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Il falloit fpécifier ici les honneurs qu’on leur attribue :
il feroit néceflaire que la punition fût infligée par
les chirurgiens-majors eux-mêmes, avec l’obligation
d’en rendre compte aux commandants deN leurs
régiments , ôc que les bas-officiers fuflent compris
dans cet article de l’ordonnance, parce qu’à raifon
de leurs fréquentes relations avec les chirurgiens-
majors, ils peuvent leur manquer plus louvent ôc
avec plus d’impunité.
Comme il eft démontré par les brevets des
chirurgiens-majors que les honneurs dont il y eft fait
mention font lpécialement attachés à leurs emplois,
il paroît que l’intention de la cour feroit qu’on leur
rendît des honneurs militaires. Cela étant , on
pourroit ordonner que les fentinelles portaffent les
armes pour eux. Cet honneur feroit fans confé-
quence ; il les flatteroit; il infpireroit aux bas-officiers
ôc foldats le refpeft 6c la confidération que
l’ordonnance leur demande , ôc on ne les verroit
plus refufer le falut , fixer infolemment, & coudoyer
même leurs chirurgiens-majors.
Cet honneur feroit d’autant moins déplacé qu’il
réunit aux avantages que nous venons d’y obferver,
celui de favoriser le fervice de fanté , fur-tout-
pendant la guerre. D ’ailleurs leurs fondions étant
au moins auffi militaires que celles de tréforier-
quartier-maître ; ôc leurs talents , leur éducation,
leurs qualités, ôcc. les" rendant auffi recommandables,
ne peut-on, ne doit-on pas même à ces
confidérations leur accorder les mêmes avantages?
L ’ordonnance déjà citée ne faifant aucune mention
des droits attachés à l’emploi des chirurgiens-
majors , excepté ceux que leur donnent la nature
& l’ancienneté de leurs fervices, c’eft-à-dire de
leurs récompenfes Ôc de leurs retraites , nous allons
propofer ce qui nous femble le plus propre à fup-
pléer a cette omiffion.
Ces droits p o u r ron t être de faire exécuter
toutes les chofes relatives à leur fervice ôc à fon
exaâitude , ôc de punir les bas-officiers & foldats
qui s’y refuferoient. S’il arrivoit à des officiers de
contrarier ou d’empêcher l’exécution des ordres
qu’ils auroient donnés, le commandant du régiment
, à qui le chirurgien-major rendroit compte
de fa conduite , feroit tenu d’ordonner qu’à l’avenir
de pareils obftacles n’euffent plus lieu.
Les hommes de recrues qui feroient atteints des
maladies & des défeéfuofités indiquées par l’ordonnance
devroient être renvoyés d’après l’ex-
pofé des chirurgiens-majors : il conviendroit quil.
en fût de même de ceux que des infirmités ôc des
défechiofités contre nature ou accidentelles , non
prévues par l’ordonnance , rendroient inhabiles
ou peu propres au fervice : ôc la cour , ainfi que
les chefs des régiments , devroient à cet égard
s’en rapporter à la décifion de leurs chirurgiens-
major s. ^
D ’après leurs repréfentations il feroit néceflaire de
févir contre touts ces gens fans aveu , qui diftri-
buent impunément dans les quartiers , aux bas-
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officiers ôc foldats, des remèdes dont la compo-
fition eft prefque toujours auffi dangereufe que la
mauvaife application qu’on en fait peut être nui-
fible. D ’ailleurs ces fortes de traitements fe faifant
furtivement dans les chambrées , ils ne peuvent
que gêner les hommes qui la compofent, & même
nuire à plufieurs d’entr’eux. Pour remédier plus
efficacement à un abus dont* les effets ne peuvent
qu’être pernicieux, il.faudroit punir aufliles chels
de chambrée qui le tolérer oient.
Les certificats que les chirurgiens-majors donnent
quelquefois pour caufe de maladie à des officiers
de leurs corps , devroient fuffire pour déterminer
le miniftre à leur accorder les congés jugés nécef-
faires pour leurrétabliffement. Nous penfons même
que ces certificats devroient être les feuls capables
de décider la cour ; parce qu’étant uniquement
chargés de leurs maladies, ils font plus que.tout
autre en état d’apprécier leurs maux. ôc les moyens
de guérifon qui leur conviennent. Nous ne craignons
même pas d’avancer que la cour , en exigeant
que ces certificats dont il eft fait mention foient
faits de concert avec un des médecins de la garnifon
, a favorifé l’abus qu’elle vouloit prévenir.
Il n’y a que peu ou point de médecin qui re-
fufe de figner un tel certificat, qùel qu’en foit le
motif. D ’ailleurs cette précaution avilit Ôc humilie
les chirurgiens-majors , aux lumières & à la ■*"
probité defquels la cour devroit s’en rapporter.
11 devroit en être de même pour les bas-officiers
& foldats que leurs infirmités obligeroient d’aller
aux eaux. Quant à ceux qui feroient à l’hôpital,.
& qui auroient befoin de ce remède, les médecins
ôc chirurgiens de l’hôpital feroient chargés
de leur en donner certificat. Enfin , le même
ordre devroit avoir lieu pour les officiers , bas-
officiers , & foldats qui, pour caufe d’infirmité,
feroient dans le cas d’obtenir les récompenfes dues
à l’ancienneté de leurs fervices.
Les commandants des régiments, devant être
inftruits par les chirurgiens-majors du motif qui prive
quelquefois les officiers de remplir leurs devoirs ,
peuvent les obliger à vifiter les officiers malades,
quoiqu’ils ne les ayent point appellés ; & de même
le commandant peut contraindre les officiers qui
fe déclarent malades à appeller le chirurgien-major ,
à moins qu’ils n’euffent des raifons valables ôc
bien fondées à oppofer : il ne conviendroit pas
qu’ils fuflent le jouet du caprice, ou de la méchanceté
; mais il nous paroîtroit jufte qu’il y eût à
cet égard de part ôc d’autre liberté entière.
Si un officier malade ne vouloit pas fuivre le
traitement prefcnt par le chirurgien-major, & ac-
compagnoit fon refus de propos malhonnêtes 6c
. injurieux , il doit être permis au chirurgien
de fe retirer , ôc de prévenir le commandant , qui
devroit repréfenter à l’officier l’injuftice de (on
procédé , ôc l’engager à être plus circonfpeâ à
l’avenir. La même réprimande auroit lieu pour
ceux qui en bonne fanté s’oublieroient de la même
manière j
manière ; avec cette différence qu’elle feroit d’autant
plus vive qu’ils fe feroient oubliés envers des
hommes qui par état ne doivent point en tirer
raifon.
Il feroit jufte de leur accorder, comme aux
officiers, des femeftres ; non touts les dix-huit mois,
mais touts les trois ans , foit pour vacquér à leurs
affaires 6c à la confervation de leurs propriétés ,
foit pour fé repofer de leurs travaux, ou- aller
puifer à la capitale 6c ailleurs la connoiffançe
des nouvelles découvertes dans l’art de guérir. Il
feroit jufte auffi qu’ils euflent des congés, avec
appointements, lorfque des affaires preffantes ou
leur mauvaife fanté leur feroient de l’abfence une
néceffité. Ces propofitibns nous femblent d’autant
moins déplacées, que , leur fervice étant fait gratis
par les chirurgiens-majofs de la garnifon ou des
hôpitaux militaires, il ne fouffriroit aucunement
de leur abfence.
L’autorité attachée à l’état de clùrurgien-major
n’étant point défignée par l’ordonnance' , nous
penfons qu’elle pourroit s’étendre aux bas-officiers
& foldats, en ce qui concerneroit le fervice de
fanté. Les foldats aides-chirurgiens devroient plus
particulièrement y être fournis, 6c cette autorité
fubordonnée à celle du commandant.
Les prérogatives attachées à l’emploi de chirurgien
major ne font ni prévues ni indiquées dans
l’ordonnance : il nous paroît qu’on peut les réduire
aux objets fuivants.
.Les pofleffions 6c propriétés des chirurgiens-majors
devroient être à l’abri de toute pourfuite judiciaire
durant la guerre , 6c même en paix, à moins
qu’il ne leur foit accordé des congés pour les'aller
défendre.
Ils pourroient dans l’état préfent, fans éprouver
aucune retenue , jouir de toùts les abonnements ,
repas., 6c fêtes que leurs régiments feroient dans
le cas de donner : mais , fi le grade d’officier
leur étoitaccordé , iis ne pourroient pas fe difpenfer
de prendre part à ces frais.
Comme la réputation dont les chirurgiens-majors
jouiflent ordinairement les fait rechercher du public
avec une forte d’empreffement, il conviendroit
que, pour le féconder, ils euflent le privilège
de fecourir tranquillement les particuliers qui feroient
dans la néceffité de les appeller. Parmi les
chirurgiens-majors que leurs talents 6c leurs fuccès
ont rendus,plus utiles à la fociété , il y en a eu
plufieurs qui ont éprouvé de la part des officiers
de fanté, des lieux qu’ils habitoient momentanément,
des tracafferies auffi inquiétantes 6c défa-
gréables pour les malades que défavorables à l’opinion
que l’on doit avoir des hommes qui exercent
un art auffi honnête que l’eft celui de guérir :
quelques-uns même fe font vus forcés-de foutenir
les proces les plus injuftes. Si , comme on ne
peut le révoquer en doute , la médecine ôc la
chirurgie font des états libres, les officiers de fanté
avoues par le gouvernement doiyent l'exercer
Art militaire, Tome 7,
fans éprouver de difficultés. D ’ailleurs la confiance,
fentiment fi délicat Ôc fi difficile à fixer, étant abfo-
lument libre, rien ne doit la contraindre 6c lui
impofer des loix auffi contraires à l’avantage de
l’humanité fouffrante qu’à fa précieufe liberté. Il
feroit donc jufte d’annuller les prétentions des officiers
de fanté des différents lieux de garnifon ,
contre les chirurgiens-majors des régiments 6c des .
hôpitaux. Pourquoi en effet privëroit-ôn le public
des fecours qu’il attend d’eux ôc qu’il en peut
recevoir ’; eux dont les talents font connus, les
fuccès avoués ; à qui le gouvernement confie la
plus grande partie des hommes les plus illuftres
6c les plus utiles de l’état? N’eft-ce pas .remplir
les vues du monarque que de multiplier des ref-
fources néceffaires à touts fes fujets ? Combien
de'malheureux abandonnés, foit par manque de
fortune, ou par des fecours mal dirigés feroient
reftés eftropiés , ou auroient fuccombé à leurs
maux , après avoir éprouvé tout ce qu’ils ont
de plus douloureux .6c de plus cruel , s’ils n’a-
voient pas rencontré dans les chirurgiens-majors
des hommes humains dont les foins réfléchis 6c
bien Mitigés les ont confervés. Combien de pères,
de mères , d’enfants précieux ÔC chéris auroient
traîné le poids d’une vie languiffante , ou parce
que leur fortune ou leur état ne leur permettoit
pas de faire venir , ou d’ aller chercher au loin les
fecours qui leur étoient néceffaires, s’ils n’avoient
pas trouvé des chirurgiens-majors en état de les leur
donner. Combien enfin de femmes en travail ou en
couche, d’enfants venant au monde , ou peu après,
auroient été viélimes de l’impéritie , fi des chirurgiens
majors n’avoient prévenu ou diffipé les accidents
qui les- menaçoient 1 Que l’on parcoure les
garnifons, on y entendra le public parler des chirurgiens
majors avec une forte de reconnoiffance.
Oblervons qu’ils ne font que pour un temps
limité dans leurs garnifons ou quartiers , qu’ils ne
font appellés auprès des malades que lorfque les
officiers de fanté des villes les ont abandonnés ,
ou ne connoiffent rien à la maladie ; que le mal
a fait de très grands progrès, ôc que le malade
eft en quelque forte défefpéré. D ’ailleurs ils n’ont
qu’à faire mieux que les chirurgiens-majors , ils
feront sûrs de fixer invariablement la confiance
de leurs concitoyens ; ils ont déjà l’avantage d’en
être connus ; mais, lorfque le contraire aura lieu ,
leurs prétentions ne peuvent avoir force de loi
que contre les charlatans, bateleurs, 6c gens fans
aveu. Quant aux perfonnes avouées par le gouvernement
, telles que les chirurgiens-majors, ces
prétentions doivent être nulles : autrement ce
feroit exercer envers la fociété une tyrannie , qui 9
en nuifant à l’humanité fouffrante., feroit contraire
à la religion , à la liberté , à la confiance : ce feroit
favorifer ÔC maintenir les abus , furprendre l’autorité
, ôc mettre des bornes aux vues bienfaifantes
de notre augufte monarque.
L’unifgrmç défigné par la cour , pour les chU
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