
un talon bas ; nos foldats ont befoin » dira-t-on ,
d’une chauffure qui les élève; oui, pour un jour
de parade ; mais à la guerre, mais dans les marches,
il leur faut une chauffure qui ne les gêne point. H
eft prouvé par l’expérience, démontre dans l’article
chauffure du diâio.nnaire d’anatomie, ( d’après le
célèbre Winflcw ) , & il avoit été reconnu par
M. le maréchal de Saxe , que la chaujjure à talon
haut a une foule d’inconvénients , tandis qu’il
rélulte de très grands avantages de la chauffure
à talon bas.
( Il eft certain que les talons trop hauts gênent
touts les mufcles de la jambe , de la eutile & du
bas-ventre. Mais, pour éviter ce mal, qui eft grand ,
il ne faut tomber dans l’excès contraire , & dans
les inconvénients dont j ’ai parlé ci-deffus. Quant a
l’exhauffement de la taille, il feroit ridicule d’acheter
un auffi mince agrément par un excès de
fatigue &. de maladies pour le foldat : ce feroit
le vêtir de clinquant lorfqu’on manque d’or , ou fe
couvrir d’habits de foie, quand on n’a pas de pain ).
Nous ne chercherons point à prouver l’utilité de
l’arrondiffement du foulier : il eft affez connu que •
l’ufage de faire nos fouliers très pointus , ( quoique
notre pied foit arrondi naturellement ) , eft la caufe
première des cors , de l’emjambement & du reti-
rement des doigts ; cette vérité eft prouvée par
l’expérience , lés obfervations anatomiques, & les
monuments anciens.
Si on faifoit la tige de la’ chaujjure militaire à pli
de jambe , elle auroit meilleure grâce ; mais il faut
toujours préférer futile. On aura donc l’attention
de faire tenir la tige aifée ; fans cela le foldat ,
ambitieux de ce mince mérite, & réfléchiffant peu ,
la feroit faire très étroite , & ne pourroit plus la
porter, quand quelques marches lui auroient fait
enfler les pieds , ou quand le cuir fe feroit retiré
en féchant, après avoir' été mouillé.
Sans le quartier dont nous avons donné la def-
cription & l’emploi, la chaujjure militaire auroit le
grand inconvénient que nous avons reconnu à la
botte-molle ; mais par ce moyen elle en a les qualités
fans en avoir les vices.
Au nombre des vices de la guêtre, nous n’avons
pas fait entrer la néoeffité de boucler le foulier fort
haut ; ce qui nuit à la marche : le petit bouton que
nous avons propofé n’a pas le même inconvénient ;
il laiffe le mouvement du cou-de-pied abfolument
libre.
L’expérience & les raifons que M. le maréchal
de Saxe allègue pour faire chauffer le cuir à nud ,
nous ont déterminés à le propofer auffi : on devroit
obliger les foldats à fe graiffer les pieds chaque jour
de marche ; touts les anciens militaires fentent la
néceffité de cette pratique : quant aux damoifeaux ,
il n’y en a plus quand la néceffité parle , ou quand
l’expérience les perfuade. ( Voyeç Montécuculi ,
tom. 111. pag. 2 i 7. Le militaire en Franconie , tom. 1.
pag. 85 .L e foldat citoyen , pag. 139 , &c. ).-
Quant à la bande de cuir extérieure , ou efpèce
de contre-fort, fauteur de cet article, ayant remarqué
que des pêcheurs hollandois & françois por-
toient fur leurs bottes des efpèces de contre-forts ,
femblables à ceux qui font décrits dans le paragraphe
précédent, demanda la raifon de cet ufage : on
lui répondit que ces contre-forts empêchoient l’humidité
de pénétrer jufqu’à l’empeigne, & quon
n’avoit jamais le pied mouillé quand la chauffure
étoit garnie de cette manière. Experientia magïjler
artilim.
Telle eft la chauffure que l’on pourrait donner
au foldat. Nous venons de Voir les raifons qui nous
ont engagés à lui donner cette forme : il nous refte
à examiner fi elle eft bonne. Pour nous en éclaircir ,
faifons-lui fubir l’épreuve à laquelle nous avons
fournis les autres chaujfures.
§ V I I.
Examen de la chauffure propofée.
La première condition que nous avons exigee
dans une chauffure militaire a été qu’elle fut ailée
à mettre & à ôter ; on ne peut refufer ces qualités
à la chaujfure propofée : les deux boutons de chaque
côté font ce qui confume le plus de temps ; &.,
dans un moment précipité , un foldat peut faire
plufieurs lieues lans les mettre.
Une paire de fouliers faits avec du boeuf d’Irlande,
ou d’Auvergne, tanné àGivet ou à Saint-Germain,
& avec du veau de la meilleure qualité, coûte de.
3 liv. 17 fol. à 4 liv. On n’a pas fait faire un grand
nombre de chaujfures pareilles à celles quon a
propofées : mais , en examinant la quantité de
cuir qui entre dans cette chauffure, en calculant
l’argent qu’il faudroit donner à l’ouvrier , on a
reconnu qu’elle ne coûteroit pas plus de 7 liv.
Voyons fi le foldat ne regagne pas cette augmentation
de 3 liv. ~
Il lui en coûte chaque année pour fes
; guêtres. • • • .................................................... 4 slss
Pour des fouliers, deux paires, à 3wi S r • 7 16 ■
2 reffemelages, à ................ • • 1 16»» 3 12.
Total d’une année de chaujfure♦ • • • • 16*
Chauffure militaire, une à 7 livres* • • 7*
2 reffemelages ,. à 2 liv. • ....................... 4
Soulier neuf , car on peut remonter la
chauffure • ................. ............................... * ' * 3
Total d’une année avec la chauffure
militaire • • .................................... 14
Ainfi le foldat épargnera 2 livres chaque année t
encore en ne portant qu’à 16 livres le prix de la
chahffure a&uelle, on l’a mis au plus bas .poffible, &
on a omis les manchettes de guêtres qui coûtent au
moins 12 à 15 fols par an.
Il eft vrai que le foldat fera obligé de faire faire
deux chaujfures la première année de fon fervice ;
mais il trouvera cette dépenfe faite la dernière
année de fon engagement. D ’ailleurs il fera lur les
bas une épargne confidérable , puifqu’il pourra s’en
paffer, & qu’on l’y obligera toutes les fois qu’il fera
de fer vice ou fous les armes.
Nous avons blâmé dans la guêtre l’entretien
journalier qu’elle exige ; ici il doit être compté
pour rien : le foldat eft obligé de nétoyer fes fou-
liers touts les matins ; un coup debrofle de plus fuffira
pour la tige de la chauffure.
Ldi chauffure propoîée occupera-t-elle plus d’ef-
pace dans le fac, & pefera-t-elle davantage qu’une
paire de fouliers, une ou deux paires de bas, & trois
paires de guêtres ? Non, affurément ; cette chauffure
remplit donc déjà plufieurs conditions du problème.
Paffons à l’examen des autres.
La chauffure propofée ne peut gêner dans la
marche ou nuire dans- les travaux ; elle ne touche
prefque pas le cou-de-pied, & ne ferre le pied
même qu’à l’endroit où cela eft abfolument nécef-
faire pour empêcher le frottement qui pourroit le
bleffer.
Il ne faut que jetter un coup d’oeil fur la chauffure
, pour fe convaincre que par fa conftruétion
elle empêche l’intromiffion des grains de fable , &.
ferme l’entrée à la boue & à l’eau.
D ’après cet examen impartial, il réfulte que la
chauffure propofée remplit toutes les conditions
requifes. Levons cependant quelques objections
iju’on pourroit faire.
§ . V I I L
O b j e c t i o n s .
Le fujet de la première objeCtion fera la manière
dont on couvrira la partie de la jambe qui refte
nue. Nous avons vu plus haut que M. le maréchal
de Saxe blâmoit la jarretière de la culotte la
regardoit comme un martyre. Nous avons démontre
combien elle étoit nuifible ; fi on la laiffoit
fubfifter, on ne feroit que pallier le mal.
Nous propoferons pour l’infanterie une culotte
lans jarretière ; elle fera large & fermée jufqu’au
deffous du genou, un peu étroite & ouverte depuis
cet endroit jufqu’au-deffous du molet. Cette ouverture
fera fermée par quatre boutons femblables
a ceux de la chauffure ; un d’eux fixera la chauffure
au moyen du tirant qui eft placé à cet effet. On
fera des objections contre cette culotte fans jarre-
f1 n ’ ° n .^*ra ftue nous diminuons la dépenfe du
oldat, mais que nous augmentons celle des corps.
Je conviens que fi on continuoit à donner à
chaque foldat huit culottes pour huit ans, les régiments
feroient chaque année une perte de
iooo a 120° liv. ; mais ne poutroit-on pas , au
ieu e donner ces huit culottes de. tricot ou d’ef-
tame , en diftribuer quatre de drap & deux de
coutj . Ces fix culottes ne couteroierit pas davan- ■
tage que les huit qu’on donne aujourd’hui , dureraient
autant , & feroient plus agréables au
foldat.
Les huit culottes de tricot ou d’eftame coûtent
de 35 à 36 liv. • • • * ................................... 36*
Quatre culottes de drap coûteraient
de 27 à 28 liv. • • ................... 28*
Deux culottes de coutil coûteraient
de 7 liv. 10 f. à 8 l i v . .......... 8
Sommes é g a le s ......................... 36W 36*
Comment une culotte de drap ne durerait-elle
pas dix-huit mois , puifque des habits de la même
étoffe doivent durer trois ans ,. & que les culottes
d’eftame fervent pendant une année entière ?
Le drap eft trop fort, dit-on, pour faire des culottes.
Nos bas-officiers font preuve du contraire ;
plufieurs d’entre eux portent des culottes de drap ,
& s’en trouvent bien. Pour affurer davantage la
durée des culottes , on fera mettre un morceau de
peau blanche à l’endroit du plus grand frottement.
La couleur de la culotte feroit encore un moyen
d’en affurer la durée. Mais ce changement de couleur
fut-il regardé comme inutile , il n’influe en
rien fur la culotte propofée. Celle de coutil du- •
reroitaifémentdouze mois ; fur-tout, fi pour éviter
le fréquent blanchiffage on la faifoit tramer de
bleu ; ce mélange ne paraît cependant pas indif-
penfable.
Le foldat françois eft: françois comme le refte
de la nation ; toujours même culotte,. jamais de
changement, cela le fatigue. Je fuis perfuadé que
plufieurs d’entr’eux fe feroient un jour de fête
de celui où l’on prendrait la culotte de coutil ,
& que touts en feroient bien aifes , parce qu’ils
feroient plus fraîchement.
Ces deux culottes ne péferoient & n’embaraf-
feroientpas davantage que les culottes ordinaires ;
dans tous les cas l’augmentation du poids & de
l’embarras feroit peu confidérable , & d’ailleurs
bien rachetée par la diminution des guêtres ,
bas, &c.
Voilà , ce me femble , toutes les objections
poffibles contre la culotte fans jarretière. Ajoutons
✓ qu'elle a plufieurs autres avantages, tels que celui
d’être mife très v ite , de donner un air plus lefte
au foldat, & de le rendre réellement tel.
Si , malgré les utilités que la culotte fans
jarretière nous paroît avoir , elle renfermoit des
inconvénients que nous n’avons pas prévus ; ils ne
devraient pas être un motif d’exclufion pour la
chauffure propofée : on pourroit dans ce cas couvrir
le nud de la jambe avec un bas de peau jaune ,
à étrier; ces bas ne coûteraient jamais autant au
foldat que les bas aCtuels ; ils feroient moins lourds
& plus fains.
M. le maréchal de Saxe a pourvu , dira-t-on ,
à garantir le foldat contre le froid & l’humidité , &
vous n’y avez pas penlé. M. le maréchal de Saxe
j ne pouvoit fe difpenfer de remédier à l’humidité *
F f f f i j