraient,
tandis que d autres foldats , placés derrière eux
f e u i r ’T ? “ qn’üFleur pafiérdient. Ce’
défenfr nUffi fur p; l,t defenfe pour empecher l’ouvreêrttruer»e .& la meilleure
Cependant , comme elle pourrait n’être pas
fuffifante , j’en pçéparerois une plus sûre. Une
oupe en colonne derrière chaque point affailli,
des que louverture feroit faite, chargerait elle-
meme avant que d’être attaquée , & au lieu de fe
borner a empecher l’ennemi d’entrer, elle tenterait
de fortir ; elle trouverait la tête de la c o W