
paffe les tirants* de la culotte, qui fe fermera avec
un bouton à côté fur la guêtre ; moyennant quoi
l’on évite les jarretières, ce qui n’eft pas une petite
affaire. Les Allemands en ont jufqu’à trois l’une
fur l’autre-, une pour tenir les bas , l’autre pour
fermer la culotte & la troifième pour arrêter les *
guêtres ; ce qui eft un vrai martyre. Pour con-
lèrverles pieds fecs , il faut ajouter à cette chauf- |
fùre dés fandales de bois à-peu-près comme les j
FLècollets en portent, ce qui empêche que les
fouliers ne fe mouillent ; ni dans la boue, ni dans
la rôfée, & lorfqu’ils font en faélion ; ce qui eft
une grande incommodité & entraîne des"maladies.
Dans les temps fecs , pour le combat, & pour la
parade, on les feroit quitter. Au premier novembre
on leur donneroit de gros bas pour l’hyver , qui
iroient aufli haut que la guêtre , qu’ils pafferoient
par-deffus le foulier & la guêtre, & qui feroient
arrêtés par en haut avec les mêmes tirants des culottes.
Ces bas feroient femelés d’un cuir mince par
dehors, qui remonteroit un peu fur le. côté & fur le
bout du pied ; enfuite ils les chaufferoient dans
la fandale qui les tiendroit chauds, & empêche-
roit les maladies aux jambes ; parce qu’il n’y auroit
que du-cuir qui porteroit ; lequel eft ami de la
peau ». ,.
On pourroit avec raifon jurer in verba magijlri,
d’après M. le maréchal de Saxe ; cependant, fi
on examine attentivement la chauffure que ce
grand homme vouloit donner à l’infanterie, on
reconnoît qu’elle feroit plus incommode que celle
qui eft en ufage : les vices de fes petits efcarpins,
de fes grandes guêtres, de fes'demi - culottes de
peau , lbnt trop fenfibles pour qu’il foit néceffaire
de -les détailler. ( Difons feulement que , les petits
talons s’ufant promptement , l’homme privé de
leur fecours gliffe & tombe facilement ; qu’un peu
d’huile feroit préférable au fuif & à la graiffe animale
; que c’eft une erreur de croire que Ta laine
foit venimeufe plus que la toile ou le cuir pour les
jambes ; qu’expérience faite , les écorchures y gué-
.riiïent aufli bien fous l’une que fous l’autre ; enfin
que la forme de cette chauffure ne met à l’abri
ni de la boue ni de l’eau, & que la feule fandale
pourroit garantir de l’humidité de la terre ; mais
qu’on ne peut en faire ufà£e ni en campagne ni
dans les marches. ( K ).
L’auteur des commentaires fur Montécuculli
adopte la fandale de M. le maréchal de Saxe ,
avec des modifications qui la perfectionnent fans
la rendre parfaite. « Au lieu de courroies dans lef-
quelles on met les pieds & qui font attachées à la
femelle de bois, je mettrois , dit-il, une empeigne
entière de peau de loutre avec le poil en deffus :
l’eau ne pénètre point cette peau , parcè qu’elle
coule fur le p o il, ôf jamais l’empçigne du foulier
ne feroit humide. ». Quand la peau de loutre feroit
moins rare, quand elle ne feroit pénétrable
ni par l’eau, ni par l’humidité , elle ne nous
paroîtroit admiftible que lorfqu’on nous auroit
enfeigné le moyen de l’entretenir dans un état dé
propreté convenable & la manière d’ôter les petites
pelotes de boue qui s’attacheroient néceflairement
à chacun des poils de la loutre, quelque ras qu’ils
fuflent.
M., de Turpin, paffant à la femelle, ajoute :
« quant à la Semelle de bois., je voudrois qu’elle
fût de deux morceaux , qu,i feroient joints par un
fort cuir bien cloué ; afin qu’en marchant la fandale
put faire, l'effet d’un foulier , & fuivre le mouvement
du pied.,». La femelle de bois, étant cle
deux morceaux , feroit fans doute moins incommode
que fi elle étoit d’un feul ; mais , malgré
cette précaution , elle fuivroit toujours moins bien
le mouvement du pied.qu’une ou plufieurs Semelles
de cuir, quelque épaiffes qu’elles fuflent : enfin elle
fatigueroit toujours davantage, empêcheroit d’aller
auln v ite , feroit plus dea bruit, & expoferoit à
plus de chûtes.
M. de Turpin dit encore : « je voudrois que
cette femelle de bois fût large, pour que le pied
fût d’à-plomb.. . . », Cette précaution de faire la
femelle de bois large , indique un des plus grands
vices des fandales ; c’eft la facilité qu’elles ont à
tourner, facilité très dangereufe par les entorfes
fréquentes- qui en font la Suite ; on l’éprouve journellement
dans les pays où le peuple fait ufa'ge de
.ce genre de chauffure ; & on l’éprouveroit encore
plus fou vent, fi. on portoit la fandale par deffus
un foulier ou un efcarpin.
Le volume & le poids de la chaujfure propofée
par M. de Turpin font des motifs d’exclufion :
& , quant à l’économie , fuppofé qu’il y en eû t,
elle feroit peu confidérable ; le bois mouillé, ÔC
fur-tout le bois blanc qu’on emploiroit pour ces
femelles, s’éraille très facilement , & les gros
clouds qui attacheraient l’empeigne à la planche
l’auroient bientôt déchirée.
Telles font les principales raifons qui doivent
faire rejetter ces-deux chauffures ; celles qui font
propofées par l’auteur du foldat citoyen, & par celui
de l'examen critique du militaire français, rentrent
dans le brodequin ou dans la chaujfure militaire
dont nous parlerons plus bàfc. Mais , puifqu’aucune
des chauffures modernes ne remplit toutes les conditions
que nous avons exigées voyons fi celles
des anciens nous donneront des rélultats plus
heureux.
§. I V .
Chauffures anciennes.
La chauffure militaire des Grecs étoit à peu près
la même que celle des Romains ; ou , s’il a exifté
entre elles quelque différence ,• elle a échappé aux
yeux perçants & infatigables des fçavants qui ont
fait une étude particulière de l’antiquité. Nous parlerons
donc en même temps de celle de ces deux
peuples. . . '
Il nous importe peu de connoître la chaujfure
que
que les Romains portoient en temps de paix.
Chez un peuple où tout citoyen eft foldat, il doit
y avoir un habit pour la paix & un habit pour la
guerre ; mais , chez une nation ou defendre la
patrie eft une profeflion particulière , il eft necef-
faire que celui qui s’y eft voué porte toujours les
marques diftinétives de fon état, tant pour fe le
rendre familier que pour être diftingué du refte
des citoyens. Chez une telle nation, il eft a délirer
que l’o fficier, de quelque grade qu’il foit,
regarde l'habit uniforme comme le plus honorable
qu’il puifl’e porter. Tant qu’il le voit ainfi, fes inférieurs
& le refte de la nation en prennent &
confervent la même opinion. Ajoutons que , fi
le peuple romain , guerrier par fyftême, eut regardé
fa' chauffure de paix comme propre & bonne
a |la guerre , il l’y auroit employée.
Les Romains avoient deux chauffures militaires,
l’une pour le foldat &. l’autre pour le,s principaux
officiers de l’armée. La caliga étoit la chauffure du
foldat ; elle confiftoit en une groffe femelle de bois
très large , à laquelle étoient attachées* des bandes
de cuir pour l’arrêter au pied. Ces bandes faifoient
quelques tours audeffus de la cheville du pied j-
de manière cependant que l’efpace qui étoit entre
les bandes demeurait à nud. Quelquefois une de
ces bandes paffoit entre le grand orteil & le fui-
vant , pour tenir la-chauffure plus ferme.
Celle des principaux officiers différoit peu de
celle des foldats quant à la forme , & fe nommoit
çampagus.
Sous les empereurs, en des temps plus rapprochés
du nôtre , on trouve quelques chaujj'ures affez
reffemblantes à nos bottines ; mais aucune n’alloit
au-deffus du gras de la jambe.
Les Gaulois , les Germains , les Daces , les
Parthes, & les autres peuples que les Romains
comprenoient fous le nom de Barbares , portoient
tours à peu près la même chauffure : elle con-
fiftoit en des bas larges qui tenoient aux braies ,
ôc qui defcendoient jufqu’à la cheville du pied ;
leurs fouliers étoient ronds; ( Monfaucon. ant. expl. ).
Les François , fous les rois de la première race ,
portoient luivant le père Daniel un foulier, attaché
au pied avec une longue courroie, ou un ruban ,
dont les deux côtés , depuis le p ied , montoient
en s’entrelaçant & croifant au tour de.la jambe
& de la cuiffe où on les arrêtoit.
Charlemagne adopta les ufages militaires des
Romains, leurs armes , & leur chauffure. Tant
que dans nos armées il y eut peu d’infanterie,
& que nos . rois n’eurent'point de troupes réglées.
& permanentes, chaque foldat fe chauffa
luivant fa fantaifie ; quelques-uns même firent la
guerre , nuds pieds. On couvrit enfuite le fantafîïn
d armes defenfives ; & , quand on les lui ôta , on
lui prefcrivit la guêtre.
D apres 1 idee que nous nous fommes formée d’une
bonne chaujfure militaire , ii eft facile de conclure
qu aucune de celles que nous avons décrites ne peut
Art militaire. Tome 2,
nous convenir. Effayons d’en composer une qui
rempliffe toutes ies conditions1 que nous avons exigées,
• ■ * : -• 1 I • §• v.
Chauffure militaire propofée.
Cette chauffure feroit compofée d’un foulier fait
avec un cuir de vache léger & doux. Le talon
feroit bas ; le bout prefque rond , la femelle large ,
l’empeigne terminée en forme quarréè au bas dit
cou de pied. A la place du quartier on adapterait
une tige aifée auffi de cuir de vache. Cette tige
feroit coufue par derrière & fur les côtés a la
trépointe, & pardevant à l ’empeigne ; elle feroit
jointe par derrière & en dehors-j elle monterait
jufqu’au bas du gras de la jambe ; elle feroit fendue
par le haut, au milieu de chacun des cotes de la
jambe , de trois pouces ou trois & demi, luivant
la longueur & la groffeur de la jambe : a 1 extrémité
de la fente on feroit un arrêt pour empecher le
déchirement du cuir, & on y attacherait un tirant
large de 8 lignes, & long de 5 pouces à 5 pouces
& demi : à l’extrémité de ce tirant on feroit une
boutonnière ouverte de 8 lignes. A un pouce Sc
demi du haut de la chauffure , & a un pouce . du
bord de la fente , on placeront fur le cote de derrière
un bouton de cuivre à queue-, a tete plate
& unie , du diamètre de 5 ligues : a un pouce de
celui-ci en defeendant fur la même ligne verticale ,
on en placerait un fécond. Vis-à-vis chacun de
ces boutons on ouvriroit une boutonnière de 8 lignes
de longueur \ à l’extrêmite & a la tete de ces boutonnières
on feroit un, arrêt. On auroit attention
de mettre un petit contrefort fous chacun des
boutons. Pour recouvrir les boutons & les boutonnières
, oh coudroit à la partie de la chauffure
qui porteroit les boutonnières un morceau de cuir
large de 9 lignes. On recouvrirait le bas de la tige
avec une bande de cuir coupée, en forme de quartier
, elle auroit 2. pouces de largeur, a 1 endroit ,
où elle feroit fixée fur la tige, & elle iroit enfuite
en diminuant de 6 pouces dans fa longueur 5j jufi»
qu’à fe réduire à 15 lignes de large : ce quartier
ferviroit à affujétir. la chauffure avec un bouton
femblable à celui dont fe fervent quelques ordres
religieux. Entre la femelle de cuir fort & celle de
vache qu’on appelle première femelle } on placeroit
une légère couche de poix ; le tour de l’empeigne.,
d’un quartier a 1 autre , feroit recouvert a
la hauteur d’un pouce & demi par un morceau de
vache , coufu à l’empeigne & à la femelle. Le
talon, ainfi que la femelle extérieure , feroient
fuffifamment garnis de cloüs à tête moyenne Ôt
plate : on porteroit la chauffure militaire à nud.
§_vi.
Raifons & avantages de cette forme.
Oti fera peut-être étonné que nous propofions