
faires à touts les militaires, pourroit-il animer & i
foutenir le courage des foldats ? Comment enfin
les rendra-t-il heureux, s’il ne réunit la douceur, la
patience, l’humanité , &. les autres vertus que
doivent avoir touts ceux qui commandent ?
Nous ne parlerons pas dans cet article des con-
noifTances néceflaires aux bas - officiers ,* des qualités
plîyfiques & morales qu’ils doivent avoir ;
ces connoifTances & ces qualités font différentes
dans les divers grades ; nous renvoyons ces détails
aux mots Brigadier, Caporal, Fourrier, Ecrivain,
Maréchal de logis, Sergent, &c. Nous nous occuperons
feulement ici des moyens que l’on doit
employer pour n’élever à ces places que des fujets
dignes de les remplir.
Comme ce que nous allons dire des caporaux
peut être appliqué aux fergents, aux brigadiers,
& aux maréchaux de logis, nous nous difpenfe-
rons de faire cette application, & même de répéter
chaque fois les noms de ces différents Bas-officiers.
L'état major-de chaque corps aura toujours une
lifte des fujets dignes d’être élevés au grade de
caporal : cette lifte contiendra autant de noms
qu’il y aura de compagnies dans- le régiment.
Chaque capitaine fournira à fon tour un iujet à
„ cette lifte , & il en fera l’éleéfion de la'manière
füivante.
Il affemblera les caporaux de fa compagnie , &
leur ordonnera de nommer, à la pluralité des voix,
les trois foldats les plus propres à être faits caporaux.
Le fourrier écrira les noms, comptera les
fuffrages , & remettra au capitaine le réfultat de
l’éleâion. Celui-ci, après s’être fait repréfenter le
livré des punitions ôç le livre des notes-, dont
nous parlerons plus bas, choifira celui des trois
fujets élus qui aura fubi le moins de châtiments,
qui fera le mieux noté ; ou^ à mérite égal, qui fera
le plus ancien. Ce choix étant fait, il remettra au
chef du régiment le nom du fujet défigné, & celui-
ci le fera infcrire dans la lifte générale.
Quand il vacquera une place de caporal dans
une des compagnies , le chef du corps, après s’être
fait repréfenter le livre des punitions & des notes,
choifira trois fujets parmi, les foldats qui feront
infcrits dans la lifte générale. Il aura l’attention
de ne nommer aucun de ceux qui auront été fournis
par la compagnie dans laquelle il manquera un
Bas-officier ; le capitaine de cette compagnie, après
avoir confulté le livre des punitions & celui des
notes, après avoir pris toutes les informations qui
pourront l’éclairer , élira un des trois fujets qui
lui auront été propofés par le chef du corps ; & ,
quand il fe fera alluré de fon inftru&ion, il l’admettra
au grade de caporal.
Rendons compte des motifs qui nous ont déterminés
à demander qu’on apporte dans, le choix
des bas-officiers les -formalités précédentes. L’ef-
prit d’innovation eft Condamnable , quand il
n appuie pas fur des raifons valables les changements
qu’il propofe.
C ’eft pour bannir les effets du pouvoir arbitraire,
pour prévenir ceux de la haine & de ta faveur,-&
pour rendre les places de bas-officier plus flatteules,
que nous avons demandé dans les nominations
le concours d’un aulfi grand nombre de perfonnes.
En effet, comme les .peines qui nous font impofées
par les ordres d’un feul homme font fur nous une
imprelîion moins vive & moins profonde que
celles qui nous font infligées par l’ordre de plu-
fteurs ; de même les récompenles que nous tenons
de ta volonté d’un feul homme nous flattent
moins que celles qui nous font décernées par l’accord
unanime d’un grand nombre de juges.
En ne raffemblant pas dans un même lieu les
différentes perfonnes qui doivent élire les bas-
officiers 3 nous avons pourvu à ce que ta volonté
J d’un feul n’entraînât pas après - elle celle de touts
les autres.
1 Comme les caporaux vivent continuellement
| avec leurs foldats-; comme ils les voient dans
| touts les inftants, & par conféquent dans toutes
j les circonftances poiïibles , ils doivent être les
I meilleurs juges' de leurs talents,
i Nous avons demandé que le capitaine choisît
: un des. trois fujets élus par les Càpoiaux, parce
\ qu’en s’en rapportant uniquement au choix des
; bas-officiers, on courroit le rifque de voir élire des
;■ foldats dont l’argent & les complaisances pour
; les volontés de leurs fupérieurs feroient le prin-
; cipal mérite.
| Nous avens exigé que le capitaine confultât
i le livre des punitions & celui des notes , parce
I que ces deux regiftres doivent lui donner les
I lumières les plus certaines fur 1a conduite de fes
1 l'ubordonnés.
Nous avons dit que les capitaines donneraient,
à mérite égal-, ta préférence à l’ancienneté. Sans
cette attention, les anciens foldats fe dégoute-
roient du fervice, & nos armées feroient com-
pofées , comme elles le font aujourd’hui , de
jeunes gens fans expérience de la guerre, &L
perfonne n’ignore que dans cet art, & fur-tout
pour les grades inférieurs, l’expérience équivaut
prefque à la fcience.
L’état major a ta haute police dans les régiments j
il eft le centre vers lequel toutes les lumières fe
réunifient : il doit donc connoître quels font les
fujets dignes de parvenir aux grades. Ces raifons
nous ont déterminés à demander que l’état major
défignât aux capitaines trois fujets pris dans ta
lifte générale.
Nous avons exigé que le chef du corps ne mît
jamais, parmi les lujets qu’il présenterait, un fol-
dat de la compagnie à laquelle il manquerait un
bas-officier ; parce que 1a dicipline perd ordinairement
de fa force , quand les fubordonnés ont vécu
long-temps avec leurs fupérieurs dans cette familiarité
intime qui eft le fruit ordinaire de l’égalité ,
& qui en fait le charme.
Si les bas-officiers étoient pris dans ta même eempagnie
, dira-t-on peut-être, ils connoîtroient davantage
leurs inférieurs , & feroient mieux connus
de leurs fupérieurs ; cette objeâion feroit valable,
fi le livre des notes & celui des punitions ne fup-
pléoient pas à ces connoifTances imparfaites, & fi
\qs bas-officiers avoient un grand nombre d’hommes
à connoître : nous verrons d’ailleurs au mot caporal
que ta familiarité qu’ils centraient avec leurs’
foldats eft un des vices que l’on doit.bannir avec
le plus de foin.
Nous avons demandé enfin que l’on remît le
choix définitif du fujet au capitaine dans ta compagnie
duquel il y auroit un bas -officier à remplacer,
parce qu’il eft néceffaire que le Iujet nommé fçache
qu’il tient ta place déjà volonté de fon capitaine, &
parce que le capitaine, ayant le plus grand intérêt à
avoir d’excellents bas-officiers, portera dans leur
choix toute l’attention qu’il exige ; fur-tout, fi, par
les précautions que nous prôpofons, nous; avons
réufli à écarter loin de lui les préventions que
l’amitié ou la haine auraient pu lui infpirer.
Telles font les raifons qui nous ont guidés,
quand nous avons propofé une manière nouvelle
de nefnmer les bas - officiers.' Si cette méthode,
étant jugée auffi bonne qu’elle nous paroît l’être,
étoit mife à exécution , l’armée françoife auroit
avant peu d’excellents bas-officiers , & nous verrions,
par conféquent, 1a difeipline acquérir une
nouvelle force, le fuccès de nos armes devenir
plus certain, les bas -officiers être plus eftimés,
plus confidérés, mieux obéis, & les foldats plus
heureux.
Nous ne pouvons nous, diffimuler -cependant,
qu’il exifte dans la conftitution militaire françoife,
lin vice capable de détruire les heureux effets de
ce que nous venons de propofer; c’eft ta multiplicité
des congés de grâce.
Le livre des notes & celui des punitions, dont
nous avons fouvent parlé dans le cours de cet
article, & au mot avancement, vont nous occuper
un inftant.
;Si l’on découvroit un moyen capable d’éloigner
les foldats & les bas-'officiers des vices que
l’on trouve fi fréquemment parmi eux , & de ramener
à ta juftice les officiers & les bas- officiers
qu’un moment d’humeur ou de prévention pou-
roient en éloigner, on rendroit fans doute un fer-
.^vice effentiel à l’état militaire. L e livre des notes
& celui des punitions nous fèmblent propres à
produire ce double effet.
Quel foldat ne fera pas retenu par ta certitude
que fes fautes feront confignées à jamais dans un
livre public , & qu’elles lui fermeront l’entrée des
grades, jufqu’à ce qu’il les ait effacées par une
conduite longtemps irréprochable. Dira-t-on que
le plus fouvent 1a faute prévient 1a réflexion ? Ce
feroit une vaine exeufe. Toutes nos aélions font le
réfultat d’un calcul, bon ou mauvais, mais qui n’en
exifte,pas moins, même dans les tranfports de 1a
colère, même dans ceux des autres pallions les
plus vives & les plus tumultueufes: mais ce calcul
n’exiftâf-îLpas, le livre des punitions eft propre à
le produire.
Quel bas-officier ofera s’abandonner à une févé-
rité coupable, ou à line indulgence dangereufe,
quand il fe fouviendra qu’il doit écrire lui-
même , d’une manière claire & précife , mais détaillée
, fur un régiftre. dont ta copie fera conservée
à l’état major, & dont chaque page fera lue
& vifée par le chef de. fon régiment, non-feulement
la. faute que fon inférieur aura commife ,
mais aulfi la peine qu’il lui aura infligée ; ta certitude
qu’il aura que ce monument lui reprochera
fans ceffe ou fa foibleffe , ou fon injuftice , l’em*
pêchera de fe livrer à l’un & à l’autre de ces vices ,
& 1a crainte d’être inferit lui-même fur le livre terrible
des punitions lui donnera 1a force d’impofer
filence à toutes les confidérations qui s’oppoleroient
à fon devoir.
On-obje&era que le livre des punitions pourra
décourager les foldats dont le nom fera écrit fur
plufieurs pages, ôc pour des fautes graves. Cela
lëroit poiiible , fi dans l’état militaire il y avoit
des fautes qu’une conduite longtemps irréprochable
n’effaçât jamais : mais, comme,nous ne re~
connoiflons de faute irrémiifible qué celle qui
entraîne le deshonneur ou la mort du coupable,
le régiftre des punitions ne produira peint ce
funefte effet. Il entretiendra, au contraire, 1a
vive émulation qu’auront fait naître l’efpoir
d’effacer les fautes que l’on aura commifes, &
1a certitude de n’y réuflir qu’après l’avoir mérité
par une conduite régulière & confiante. Il nous
paroît qu’on chercheroit inutilement d’autres ob-
jeâions contre le iivre que nous venons de pro-
pofer, & que les avantages qu’il doit produire l'ont
aulfi confidérables que nombreux. Si cela eft en
effet, pourquoi n’en adopteroit-on pas lutage, &
ne l’étendroit-on même pas aux grades fupérieurs ?
Le livre des notes achèvera ce que le livre , des
punitions aura commencé.
Un foldat diflipé dans fa jeuneffe , & même
libertin , peut devenir tage , quand fes pallions
amorties par l’âge lui auront permis d’obéir à fa
raifon. Faire payer à 1a vieiileffe le tribut des
défauts que 1a jeuneffe a montrés eft une injuftice
trop commune dans le monde , de laquelle le
livre des notes nous garantira. Il nous empêchera
aulfi d’élever au grade de bas-officier ces hommes
froids & pufillanimes , qui ne s’abftiennent du mal
que par défaut d’énergie, & qui font, il eft v rai, fans
; vices aâifs , mais qui ne font doués d’aucune vertu.
Dès qu’un homme aura été admis dans une compagnie
, fon nom fera inferit fur une des feuilles
du livre des notes. Cette feuille fera divifée en
feize portions égales. Les premiers jours de mai &.
feptembre de chaque année , feront deftinés à remplir
une de ces cafés. Il en fera de même des premiers
jours de feptembre : touts les officiers de
chaque compagnie feront chargés de faire ces