
ou d’autres circonftapçes font trop défavorables à
vos troupes ; quand votre retraite , étant malN
allurée , ou trop éloignée, une défaite détruiroit
prefque toute votre .année ; quand .votre ennemi
eft trop fupéfieür en nombre ou en efpèce de
troupes ; quand, .vous ne connoiffez bien ni fes
forces ni fa pofition ; quand vous attendez un
lecours qui doit vops* donner l’égalité ou la fupé-
riorité ; quand yos troupes font nouvelles, ou ne
font point encore anez aguerries. Il faut regarder
comme apprentis ceux qui n’ont point travaillé
depuis long-temps. . ,
Soit cara&ère, foit habitude, touts les hommes
ne font pas propres à la même efpèce de guerre.
Evitez XaSlïon, quand la feule manière dont vous
publiez combattre contrarie les moeurs & le génie
dè vos troupes. Si elles font mécontentes, fi elles
craignent un ennemi fouvent vainqueur, ou trop
peu connu , & ’dont la manière de çombattre ne
leur éft pqmt encore allez fapiilière ; gardez-vous
<îè les mener trop tôt au combat.
La fuperftition, fouvent nuifible, quelquefois
utile, doit vous engager à vous abftenir de YaElion,
tant que la crainte qu’elle infpire obsède yos
troupes."
Difette 3 maladie dans le camp ennemi.
Lorfque vous êtes certain que l’ennemi, manquant
de fubfiftances, fera détruit à la longue par
la difette, & les maladies, ne rifquez pas une
attioTi qu’il cherche alors de "tout fon pouvoir.
Pofnpée refufa lpng - temps , par cette r^ifon,
comme nops lç verrons dans la fuite, le combat
que Céfar deliroit à Dyrrachium , & à Pharfale.
Brutus, & Çaffius, campés à Amphipolis , ne
vouloiênt pas combattre Antoine & Céfar-Aur
gufte , qui manqupïent de fubfillances. Paulin &
Marius, généraux d’Othon, lui çonfeilloient de ne
pas s’expofer aux fuites d’une aftion avec Vitel-
liu s , dont les troupes n’avoient pas de yivres.
Ànnius Gallus y ajoutoit la raifon d’attendre les
légions qui venoient de Moefie. Les Vjtelliens aur
roient beaucoup fouffert pendant ce delai, tandis
que les Otjioniens étoient dans l’abondance. Othon
rébelle à ces confeils perdit l’empire & la vie. On
trouve dans notre hiftoire de grands exemples de
fageffe & d’imprudence en des cas femblables,
L’an 1356, tandis que l’armée du roi Jean II
s’affembloit ; le prince de Galles perdoit, au liège
peu important de Romorantin, un temps preçigux
qu’il aurôit dû employer a fa retraite. Il s’efforça
inutilement dp réparer fa faute par des marches forcées.
Les deux armées arrivèrent en même temps
à Maupertpis, peu loin de Poitiers. Le prince
avoit au plus douze mille hommes, le roi plus de
foixante mille. L’armée angloife , ayant ravagé le
pays, ne ponvoit plus y trouver de vivres : elle
ëtoit fatiguée par de longues marches : elle man-
gupit de fourrages. Il étoit facile au roi de la
réduire à une'difette abfolue, en l’enveloppant &
interceptant des convois, qu’elle ne pouvoit tirer
que de loin. Le prince , & fon armée, étoient
contraints de fe rendre, & la guerre étoit terminée.
Parmi fous les généraux françois affemblés pour
délibérer, il n’y en eut pas un feul allez prudent,
ou alfez peu çourtifan, pour modérer le courage
trop impétueux du 'monarque. L’attaque fut ré-
folue d’une voix unanime. Ce fut un ecdéfiaf-
tique, le cardinaUde Périgord, qui ouvrit feul un
avis falutaire. Envoyé par le pape Innocent V I ,
pour négocier un accommodement entre les deux
rois, il l’avoit tenté en vain. Au moment où le
fang alloit couler, ce miniftre de paix accourut
pour faire encore une tentative. Il repréfenta au
roi qu’il pouvoit vaincre fans combat, que les
Anglois fçroient heureux de fe rendre à des conditions
raifonnables.
Le roi confentit à des proportions qui furent
portées par le cardinal. Edouard, connoiffant le
danger où il étoit, répondit qu’il accepteroit toutes
celles qui né blefleroient ni fon honneur n»
cçlui de l’Angleterre. Il offrit de rendre toutes
fes conquêtes, &.de s’engager à ne pas porter les
armes contre la France durant fept ans. Le ro i,
deftinant déjà le prince de Galles à ferait d’échange
pour Calais, le demanda prifonnièr avec
cent hommes. D ’après, fon refus , la bataille fut
réfolue. Mais, comme les négociations avoient
rempli la journée, XaElion fut remife au lendemain.
Si elle avoit eu lieu le même ' jour , Edouard
auroit eu de plus le défavantage d’y être moins
préparé. Il profita du jour & de la nuit pour faire
fes difpofitions. Des haies & des buiffons, que le
terrein lui offrit-, furent fes retranchements. Il les
borda de fçs archers. Derrière eux un chemin ,
contenant à peine quatre hommes de front, con-
duifoit à des vignes & à un terrein couvert d’é-*
pines. Le refie des archgrs fut mis eh bataille devant
la fortig dg ce défilé, derrière un foffé profond,
que le prince avoit eu le temps de faire creufee
éç. paliffader. Au - delà de ces archers étoient les
hpmmeç d’armes: ceux-ci avoienf quitté leurs
chevaux, Le prince chargea le captai de Buch
d’allgr, avec trois cents.hommes d’armes, èjL au?
tant d’archers , prendre les François en flanc peri-5
dant le\ir attaqué.
L’armée françpife forma trois divifiojis d’égale
force, Trois cents hommes d’armes à cheval (douze
cents hommes) commencèrent l’attaque. Dès qu’ils
fe furent engagés entre les haies $£. dans le çhe-j
min, lgs archers anglois firent tomber fur eux une
pluie dgflèphes, qui* tirées prefque à bout touchant
, ne manqupient de percer ni homme, m
cheval. J-*es chevaux bleffés, renverfés avec leurs
maîtres, d’autres errants fans guide, les hommes
d’armes à pied , chargés de leurs armes * remplirent
bientôt tout le défilé ; de forte que ceux qui
fuivoient ne purent marcher en-avant. Cependant
]e,s maréçhaqx d’Andreghçn, §£ de Clermont
çommandas^
«commandants de l’attaque, ayant franchi ces obstacles
, à la tête de quelques hommes d’armes,
: attaquèrent , avec une intrépidité téméraire , la
f troupe qui couvroit la fortie du défilé : ce petit
| nombre fut auffi-tôt enveloppé, tué , fait prifon-
4 nier. Le refte, ne pouvant ni paffer le défilé rempli
d’hommes & de chevaux , renverfés les uns I fur les autres, ni refter expofé aux coups certains
des archers, fe jetta, en rétrogradant, lur la divi-
* fion qui le fuivoit, & la mit en défordre. Ce fut
en ce moment que le captai de Buch chargea en
flanc la divifion commandée par le dauphin, accompagné
de fes deux frères. Les généraux à qui le roi
avoit confié la garde de ces princes, non pour leur
infpirer une terreur infamante, mais pour les mettre
à l’abri d’un danger réel, redoutèrent plus l’ennemi
que la honte, les emmenèrent, & ne fe crurent
,en fûreté qu’à Chauvigny. La retraite des princes
effraya leur divifion ; elle prit la fuite.
■< La fécondé divifion, s’étant apperçue que le duc
d’Orléans, qui la commandoit, s’enfuyoit avant que
d’être attaqué , crut le danger imminent, & fut
entraînée par fon lâche exemple. Edouard, voyant
les deux tiers des François diffipés , le refte ébranlé ,
fiait Remonter à cheval fes hommes d’armes, paffe le
défilé avec toutes fes forces,' & attaque la divifion
du roi. L’dtiion étoit commencée depuis long-temps ;
mais ce fut feulement ici que le combat s’engagea.
La cavalerie allemande fut'chargée vivemént, &
loutint le choc avec courage. Ses généraux ayant
été tués, ainfi que le connétable de Brienne , elle
p lia , & laiffa le roi expofé à tout l’effort des Anglois.
Entouré d’un grand- nombre de chevaliers,
'•Si combattit, & fut défendu avec le plus grand courage.
Ce brave prince, à pied ainfi que fa troupe ,
enveloppé par la cavalerie ennemie, bleffé, couvert
de fon fang, une hache d’armes à la main, ôtoit
la vie à tout anglois qui l’approchoit. Voyant qu’il
' falloit fe rendre , il crioit : ou efi le prince ? Si j e le
< voyois 3 je par,1erois. Edouard étoit encore loin : le
roi remit fon épée à Morbec, chevalier françois ,
expatrié pour caufe de meurtre. Le plus jeune des
fils du monarque, Philippe, à peine âgé de treize
ans , fut bleue dans le combat en défendant fon
pere , & fe rendit avec lui.
Telle fut cette action mémorable par l’impru-
dence , l’ignorance, l’aveuglement total du roi &
de fes generaux, la lâchete de quelques-uns , le
courage du monarque, l’héroïque vertu d’un enfant,
comme par la fermeté, la conduite, l’habileté du
^eune .prince de Galles, & la valeur de fon armée.
K r ï f a.ns aPràs, le même prince, ayant pénétré
mlqu a Paris , où Charles , dauphin , régent du
royaume , s’étoit renfermé avec peu de troupes,
Un ¥ raUr lf défier à ia 9 Ê S : Charles
remia. Edouard, efperant l’y attirer, ravagea la
le^Frj’rTr ? ^ .en,voy a. quelques troupes infulter
taie • C h aT Ju^ uau Pied des murs de leur capi-
taie . Liharles n en fortit pas. Le dégât qu’il vovoit
l i i s H H
L’ennemi s’ôtoit les moyens de reffer dans les
plaines qu’il dévaftoit, & fut bientôt obligé de
s’en éloigner.
En 1369, le duc de Lancaftre defcendit en
France^ Charles V envoya contre lui le duc de
Bourgogne & fes meilleures troupes , mais avec
un ordre exprès d’éviter toute aElion générale, &
de laiffer les Anglois fe priver eux-mêmes de
fubfiftances par leurs ravages ordinaires. Le duc
alla prendre un camp favorable à fes deffeins,
près de Saint-Omer, en préfence des Anglois. Il
fe conforma exaéfement aux fages ordres du roi
fon frère, tout contraires qu’ils étoient à l’ardeur
de fon jeune âge. Lancaftre effaya inutilement
d’engager une aElion. Il fut bientôt obligé de
reprendre la route de Calais , fuivi par Saint-Paul
& le connétable de Fiënnes. Ceux-ci, le harcelant
fans ce lle , le firent échouer par cette efpèce.
de guerre dans une expédition qu’il tenta fur
Harneur.
L’année fuivante,Robert Knolles entra en France
par Calais, à la tête d’une armée nombreufe. Il
traverfa la Flandre, la Champagne, & vint dans
rifle-de-France, en marquant fes traces par des
ravages. Aucune armée françoife ne fe préfenta
devant lui : mais de petites troupes le fuivoient,
l’inquiétoient, tuoient touts les anglois qui s’aven-
turoient loin de leur camp. Knolles vint fe pré-
fenter en bataille entre Villejuif & Paris. Charles V ,
renfermé dans fa capitale avec douze ou treize
cents hommes d’armes, ne fit la guerre aux Anglois
que par des partis, & la difette les força bientôt
de reprendre la route de Normandie.
Un autre exemple de ce genre fut donné ,’
en 1384, par Charles de Duras, furnommé de
la Paix. Le duc d’Anjou, oncle de Charles V I ,
étoit paffé en Italie pour difputer à Charles , la
poffeffion du royaume de Naples. Le paffage des
Alpes lui avoit coûté un affez grand nombre de
foldats. Les Montagnards lui avoient enlevé une
partie confidérable de fon tréfor. Les largeffes
qu’il étoit obligé de faire à fes troupes, afin de
les retenir, épuisèrent le refte ; cependant il fe
rendit maître d’une partie du royaume, & alla
préfenter la bataille à fon adverfaire. Celui-ci,
connoiffant la fituation de fon ennemi, ne l’accepta
pas. Le duc d’A njou, bientôt dénué d’argent,
forcé de vendre fa vaiffelle, fes équipages, fes
habits, réduit à une cotte d’armes de toile peinte,
manquant de fubfiftances, vivant de pain d’orge,
n’avoit plus qu’une cavalerie démontée en grande
partie , qu’une infanterie accablée par la difette
& les maladies. Dans cet état il marcha vers
Barlette, où fe tenoit fon rival, & lui préfenta
la bataille. Charles fortit de la ville avec toute
fon armée ; mais le malheureux duc n’eut que ce
moment d’efpérance : Charles rentra auffi - tôt.
Louis, réduit au défefpoir, fe jetta fur un corps
de troupes retranché à quelque diftance de Barlette.
Il fut repouffé, bleffé, forcé de fe retires