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l’amour perfonnel) rend chacun fufpe& en fa caufe.
L’arbitre doit donc fur-tout prendre garde de ne rien
donner à la faveur ni à la haine, & de ne prononcer
à l’avantage de l’une des parties qu’autant que le
droit eft de fon côté.
De-là il paroît qu’un homme ne peut pas rai-
fonnablement être pris pour arbitre dans une affaire
où il a lieu d’efpérer , en faifant gagner l’une des
parties , quelque avantage ou quelque gloire qui
ne lui reviendroit pas , s’il pronopçoit en faveur
de l’autre ; en un mot, toutes les fois qu’il a quelque
intérêt particulier que l’une des deux parties demeure
viéiorieufe» Car , en ce cas l à , le moyen
qu’il garde exactement cette neutralité, & cette indifférence
■ impartiale , qui doit faire le .caractère
d’un arbitre.
Il s’enfuit encore de-là, qu’il ne doit y avoir ,
entre Y arbitre & les parties , aucune convention
ni aucune promeffe en vertu de laquelle il foit
tenu de prononcer contre le droit en faveur de
l’une des parties ; & il ne peut prétendre d’autre
récompenl’e de fon jugement que celle d’avoir bien
jugé. 11 y a bien entre les parties & Yarbitre une
convention au fujet de l’arbitrage doptil eft chargé ;
car un homme ne peut être arbitre que du contentement
des parties , & il lui eft libre auffi d’agréer
ou de refufer la propofition de ceux qui veulent
le prendre pour juge de leur différent. Mais l’obligation
où eft un arbitre de prononcer félon ce qui
lui paroît jufte , n’eft pas fondée fur cette convention.
La raifon n’en eft pas tant, parce qu’une convention
ne pourroit rien ajouter à l’obligation où
l’arbitre eft d’ailleurs, par la loi naturelle, de juger
félon ce qui lui paroît jufte ; que parce que de
cette manière il y auroit un progrès? à l’infini ,
qui rendroit l’arbitrage entièrement .inutile. En
effet une telle convention, fe réduiroit à ce que
les parties s'engageaient à s’en tenir à la décifion
de Y arbitre, fuppofé que la fentence fût jufte. Or ,
dans toute convention qui ne diminue rien de la
liberté naturelle, chacun des contrariants eft en
droit d’examiner fi l’autre a tenu ce à quoi il s’étoit
engagé. Lors donc que la fentence de Yarbitre
paro'itrok injufte à l’une des parties, ou le feroit
même effeûivement ; il naîtroit de là un npuyeau
différent, dont la décifion ne pouvant appartenir ni
à Y arbitre ni aux parties, il faudroit néçeflairement
. avoir recours à un autre arbitre, & après celui-ci
à un autre encore, & ainfi à l’infini. D ’où il s’enfuit
que la convention j par laquelle les parties
s’engagent à s’en tenir au jugement d’un arbitre,
doit être pure & fimple, & non pas fous condition
que la fentence foit jufte.
II . eft clair encore quJon ne peut pas appeller
du jugement d’un arbitre , n’y ayant point de juge
fupérieur pour redrèffer la fentence. Cela a lieu
même dans les fociétés civiles , lorfqu’il n’importe
point au fouverain de quelle manière fe vuide
l ’affaire qui a été remife à la décifion d’un arbitre,
duçpmpun contentement des parties. S’il eft permi?
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en quelques endroits d’appeller de la fentence
d’un arbitre , c’eft en vertu d’une loi purement
pofitive. On donne même quelquefois le nom
d’arbitres à certains juges extraordinaires , commis
pour examiner & pour décider une affaire , fans
toutes les formalités & les longueurs des procédures
du barreau. Ainfi rien n’empêche qu’on n’appelle
d’un tel jugement.
, Au refte, lorfque l’on dit qu’il faut néceffairement
en. paffer par le jugement de Y arbitre , foit que la
fentence le trouve jufte , ou injufte ; cela doit
s entendre avec quelques reftriélions. J’avoue que
quelque bonne opinion qu’une partie eut conçue
de la juftice dp fa caufe, cela ne fuffit pas pour
l’autorifer à fe dédire du compromis. Mais , s’il
paroît manifeftement qu’il y a eu de la colluffon
entre. Y arbitre 8c l’autre partie, ou qu’elle l’avoit
engagé par des préfents , ou qu’ils avoient fait en-
femblè une convention à notre préjudice on n’eft
point alors obligé de fe foumettre à la fentence d’un
pareil Juge ; qui, ayant témoigné une partialité fi
vifible , ne fçauroit plus foutenir le caractère d’ar*.
bitre.
On prend quelquefois plus d’un arbitre, & en
ce cas il faut s’il fe peut, faire en forte, qu’ils
foient. en nombre impair ; autrement , lorfque
les fentiments fe trouveroient partagés , il n’y
auroit aucun moyen de terminer le différent par
cette voie,
Grotius dit que , pour fçavoir à quoi eft tenu
un. arbitre, il faut confidérer,s’il a été pris en qualité
de juge, ou bien fi on lui a donné un pouvoir
plus étendu ; en forte quai foit autorifé à
prononcer plutôt felpn les maximes de l’équité &
de l’humanité , que fuivant les loix rigoureufes du
.droit. En effet,. quelquefois les parties en appellent
à. la juftice rjgoureufe ; & en ce. cas Y arbitre ,
aufli-bien que le juge , doit pefer eixa&ement les
raifons de part & d’autre. .Quelquefois l’une des
parties qui s’en rapportent à un arbitre fe fonde
ïur le droit rigoureux ; mais l’autre demande quelque
ndouciffement', ou en appelle à l’équité; &.par
Y équité on n’entend pas proprement ici cette droite
& commode interprétation des: loix qui eft du
reffort même d’un juge fubafterne ; mais un tempérament
du droit de rigueur, félon les maximes
de l’humanité, de la charité , de la çompaftion,
8c . d’autres femblables vertus ; tempérament, qui
ne peut être déterminé que par - le ; juge fouverain ,
ou par un. arbitre à. qui l’on a donné pouvoir de
prononcer de cette manière. Mais, dans un doute,
on préfume que Y arbitre eft tenu à fuiyre exactement
lés règles de la juftice. En effet , outre
que c’eft faute de tribunal commun que l’on fe
remet au jugement d’un arbitre ; en matière d'affaires
obfcurés , on prend toujours le parti qui
donne le moins d’étendue aux chofes,;comme celui
où il y a le moins d’inconvénient ;-§ç ici Yarbitre
ne peut pas faire fi aifément lèfer quelqu’une des
parties, en prononçant félon la rigueur du çftoù»
" Étf-
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que fi fon pouvoir s’étendoit plus loin. D ’ailleurs
• ceux,qui, fans aucun compromis des parties, interviennent
en qualité d’amis communs , pour tâcher
de les accommoder , font ceux a qui il appar-
| tient principalement d’exhorter les parties à relâcher
f un peu de leur -droit.
I Au refte, il eft clair que, dans un différent entre
/deux citoyens d’un même état, Yarbitre doit ordinairement
juger félon les loix civiles, auxquelles
| les parties font fournîtes l’une & l’autre. Mais ,
-Jorfque les parties ne reconnoiffent point ici bas
de tribunal commun , Yarbitre doit fe régler fur le
-droit naturel , à moins que les parties n’ayent
corifenti elles-mêmes de fe conformer aux loix
jpofitiyes d’un certain état ».
L; Le même auteur remarque encore, « que les
..arbitres nommés par des fouverains doivent prononcer
fur le pétitoire, ou fur l’affaire, principale ,
8c non pas fur le poffeffoire. C ar , dit—i l , les juge- j
ments fur le poffeffoire ne font que de droit c iv il, \
le droit de poffeflion fait la propriété , par le
-droit des gens ou de la nature. J’avoue que , félon
les maximes du droit naturel , il ne paroît pas
néceffaire que celui qui a été dépoffédé, foit d’a-
bdrd remis en poffeflion , avant que l’on ait pris
connoiffance de l’affaire ; fur-tout, fi la caufe peut
être jugée en peu de temps : mais cela n’empêche
pas, à mon avis , qu’en plufieurs différents , un
arbitre ne doive commencer par examiner qui eft
le poffeffeur, pour fçavoir quelle des deux parties
eft obligée à prouver. En effet, c’eft au demandeur
à- expofer clairement fes prétentions & fes raifons :
mais le poffeffeur n’a autre chofe à faire qu’à les
réfuter ; fi ce n’eft que quelquefois il d oit, du
moins par furabondance de droit, alléguer les
titres de fa poffeflion: Car ce n’eft pas pour cela
qu’on a coutume de prendre des arbitres , la chofe
étant d’ordinaire allez évidente ; mais feulement
afin qu’ils terminent l’affaire principale , de forte
qu’il ne refte plus déformais de conteftations. Si
une fois on eft entré dans la difeuflion de l’affaire
principale, le droit-naturel veut fans contredit
que l’on ne change rien à l’ét'at des chofes , julques
a cë que la fentence foit prononcée ; & que ,
fi le demandeur ne juftifie pas fes prétentions -,
on décide en faveur du poffeffeur ». (Puffend. Droit
rie la Nat. & des Gens. Tom. I l , Lïv. V 3 C. 13 ,
fa r t . 4 . )
K. A R C ; arme qui fert à lancer des flèches par I
Je moyen d’une corde fixée aux deux bouts d’une
iverge élaftique,
ï . Quelques étymologiftes ont dérivé le mot arc 9
4 arcus , & celui-ci, ab arcendo3 quod hojlem arcet.
B me femble qu’en cela ils ont tranfgreffé la première
.loi de leur art & de la nature qui paffe
'toujours du fimple au compofé. Les racines vraiment.
primitives font monofyllabes ; elles s’allongen
t prefque toujours en paflant d’une langue à
P autre. Il me paroît plus raifonnable de dire que
|Je mot arcus vient de celui d’arc , & que les
Art militaire. Tome I.
A R C 97
Romains , en l’empruntant du celtique, ainfi que la
plupart de leurs termes d’a r t, y ont ajoute une
de leurs terminaifons nominales.
Cette arme a été de bois , de cuivre, d acier,
de corne, ou de nerfs d’animaux. Une corde de
boyaux, de nerfs ou de filaments de plantes etoit
fixée aux deux extrémités. Lorfqu’on n’en faifoit
point d’ufage, la corde etoit laiflee-lâche, 8c la
verge élaftique , formant prefque une ligne droite,
étoit renfermée dans un étui ou fourreau. Pandare ,
voulant frapper Ménélas, tira de l’étui fon arc redoutable
, fait des cornes d’une chèvre fauvage ,
longues de feize palmes. Un excellent ouvrier:
l’avoit parfaitement p oli, 8c garni à fon milieu
d’un ornement d’or. Pandare, caché par les boucliers
de fes compagnons , &. fe penchant vers la
terre, courbe fon arc en tendant la corde : il y
ajufte une flèche tirée de fon carquois, & faifit
à la fois la corde & l’extrémité delà flèche : l’une &
l’autre touche fa poitrine, le fer touche l’arc. Cette
arme grande & concave eft tendue, la corne retentit
, la corde rèfonne, 8c la flèche vole. C'eft à peu
près cé qüe Virgile exprime auffi en ces vers :
Auratâ volucrem Threïjfa fagittam
Deprotnpjît pharetrâ, cor nuque infenfâ tetendit ;
Et duxit longé, donec curvata coirent
Intér fe capita , & manibus jam tangeret tzquis•
Lava aciem ferri, dextrâ nervoque papillam.
« De fon carquois doré Camille a tiré la flèche légère.
Elle a tendu Y arc funefte, en le pouffant loin
d’elle, jufqu’à ce que les extrémités courbées fe foient
jointes; & que, tenant les mains à hauteur égale,
elle ait touché de la gauche la pointe du fe r , dç
la droite & de la gauche le mammelon droit »-.
L’invention de Y arc remonte jufqu’aux premiers
temps. Elle eft due vrâifemblablèment aux peuples
chaffeürs, plus anciens, que Scythès ou Persès ,
auxquels l’antiquité attribuoit cette découverte. On
l’a d’abord employée contre les animaux & enfuite
contre l’homme. Ifmaël , relégué dans un défert,
devint habile à tirer de Y arc. Efaü- prend fon carquois
& fon arc pour aller à la chaffe. Job appelle
les mitrx qu’il fouffre , les flèches du Seigneur.
Chez les Grecs le Dieu des arts excelloit en celui
de tirer des flèches : les maladies contagieufes
pafloient pour être l’effet de fes traits. Plufiéurs
guerriersjinftruits de l’art d’Apollon, fe fignalèrent
au fiège de Troie.
L’uiage de Y arc a été commun à prefque toutes les
nations. Egyptiens, Phoeniciens , Hébreux, Ethiopiens,
Arabes, Indi.ens, B aériens, Parthes, Mèdes,
Perfes , Affyriens , ;Sarmates, le midi, l’orient,
le nord, l’occident ont .employé Y arc 8c les flèches.1
Les Scythes , célèbres archers., s’exerçoient éga^
lement à tirer dçs' deux mains. Les Crétoîs, 8c
fiir-tout les Magnéfiens, fe diftinguèrent par leur
adreffe à cet exercice. Les Grecs firent beaucoup,
de cas des archers cirtëens & élyméens,
N