
ainli que M. de Clairac 3 qu’il écrivoît pouf des
jeunes gens, pour des officiers particuliers, & qu’il
étoit par conféquent inutile de parler des mouvements
d’armée, des avantages 8c des fuites d’une
bataille gagnée.
La icience de l’officier particulier n’eft pas la
même que celle de la petite guerre ; cependant les
capitaines ne peuvent méditer avec trop d’attention
Yejfai fur la petite guerre de M. le comte de la
Roche, Get ouvrage eftimable leur donnera des
inftrullions folides fur une infinité d’objets, principalement
fur l’attaque & la défenfe des convois,
fur les embufcades, & c . . . .
M. Fojfé nous a auffi donné depuis peu un ouvrage
recommandable par la beauté des gravures
qui l'accompagnent, & par l’utilité de quelques-uns
des exemples qu’il y a confignés ; le capitaine le lira
donc auffi ; on ne peut puiler dans un trop grand
nombre de fources ; parce que, de touts les auteurs
que nous venons de nommer, aucun n’a fait entrer
dans fon plan tout ce qui eft utile au capitaine.
Joignons ici Vauban, Montécuculi , Santa - Crux 3
- Feuquières3&c. les ouvrages de ces grands hommes,
quoique principalement confacrés à l’inftruâion des
officiers généraux, n’en offrent pas moins des leçons
utiles aux officiers particuliers. A l’étude de ces
ouvrages excellents, le capitaine joindra l’exécution
du précepte que le maréchal de Montluc donne
aux militaires dans le paragraphe qu’il a intitulé ,
un homme qui fuit les armes , doit ouir Les raiforts des
vieux capitaines. « Il faut, dit notre auteur, être
curieux d’écouter & retènir l’opinion de ceux qui
font gens expérimentés fur la faute, perte ou gain
qui s’en eft fuivi ; car certes,"c’eft grande fageffe
de bien apprendre & de fe faire maître aux dépens
d'autrui ». Le capitaine qui voudra acquérir fur
l’art de la guerre, des connoiflances plus étendues
& plus variées que celles qui lui font indifpen-
fables & que fes chefs doivent exiger, pourra recourir
, pour fçavoir où il doit les puifer, au paragraphe!
delà feélion I I de notre article , G én éra l.
Hijloire......... .. Nous ne mettons pas la connoiffance
de l’hiftoire au nombre de celles qui font
indifpenfables à l’officier particulier. Cependant le
capitaine q u i, pour fe convaincre de la vérité des
maximes que les auteurs militaires ont confignées
dans leurs ouvrages, y cherchera les caufes des
fuccès & des défaites ; qui fuivra pied à pied les
guerriers dont les hiftoriens lui expoferont les
actions ; qui méditera avec attention les mémoires
des militaires anciens, & fur-tout ceux des militaires
modernes ; qui lira, relira Montluc, la Vieil-
le v ille , & les campagnes de touts les grands
hommes que nous avons cités dans notre article,
G én éra l ; qui cherchera à tirer une moralité de
chacune de leurs allions, à daller & à raffembler
fous un même point de vue les objets qui peuvent
mutuellement fe prêter des lumières : celui - là
acquerra chaque jour des idées grandes, nouvelles,
de heureufes. Si on lui demandoit cependant un
compte ex aâ des connoiflances qu’il pofsède, il ne
raifonneroit peut-être pas avec autant de facilité
que celui qui auroit uniquement confaeré fes loi-
firs à l’étude des ouvrages didaéliques : mais qu’on
lui donne une troupe à commander, nous verrons
l’occafion développer en lui des talents qu’il ne
croyoit pas lui-même pofféder, & nous retrouverons
en lui l’efprit des grands hommes avec lefquels
il aura entretenu un commerce étroit & fuivi.
Géographie. La géographie la plus néceffaire au
capitaine eft l’art de deviner la forme ,que doit
avoir une montagne dont il ne voit qu’une partie, la
profondeur d’une rivière dont il n’apperçoit que
les bords, les détours &. les débouchés d’un vallon
dont il ne connoît que l’entrée, les petites variétés
d’un pays qui paroît uni & de plaine. On fe rend
habile dans cet art conjectural, en faifant pendant
la paix de fréquentes obfervations, en s’affurant
de la. vérité de chacun des jugements qu’on a portés,
en fe formant un coup d’oeil affez fur & affez
jufte, pour juger de loin de la force d’une troupe,
& de la direction qu’elle prend., & c . Combien
d’avantages n’aura pas fur fes ennemis &. fur fes
camarades, le capitaine qui aura fait des progrès
dans cet art ? Combien ne s’épargnera - 1 - il pas
de peines & de courfes ? Et quand il fera chargé
de quelque reconnoiffance militaire , avec quelle
facilité ne devinera-t-il pas quels font les endroits
les plus propres à former une embufeade, à attaquer
un convoi, & c ?
Langues. Un capitaine peut conduire avec fa-
geflfé le détachement qui lui eft confié , réuffir
même dans la plupart des entreprifes qu’il forme ,
fans fçavoir parler ni la langue des ennemis contre
lefquels il fait la guerre , ni l’idiome du pays qui
eh eft le théâtre. Mais on conviendra fans peine
q u e , dans une infinité de circonftances , il feroit
heureux pour lui de parler' l’une & l’autre« S’il
veut prendre auprès ’ des habitants de la contrée
dans laquelle il fe trouve , des informations relatives
à une expédition qu’il m édite, interroger des
prifonniers, des transfuges , qui fe font rendus à
lu i, tromper par une réponfe adroite une fenti-
nelle, une garde ennemie, conférer avec des bour-
guemeftres ; combien , dans toutes ces occafions 9
ne doit-il pas employer d’a r t , pour n’être pas la
dupé de fés interprètes, ou pour ne point divulguer
les projets qu’ il médite ? Se trouve-t-il, après
un combat fanglant, abandonné fur le champ de
bataille ? Quelques mots qu’il adreffe au foldat
ennemi le plus farouche, le touchent plus vivement
& avec plus de promptitude que les démon-
ftrations les plus énergiques. Un prifonnier de
guerre eft un étranger, un ennemi, quand il ne parle
pas notre langue , &. nous oublions prefque qu’il a
porté l’un ou l’autre de ces titres, dès que nous
entendons fortir de fa bouche des accents qui nous
font familiers.
La vie du général Kleift nous offre un exemple
frappant de cette vérité. Il parloit avec une égale
facilité
facilité l'allemand, le latin , le françois, lepolonois, !
& le danois. Lés bleffures qu’il reçut à la jourhée' !
de Kunnerfdorff le forcèrent à relier fur le champ 1
de bataille. Des cofaques, barbares & avides,
parcourant cè théâtre d’horreur , dépouilloient
les morts, arraçhoient un relie de vie à touts ceux j
qui refpiroient encore. Ils s’approchent de Kleift', j
le dépouillent, & font prêts à lui porter -le coup !
mortel : il les entend parler polonois, & leur adrefïé ’
en cette langue quelques paroles nobles & tou- ‘
chantes. Les cofaques étonnés , & le croyant po- j
lonois , lui laifsèrent la vie, & lui donnèrent même 1
quelques fecours. Il en auroit reçu davantage ; il j
mur oit recouvré fes vêtements ; on l’auroittraniporté 1
dans un lieu où il auroit reçu touts les fecours dont •
.il avoit befoin ", fi les foldats qui le rencontrèrent j
euffent été françois , anglois , ou allemands. j
Un capitaine devra doncfçavoir toutes les langues
de l’Europe,confumer à apprendre des mots j
tous les loifirs que lui laiffent lès devoirs?. Non, j
fans doute. L’étude des langues eft plus faite pour }
les enfants que pour les hommes déjà formés ; &•
le capitaine en a d’ailleurs de plus importantes à
faire.. Le gouvernement devroitdonç , par conféquent
pourvoir à ce que les gentilshommes ne j
fuffent admis au grade d’officier qu’après avoir }
prouvé qu’ils parlent les langues qu’on auroit jugées j
les plus néçeffaires aux militaires : les Romains :
faifoient apprendre à leurs enfants les langues des
peuples avec lefquels ils étoient en guerre ; il ne
refte donc à cet égard qu’à déterminer quelles font
Jes langues.dont la connoiflance eft la plusnécef-.
faire à nos militaires. Je fuis loin de joindre ma !
voix à celle des perfonnes qui ont voulu bannir
de l’éducation militaire l’étude de la langue latine ;
la langue dont, s’eft fervi Cæfar pour, écrire fes
..commentaires, la langue qu’ont parlé les vainqueurs
du monde , fera toujours un des objets de l’étude
.des militaires lçavants mais il me femble que ,
dans une éducation militaire, cette langue ne doit
tenir au plus que le quatrième rang. Je donnerois
le premier à la langue nationale , le fécond à la
langue allemande , le troifième à l’angloife , le
quatrième à la latine , le cinquième à l’italienne,
& le fixième à l’efpagnole. Si on demandoit le
motif de cet ordre , je répondrois qu’on doit commencer
par parler la langue de fon pays, avec
pureté & avec précifion ; que l’Allemagne fera
-encore pendant longtemps le théâtre de nos guerres ;
"que les Anglois font, félon les politiques, nos
ennemis naturels; que le latin abrège infiniment
rl’ étude, de l’italien & celle deTefpagnol; enfin,
que vraifemblabiement nous enverrons plutôt des
armées en Italie qu’en Efpagne.
• Droit de la guerre. L e capitaine doit connoître
quels font les droits que donne la viéloire, non
pour jouir de touts ceux que les premiers vainqueurs
fe font attribués, mais pour empêcher fes
. Subalternes & les foldats d’abufer de leurs avantages.
Mais c’eft dans fon propre coeur, encore plus
Art militaire. Tome I,
que dans les livres , qu’il doit puifer les règles de
fa conduite. ( Foye^ le mot H ümanité , dans la
IV Section de cet article. ). Nous renverrions
auffi le capitaine à fon propre intérêt, ü ce mot
étoit fait pour entrer dans le vocabulaire de nos
militaires.
Mathématiques. Le capitaine n’a pas befoin de
s’élèver aux mathématiques tranfeendantes : il lui
fuffit de connoître celles dont l’accès eft le plus
facile. Il pourra donc fe borner à la géométrie
élémentaire , &. à faire avec précifion fur le terrein
les opérations qu’elle enfeigne.
Dejfm. Pour qu’un capitaine puifle rendre un
compte exalt d’une reconnoiffance militaire qu’il
aura faite, ou d’une autre opération qu’il aura
exécutée , pour qu’il puifle faire goûter &. adopter
un projet qu’il aura conçu, Si garder lui-même
un fouvenir fidèle de ce qu’il aura vu ou projette^
il faut ' qu’il fçache repréfenter fur le papier le
terrein qu’il a parcouru ou qu’il veut parcourir :
& les mouvements qu’il a faits , ou qu’il fe propage
de faire. C ’eft par le moyen du deflin qu’il
y: parviendra. La connoiflance & la pratique de '
cet art eft donc indifpenfable au capitaine, jaloux
de rendre à fa patrie des fer.vices utiles, & animé
par le noble defir de parvenir aux grades élevés«
Nous ne difpns pas ici quel eft le genre de deflin
^auquel le capitaine doit s’adonner ; nous ne parlerons
pas de la manière dont il doit repréfenter
les différents objets qu’offre la nature ; oc les obfervations
dont il doit acompagner les plans qu’il
fait : nous réfervons ces détails importants pour les
mots dejjin Si reconnoiffance militaire.
Des arts. Nous n’exigerons pas fans doute, que
les capitaines, çonnoiflent à fond la fabrication des
draps ; qu’ils fçaehent la manière de couper & de
coudre un habit; qu’ils ayent appris le. métier du
cordonrfier , de faifeur de guêtres ; en un mot ,
qu’ils ayent pénétré dans touts les arts, qu’ils
s’occupent des fournitures néçeffaires à l’habillement,
à l’équipement, à l’armement, & ’ à la nourriture
du foldat : mais les officiers qui auront acquis
fur touts ces objets des connoiflances un peu approfondies
ne feront-ils. pas à portée d’éclairer la
conduite des fourniffeurs qu’ils auront choifis, de
re&ifier celle des bas-officiers qu’ils auront chargé*
de certains achats, & plus à l’abri d’être trompés
fur la qualité. & fur le prix des objets qu’ils diftri-
bueront à leurs foldats, que ceux qui n’auront
aucune notion fur ces arts divers. Nous n’exigerons
pas non plus que le capitaine de cavalerie connoiffe
l’art du lellier , du bottier, de' l’épero'nnier ; qu’il
fçache forger un mords, monter une Telle, ou,
joindre une tige de botte avec fon empeigne : mais
il doit pouvoir juger au premier coup d’oeil fi le
cuir de la botte eft de bonne qualité , fi l’ouvrier
en a bien joint les différentes parties, fi les arçons
de la félle font bienfaits , fi la Telle elle-même eft
rembourrée comme elle doit l’être, fi un cheval
eft bien embouché , û la gourmette a les propor-*
O o o