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Mais depuis longtemps cette charge èfi devenue
en France ia première dans la milice avec les plus
grandes prérogatives ; il eft queftion principalement
de fcavoir en quel temps elles y ont été
attachées;
11-me paroît certain : i ° . que ce n’a point été
avant Philippe-*Augufte, c i avant l’an n 91 ; car
ce ne fut qu’en cette année que mourut Thibaut
de Blois, au liège d’Acre ou Ptolémaïs en Palef-
tin e , qui étoit fénéchal de France , & qui , en
cette qualité , eft appelle- par Rigord , hiftorien
comtemporain de Philippe - Augufte, chef de la
milice . principer militiez , ainfi que je' l’ai dit.
20. 11 eft encore certain que Mathieu de Mônt-
morenci , IIe du nom, connétable de France, ôi
qui fut élevé à cette dignité par Philippe-Augufte
Pan 1218 ,' c’e ft-à-direv ingt - cinq ans après la
mort de Thibaut, comte de Blois, à qui on ne
donna point de fuccefleur dans la dignité de -fénéchal
de France ; il é f t , d is - je , certain que
Mathieu de Mont-morenci commanda lès armées
depuis qu’il fut connétable : mais ce ne fut que
par commiffion, & nullement en vertu de fa
dignité ; d’autant que celle de fénéchal de France ,
quoique vacante , n’étoit point en tore fuppri-
m ée, comme je l’ai déjà remarqué , puifquè dans
les chartes oh mafquoit cette vacance par ces
formules: deepi ferohullo , vacante dapifiratu.
Les fuccefi'eurs de Mathieu de Montmorenci
continuèrent de commander les armées de la même
manière , c’eft-à-dire par commiffion , à caufe de
la même vacance, qui dura jufqu’à l ’an 1262. ,
qu’il n’ëft plus .fait-mention de cette vacance dans
les chartes par ces formules : dapifero nullo, vacante
dapiferatu ; que par conféquent la dignité'
de fénéchal fut fèniee être fupprimée ; & ce fut
fort vraifemblablement alors, - c’eft-à-dire fous le
règne de Saint Louis que le droit de commander
les armées fut attribué à la dignité de connétable,
comme il l’avoit été à celle dè fénéchal • & je
crois que dans le temps que cette attribution fe
fit à la dignité de connétable, la charge de grand-
maîtré d’hôtel ; dé fouvefain maîtrè de France ,
fût inftituée après la fuppreffion exprefîé ou tacite
de celle de fénéchal, qui avoit l’intendance de
la maifon du roi',- auffi-bien que le commandement
des armées , & qu’ainfi la charge - de fénéchal fut
féparée en deux , le commandement des armées
ayant été attribué au connétable ^ & l’intendance
de la maifon du roi au grand .maître d’hôtel. -
En effet, comme je l’ai remarqué, Arnoul de
.Wifemale, qui vivoit fous le règne de Saint Louis,
eft le premier dans la lifte des maîtres d’hôtel depuis
la fuppreffion des fénéchaux de France. Il
étoit grand-maître d’hôtel de Philippe-le Hardi ,
fils de Saint Louis , qui commença à régner en
1270 , huit ans après la fuppreffion de la charge
de fénéchal de France ;& le feigneur de Wifemale
étoit apparemment maître d’hôtel dès la fin du
règne de Saint Louis.
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De cette époque de la fuppreffion de la chargé
de fénéchal de France , j’ai tiré,deux conféquences ;.
la première , que Je connétable n’avoit eu jufques-i
la le commandement des armées que par commiffion.
Cette conféquence paroit évidente, puifque
la dignité de fénéchal à laquelle ce commandement
appartenoit, n’étoit point encore fuppriméè. La
fécondé conféquence , c’eft qu’.après l’an 1262 ce
commandement fut attribué à la dignité de conné*
table, & qu’il fut excercé par les connétables en
titre d’officè cette conféquence paroît être aûfli-
afièz naturelle , *puifque depuis ce temps - là le
commandement des armées a toujours été attaché-
a leur charge , qui avoit remplacé celle de féné--
chal, à laquelle ce commandement avoit toujours
été attaché de droit.
La dignité de connétable , par ce moyen , 6c
par les honneurs , par la puiffance ; & par les'
grandes prérogatives que nos rois y attribuèrent
devint la première dignité de l’état. Quant à ce
qui concerne fes prérogatives , je ne parlerai guère
ic i, fuivant. mon defîein , que de celles qui regardent
la guerre. L’auteur de l’hiftoire généalogique
de la maifon royale.de France & des grands
officiers de la couronne, a mis à la fin de l’article
des connétables' quelques anciens a61es où
elles font contenues. Je vais en. tranferire ce qui
regarde mon fujèt, fans rien changer aux vieux:
langage ; je l’éclaircirai par un commentaire aux
endroits où il en fera befoin-,r & je renfermerai
ce commentaire dans de courtes parenthèfes.
Ce font les-droits, que le connétable de France
doit avoir pour caufe de la conr.établie.
u Premièrement. Li connectable eft & doit eftre
du plus fecret & ‘ eftroit confeil du roy -, “& ne
doit li roys ordonner de nul fait de guerre fans
le confeil du conneflable , pourtant .qu’il puit avoir*
fa prefence ».
” hem. h\ conneflable doit avoir chambre à court,'
( c’efbjirdire un logement à la cour.), devers le r o y ,
ou que li'roy fo it ,. . . ( c’eft-à-dire en quelque lieu
que le roi foit;).
i> Item. Se li roy va en oft, ( c’eft-à-dire à l’ar-
mée) \e 'conneJlable peut chevaucher fans couroy
( c’eft-à-dire, ce mé femblë, fans fes propres équipages,
le roi étant obligé de lui en fournir) foit li
roy , ou ne foit ,( c’eft-à-dire foit qu’il foit dans le
même corps de troupes que le r o i, ou dans un
autre ) toutes les fois qu’il lui plaira , & ne font fes
gens nul guet, <fi; ce n’eft de fa voulonté ; & doit
affeoir- le guet toutes fois que les chevaliers le
font, (les chevaliers faifoient rarement le guet ou la
garde ; ils ne le faifoient que dans des occàfions
extraordinaires, & c’étoit pour l’honneur du corpç
des chevaliers qui étoient alors en très grande côn-
fidération, qu’il appartenoit au connétable de leur
faire lui-même monter la garde ).
» Item. Se on prend-chaftel ou fortereffe à force,
ou qu’il fe rende, chevaux & harnois, vivres &,
toutes autres chofes que on trouve dedans, font
c o N
au conneflable \ excepté l’or & les prifonniers qui I
font, au roi , & l’artillerie au maiftre des arbalef- J
trier.s.
» Item. Se li-connectable chevauche , foit avec le |
• roy ou lans le r o y , pour tant que li oft foit pour !
le r o y , li conneflable peut prendre de chacune bataille
dix hommes d’armes pour mener avec lui, J
excepté la bataille du roy , ( c’eft-à-dire que le connétable
pouvoit choifir de chaque bannière ou de {
chaque, compagnie de gendarmerie, excepté du
corps où étoit le r o i, dix hommes d’armes-pour }
former un corps particulier, à la, tête duquel il
combattoit.).
» Item.. Se li conneflable eft en guerre pour le
r o i, avec le ro i, ou fans lu i, il doit faire prifer,
par fon marefchal,. les chevaux d’armes. de.lui, de
les compagnons, & de touts les gens de fon hoftel ; 1
& tel prix comme fon marefchal y met, le roi
lui doit rendre, (c’eft-à-dire,que fi le connétable,
ou les gens de fa fuite j perdoient à l’armée leurs
chevaux de. bataille, le roi au retour de la campagne
leur en payoit la valeur. ).
» Item. Nuis n’a connoiffance , juftice , feigneu-
rie, ne jugement fur les gens de l'hoftel le connefl-
table fors il , & l i maiftre de, fon hoftel , .( c’eft-à-
dire, que les gens du connétable n’étoient jufti-
ciables de perlonne que de lui. ).,
. » Item. Toutefois que le. roi a guerre , lit conneflable
a une journée de toutes gens, qui font à
gages , ou qui ont fommè d’argent en lieu de
gàges7'( c’eft-à-dire, que le conneflable avoit droit
tle prendre la folde d’un jour de chaque lbldat.,
6c officier qui -recevoit ldlde du r.oi. Ce privilège I
fut confirmé par une ordonnance de Philippé de
Valois , de l’an 1340.). Quiconque veichange
d’eftablie en autre, li conneflable à fa journée de
nouvel, ( c’eft-à-dire, que quand les troupes paf-
fpient d’un lieu où. elles, étoient en garnifon , pour
aller en garnifon dans un autre, le connétable avoit
ençoré le droit de prendre pour lui la folde d’un
jour de chaque homme de - guerre. Stabilitate ,
d’où vient le mot d’établir, fignifioit, dans le .latin
de ce temps-là , -les garnifons. Cela voudroit peut?
être encore dire, que quand un homme de.gùerre
quittoit fa compagnie , ou la bannière du chevalier
banneret , pouf paffer à autre , il étoit
obligé de payer ce droit au connétable. )|
» Item. Si le conneflable chevauche.,.tout.ee qui
fe gagne de l i , ou de ceux de Fon, hoftel , eft
fien, excepté l’oft & les prifonniers qui font ' au
ro y , ( c'eit - à - dire, que.fi marchant à la tête; de
quelques troupes en campagne , il faifoitTquelque
prife, ou quelque butin , il lui appartenoit, excepté
,& c À
: v) Item. Toutes les journées quelle roy chef-
vauche armé de touts points , pour affauts ou pour
batailles, li conneflable a cent iiyre.s^ ôc fe il che^
.vauclie jambes armées tant feuleînent,. il îj’en a
que cinquante , ,( c’eft-à-rdire , qu’à un jour d’affant
©u de bataille, la paye du connétable ktoit doublée), 1
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& fi on amène au roy plufieurs chevaux pour fait
d’armes de la journée, quand li roy a pris lequel
qu’il veut, li conneflable prend le fécond après.
• » hem. Se il a champ de bataille ou royaume,
(c ’eft-à-dire,- dans le royaume), le connétable le
doit garder & penre les ferments; ( il s’agit ici des
duels entre leigneurs ou gentilshommes qui fe faifoient
quelquefois par autorité publique , & avec
la, pérmiiïion du prince : c’étoit au connétable à? y
préfider , à prendre les ferments des combattants
j &.c.). Et fi il chiez; rien , oui champ , ( c’eft-
à-dire , s’il tombe rien dans le champ de bataille ) ,
des armures des combattants ,- elles ïont,au connefl
table , &L peut faire arrefter & aller, avant, & tenir
en point quand il lui plaift, (-c’eft - a - dire, que
ç’étoit a.lui à faire donner le lignai du combat,&
& à le faire finir après quelques coups de lances
ou d’épées, comme il le juge oit à propos), & fi fon
fien li glaive, (c’eft-à-dire, la lance & les épées, &
les armures du cheval mort).-
» Item. Si le conneflable eft: en guerre pour le
r o y , il eft de touts frais aux cdufts du roy.
_ j y hem. Li marefchal, ne li maiftre des arbalef-
triers ne doivent rien entreprendre en fait d’armes
en oft.ou établie, (.c’eft - à - dire , dans l’armée ou
en garnifon ) j;ppur le roy , fans parler au connef-
table , &. fans fon affentement.
; Item. En touts les lieux là où chaftels ou forte-
reffes font pris , fe li roy n’eft préfent, la bannière ;
du conneflable doit eftre la première mïfe fus, &
pour chacune de fes deux,bannièïes doit avoir cils
qui les portent., cent fols du r o y , & fe li roy eft
préfent, les bannières du roy vont toujours devant
, & ceile-du conneflable après : mais celui qui
les porte n’y prend nul profit.
Item. En touts les lieux où li roy eft préfent en
oft , tuit cry doivent être, faits de par le ro y & de
fon conneflable , fans nommer,autres perfonnes. ,
. » Item. Ou que Y11 conneflable foit es faits des guerres
pour le roy , foit à tout luy , (.c’e ft-a - dire, avec
lui ou fans, lui ) , tout fergents. d’armes fe, doivent
traire àluy , & ouvrer de ion commandement ; (les
officiers municipaux qui étoient des gens de haute
çon,fidération , .faifoient apparemment difficulté dè
recevoir l’ordre du ■ connétable , quand le roi étoit
préfent au camp ; & cette difficulté peut avoir
donné,lieu à ce règlement ).
n Item. Se un fergept d’armes fe meffait, li con—
neflable li puet ofter fa mafl'e, fufpendre fon fer-
v ice, & ne irdoit li roy rendre jufques à tant que
Xvçprine(tableli ait dit .la caufe pourquoi il l y oftà.
, « hem. Quant li roys eft à fon faere à Rheims 9
\yponneflable do\t avoir hoftel du moulinet devant
Notre-Dame , &. doit donner les gens d'armes pour
aller querre i’ampplle.( c’eft-a.-d.ire, Ja. i.àinte .ampoule,)
;,;ôç aller .V/ec eux & revenir eux conduire
». . .
:- jyoipi, encore une pièce qui contient les préro- .
ga,tiye§ du connétable : elle, eft' à la chambre de
Paris , au'régiftre intitulé : pater, fol. 183,
F I f T f'ij