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négliger de faire ufage de fon arme dé jet. La-
réunion de ces différents moyens peut feule lui
affurer la vi&oire. Les deux derniers rangs ne doivent
s’occuper qu’à tirer, ou à frapper quelques chevaux
qui pourroient avoir forcé, le paflage.
Les militaires , convaincus par l’expérience que.
deux troupes d’infanterie croifent rarement la
baionette , & que celle qui attaque, avec courage
voit l’autre fuir avec précipitation, n’ont pas cru
devoir chercher quelle feroit dans cette circonf-
tance la meilleure pofition que l’on puiffe prendre ,
pour faire ufage de- cette arme. Si on fait prendre
fouventau foldat celle qui vient d’être propofée,.
il fentira qu’elle lui feroit avantageufe pour l’attaque
&.la défenfe , & ce fentiment.deconfiance,
lui fuffira.dans l’occafion.
Pendant que le premier rang fera ces-, mouvez
ments , le fécond & le tr.oiftème exécuteront celui
d!apprêter les armés.
. Par Je moyen que nous venons d’indiquer , nous.,
ayons rendu à nos armes une partie de la longueur
dont elles ontbefoin ; mais nous n’avons pas encore
atteint celle de fe.pt pieds, que nous avonsreconnue.
ïndifpenfable contre la cavalerie ; il nous manque
treize pouces , qui nous feront fournis par la
baïonette : mais ce; changement dans, fa longueur
n’eft pas le feu! qui foit néceffaire ; au lieu de la
faire à trois-quarts., il faudroit qu’elle fût platte.,
ayant au milieu.de chaque côté une arrête, qui ,,
par une diminution infenfible , iroit. fe perdre en
tranchant. Sa plus; grande largeur pourroit être.de
dfx-huit lignes & fa plus petite de cinq.: fa pointe
en langue de carpe devroit êtâre forte &. aiguë.
Les objeâions contre, la baionette que nous,
venons de propofer fe.bornent..à trois-: la difficulté
de. charger, celle de tirer , .& la, dépenfe.
qu’il faudroit: . faire pour armer ainfi nos-troupes.
Si l’infanterie devoir toujours avoir la baionette.
au bout du canon, l’augmentation de. poids, dé-
viendroit. très incommode. Mais , comme nous
croyons- avoir démontré quelle ne; devroit y être
placée:qu’au moment, oui, décidé à combattre
l'ennemi avec cette arme-, on s’ébranle pour le.
joindre; cette première-obje&ion tombe d’elle-
même: On peut.robjeéfer que; fi^ malgré là réfo:—
îution de croifer- la baïonette , quelque obftacle
imprévu en empêche.;, l’ennemi aura untrès grand
avantage , puifqu’on ne pourra faire feu fur lui
qu’après l’avoir remifé. dans le. fourreau. Mais ,
quand même ce mouvement feroit indifpenfable ,.
le temps qu’il .demanderait., devroit.être compté
pour peu de chofe ; & , fi on ne l’avoit pas , on
n auroit pas celui dé faire un feu capable de plier
ou rebuter l’ennemi. Suppofons.. cependant qu’on
n’aura pas trois ou quatre fécondés, pour remettre -
la-baïonette ^ & que. le maréchal de. Saxe, fe Toit,
trompé à cet égard j.en.propofant un& baïonette-a.
manche; celle que.nous demandons eft:à douille,
ôfc n’empêchera pas de tirer : tout au plus elle pourra
.par fon poids.obliger le foldat.à tirer bas; ce. qui.
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!n’èft pas un inconvénient pour le fécond & lé:
troifième rang qui tirent toujours, trop haut..
La baionette longue , loin d’empêcher de charger,.
,mettroi-t au contraire le foldat à l’abri des.-coups-
de pointe , qu’il fe donne quelquefois avec nos -
baïonettes courtes. Si on craignoit le. tranchant de
cette arme, on pourroit fans inconvénient ne lui.
donner le fil que vers fa pointe.
Quant à la dépenfe, celle. qui doit procurer un
grand avantage n’efl qu’une, fimple. avance qu’il»
leroit: imprudent, de rejetter. Il faut feulement y.
apporter toute l’économie que les. circonftances*
permettent.' Celle - ci pourroit être faite fucceffi--
vement ;.& premièrement, après-l’efTai fait & bien;
; confiâté-, pour les comp agnies de grenadiers. ..
D R A G O N S , C A V A L E R I E.
III. Un dragon eft un foldat qui fërt indiffé—
remment comme, fantaffin & comme cavalier., &
q ui, monté fur un cheval très vite , peut s’ap--
procher d’un pofte avec la rapidité de la cavalerie
lsc prendre, le retrancher,.le garder<& ledéfendre.-
•avec les. moyens de l’infanterie.
D ’après • cette définition , toutes, lès armes-qui J
font, effenttellement Jiéceffaires au fantaffin le font.
au dragon ; il faut donc lui donner le fuûl &. la..
baïonette.deftinés à l’infanterie. On doit fe réfoudre •
d’autant plus, facilement à lui donner ces armes,
qu’elles lui font indifpenfables, quand ileft à pied ,.
& qu’elles ne peuvent ni le furcharger ni le gêner
quand il eft à cheval. Comme on ne peut.con-
tefter ees.prcpofitions, nous allons nous occuper
de.la. cavalerie , & chercher à,prouver que dans ;
aucune circonftance le fufil & la baionette ne
peuvent lui nuire., & quetes armes peuvent même.:
lui être necefiaires-quand elle fert en corps , quand
elle fournit.de petits détachements, & quand .les
^cavaliers font, ifolés.
Il y a beaucoup d’occafions où Ton ne-peut faire:'
combattre là cavalerie à cheval : il en efl: d’autres ,
où il n’eft . pas néceffaire qu’elle, combatte de-cette-_
•manière : il en efl: enfin où il lui*eft impoffible de.
combattre, ainfi.. Dans chacune de. ces,,: circonf-
tances la cavalerie eft. mal armée..
On ne $eut la faire combattre à cheval dans les %
pays de montagnes., dans ceux- qui font couverts .
de bois, ou plantés d’arbres ou de vignes , ou .
côupés par des canaux des ravins , ou des ruif- -
féaux : que,fera-t-on alors de cette arme ?.I1 faudra
la renvoyer fur les derrières,,.ou la faire.combattre-
comme- l’infanterie ; fi on la renvoie, fur les der—
rières, on eft obligé.oude lailfer fans garde- quelque
point de fon front, quelque paffage important , ou*:
d’affoiblir les p.oftes. d’infanterie-; Sl dans toutsu*.
ces cas-on double les périls & les fatigues du fantaffin
, tandis que. le, cavalier inutile & ennuyé de
fon oifiveté, attend impatiemment que le terrein ,
lui permette de fe livrer à fa. valeur. Je dis. ennuyé
de..fo;n:QifiY6ié ^..d’après la connoiflance. que.
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j’ai de la cavalerie françoife. Convpofée de l’élite
de la nobleffe-nationale , & de la meilleure efp,èc§
d’Iiommes , elle fe dépite fouvent dans chaque
campagne, contre les obftades qui l’empêchent-de-
s’expoler par-tout comme l’infanterie pour- la définie
de l’état.
Si , dans une bataille , on fait mettre- pied à;
terre à la cavalerie peu exercée-à combattre
pied; armée d’un moufqueton, qui, n’atteint pas;
d’auffi loin que. l’arme de Kennemi ; ne pouvant
aller à lui à caufe de fa chauffure ; dépourvue
d’armes de longueur , n’ayant point-d’arme-de
main propre à combattre corps à corps ; (car le
fabre long, n’eft bon qu’à cheval, ) ; elle, ne peut
s’oppofer avec fuccès à fes adverfaires.
Les Romains que nous citons, mais.-que nous
n’imitons point, exerçoient leur cayalerie. a combattre
à pied , & l’employoient fouvent ainfi. Cet-
ufage les a rendus victorieux dans un grand nombre
de circonftancesi importantes. On peut s’en convaincre
en lifant le récit des batailles contre les
Samnites, les Efpagnols , les Sabins les Volfques ;
les- Herniques-,.les Tofcans>, les Étrufques , &c. ;
Alexandre a fait auffi le même ufage de fa cavalerie.
Nos ancêtres la faifoient combattre de cette
manière. Nous pourrions en rapporter plufieurs.
exemples heureux; mais,-comme les leçons que
donne la profpérité font moins utiles que celles
qui nous font données, par le malheur , nous citerons
les funeftes batailles de Crécy , de Mau-
pertuis d’Azincourt. Dans chacune de ces
journées défaftreufes , le gendarme anglois mit
pied à terre, retailla fa lance , & remporta une
vi 6io ire ftgnalée.
Dans la défenfe des lignes , des poftes, des villages,.
&. même des places ; l’inconvénient des
armes de la cavalerie eft encore plus fenfible.
Gomme elle joue ici le rôle de l’infanterie , jusqu’au
moment:où l’ennemi a pénétré ; à quoi peut
elle être employée-, armée comme elle l’eft ? A
faire des fortie’s à cheval ? Mais ces fortiès ne font
pas toujours praticables ; fouvent même elles font
impoffibles. On lui donnera , -dira-t-on , des armes
prifes. dans les.arfenaux ; ç’eft^ convenir que les.
fiennes ne'font pas fuffifantes. Et, fi les arieriàux
font v u id e s f i l’on défend un pofte où il n’y ait
point d’armes de rechange , que- fera la -.cavalerie ? :
Rien que: confommer les magafinsdiminuer par
là le temps de, la défenfe.
Dans l’attaque des villes , des lignes toutes
lés fois que l’on eft obligé d’avancer pied à pied ,
la cavalerie'eft réfervée pour ürt fërvîce extérieur
qui peut l’occuper affez : mais^ quand on en vient
à-: l’alTaut, tranquille fpeétatrice des» événements ,
elle attend qu’on ait enfoncé une porte ou appland
une partie de la ligne , ,& qu’on lui ait fourni de
moyen d’aider l’infanterie à diffiper le. peu de
fbldats qui font encore réliftance. Si elle eût été
mieux armée , on auroit ptf- remployer à vaincre,
6U’émulation,entredes corps de nature différente ,
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atiroit produit les effets les plus heureux. C e fut:
ainfi qu’à .Noyarre , e-n 1.52a , Montmorency, fur
le: refus def- Suiffes, fit mettre pied à terre à fa
gendarmerie > & la fit monter à l’affaut.
Une colonne de cavalerie en pleine marche
rencontre-une redoute ou un autre ouvrage, fous-
lequel elle eft obligée de défiler ; il faut- qu’elle
dépofte cette poignée de monde , q u i, par fon feu
ou par des forties, pourroit beaucoup l’incommoder.
Comment s’y prendra-t-elle ? Son fabre eft trop
long & fon moufqueton trop court ; elle ne peut
faire taire le feu de l’ennemi, & eommettroit une
imprudence ,, fi elle tentoit d’emporter l’ouvrage
de vive force. Il faut donc qu’elle attende de l’infanterie
> ou qu’elle laiffe fur fes flancs ce voifin
incommode ; chacun de ces partis eft également
dangereux. Il n’en auroit- pas été de même , fi
elle ûvoit eu le fufi-1 & la baïonette de l’infanterie.
Quand des maladies contagieufes-, ou une affaire
fanglante ont démonté un régiment de cavalerie
des fecours duquel on ne peut fe palier , il
eft obligé de fervir comme infanterie ; s’il n’eft
pas pourvu du fufilêc de la baïonette, quel fer vice
eflentiel pourra-t-il rendre ?
On fait paffer de la cavalerie dans' les colonies;
on embarque des chevaux ; mais ils-Cont pris , fub--
mergés ou difperfés. Que feront les cavalièrs en
mettant pied à terre ? Et ,,fi- on n’a pas embarqué '
des chevaux, & que l’on ait compté fur ceux du
pays , .que feront encore les cavaliersqufqu à ce-
qu’ils foient- montés ?;'
Un détachement de cavalerie eft pourfuivi pr xl>
un détachement de la même arme , niais beaucoup
plus« confidérable : fe b a t t r e fu ir , ou rendre les
armes font-aujourd’hui les feuls partis: que- l’on
puiffe prendre : le premier eft le plus glorieux ;
mais il ne donne qu’une- gloire infruéhieufe •; car â
de deux troupes-également arm é e sd on t le courage
eft à-peu-près égal, la plus nombreufe doit-
, l’emporter. Se rendre fans coup, férir eft une extrémité
fâcheufe pour de braves gens. Euir à tire
d’ailé eft plus fimple ; mais l’ennemi vous pourfuit
de la même manière ; & , tandis que la honte vous
| fait'quelquefois: ralentir votre marche , la gloire
lui-fait accélérer la fienne. La difperfion fauve
quelques individus ; müis le côrps n’en eft pas moins
défait, pris,, & même flétri. Si ce- détachement
avoit été, armé pour combattre à pied , qu’auroit
faitffon commandant ? Il auroit regardé autour de
lu i, apperçu une maifon, un ravin , -une haie, un
bois , atteint lu n de ces1 refuges , avec toute la
célérité,ppffible ; il s’y feroit difpofé, couvert,
défendu comme l’infanterie^, & auroit repouffé
d’ennemi comme elle. -
Un ou plufieurs cavaliers- font démontés • dans
une charge : leur moufqueton ne les fera pas - ref-
peâer par un peloton' de troupes ennemies. Ils
^feront forcés -de- fe retirer derrière^ l’infanterie ;
mais dans-cette fuppofition , la plus heureufe de
- toutes 'ils- auront * défirer de fe-mêler avec-leurs