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enluite .plusieurs dons qui ne prouvoîent pas
libéralité que la fatisfaérion 8c l'arecon-
noiuance.
Salufte , parlant de la conduite que tint Mé-
tellus après la bataille qu’il gagna contre Jügurtha,
dit que , dans le difcours qu’il tint à les foldats , il
les loua touts * les remercia, les exhorta à continuer
avec le même courage une guerre qui ne
pouvoit plus préfenter rien de difficile ; qu’ayant
combattu .jufque-la pour la viétoire , ils pouvoient
le flatter que dans la fuite un grand butin feroit
le prix de leurs travaux.
Vous recompenferez d’une manière particulière
ceux qui le feront diftingués dans le combat, afin
que cet exemple excite touts les autres à ne pas
le contenter dans une autre occafion de remplir
Amplement leur devoir,
Artaxerce , vainqueur de Cyrus, récompenfa
ceux qui, durant le combat .»avoient fait leur devoir „
& cette recompenfe fut proportionnée au mérite
des aérions. Il déclara que, Tifapherne s’étant
montre le plus vaillant, il lui faifoit de riches pré-
fents , lui donnoit fa. fille en mariage 6c le gouvernement
des provinces maritimes , que Cyrus
avoit auparavant.
Antoine fit fouper avec lui , 8c à fes côtés ,
un Ample foldat qui s’étoit diftingué dans une
lortie faite par la garnifon d’Alexandrie contre
les troupes d’Augufte.
Le châtiment dont on ufe 'à l’égard des lâches
^it une forte de recompenfe à l’égard des vaillants ;
parce que la différence du traitement que les uns
éprouvent eft une preüve de . la diftinérion que
les autres ont méritée. D’ailleurs les premiers per-
-févereroient dans leur lâchëté, fi on ne la puniffbit
pas. Ainfi, quand un foldat ou un corps entier
fait mal fon devoir, qu’on le diftingué par le châtiment
, comme on diftingué les autres par la ré-
compenfe.
« Que le général qui a gagné une bataille 3 dit
Onofandre , recompenfe & -honore ceux qui ont combattu
valeureufentent ; qu'il châtie ou fiétriffe par
quelque marque ignominie ufe ceux qui fe font comportés
en lâches. A infi, les uns s'obtiendront de
mal faire , & les autres rempliront leur devoir avec
plus de fele , pour acquérir de la gloire, n.
La meme râifon qui veut qu’on , donne une plus
grande part du butin à célui qui s’eft diftingué ,
qu’à celui qui a feulement rempli fon devoir,
demande auffi- qu’on n’en donne aûcune à une
troupe qui n’a point rempli fes obligations. C’eft
un milieu entre l’indulgence 8c la févérité ; il faut
le prendre, quand la faute de cette troupe eft
vifible, fans être trop confidérable.
Sépulture. N ouvelles de la v ict oi re.
Pour éviter que l’air ne s’infeéle , 8c ne caufe
quelques maladies dans le pays ou parmi les
troupes ; dès que vous aurez gagné la bataille,
donnez des ordres, afin que toits les payfans des
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lieux voifins viennent avec des pioches 8c des
pelles pour enterrer les cadavres 5 les chevaux , 8c,
autres animaux qui ont été tués. Commandez
quelques perfonnes pour veiller à ce que les
foffes 8c les trous foient profonds ; afin qu’en y
jettant beaucoup de terre , les chiens , les cochons,
6c les loups, ne puiffent pas'les déterrer, 6c que
la puanteur ne tranfpire point.
La pefte dont l’armée carthaginoife, commandée
par Himilcon , fut affligée devant Syracufe > vint
en partie de la puanteur d’un grand nombre de
morts que ce général n’avoit pas fait enterrer.
Ceux qui font fous vos ordres feroient irrités
s’ils voyoient leurs camarades fans fépulture , 6c
ils croiroient avec raifon que vous les traiter
riez avec le même mépris , s’ils venoient à
mourir dans une bataille. Ce qu’on fait envers les
morts fait une forte impreffion fur les vivants.
Apres la bataille du Granique , Alexandre fit enterrer
avec magnificence les, Macédoniens tués dans
le combat, pour exciter les autres par ces honneufs
à le fervir avec ajfeftïon.
Faites auffi donner la fépulture aux morts de
l’armée ennemie , non-feulement pour empêcher
l’infeélion 6c la corruption de l’air ; mais encore
pour vous diftiftguer par cette humanité , 8c vous
attirer l’eftinie des ennemis.
. Après la bataille d’Ifle, Alexandre , qui peut
fou vent fervir de modèle , ordonna d’enterrer'
les morts de fon armée viélorieufe , 8c ceux des
Perfes vaincus. -
Lors même que vous avez eu l’attention de
faire enterrer touts les morts, ne vous arrêtez
fur le champ de bataille &. au vdifinàgé que le
peu dé temps néceffaire pour vous afliirêr là victoire
, 8c pour profiter des dépouilles.
Je veux croire que le marquis-de Leyd'e fut
obligé de refter dans fon'camp de Franque villey
après avoir chaffé les Allemands : mais je fçàis*'
qu’il en coûta cher à l’armée d’Efpagné , puifqu’elle
y perdit plus de trois mille hommes, qui moururent
de maladies caufées par la corruption de;
l’âir.
Si le pays où vous avez gagné la bataille eft
au-delà des mers , 8c s’il eft extrêmement éloigné
de celui où votre fôuverain fait fa réfidence ,
dépêchez auffi-tôt des couriers pour faire part de
cette nouvelle aux princes voifinsde la province
où vous faites la guerre. Quoique vous n’agiffiez
en cela que par politique ; feignez que-c?eft par’
attention 6c par déférence pour eux. Vous pourrez’
éviter -par-là qu’ils ne conduënt quelque traité ,
dont ils auraient commencé les négociations
avec vos ennemis ; 8c qu’ils ne vous refufent les
fecours que vous ferez peut-être obligé de leur
demander.
Galéas , duc de Milan , envoya des ambaffa-
deurs au duc de Bourgogne, pour faire alliance
avec lui contre Louis II, roi de France; mais ,
lorfque , trois femaines après , Galéas eut appri§
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que l’armée du duc de Bourgogne avoit été défaite
à la bataille de Granfon, il traita avec Louis II.
Quand Hermocrate, le Syracufain , eut' battu
les Athéniens, près d’Epipole ; le gouvernement
de Syracufe détacha douze galères, pour répandre
cette nouvelle fur les côtes de Sicile, 8c pour.demander
de nouveaux fecours à différents peuples.
Vous pouvez avec une fage adreffe exagérer
dans vos lettres la perte que les ennemis ont faite.
Cæfar en ufa ainfi en Elpagne , après la vi&oire
que Brutus remporta fur les Marfeillois ; 8c il
attira un grand nombre d’Efpagnols à fon parti.
Ce que je viens, de propoièr ne doit pas fe
pratiquer à l’égard des princes ; lorfque, par la
fituation de leurs états ou par quelque autre cir-
conftance , on peut croire qu’ils aimeront mieux
fe déclarer pour le vaincu que demeurer neutres
©u embraffer le parti d’un trop puiffant vainqueur.
Alors il faut diminuer à leurs yeux votre viéloire ;
8c , quoique là vérité fe découvre^ans la fuite,
il fe peut qu’en cachant une partie des avantages
que la viéloire vous a donnés , vous empêchiez
l’effet des premiers mouvements que la crainte
aurait fait naître dans ces princes- neutres.
Vous devez envoyer auffi-tôt à votre foüverain
la nouvelle, non-feulement d’une bataille gagnée ,
•mais même du moindre avantage remporté lur les
ennemis ; foit parce qu’il peut être d’une extrême
confequence , qu’il en reçoive promptement l’avis;
foit parce que le retardement pourroit marquer
une forte d’indépendance qui a été fatale à plu-
fieurs généraux.
L’ulàge ordinaire eft que le chef de: l’armée ,
dès que la viâoire eft affurée, fait partir un officier
d’un certain rang -, avec une lettre ; qui, en apprenant
au foüverain l’heureux fucçès du "combat,
lîinftruit en général de la manière dont l’aélion
s’eft paffee. Vingt ou trente heures après , lorfqu’il
• eft mieux informé de toutes les circonftancesil
dépêche un fécond"officier qui porte la nouvelle
plus détaillée, avec les étendarts 8c drapeaux pris
lur l’ennemi. Dès que l’aérion paroît confommée,
il envoie U n troifième officier pour inftruire des
fuites de la viéloire , 6c des avantages qu’il a eus
dans la pourfuite.
Vous chargerez de cette commiffion des officiels
de mérite 8c de capacité ; ils doivent auffi
être de vos amis : outre que l’heureufe. nouvelle
qu’ils portent leur fera utile , ils peuvent vous
rendre plus pu moins de fervices , fuivant la maniéré
dont i^s répondront aux demandes qui leur
feront faites par le foüverain 8c par les miniftres.
Envoyez auffi à votre prince, par un de ces
officiers , les copies des lettres que vous-aurez
écrites aux princes voifins ; afin qu’il agiffe avec,
eux conformément à ce que vous leur, avez
écrit.
SUITES DE LA. V I C T O IR E . .
Si. vous, donnez aux régiments.ennemis le-temps
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de fe recruter, 8c à leurs vieux foldats celui de reprendre
courage, vous trouverez l’année fuivante
les mêmes forces à cpmbattre. Lorfque vous
n’aurez pas fçu profiter du bonheur de vos armes 3
8c de la terreur des ennemis ; on n’attribuera votre
vïûoire qu’à la fortune , 8c on blâmera vôtre peu
d’habileté à tirer avantage des heureux fucçès.
a Annibal, Marius Pompée , Antoine , plufiéurs
autres ont vaincu ; mais comme leurs dernières
aélions n’ônt pas répondu aux premières , ils ont
fait voir qu’ils dévoient plus à la fortune qu’à
leurs vertus 8c à leur conduite», ' ;
Jean Bannier , général de Guftave - Adolphe ,,
difoit que, pour mériter le triomphe , il falloit
avoir détruit entièrement fes ennemis, 8c Cæfar
fe railloit de Pompée qui n’avoit pas fçu profiter
de fa viâoire.
• Abfalon , archevêque de Lund , 8c commandants-'
de l’armée navale de Canut V I , roi de Danne--
marc, après avoir vaincu les Vandales dans un
combat naval, engagea Canut, à force d’inftances ,
à entrer dans le pays des ennemis , encore épou--
vantés de la perte qu’ils venoient de faire. Canuts
fuivit ce fage confeil ; il ravagea toute la Van--
dalie , 8c fe rendit maître de Wolin.
Après avoir ceffé de pourfuivre les ennemis 5>
faites avec eux une trêve de quelques heures ou>
de peu de jours , foit pour leur permettre de re
tirer quelques-uns de leurs morts , foit pour'
échanger des prifonniers , ou fous quelque prétexte
apparent. Durant ce court délai , que les -.
plus‘habiles officiers de votre armée , qui auront-’
des parents ou dés amis dans lès troupes ennemies
, s’avancent pour leur parler d’auffi près que
les gardes avancées le permettront ; qu’ils leur
témoignent le chagrin où ils font de les voir ex-
pofés au danger imminent d’une ruine totale
qu’ils ajoutent que l’honneur ne leur permet pas
d’en dire davatage ; que le lien feul de l’amitié'
leur arrache cet aveu ; mais que toutes chofes font
fi bien difpofées que , fi dans peu de jours le refte
de l’armée battue ne fe rend pas, ils ne peuvent
éviter de perdre la vie. Ces fortes de difcours -
peuvent quelquefois produire de grands effets. Les-
perfonnes affidées que vous avez parmi les ennemis*
peuvent auffi porter quelques-uns de leur corps
fe rendre ou à déferter.
Il ne faut avoir recours à là trêve que je vien^->
de propofer, qu’après que touts les moyens de-
détruire les ennemis auront été mis en ufage. Alors *
même cette trêve doit être de fi peu d’heures que-
les troupes mifes en fuite n’ayent pas le temps de
fe rallier 8c de joindre. -
Si l’armée défaite eft compofée de troupes de'
différentes nations , il ne fera pas impoffible de les
défunir ,. en traitant fecrétement avec quelques-
unes -, 8c en promettant de leur laiffer la retraite
libre , pourvu qu’elles la faffent à-l’infçu de leurs
alliés.
Lorfque Démofthène eut gagné la bataille