
recherche un terre in un peu élevé', qui foit en
même temps é g a l, découvert, fans bois, fans
marais ».
Le même, auteur traite enfuite des difpofitions
pour le combat. « Il y a , d i t - i l , trois choies à
considérer, en formant une armée pour le combat
; fçavoir le foleil, la pouffière, ôc le vent.
Le foleil éblouit, quand il eft en face ; le vent
contraire rompt la force des coups que l’on
porte -à l’ennemi, ôc augmente la violence des
Siens ; la pouffière aveugle ceux qui la reçoivent
dans les yeux. Ce iont des inconvénients
que les généraux les moins habiles ne manquent
point d’éviter : ceux mêmes qui ne négligent rien
ne bornent point à cet égard leurs attentions au
moment préfent ; ils ufent de prévoyance, ôc font
enforte que le foleil ne leur devienne point incommode
dans Je cours de fon mouvement, „ou que
des vents qui fouillent ordinairement à certaines
heures ne leur-foient pas contraires pendant l’ac-r
tion.
Un bon ordre de bataille contribue beaucoup
au fuccès de l’action, ôc s’il eft fait fans art, la
meilleure armée fera battue, par la feule raifon
de fa mauvaife difpofition. La première ligne doit
être compofée de foldats anciens & bien exercés,
que l’on nommoit autrefois principes. ( Je crois
que Végèce parle ici de rangs, 6c non pas de
lignes , comme on l’a cru généralement. 11 me
paroît que ce qu’il dit plus has du terrein que les
rangs & les files occupent le prouve évidemment.
( K. ) ). La fécondé, de bons foldats armés
de lances ou de javelots, & appellées anciennement
haflati.
Chaque foldat en bataille occupe de front environ
trois pieds ; de manière que, dans une efpace de
mille pas,"on peut former un rang de mille.fix
cents foixante-fix hommes , ( lepas.étant de cinq
pieds romains, ou 4 pieds 6 pouces 5 lignes. ).
Alors les files ne font pas trop ouvertes, ôc le fondât
n’eft pas gêné dans fes mouvements. On donne
fix pieds d’intervalle entre les rangs, afin que les
foldats ayent la liberté de fe mouvoir en avant ÔC
en arrière ; car un trait part avec plus de force,
lôrfqùe celui qui le jette s’élanceNen fautant. On
formé donc ces deux lignes - de foldats expérimentés
, & pefamment armés. Comme une muraille
ferme & folide, ils ne doivent ni reculer,
ni pourfuivre l’ennemi qui feroit en défordre,
afin de ne point fe défunir ; leur unique objet
ëft d’attendre l’ennemi de pied ferme, de foutenir
fon choc , de l’arrêter, le repouflfer , ôc le rompre.
Derrière ces deux lignes , on en forme une troi-
fième des armures les plus légères , des jeunes
archers, de ceux qui excellent à lancer des traits,
6c que l’on appelloit autrefois ferentaru : une
quatrième , compofée des hommes les plus leftes,
armés de boucliers, desv plus jeunes archers, &
des plus adroits à combattre avec le vérutum , &
J es traits appellés Martiobarbuli & Plumbatot. . On
dortnoit anciennement, aux uns & aux autres . Je
nom général $ armure légère.
« Quant à la manière dont ces corps combattent,
pendant que les deux premières lignes font ferme,
la troifième & la quatrième paffent en avant pouf
| efcarmoucher ôc engager le combat, en lançant
. des traits ôc des flèches. S’ils parviennent à mettre
l’ennemi en fuite , ils le pourluivent avec la cavalerie
; fi au contraire ils font repoufTés, ils reviennent
à la première Ôc la fécondé ligne , ôc paflant
par les intervalles viennent fe reformer derrière
elles ; alors la première Ôc la feeonde ligné en
viennent aux mains, & foutiennent feules tout
l’effort de l’ennemi. Quelquefois, an mettoit en
cinquième ligne dès batteries de balliftes de campagne
appellees carrQballifi.es, ôc on y joignoit des
troupes qui jettoient des pierres àvec le fufiibale
ôc avec la fronde fimple.
On y joignoit encore ceux qui n’avoient pas
de boucliers , 6c qui jettoient des pierres avec la
! main, ou lançoient des javelots. On les nommoit
| accenfi ôc enfuite a d d i t i c’eft-à-dire furnuméraires,
! parce que ç’étoient des jeunes gens tout nouveaux
i au férvice.
Enfin, la fixième ligne étoit compofée "des
troupes en qui l’on avoit le plus de confiance.
1 C ’étoient de vieux guerriers portant des boucliers
munis d’armes de tout genre les anciens les
appelloient triarii : ils formoient la dernière ligne ;
6c, afin qu’ils fulTent plus repofés, quand ils alloient
à la charge , ils fe tenoient afîis derrière les autres
lignes : 6»., s’il arrivoit quelqu’échec à celles-ci, il
'.ne reftoit plus de. refl'ource 6c d’efpérance que dans
la valeur des triaires ».
Végèce attribue au v en t, au foleil, 8c à la pouf-'
fière | des effets dont la nature de nos armes diminue
pour nous l'importance , ÔC qui n’entrent
guère aujourd’hui dans la diipofition d’un général.
11 eft certain que ces'accidents peuvent incommoder
encore les troupes. Le v en t, fur-tout, doit
mériter plus de confidération que les autres. 11
chaffe la fumée de nos armes a&uelles vers ceux
qui l’ont en face , 6c forme au tour d’eux un tourbillon
fort incommode, qui empêche de diftinguer
les mouvements de l’ennemi j il les dérobe aufli
en foulevant la pouffière.
Annibal s’étoil pofté à la bataille .de Cannes ,
de manière qu’il tournoit le dos à un vent impétueux
6c brûlant, qui, élévant de la campagne
rafe 8c fabloneufe une pouffière embrafée , la
portoif pardeffus les Carthaginois dans les yeux des
Romains , 6c les forçôit de tourner la tête. Quant
aux anciens, ces inconvénients étoient pour eux
très confidérables, 6c les plus habiles généraux
avoient l ’attention de les éviter, 6c de les tourner
contre leurs ennemis.
L’effet du vent fur les traits , qui eft infenfible
pour nous , étoit grave chez les anciens. Il pou-
voit amortir ôc détourner les javelots Sc les flèches 3
quelques hiftoriens en parlent même comme étant
capable
capabîedêles renvoyer vers celui qui les lançoit.,
Saint Auguftin , parlant de. la viéfoire que-Théo-
dofe remporta fur Eugène, ' ôc qu’il dût fur-tout
à fa difpofition , dit que le vent portoit les coups
de fes troupes , augmentait leur force , 6c faifoit
retourner les traits de l’ennemi fur lui-même.
Laurent Echard, rapporté que cet effet parut
fi merveilleux, qu’on le regarda comme un miracle
; Claudien prête à cet effet les couleurs de
la poéfie.
« L’aquilon , entouré de frimats , defeend pour
ta défenle du haut des montagnes. Il accable tes
ennemis , ôc tourne contre eux leurs propres traits.
Prince chéri de D ieu , l’Æther combat pour ta
caufe; touts les hivers armés fortent en foule des
antres d’Éole , Sc les vents conjurés accourent au
lignai de fes trompettes ».
L'hiftoire du bas empire nous fournit un autre
exemple de l’effet des vents. Dans une bataille de
Bélifaire contre les Perfes , ce général leur iaiffa
le temps d’épuifer leurs flèches , qui, vu le nombre
de leurs troupes , l ’euffent beaucoup incommodé ,
mais què le vent empêchoit de venir aux fiennes ; -
il les fit enfuite charger l’épée à la main , 6c les
défit.
Les .anciens n’avôient pas moins d’égard à la
pofition du foleil qu’à celle du vent. Paul Émile
différa d’attaquer l’armée de Perfée , jufqu’à ce que
le foleil fût placé de forte que les Romains n’en
euife nt pas les rayons dans les yeux en combattant.
Ce fut aulfi un flratagêmè de Marius contre les
Çimbres ; ceux-ci, ne pouvant fupporter les rayons
. ardents' du foleil, fe couvroient les yeux de-leurs
boucliers, 6c fe découvroient le corps.
De ces principes généraux Végèce paffe à la
formation des troupes dans l’ordre de bataille.
« Dans un terrein de mille pas , dit-il,,on peut
ranger de front féize cents loixante - fix foldats
d’infanterie, chaque homme occupant trois pieds. •
Une troupe formée fur fix' rangs femblables, ôc
qui occupent le même eîpace fera de neuf mille
neuf cents quatre-vingt-feize hommes ; ôc, fi l ’on
ne veut la former que fur trois rangs , il faudra un
terrein de deux mille pas ; au furplus , il eft toujours
plus avantageux de former les troupes fur
beaucoup de hauteur, que de trop ouvrir les rangs
ôc les files.
Nous avons dit qu’il devo.it y avoir fix pieds
dé diftance entre chaque rang, ( ou 5 p. 5 p.
3,6 1. ). Chaque homme occupe encore lui-mêïne
un .pied, ainïi, quand qn aura dix mille hommes
à “ranger fur fix de hauteur , l’armée occupera
mille pas de front ou 5000' pieds , ( 4334 p. 8 p.
8 1. ) , & trente-fix pieds de profondeur , ( 32 p.
7 P-. 9->ô 1« I l De même , fi l’on ràifge cette armée
fur trois rangs , elle occupera quinze pieds de hauteur
ôc deux mille pas de front.
- D ’après' ce calcul on pourra facilement ranger
une armée de vingt ou trente mille hommes, ôc
un général ne peut jamais fe tromper à cet égard, 1
Art militaire. Tome I.
quand il connoît la capacité de fon terrein. Si le
lieu étoit refferré, pu que l’on eût plus de troupes
qu’il n’en faudroit pour l’occuper , on peut former
le corps fur nëuf, & même fur plus de hauteur.
Il vaut mieux dans une bataille être trop ferré que
trop ouvert ; une.armée affoiblie par trop d’etendue
peut être facilement rompue 6c percée. Quant à
celles des troupes qüf doivent être a la droite , a
la gauche, ou au centre , on fuit l’ufage établi de
lés y placer fuivant le rang qu'elles ont entre elles ,
ou l’on y déroge relativement à l’ordonnance’ des
troupes ennemies. L’infanterie étant mife en bataille,
on place la cavalerie fur les ailes , de manière
que celle qui eft armée de cuirafles 6c de
lances foit auprès de l’ihlanterie. Quant à la
cavalerie légère,. cômpofée des archers , 8c des
foldats qui ne. portent pas d’armures défenfives,
on l'étend' au loin, ;de droite ôc de gauche ; en
effet, la cavalerie péfante eft mieux employée à
protéger les ailes de l’infanterie , ÔC la cavalerie
légère à mettre le défordre dans les ailes de
l’armée ennemie, ÔC à les envelopper. - -
Un général attentif doit avoir fait des obferva-
tions qui le mettent à portée d’oppofer quelquefois
‘ certaines troupes de cavalerio contre certains corps
de l ’énnemi ; je ne fçais par quelle raifon fecrette
ôc en quelque choie au-deffus de notre jugement,
il y a dés troupes qui combattent avec plus de
fuccès contre certains corps , ôc par quel afeendant
les meilleures troupes font quelquefois battues par
des troupes inférieures.
Si on a moins de cavalerie, il faut, félon l’ufage
des anciens , mêler aux efeadrons des pelotons
d’infanterie , compofés des foldats les plus leftes,
armés de boucliers légers, ôc qui foient exercés
à cette manière de combattre. On lés appelloit
autrefois vélites légers , expediti v e lite s .
Alo rs , quelque fupériorité qu’ait la cavalerie
ennemie , elle fera toujours inférieure aune trompe
ainfi compofée. C ’eft la feule reiTource que les
généraux anciens ^ayent trouvé pour donner un
avantage décidé à leur cavalerie. Ils y exerçaient
les jeunes gens les plus légers à la courfe , les
plaçoient chacun entre deux cavaliers V ôé- les
armaient des boucliers les plus.légers, d’épées ôt
•d’armes de jet ». '
On voit fouvent ce mélange employé chez les
anciens.' Cæfar nous dit qqe Vercingentorix , qui
n’eteit rien moins qu’un barbare, en tailoit ufage
dans fes 'combats de Cavalerie.
Cæfar lui - même , demandant de la cavalerie
allemande , veut aufïi qu’on lui envoie de. . cette
infanterie légère ,.qui avoit coutume de combattre
ayeç. elle.
Il dit ailleurs : les Gaulois avoient jette entre
deux cavaliers quelques archers, ôc quelques armés
à la légère, pour les foutenir-quand ils plioient,
ôc pour s’oppofer au choc des nôtres.
Les Germains plaçoient devant leur cavalerie des
F f