
pour des dégrés très-différents ; que ces degrés ne
font point affez diftingués ; que cette partie de
la légiflation eft vicieufe dans fon fondement ,
qui eft la juftice & l’équité, &. par conféquent,
qu’il eft très néceffaire de la reftifier, & de l’établir
fur des principes certains. Voye^ D é l it s .
Dans le N o rd , Guftave 1er , reftaurateur de
la difcipline , fuivit à peu - près les mêmes principes.
Il punit de mort le défaut de préfence aux
aflemblees des troupes, Y abandon de la troupe ,
celui de la faâion , celui des armes par la voie
du jeu ou de l’échange; mais il modéra fagement
la peine du foldat endormi en fa&ion , & remit
à la prudence de leurs chefs le foin de la déterminer
fuivant les circonftances*.
, Le crime d'abandon peut avoir des fuites ft
funeftes, qu’on ne doit pas s’étonner fi touts les
peuples l’ont puni par la mort ou par l'infamie.
I l peut livrer à l’ennemi une place importante ,
une armée entière. Les fentinelles ^d’Arpos ayant
quitté leurs poftes, pour éviter une grande pluie ,
Fabius & fes fçddats ne la craignirent pas , &
furprirent la place. Les Gaulois & les Sarmates,
qui étoient dans l’armée de Jovien, ayant palfé
lé Tigre à la nage , trouvèrent endormies les
gardes Perfanes , & cette coupable négligence
coûta la vie à un très grand nombre de leurs
compatriotes. L’hiftoire eft pleine d’événements
femblables, qui prouvent la néceffité de les prévenir
par une loi févère ftri&ement exécutée.
La defertion eft une efpèçe & abandon ; mais' ce
crime étant plus commun & plus compliqué , il
demande un article particulier.
A B A R C A . Voye£ Sp a r d il l e .
A B A T T IS . Retranchement fait avec des arbres
abattus. On lës étënd de leur long , le pied en
dedans , & on les entaffe les uns fur les autres.
Si on en a fuffifamment, ou fi on a affez de temps
pour en abattre une grande quantité on peut en
mettre quelques-uns en travers, pour en mieux
embarraffer les branches l’une dans l’autre , en
rendre la féparation plus difficile & fe faire un
abri plus sûr & plus élevé, par les troncs tranf-
verfâux , dont le poids fert de plus à contenir
ceux qui font deffous,
Lorfqu’on n’a pas le temps de donner à ce
retranchement la folidité dont il eft fufceptibîe ,
on ne fait qu’entaffer les arbres ; mais, quand le
temps le permet, on les range très près l’un de
1 autre ;/on les afîiijettit avec de fortes lambourdes ;
on les attache l’un à l’autre avec des branches
fiexibl,^|, ou des cordes Contenues par des pieux
enfonces,,en terre avec force, o u , fi Y abattis n’eft
pas tres-etèndu, avec des liens ou chaînes de fer.
On arrange & entrelace leurs branches ; on les
taille en pointes , fans les effeuiller ; on coupe
feulement les plus petites, qui empêcheroient de
voir l’ennemi, & on creufe derrière une tranchée
©u petit foffé , dont on peut répandre les terres
«ieffus & entre les troncs, pour les mieux affujettir ;
rejettées de l’autre côté elles, feroîent inutiles*
Ce foffé , deftiné feulement à mettre le foldat un.
peu plus à couvert, ne doit être ni profond ni
large. On déterminera fa profondeur fur l’élévation
des branches. En général, un pied & demi
de profondeur,& deux de largeur, peuvent fuffire.
Il eft utile d’abaiffer le foldat, parce qu’ordinai-
rement les coups de la moufqueterie portent trop
haut, & que l’affaillant, ne voyant pas à certaine
diftance ceux qui défendent Yabattis , tire hori-
fontalement. On peut entrelacer les arbres avec
des ronces & des épines, comme Céfar dit que
c’étôit l’ufage des Nerviens. Il en couvrit fes flancs"*
chez les Morinslorfqu’il les pourfuivit dans leurs
forêts,
Voilà comme on conftruit cette efpèce de retranchement
, &. voici une des méthodes de Céfar, qui
me paroît lupérieure, lorfque le temps & les cir-
conftances permettront de l’employer. Ce fut au
fiége d’Aléfia qu’il en fit ufage. On creufa au-
devant de fa ligne de circonvallation, cinq foffés..
parallèles, profonds de cinq pieds romains , ou
quatre pieds fix pouces fept lignes. Il ne nous
apprend point quelle en étoit la largeur. Elle
devoit, fans doute , être telle que les branches
des arbres, qu’il y fit mettre , préfentaffent leurs,
pointes, fous l’angle le plus favorable. Je conjeéiure
donc qu’elles dévoient avoir cinq ou fix pieds de
largeur. Folard reprend, avec raifon , Jufte-Lipfe
& Vigenère , qui ont cru que ces arbres étoient
plantes verticalement. Ils n’auroient pas été , à.
beaucoup près , d’une, auffi bonne défenfe ; &
on peut croire , fans crainte d’erreur, que le générai!
romain leur fit donner la difpofition la plus avan-
tageufe. Dans la fituation verticale., les branches,
pointues n’auroient pas percé comme, il le dit
ceux qui entroient dans cet abattis : qui intravérant
fe ipjî arêiijjimis ratnis induebant. Il fit donc couchée
des arbres ou de fortes branches dans ces foffés ,
de forte que les troncs étoient touts entiers dans,
la terre , attachés par le bas l’un à l’autre , peut-
être avec des liens de branchages.*. & préfentoient.
en dehors toutes leurs branches , dont on avoit
coupé les extrémités , & qu’on avoit enfuite taillées
en pointe. Les foffésétoient affez près l’un de l’autre,
ppur que les branches des cinq rangs d’arbres fuffenfc.
bien entrelacées. Céfar ne dit point fi la terre tirée
des foffés fut rejettée fur les troncs ; mais il y a
lieu de le croire , puifque ce remblai devoit ajouter
à la folidité de l’ouvrage.
Ce formidable abattis ne le fatisfit pas :. il fit
ereufer en avant, à deux pieds huit pouces neuf
lignes l’un de l’autre , huit rangs de trous, profonds,
de deux pieds huit pouces neuf lignes, difpofés.
en quinconce , & un peu plus étroits par. le bas
que par le haut. On y enfonça des. pieux gros,
comme la cuiffe , pointus & brûlés par le bout
faillants de quatre doigts au-deffus de la furface
affe rmis en foulant la terre depuis le Bas des foffés *
& recouverts par quelques branches & faroflailles»
Ces précautions auroient fatisfait un autre général ;
mais pour les grands capitaines * trois sûretes valent
mieux qu’une. Céfar fit enfoncer çà & là , en
.avant-de ces pieux , à peu de diftance l’un de
l’autre , "des bâtons pointus, longs de dix pouces
onze lignes , & garnis de crochets de fer. ( Ccef.
comment. B. G. L. y , C. 73. Oudendorp. 40. 1737. )
Un abattis auffi folide , précédé .par autant
d’obftacles , & placé en avant d’un bon parapet,
entouré d’un foffé large &L profond, étoit infur-
montable. Combien de temps l’attaquant n’auroit-
il pas été expofé aux traits de fes ennemis, avant
de l’avoir franchi, & d’être parvenu aux lignes ?
Les anciens faifoient un grand ufage des abattis.
Les Volfques s’en fervirent contre Camille. Dès
qu’ils apprirent que ce grand homme commandoit
l'armée romaine, ils fe couvrirent d’un retranchement,
dont ils fortifièrent l’approche par un abattis.
C e fut par le même moyen que le général fam-
nite, Caïus Pontius, ferma la fortie des fourches
1 V viMliUJ \JQ1 V 1I1UO , JL UUUUUUU3. VJCHUdnicus
ayant paffé la forêt Cæfia, en Germanie ,
couvrit le front & l’arrière de fon camp par un
retranchement, & fes flancs par des abattis. Les
Bretons en faifoient un fréquent ufage dans leurs
pays couverts de forêts. Les Grecs les employoient
rarement. Ce ne fut pas un abattis s mais une
efpèce de paliffade, dont Ârchidamus entoura
Platée. C ’eft la fignification du mot grec treçiecflciv-
faxrev, que d’Ablancourt a bien rendu par celui
de paliffade. Je ri’ai trouvé ni dans Hérodote, ni
dans Thucydide, aucun exemple d'abattis * & je
n en connois qu’un feul dans l’hiftoire grecque
de Xenophon. ( Paris/0. 1626, lib. 6 ,pag. 6o8, C.)
« Dès que les Thébains, dit-il, avoient pris leur
camp, ils coupoient des arbres, en jettoient devant
leur front en auffi grand nombre qu’ils pou-
voient, & fe gardoient de cette manière ». Philippe,
roi de Macedoine , employa Y abattis contre le
conful Sulpitxüs , pour l’empêcher de pénétrer dans
l’Eordée. Les modernes n’èn ont pas négligé l’ufage.
Ceux dont Mercy s’étoit couvert à Fribourg , &
auprès d’Ensheim 3 coûtèrent la vie à un grand
nombre de François.
Cette efpèce de retranchement donnoit autrefois
un grand avantage à celui qui fe défendoit,
lorfqu’on n’employoit que des armes de main.
L invention de l’artillerie lui a fait perdre une
grande partie de fa force , & Folard n’en fait un fi
grand eloge que parce qu’il s’opiniâtroit à regarder
le canon comme une arme de peu d’importance.
Les modernes * dit-il, connoiffent bien moins la force
o* le mérite des abattis que lès anciens. Non , ce n’eft
point par ignorance que les modernes en font
moins d’ufage , mais parce qu’ils font pour eux un
abri moins fort que pour les anciens. Leurs armes
P*u.s grandes, plus faciles à détourner de
leur direction, trouvoient dans les branches des
arbres une infinité ffobftacles 5 & ne pouvoient
guères les pénétrer. Nos balles étant plus petites
y trouvent plus facilement paffage. Lancées par
le canon avec violence, & en grande quantité
elles rafent un abattis en peu de temps. Le boulet
y fait promptement de larges trouées, & lui ôte
fon avantage, qui ne confifte que dans l’unioii
des arbres & l’entrelacement impénétrable des
branches , tant 'que les troncs reftent unis ; l’augmentation
de l’artillerie dans nos armées a auSi
diminué la force de Y abattis. Pour lui en confer-
ver autant qu’il eft poffible aujourd’hui, il faut
entaffer les troncs d’arbres les uns furies autres,
parallèlement au front des troupes : mais cette
^ifpofition qui garantira mieux du feu de ceux
qui attaquent, n’eft praticable , que lorfqu’on a
iun petit efpace à fermer & beaucoup d’arbres :
alors même le boulet les aura bientôt culbutés.
Il a encore ua effet qui n’eft pas moins dangereux
; ce font les éclats des* branches qu’il brife 9
& dont il s’arme, pour-ainfi-dire, & frappe la
troupe' contre laquelle il eft lancé. On fe garantit
de ce danger, en coupant les branches & entaf-
fant les troncs l’una fur l’autre parallèlement à
fon front , comme les François le firent à la défenfe
du fort Saint-Georges en Canada contre les
Anglois.
Ainfi le feu de 1 artillerie fupérieur à tout
retranchement , 1 eft plus à Y abattis qu’à tout
autre : celui-ci ne conferve fés avantages que
dans les lieux prefque inacceffibles au canon,
tels que les efearpements & les gorges élevées des
hautes montagnes , ou quelques parties rentrantes
de retranchement protégées elles-mêmes par une
■ nombreufe artillerie.
On peut auffi plaçer Y abattis avantageufement
fur le penchant d’une colline un peu efearpée, qui
ne foit pas commandée par d’autres collines, affez.
proches pour que le canon ennemi le puiffe en—
, dommager. Dans le cas même où le canon pour-
roit être amené par le penchant de la colline,
1 effet en fera moins dangereux qu’en plaine rafe 7
“ ° n conftruit un retranchement avec un bon
foffé derrière Yabattis. Mais fi on fait en plaine
deux retranchements ou plufieurs , les uns derrière
les autres, dont 1 un foit un abattis ; il faut que
celui-ci foit le dernier, le plus éloigné de l’ennemi
& de fon artillerie ; afin d’empêcher qu’il ne
lui ferve de retranchement à lui-même , s’il y parvient,
& que les balles & boulets lancés, par fon
canon ne faffent pleuvoir des éclats de branches
dans les retranchements poftérieurs. En plaçant
1 abattis derrière, on a encore cet avantage 1 l’en-
nemi, maître des premiers retranchements, eft
obligé d’y faire des trouées pour paffer fon artille
r ie , fi la refiftance qu’il éprouve la rend néceffaire
: ces obftacles multipliés donnent le temps
& les moyens d’une plus longue défenfe.
■ Lorfqu’on fait deux a b a t t i s ou plus, l’un derrière
l’autre , il faut qu’ils foient diftants l’un de
1 autre de trois toiles ; afin q u e , fi l’ennemi met