
124 A R M
puiflance que nous n’en faifons pa§ de pareilles
ou de plus fortes ; puifqu’ayant la puiflance dans
nos mains, il ne faudroit que la multiplier ,.pour
lancer tel poids que nous voudrions. Nous pouvons
enlever avec la poudre des milliers de quintaux.
Si nous n’avons pas de ces grandes machines, c’eft
par art & par habileté. Elles feraientincommodes,
.embaraflant.es très difficiles à traiifporter , très
lentesà fervir ,.très incertaines dans leurs direflïions.
Nous trouvons un avantage infini dans nos petites
machines ,.d’un . tranfport facile ôc d’un fervice
prompt, dont les coups redoublés produifent un
effet auffi grand ôc plus fur que celui de ces machines
monftrueufes.
Le même auteur dit qu’une grande, balifte dont
parle T acite, en racontant la: bataille de Bédriac
renverfoit les bataillons. Ce feroit, un effet, très
extraordinaire. L’auteur latin , en paroiflantdire
plus, dit beaucoup moins. L’expreiîion hojlilem
aciem proruebat , fignifie que les grofles pierres
lancées par cette machine mettoient le iléfordre
dans cette ligne. Et il ne. s’enfuit pas, comme le
conclud Folard, qu’elles étoient jettées de but en
blanc : elles pouvoient; avoir cet effet par le tir
parabolique à quelques' degrés d’élévation. 11 apporte
auffi , en preuve du tir direéVdeç pierres, ce
que dit Jpsèphe du'fiége de Jotapat ; fçavbir, que
lès machinés des 7 afliégeants abattaient les' créneaux
, & entamoient les angles des tours. ( Bel,
jud. L, 111, C. 26. pag. 845. ). Mais y a - t - il
dans ce paflage un feul mot qui prouve que le tir
fut hprifontal; ôc ces mêmes effets ne pouvoient-
,ils pas'être produits par le tir obliquer
Plüfieurs paflages anciens démontrent la fci-
..blefle de; ces machines. Celles de Démétrius
Poliorcète nous font repréféntées comme formidables
: cependant elles ne firent qu’ébranler
‘ une partie du mur de Rhodes, ôc en abattre
'quelques autres portions , parce qu'il étoit faible. &
,bas. ( Dioaof., L. XX. pag. 777 A,'). En général
elles ne feryo^ent qu’à ruiner: ce que nous appelions
.les détentes , ç’eft-a-dire,lés créneaux, la,'crête du
' parapet, ÔC en écarter les affiegearits : le bélier;
«toit néceflaire pour faire brèche. (Diodor. ibid.
'pàg, 783/C. D .) . '
Quant à la, fûretê des coups "r elle ne devoir pas
«trè auffi grande que l’enthoufiafme l’a fait imagine>.
La différente tèrifion des côrdes , ôc des pièces de
Èois L fuivant qu’elles étaient plus^ou moins humides,
devoit caufer une grande différence dans,
là force ôc dans la direéHon des traits. Ceux dé la
catapulte ne pouvoiènt pas être placés toujours
exactement de la même manière , ôc dans la
même direâion, fur le fût de la machiné. Il y avait
ùn frottement àffez confidérablë. Si le levier ne
' frappoit pas le trait en plein ; Timpulfion dévsnoit
‘ plus, faible , & la dîreaion irrégulière.. La vîtéffe
n’étant pas très g r a n d e & la longueur^ du tràit.
donnant prife au vent, il devoit Souvent être dé-
teurné^ ôc d’autant glus que. la portée était-'glus.
A R M
grande. Plus il était long, plus il étoît vïfible 5c
îa^le à éviter. Dans la , balifte , autres défauts. Les
pierres ayant des pefanteurs différentes, des formes
divertes, ôc par conféquent des centres de gravité
difficiles a connoître, ne pouvoient pas être dirigées
avec une certitude mathématique. Suppofons
que le centre de gravité d’une pierre fût connu , il
devoit etre fort difficile de le placer avec jufteffe-
dans la cuillère ; &,• s’il l’étoit par hafard , la fe-
çpufle caufée par la détente devoit le déranger
préfqüê toujours. Le fervice devoit en être pénible
& lent, ou exiger plus d’hommes que celui de
nos mortiers & dé nos canons. Il falloit fans doute
plus de travail ôc de temps, pour abaiffer avec un
treuil, à force de bras, le lévier d’une balifte ou
d’une catapulte, que pour couler dans un canon
ûnè cartouche , un boulet, ôc un bouchon de;
paille ; ôç il feroit difficile de tirer ainfi dix coups
par minute, comme on le fait avec nos petites
pièces. D ’ailleurs, quelle différence dans la com-
pofitron de ces machines ? L’une eft un affemblage
compliqué de plufieurs agents 6c refforts , de plu-
fieurs pièces, toutes eflentielles, Ôc faciles à dé-
rangér dans lé tranfport & le fervice. L’autre eft
de la plus grande: {implicite. Un feul agent y fu£-
fit ; 6ç cet agent, naturel ôc non mechanique,
ÿ ’eff .point fujet aux Variations des machines
anciennes. Son effet èft toujours à - peu - près le
même. La dire®ion en eft facile, ioit dans le
fufil, foit dans le çanoft. Celle de la bombe eft
plus compliquée. Il n’eft point aifé d’en mettre
te centre de gravite dans l’axe du mortier; mais
cette operation eft incomparablement moins difficile
avec une bombe qu’avec une pierre. Il fallait
que les baliftès 6c catapultes fuITent construites
fur te lieu même, ou tranfportées fur
des chariots, enfuite mites à terre, puis conduites
à force de bras dans l’endroit où on vouloit les
employer , 6c qu’elles y reftaffent immobiles.
Notre canon fé tranfporte tout monté, 6c pafler
facilement d’un lieu à fautre, fuivant le -befoin
que nous en avons.. '
Si lés machines anciennes avoiènt toute là force
ÔC toute Ta fureté qu’on leur attribue , comment
cés tours dès- afliégeants, ces énormes hélépoles^
vues de toutes parts , ÔC plus élevées; que les murs r
fubfiftoîént - elles devant eux ? Les affiégés ne les
détruilbiéht que rarement , 6c dans le feul cas où
‘ elles aÿoient été. mal conftruites par des peuples
ignorants dans Part dès fiéges :.ils ne cônnoifloient
què le. feü qui put les en délivrer. On les garantif-
foït avec des peaux, ôc du fer. Cela fuffifoit pour
lés mettre à l’abri dès pierres, des traits de toute
groffeur, dès poutres,. ÔCc. Mais ces foi blés enveloppes
ne lès auroiènt pas préfervées dés coups de
nos pièces dè quatre livres de balle. Les quartiers
de marbre qüe les Tyrrens employèrent, & contre
lefqùels les' traits des plus violentes machines d’Alexandre
vénoiént fe brifer ,. ne réuffiroiènt pas
plus contre nos.médiocres.boulets ,que leursfacsd^.-
A R M
'çuir remplis de laine. Il n’y a nî catapulte, ni tours,
ni hélépoles quelconqués qui tint une heure devant
nos canons ; 6c certainement Cæl’ar 6c tout fon
génie, fi fécond en reflources-, n’élèveroit pas au-
muVd’hui une tour de brique auprès d’un rempart,
fub muro , 6c fous le feu de la place. Ses fol-
dats fe couvriraient fort inutilement de rideaux
faits avec des cables de navires. Le chevalier
Folard prétend que cette couverture ferait impénétrable
à nos boulets de fix livres. Je crois au
contraire, qu’à la diftance où étoit cette tour , ils
n’auroient pas réfifté , même aux premiers coups :
mais il eft du moins inconteftable que nos pièces-
de vingt - quatre les hâcheroient dans un inftant,
comme ils font les coidages de nos vaiffeaux ,
qui vraifemblablement font plus forts que les
cables de ceux de Cæfar.
■ Le même auteur reproche à nos pierriers de
ne jetter les pierres qu’à cent cinquante toifes. Je
doute que les baliftès en jettaffent à cette diftance
en grande quantité. Il prétend que la poudre enflammée
pulvérife les pierres : c’eft lui accorder
une force fupérieure ; ou , fi la balifte lés jettoit
avec tant de violence , elle devoit en brifer auffi.
Il prétend qu’un pierrier de foixante pouces n’en
peut pas jetter plus de foixante livres: mais ce
mortier contient plus d’un pied cube, qui pèfe
pour le moins cent livres* Il eft vrai que cette
charge n’égale pas , à’ beaucoup près , celle qu’il
imagine être jettée par une baiifte , & qu’il porte
jufqu’ à un demi- tombereau. Il ajoute , que les
pierres lancées par cette machine écarteront moins,
St je n’en doute pas, puifqu’elles feront lancées
avec moins de force : mais je ne vois pas que ce
foit un avantage ; il me femble au contraire que ,
lorfqu’elles s’écarteront à quelque diftance, elles
inquiéteront St blefferont plus de foldats. Il loué
la balifte de ce qu’elle eft filencieufe : efl>ce un
avantage ? L’objet principal eft d’éloigner l’ennemi,
non - feulement en donnant la mort , mais par
Tepouvante. U arme qui fait du bruit inquiète,
effraye par le bruit même : Y arme filencieufe épouvante
moins. D ’ailleurs, on pourrait douter que
là balifte ne fit aucun bruit; & j- quant à nos
pierriers, qui lui font au moins égaux St peut-
être fupérieurs, il faut convenir que c'eft la moins
redoutable«de nos bouches à feu.
Je crois que touts ceux qui liront fans prévention
le parallèle que je viens de faire, ne
propoferont pas de reprendre les armes anciennes.
Les nôtres leur, font fupérieures à touts égards.
Elles font fi fimples ,. que j’oferai dire qu’on n’en
perfectionnera point le méohànifme effentiel :
Timpulfion du projeâile fera toujours Teffet d’un
fluide élaftigue mis en liberté par l’adion du
feu. Folard defiroit qu’on fubftituât la balifte 6c
la catapulte à nos canons ôc à nos^ mortiers , pour
moi, je voudrais que nos ennemis le fiffent. Il
fait de grands éloges du bélier. Si cette machine
■ compliquée , qu’il falloit appliquer immédiate-
A R M iiy
ment à la muraille, 6c mouvoir- à force de bras*
avoit des effets plus confidérables qu’on ne devrait
l’attendre de fa nature ; fi la force en étoit
auffi grande que celle de notre artillerie , pour- -
quoi les fiéges des anciens étoient - iis .fi longs ?
Pourquoi les murailles,la plupart affez mal construites
, réfiftoïent - elles .fi long - temps, au formidable
bélier ? Et pourquoi l’art de fortifier n’a*-t-il
pas. fait un pas,- tandis que le bélier a .été le feul
inftrument qui détruifit les remparts ; au lieu
que cet art s’eft perfedionné ou plutôt s’eft
formé, dès que l’artillerie a été connue ? On
doit notre art de fortifier au befoin d’op.pofer'
des murs plus Solides , 6c une défenfe mieux combinée,
à des machines beaucoup plus . violentes
que celles qui étoient employées.-
Je me fuis étendu, & peut - être appefanti , fur
ce parallèle , non pour empêcher de reprendre, les-
anciennes armes :• je ne crois pas qu’aucun peuple
en foit tenté ; mais pour empêcher qu’on ne revienne
à le propofer, comme Folard Ta fait. Je
n’ai voulu que montrer, par fon exemple,jufqu’où
Tenthoufiafme peut conduire l’homme .lé plus rem-'
pli de lumières 6c de connoiffances., On doit- lui
pardonnerfes erreurs à cet égard. Il étoit tranfporté
d’une éfpèce d’amour pour les ufagês anciens ; Ô£
qu’eft-ce que l’amour ne fait pas .dire 6c faire 2.
Après avoir jetté fur les armes ôc fur leur nature
une vue générale, je vais entrer dans le détail
de celles des différens peuples ; 6c , pour montrer'
le progrès de Tefprit humain dans, leur invention ,/
je ne fuivrai ni l’ordre dans lequel les peuples nous-
ont été connus ,,ni celui de leur antiquité , mais le'
degré de leur civilifation, qui eft le mêrhe à-peur
près que celui de leurs connoiffances. Je com--
mencerai donc par. ceux qui font encore, pour-
ainfi-dire, au- premier degré : touts les .autres ont'
paffé par l’état où ils font encore.-
ARMES DES D I F F É R E NT S PEUPLE^
DU NORD DE L’ASIE ET DE L’EUROPE.- .
Les Kamschadaies ont la lance , la pique , Tare
ôc la cuiraffe. La lance eft une longue perche , -
armée d’une pointe de pierre , ou d’un os mince.-
La pique a quatre pointes .montées à peu près dè
même. La flèche , longue d’environ ; trois pieds
St demi, eft armée-comme la lance. Anciennement
les pointes de ces-armes étoient faites avec- du crifi--
tal ; celtes de la plupart des flèches font empoifon-
nées : leur bleffure fait mourir en vingt- quatre
heures* La cuiraffe eft de natte ou dè peau de veau
marin , coupé en lanières ,-croifé & treffé-, de forte
que le plaftron eft élaftique 6c flexible. Cette cui--
raffe ne couvre que 1e côté gauche, ôc s’attacha
fur-le droit. Une petite planche défend la poitrine ;
une autre la- tête par deriière* Il eftr vraifembkbte'
que ce font les Japonois ou les T artares quile.ur ont'
donné- ce-foible degr,é de coixaoiflauces militaires.-