
Saint Louis , on ne' connoiffoit pas l’arbalète en
France. C ’eft en racontant le liège du château de
B o y e s , dont on voit encore les ruines à deux
petites lieues d’Amiens, qu’il nous allure de ce fait.
Francigenis no fins illis ignota diebus .
i Res erat omnino quïd ballïfiarius arcus :
: Nec habebat in agmine toto
Rex quemquam fciret arrnis qui talibus uti.
Philippe-Augufte mit l’arbalète & les arbalétriers
en ufage ; mais on ne voit point dans les hiftoriens
oe fon règne , qui néanmoins defcendent en de
grands details de guerre , que ce prince eût établi
un officier d’armée avec le titre de maître des
arbalétriers. Nous n’en voyons point non plus
fous le régné de Louis VIII ,' Ion fils. Depuis
Saint Louis , l’hiftoire fournit une fuite de ces
officiers , jufqu’en 152,5 , fous le règne de François
Ier, pendant lequel Aimar de Prie eut encore
ce titre.
. -P* Daniel dit n’avoir trouvé nulle part les1
fondions & lés prérogatives du grand-maître des
arbalétriers bien marquées , que dans l’extrait d’un
regiftre des titres de Ro che chou art-Chandenier ; il
eft intitulé ainfi :
Fes droits anciens que fçuloient avoir les grands-
maîtres des arbalétriers de France.
«c Le maître des arbalétriers , de fon droit , a
toute la cour , garde & adminîftration, avec la
coiinoifiahce ddS~gens de pied étant en l’oft ou
chevauché le roi , r& de touts les arbalétriers",
des archers, des maîtres d’engins, des canoniers,
des charpentiers, des ffqffièrs, & de toute M §
tillerie de l’oft à toutes les monftres; a l’ordonnance
fur ce à la bataille , premier affiet les
efcoutes , envoyé querre le cry la nuiâ ; & fe
, fgrtereffe j ou chateau;eft pris , à lui appartient
foute l’artillerie , quelque foit qui trouvée y
; & fe 1 artillerie de • l ’oft eft commandée à
traire fur ennemis , -le ^revenant de l’artillerie eft
a lui. Item a Ion droit fur oyes & chievrès qui
font prinfes en fait de pillage fur les ennemis du
roi ».
Les1 mots du commencement de cet article, a
toute la cour \ fîgnifieht, je crois y (continue le Père
Daniél) , que le maître tes arbalétriers àv'oit tovLtè
la jurifdi&iony igârdé ,'& c . Dès gens de pied étant
en l ’ofl ou chevauche le roi. Je ne crois pas que
cela veuille dire que le commandement de touts
les gens d e 'p ied 'fût attaché à fa charge , mais
feulement que, lorfque le roi chevauchoit enl’ofi,
c’eft-à-dire , lorfqu’il étoit préfent à l’armée , il
prenoit immédiatement de lui l’ordre pour l'infanterie,
faifoit les monftres, & c . , fans prendre
l’ordre du maréchal de France ; mais y quand le
roi n’étoit-point e n l’ofi ,-il n’agiffoit que par les
ordres du général qui repréfentoit la perfonne
du roi.
W réflexion eft fondée fur un arrêt du 1 %
avril T 411 , fous Charles V I , au fujet d’un différent
qu’il y eut entre lé Maréchal de Boucicaut,
& Jean fleur d’Hangeft , maître des arbalétriers
de France. Du Tillet parle de cet arrêt fous le
titre , du connétable , des maréchaux , & des maîtres
des arbalétriers, tome I ; « les arbalétriers, dit-il ,
archers, & canoniers , ayant les maîtres des arbalétriers
& de l’artillerie, leurs fupérieurs, débat-
toient n’être fous la charge defdits maréchaux. Le
roi Charles V I , fur ce débat mû entre le maréchal
Boucicaut & le fleur de Hangeft, maître des arbalétriers
, le 22 avril 1411 , déclara que la connoif-
fance defdits arbalétriers , archers, & canoniers ,
appartenoit & appartiendroit perpétuellement, &
la réception de leurs monftres &. revûë, auxdits
maréchaux ».
Ce différent, fans doute , ne confiftoit pas à
fçavoir fi le maître des arbalétriers , & touts ceux
qui étoient fous fa charge , obéiroient dans l’armée
au maréchal de France ; car de touts temps les
officiers les plus confidérables , comme fut depuis
le colonel général de l’infanterie , obéiffoi,ent dans
l’armée au maréchal de France, comme au général
de toutes les troupes ; mais il étoit feulement
queftion de fçavoir fi les crimes des arbalétriers,
archers , & canoniers dévoient être jugés par le
maître des arbalétriers , ou par le maréchal de
France, à l’armée ; fi c’étoit à celui-ci à ordonner
les revues dés arbalétriers, des archers, &c.; à
recevoir l’argent pour leurs monftres & autres
ehofes femblables , quand il étoit préfent y &
c’eft ce qui fut adjugé au maréchal.
Du Haillan, qui tait auffi mention de cet ar-
r e t , ( de l ’ état des affaires de France, liv. I F , fol.
v* ) dit que cela' fut changé depuis, que les
maîtres des arbalétriers revinrent contre l’arrêt, &
qu’ils furent rétablis dans les droits que les maréchaux
de France leur avoient difputé._
J Du T ille t, & quelques autres fur fon témoignage,
ont écrit depuis , qu’à la chargé du grand - maître
des arbalétriers fut fubftituée celle de colonel
général de l’infanterie. « Le maître des arbalétriers
, dit du T ille t, étoit ancienne office , ainfi
nommée dès le temps de faint Louis ôt auparavant,
parce que , des gens de pied, lès arbalétriers
etoient en plus grande eftime 3 &. lui a fuccédé
le colonel de l’infanterie ».
Ce fentiment eft appuyé fur un mauvais principe
; puifque du Tillet femble fuppofer que touts
les arbalétriers n’étoient que de l’infanterie ; or
nos hiftoires détruifent cette erreur ; Philippe de
Comines, en racontant la bataillé de Fornouë,
fous le règne de Charles V I I I , fait plufieurs fois
mention d’arbalétriers à cheval, tant parmi les
François que parmi les ennemis. Le même auteur,
en parlant des troupes que Jean, duc de Calabre,
amena aux princes, durant la guerre du bien
public, au commencement dut règne de Louis X I ,
dit qu’entre autres troupes , il avoit quatre cents
cranequiniers que lui avoit prêtés le comte Palatin,
gens fort bien montés, 6* qui fembloient bien gens de
guerre. Or ces cranequiniers étoient certainement
des arbalétriers à cheval.
Marc de Grimaut, feigneur d’Antibes, qui eft
nommé dans la lifte des grands-maîtres des arbalétriers
, îons le roi Charles V , l’an 1373 , eft
qualifié de 'capitaine général des arbalétriers 3 tant
de pied que de cheval, étant ail feryice du. roi3
par lettres données a Vincennés , le 16 décembre
1373. Il eft encore parlé d’archers à cheval,
fous le règne du roi Jean, dans l’article de Baudoin
de Lence, grand-maître des arbalétriers.
Il eft donc évident que la charge de colonel
général de l’infanterie n’a point juccédé à celle,
de grand-maître des arbalétriers, non-feulement
parce que ces deux charges, étoient toutes . différentes
, mais encore parce qu’il y avoit des arbalétriers
à cheval , fous le,s. ordres du grand-
maître des arbalétriers ; au lieu que la charge de
colonel général de l’infanterie ne donnoit de
jurifdiélion fur aucune cavalerie, que tout çe
qui regardoit l’ancienne & la nouvelle artillerie
n’a jamais été dans la dépendance du colonel
général, & que . l’ancienne artillerie étoit toute
ipus le grand - maître des arbalétriers. Par cette
dernière raifon, la dignité de grand - maître de
l’artillerie d’aujourd’hui repréfente beaucoup mieux
celle de grand-maître des arbalétriers ; & elles
ont entre elles beaucoup plus de reffemblance.
Celle de grand-maître de l’artillerie donne, l’inf-
peâion fur toutes les machines de guerre &
fur leur emploi ; & ce titre , en ufage long-temps
avant l’inyention des armes à feu , a pu être
conféré au grand-maître des arbalétriers ; il eft
du moins certain qu’il avoit fous lui des officiers
nommes maîtres d’artillerie 3 dès l’année 1291 fous
Philipperle-Bel , & :enluite fous fes fucceffeurs ;
ce^ qui fubfifta jufqu’à l’invention du canon , &
meme au -d e là; puifque, fuivant l’aéte précédent
, non - feulement les archers & arbalétriers,
mais les maîtres, d’engins, les canoniers, & toute
l ’artillerie’ de l'ofi , étoient fous les ordres du
grand-maître des arbalétriers.
Les maîtres fubalternes de l’artillerie avoient
des titres particuliers, comme de l’artillerie du
Louvre, de Rouen, de Melun, &c. On trouve
dans notre hiftoire , jufqu’en 1378 , vers la fin du
régné de Charles V , que c’étoient des gentilshommes
peu confidérables , & quelquefois des
bourgeois.
Ba charge de grand-maître des arbalétriers vaqua
. pendant loixante ans après la mort du feigneur
dAuxi qui en étoit pourvu en 1161. Ce fut peut-
etre pendant cet intervalle que le titre de grand-
maître de l’artillerie prévalut. Soüs Louis X I , le
ire de Cruffol fut commis au gouvernement' de
toutes les artilleries de France ; & François I er
renouyella, en 1523, pour Aimar de P rie , la
dignité de grand-maître des arbalétriers ; ce fut le
dernier qui pofséda cette charge. ( Hifi. de la mil.
franc, tom. 1 3pag. 191. )
A R B I T R E . Deux püiffances peuvent éviter
une guerre , en prenant un arbitre de leur différent.
L’hiftoire en offre plufieurs exemples qui ne
peuvent être ni trop préfentés , ni trop répétés
aux princes. Puiffent-ils employer toujours cette
voie de raifon , la feule' qui foit digne d’hommes
civilifés -, ; & laiffer aux brutes & aux barbares
la loi de la force , qui ne devroit agir que dans
les forêts de l’Afrique'& de T Amérique. Deux
princes qui prétendoient au royaume d’Argos
ne1 voulurent point l’acquérir ■ par l’effufion du
fang humain : -ils fournirent lëur caufe au jugement
d’une feulé perfonne : ce fut Eriphyle ,
foeur d’Adrafte , &' femme d’Amphiaraiis , qui
1 étoient les deux concurrents. ( Diod. L. IV. ).
Périclès confeilla un arbitrage aux Athéniens ;
& , fi noûs. en croyons Efcnine , Philippe lui-
même offrit de terminer fes démêlés avec
Athènes , en prenant pour arbitre un état neutre
& défintérelfé ; Cyrus prit le roi des Indes pour
juge entre lui & le roi d’Affyrie ; les Carthaginois
interposèrent des Juges entre eux & Mafliniffa ;
les Parthes & les Arméniens demandèrent à Pompée
des arbitres pour déterminer leurs frontières ^ les
Lacédémoniens & les Argiens fe fournirent à la
décifion des coutumes du pays. Nous voyons de
même Antonin conciliant plufieurs peuples ; les
Gépides repréfentant aux Lombards qu’ils étoient
prêts à s’en rapporter au jugement d’un arbitre ,
& ne pouvoient par conféquent être attaqués fans
injuftice ; Théodébald , roi d’Auftrafie , offrant
aux Romains un arbitrage , & Magnus , roi de
Norvège, terminer fes différents avec Canut, roi
de Dannemarck par la même vofe. C ’eft par elle
que les Druides ont fouvent maintenu la paix dans
les Gaules. Quant aux püiffances qui ont employé
ce moyen pour terminer des guerres commencées,
elles méritent auffi d’être propofées pour exemple,
quoiqu'elles ayent été fages un peu plus tard qu’il
n’auroit fallu. Tels font les Athéniens & les Mégariens;
qui , fur le différent qu’ils avoient concernant
l’ile de Salamine , prirent cinq Spartiates pour
arbitres ; les Gorcyréens qui proposèrent aux : Corinthiens
de s’en rapporter aux villes du Pélo-
ponnèfe. -
Un moyen moins rai-fonnable, mais préférable
cependant, eft la voie du fort. Le fort, dit Salomon,
appaife les diffentions , & juge auffi entre les puif-
farices_. ( Prov. c. 18 ,v . 18 ): Les combats finguliers
font un arbitrage de ce genre , & ont été fréquemment
employés. Homère fait dire par Ménélas :
« Eeoutez-moi, Grecs &. Troyens ; ma querelle
& l’att'entat d’Alexandre vous ont fait éprouver
beaucoup dë maux. Que celui des deux périffe ,
à qui la mort eft deftinée ; & vous, peuplés, ceffez
vos cdmbats ». ( L. 111, v. 97 ). Et dans Tite-Live ,
•Métius Suffétius dit à Tullus Hôftilius : « Prenons
quelque voie qui décide lequel des deux peuples