
a poffibilité par l’expofé de touts les nivellements
antérieurs,& des différents procès-verbaux des ingénieurs
; 30. les avantages des divers canaux , foit à
Manofque, à Cadenet, ou à Noves, foit pour les
ponts abfolument néceffaires, ôc que le canal perfectionné
rendra d’une plus facile exécution; 40. les
preuves que , fans attendre l’entier achèvement du
nouveau canal de Richelieu, il fera utile & profitable
dès fon principe 6c à mefure qu’on avancera
fa conftruétion ; parce qu’il portera toujours avec
lui la fertilité, en arrofant un pays aride;parce
qu’il procurera tout de fuite des revenus , chaque
partie pouvant fucceffivement former d’elle-même
un canal achevé, dont les eaux peuvent être vendues
, 6c employées en arrofements pour améliorer
les terres où elles feront répandues ; parce
qu’enfin les eaux fuperflues peuvent toujours être
rejettées dans les divers torrents qui traverfent la
route que le canal doit fuivre. Après ces arrêtés,
on reprit les travaux en 1752. On fit des foffés,
des ponts, 6cc. mais depuis longtemps on n’y travaille
plus, & l ’on ignore les motifs qui ont fait
fufpendre l’exécution d’un projet doublement
utile, foit pour les arrofages dans un pays où ils
font indifpenfables, foit pour le commerce 6c la navigation.
En prenant les eaux de la Durance à travers
le roc dé Canteperdrix,dans la paroiffe de Jouques,
à quatre lieues nord-eft de la ville d’A ix , ( avantage
unique, dit le fieur Floquet, qui rendra à jamais
la prife des eaux immuable & hors d’atteinte ;
de toutes les inondations caufées par cette rivière ) ,
le canal qui les recevra aura fon cours par les territoires
de Jouques, Peyrolles, Meyrargues, Venelles,
le Puy-Arnayon, Saint-Efteve, Rogues,
Saint-Cannat ,lÊguilles, ôcc. Au-deffus de la ville
d’A ix , on établirait deux badins de partage, le
premier ptès de Janfon, qui conduiroit au Rhône
prèsTarafcon par la Manon & Saint-Remy, en
ïuivant à-peu-près'la direétion du canal de Cra-
ponne ; le fécond baffin, placé près d’Eguilles,
joindrait la mer de Provence à la mer de Martigues
, fi le canal projeté du port de Bone au
Rhône avoit lieu. L’autre branche du canal, qui
pafferoit au- deffus de la ville d’Aix , feroit conduite
parTholonet, Mégreveil, Gardane, Bone, Ca-
brie 8c Septème jufqu’à Marfeille, où elle dégor-
geroit fes eaux dans la rade.. Au moyen de ce
canal, les marchandifes defcendroient de Lyon à
Marfeille , toujours par eau , fans que les bateaux
de tranfport fuffent obligés de palier par les bouches
du Rhône , dangereufes dans touts les temps. Pour
compléter tout ce qu’il importe de fçavoir fur ce
canal, il y faut joindre la leélure du dernier écrit
. que le fieur Floquet publia en 1764 fur l’objet, la
nature, & les avantages de cette entreprife, les
arrangements avec une nouvelle compagnie, & enfin
l ’état aétuel du projet, qui n’eut pas plus de fuite que
dans les précédentes tentatives.^Les deux premières
parties de ce mémoire curieux font trânfcrites en entier
par M. Fabbé d’E xp illy , au mot Pr o v en c e . J
Le fçavant P. Bertier , qui a dreffé la carte de cé
canal, d’après laquelle on vient d’en tracer la
route, écrivit au commencement de 1772 , à
M. Béguillet, que le fieur Floquet, auteur de ce
beau projet, étoit mort de douleur de le veir fans
exécution : fort ordinaire de ceux que le zèle du
bien public enflamme, 8c dont la mauvaife fortune
ou l’envie contrarient les vues patriotiques. Le
fieur Floquet approuvoit fort l’idée du P. Bertier ,
qui étoit de fe contenter de détourner au pas de
Canteperdrix, par une des ouvertures du vallon ,
qui font fort baffes du côté d’A ix , la plus grande
partie des eaux de la Durance dans la baffé Provence
, vers laquelle eft la pente des terres où font
les bonnes villes, & où le terrein eft fec 8c chaud.
On forceroit enfuite la Durance à fe creufer elle-
même un ou plufieurs lits vers Aix 8c Marfeille ;
on en laifferoit couler un petit bras vers Avignon ;
& toutes les vaftes campagnes qu’elle enfable 8c
dévafte de ce c ô té - là , deviendraient fertiles.
« Voilà, continue le P. Bertier, ce que M. Floquet
trouvoit faifable, plus court, moiùs difpen-
dieux, plus utile que l’ancien projet de tirer un
canal depuis Canteperdrix jufqu’à Aix & Marfeille,
dans un terrein tout entrecoupé de montagnes :
mais ce ne fera jamais qu’une idée. Je fçais bien que
fi j’avois deux cents mille livres de rente, je ne les
mangerois pas en équipages, laquais, 8c autres folies;
je les employerois a faire ce bien à l’humanité
ôc à ma province ».
On doit fe garder de confondre le canal dont je
viens de tracer l’hiftorique, avec relui de Donzerre
, propofé en 17^8, fous le nom de canal de
Provenee._Il s’agiffoit alors de tirer un nouveau
canal de navigation 8c d’arrofage, depuis la paroiffe
de Donzerre fur le Rhône en Dauphiné, jufqu’à
celle de Sàint-Chamas en Provence. Il traverfoit
toute la plaine du comté Venaiflin, qu’il auroit
arrofée 8c rendtfé*très fertile. Il devoit paffer à
Avignon-, où il fe replîoit vers Cavailles, en prenant
la route de Sorgues ou de la Durancole, au-
deffus de Cavaillon, près de Mérindol. Il devoit
couper la Durance, & paffer par Salon pour arriver
à Saint-Chamas, où il fe terminoit dans l’étafig de
Berre,qui communique à la Méditerranée. Il auroit
ainfi traverfé quarante lieues de pays, en le fuivant
dans fes contours. Son utilité ayant été mife dans le
plus grand jour & fous les apparences les plusfpé-
cieufes par le fieur Cyprian d’Avignon, il fe forma
facilement pour l’exécution une nombreufe compagnie
d’aétionnaires qui déposèrent bientôt des
fonds confidérables : mais le fieur de Regemorte,
ingénieur député par la compagnie pour vérifier
fur les lieux la poffibilité du canal, y trouva tant de
difficultés qu’elle abandonna l’entreprife. M. Tho-
maffin dit dans fes lettres fur les canaux que ce
projet fit beaucoup de bruit à Paris, qu’on y donna
tête baiffée, & que les premières puiffances voulurent
en être propriétaires; qu’en peu de temps il
y eut glus de cinq millions dépofés chez le fietiç
Croizat, qui en/étoit le tréforier : ott obtînt même
des lettres patentes fur arrêt du confeil du 4 mai
1718. Il ajoute que le fieur Cyprian , protonotaire
à Avignon, n’étoit que l’annonciateur du
projet, qui avoit été fait par M. d’Allemant,
gentilhomme provençal ; qu’à Marfeille, A v ignon
, A ix , & L y on , on ne voulut point prendre
d’aélions dans cette affaire, parce qu’on étoit plus
à portée d’en connoître les inconvénients, ôcc.
Cependant quelques-uns prétendent que ce canal
étoit auffi utile que praticable ; qu’il auroit été exécuté
, fans l’oppofition de la cour de Rome, qui ne
voulut point permettre le paffage par les terres du
Comtat, Sc que les aétions en furent tranfportées
par arrêt du confeil fur le canal de Picardie.
Quelques années avant qu’on eût propofé le canal
de Donzerre en Dauphiné, on avoit exécuté dans la
même province, vers le commencement de ce fiè-
c le , un autre canal d*arrofage qui fécondoit la belle
plaine de Pierrelatte en Dauphiné : mais la divifion
s’étant mife entre les propriétaires, on négligea de
fournir aux frais des recurements fréquents des terres
ôc des fables qui éïoient pouffés par les débordements
du Rhône ; ce qui a fait combler le canal ôc
en a interrompu le cours.
On n’a jamais ceffé de s’occuper en Provence
de projets de canaux"d'arrofage , parce qu’on y
fent plus qu’ailleurs la néceffité d’arrofer les terres.
Il pleut rarement en cette province, Sc il s’y trouve,
principalement depuis Beaucaire jufqu’à la mer ,'
plufieurs couches de terres falées 8c amères, qu’on
nomme fanfouire dans le pays ; ce qui échauffe pro-
digieufement la fuperfiçie dans les chaleurs, ôc
brûle toutes les plantes , de forte qu’il faut femer
les grains de très bonne heure, afin qu’ils ayent le
temps de mûrir avant les grandes chaleurs : on n’y
peut femer qu’après les pluies, qui font fufer les
terres comme la chaux. On trouve dans ces terres
du fel marin en fi.grande abondance , qu’on en
tire fuffifamment pour fournir plufieurs provinces ,
ôc qu’il s’en formeront affez pour l’ufage de tout le
royaume, s’il étoit néceffaire. Ces différents lits de
terre falée, qui ont été couverts poftérieurement
par d’autres atterriffements de limon & de terre
douce , amenés par les débordements fucceffifs du
Rhône, donnent lieu de penfer que l’efpace depuis
Beaucaire jufqu’à la mer étoit autrefois un golfe ou
bras de mer, dan^, lequel- fe déchargeoit le Rhône.
Il eft ailé de juger, après une telle expofition
du local, que les arrofements faits à propos font
indifpenfables dan^ toutes ces terres à droite & à
gauche du Rhône, depuis Beaucaire jufqu’à la
mer, ce qui comprend la Camargue, ôcc. &c.
M. Virgile, dont l’excellent mémoire fur cet objet
eft inféré parmi ceux des fçavants étrangers, tom.
I er, propofé de fertilifer toutes ces terres arides par
les arrofements du Rhône, en élevant fon lit ou
canal dans l’endroit où ce fleuve eft refferré entre
les deux rochers de Beaucaire 6c de Tarafcon. La
jdi^ue néceffaire pour cç rehauffemenî du Rhône ,
facilîteroît en même-temps la conftruétion d’un
pont de pierre , qui feroit très utile en cet endroit,
où les Romains en avoient un fi magnifique qu’on
l’appelloit pons cerarius, pont du trelor. Cet excellent
citoyen fait voir que ce feroit un moyen ,
i ° . de defsécher touts les marais qui font confidérables
dans le Languedoc Ôc la Provence ; 20. de
faciliter la navigation par les canaux qui ferviroient
également à la navigation 8c à l’arrofement ; 30. de
donner la facilité d’élever le riz en France, où il
croît auffi aifément qu’ailleurs.
De touts les auteurs de projets pour des canaux
d*arrofement, aucun ne s’eft plus diftingué que le
fçavant auteur de la France agricole & marchande.
Il obferve d’abord que les forts labours
8c les engrais forment la bafe de toute bonne
culture, & que par ce moyen le fol le plus ingrat
devient fertile, 8c décuple fon produit ; que cette
amélioration ne peut fe procurer qu’avec des bef-
tiaux 8c des prairies ; reffource qui manque dans
les pays fecs ÔC arides , éloignés des fources & des
rivières, telle qu’e ft, par exemple , la partie de
la Champagne qu’on appelle Pouilleufe. Il démontre
qu’il eft aifé d’y fuppléer, en formant
avec les fources qui peuvent fe trouver dans le
voifinage ; 8c à leur défaut avec les eaux de pluie ,
des réfervoirs , des étangs , des canaux 8c des rigoles
pour arrofer les terres labourables & les
prés artificiels que l’on formeroit dans ce pays.
Ne feroit-il réfervé qu’à certains cantons du Languedoc
, du Rouffillon, & du Dauphiné , d’arrofer
leurs terres labourées ôc leurs prairies-avec des
rigoles, qu’ils dérivent des rivières , ou avec des
eaux qu’ils élèvent par le moyen des roues ?
Quoi ! fi dans la plupart des provinces on connoît
le prix des eaux de rivière ; fi on les recherche
avec tant d’empreffement, comment fait-on ü
peu de cas des eaux de réfervoirs, de mares Sc
d’étangs, qui font fécondes par elles-mêmes 6c fi
favorables à la végétation ? Puifque Feau eft de
touts les moyens Je plus efficace pour fertilifer
les terreins les plus ingrats , faifons touts nos
efforts pour en procurer par-tout, en multipliant
les réfervoirs 6c les canaux. Nos moiffons feroient
plus abondantes, fi la chaleur 6t l’aridité n’arrê-
toient les progrès des plantes céréales, dont les
racines n’emploient que deux à trois pouces de
terre fur une fuperfiçie bientôt de fléchée par les
premiers, rayons du foleil 6c les hâles du printemps
, & c.
Après avoir établi ces principes par une infinité
d’exemples, plus peyfuafifs encore que les raifon-
nements , puifqu’ils font fondés fur l’expérience ,
Fauteur choifit pour l’application de fon fyftème, une
contrée de la Champagne , qui comprend les villages
de Poivre, de Mailly, de Renoncourt, 6c
. fur le grand chemin de Vitry à Meaux, à caufe
de la féchereffe ôt'de l’ingratitude naturelle de fon
fol : au moyen des réfervoirs d’eau qu’il y fait
creufer, des canaux d*arrofage qu’il en tire , ôj. de
M m m i)