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troupes 5 en leurvinfpirant du mépris de leurs ennemis
, en rappellarit leurs victoires précédentes ,
en les intérell'ant par les motifs de l’honneur, du
falut de la patrie, par l’el'poir du pillage , en.leur
faifant envifager la viétoire comme Je terme de
leurs travaux, v Souvent une plaifanterie , un'bon
mot, dits d’un air de gaieté, enflamment le courage.
11 y a des temps où les troupes font animées par
des motifs de vengeance ou par un reffentiment
national : il eft important alors de profiter de la
première chaleur des efprits, qui ne manqueroit
pas de fe ralentir ». (Maiçeroy. ld.').
« Nengagez jamais une affaire générale , que
vous ne voyez le foldat fe promettre la vidoire ».
{Figice.)
X X X Y I . « Quand une troupe eft emportée par
la terreur , c’eft en vain qu’on veut l’arrêter. Les
foldats n’écoutent dans-ce premier inftant ni reproches
, ni menaces. Il vaut mieux les" lùivre ,
tâcher de leur perfuader de fe retirer plus en ordre,
les rallier inlènùblement ; & , dès qu’on les voit
un peu calmés , ranimer en eux l’honneur & les
ramener. M.i3e Vendôme 3 à la bataille de Cajfano,
voyant le pont qui étoit derrière lui tout couvert
de fuyards, le paffa avec eux ; il lès rallia de l’autre
côté, &. lés jetta dans le château, où ils furent
très-utiles.
X XXV II. Lorfque des troupes ont été battues,
il ne faut pas les avilir par des reproches qui leur
donnent du mépris d’elles-mêmes. S’il y a de leur
faute, on punit les plus coupables , & l’on exhorte
les autres à rétablir leur honneur. Quand le général
eft aimé , elles font jaloufes'de regagner fon eftime ;
elles en demandent avec ardeur les occafions ;
mais, s’il a perdu leur confiance , les harangues j
les plüs perfuafives ne les ranimeront point ». j
( Mai^eroy. TaEt. ).
« Çæfar n’imputoit jamais aux troupes les mauvais
fuccès ; s’il leur faifoit des reproches , il ne les
accufoit que de trop de vivacité , & de n’avoir pas
bien fuivi fes ordres : il puniffoit feulement quelques
chefs des plus coupables ». (Léon, tom. 113p. 2.19.-).
XXXVIII. « Quoi qu’il puiffe arriver, il faut
être ferme & confiant, garder toujours une grande
égalité d’ame , éviter également de s’enfler dans la „
profpérité, & de s’abattre dans l’adverfité ; parce
que les bons & les mauvais fuccès fe fuivent de
fort près, & font un flux & reflux continuel : c’eft
pourquoi -l’on ne doit ni fe repentir ni s’affliger
d’une entreprife qui a mal réufli, lorfqu’après avoir
bien examiné &pefé toutes chofes,il étoit vraifem-
biàble qu’elle devoif avoir un fuccès heureux ;
fur-tout quand il eft vrai que , fi elle étoit encore
à faire, que toutes les circonftances fuffent les
mêmes, on agiroit comme on a fait nr{Montècuculi,
chap. IV , art. 1er. ).
X X X I X . « Il eft fouvent important de ne pas
faire connoîfre aux troupes qu’on veut fe retirer ;
il eft . toujours inutile qu’elles le fçachent. M. de
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Turenne , ayant réfolu de fe retirer au camp de
Dettweiler , refufa d’aller faire une promenade
de ce côté , pour ne pas faire foupçonner fon
deffein. / *
XL. S’il arrive qu’on tienne l’ennemi enfermé
dans une gorge, & qu’il ne puiffe échapper que
par des rul’e s , il faut fe méfier de toutes celles qu’il
peut employer. Il fe fert quelquefois de la négociation
pour gagner du temps......... En pareil cas,
on doit donner les conditions, avec un temps très-
court pour les réfoudre : fi la réponfe ne convient
pas , on n’écoute plus rien ». ( Mai^eroy. TaEt. ).
XLI. « Les fufpenfions d’armes, ou les traités
qu’on peut faire , ne doivent pas porter un général
à la négligence ; il doit au contraire redoubler de
vigilance & fe garder avec foin. S’il n’eft pas capable
de manquer à fes engagements, l ’ennemi
peut être perfide. Il eft honteux en pareil cas de
dire : Je ne Taurois pas cru ». ÇLéok , lnjl. XX. ).
XLII. « Le devoir d’un général, comme de tout
autre chef, eft de faire valoir les aélions de ceux
qui fe'font diftingués fous fes ordres, ou qui lui ont
donné des avis utiles. Mais, comme il y a des âmes
baffes & fauffes dans touts les états , on trouve
des militaires qui ofent cacher la lumière qui les a
guidés, & étouffer le mérite, en le faifant fervir à
leur avancement ; ils oublient tofit, excepté eux :
au contraire de M. de Turenne, qui, dans les
comptes qu’il rendoit, penfoit à tout le monde ,
excepté à lui ». ( Maizeroy. TaEt. ).
Maximes générales pour une campagne de défenfive.
I. Il n’y a aucune des maximes générales qu’on
vient de prefcrire pour la conduite d’une campagne
d’offenfive, qui ne doive être obfervée quand on
agit défenfivement, tant parce'que la plupart de ces
maximes lont communes aux deux genres d’opérations
, que parce que les autres font connoître ce
que l’ennemi peut faire quand il eft fur l’offerifive :
par cette dernière raifon , il eft néceffaire qu’un
général, chargé d’une campagne d offenfive, n’ignoré
point les maximes fuivantes.
IL On peut juger de la partie de la frontière
où l’ennèmi doit s’affembler , & de l’objet qu’il fe
propofe , en obfervant les lieux , le nombre , & la
confiftance de fes dépôts : on fe mettra en état de
s’oppofer à fes deffeins & de les faire échouer, en
approvifionnant de fon côté les places les plus
expofées & les plus importantes , en reconnoiffant
d’excellentes pofitions, & en prenant toutes les
mefurés poffibles pour<n’être point prévenu eh
campagne.
III. Un général qui eft fur la défenfive doit éviter
toute occafton de combattre où la fupériorité du
nombre peut beaucoup : il cherche à harceler l'ennemi
, à l’affamer ; il s’applique à ruiner fon armée
en détail, en fe tenant toujours à portée de profiter
de fes fautes , en occupantes poftes fûrs & avantageux
, en l’attirant dans un défile ou quelque
autre
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autre lieu refferré où il puiffe fe ranger fur un front
égal au fien , où le nombre perde l’on ütilité , & ou
la viéloire dépende des bonnes diipofitions qu’il
fera, & de la valeur de fes troupes.
IV. Il faut qu’il foit aétif, hardi ».entreprenant,;
une conduite timide décourageroit fes troupes,
leur feroit perdre toute la confiance qu’elles ont
en lui : elles le mépril'eroient & prendroient la
fuite'-, lorfqu’elles le verroient forcé de combattre
malgré lui , par quelque faux mouvement qu’il
auroit fait.
V* C ’eft dans une campagne de défenfive , fur-
tout, que, pour agir ou ne point agir, il ne faut
jamais le régler fur la conduite de l’ennemi^ mais
uniquement lur ce qui nous intéreffe effentiel-
lement ; car , comme le dit Végèce : « vous commencez
à agir contre vous- même , dès que vous
imitez une démarche que l’ennemi a faite pour fon
avantage ».
VI. « Il y en a , dit Montécuculi, quilaiffent
avancer l’ennémi dans le pays ; afin que , fon armée
étant affoiblie par les garniions qu’il eft obligé de
mettre de cote & d’autre , ils puiffent enfuite le
combattre avec plus d’avantage.
D ’autres feignent de la crainte , pour rendre l’ennemi
plus alluré .& pL:s négligent, & en fe retirant
ils'le conduifent vers des lieux défavantageux &.
vers leurs fecours qui s’avancent ; puis ils tournent
tête tout d’un coup &. combattent.
Les autres marchent continuellement, ou pour
tirer l’ennemi de les poftes &. l’affaillir ; ou pour le
ruiner par des marches auxquelles il n’eft pas accoutumé.
VII. Quand on eft fans armée, ou qu’elle eft-
foible , ou qu’on n’a que de la cavalerie, il faut :
i° . Sauver tout ce qu’on peut dans les places
fortes ; ruiner le refte', & particulièrement les lieux
où l’ennemi pourroit le pofter.
2,0. S’étendre avec des retranchements, quand
on s’apper^oit que l’ennemi veut vous enfermer ;
changer de pofte ; ne demeurer pas en des lieux
\où l’on puiffe être enveloppé lans pouvoir ni
combattre ni fe retirer, & pour cet effet avoir un
pied en terre & l’autre en mer o-u fur quelque
grande rivière.
30. Empêcher les deffeins de fon ennemi, en
jettant de main en main du fecours dans les places
dont il s’approche î diftribuant la cavalerie en
des lieux feparés pour l'incommoder fans ceffe ;
fe faifir des paffages ; rompre les ponts & les moulins
; faire enfler les eaux ; couper les forêts & s’en
faire des barricades ». (Montécuculi , Liv. Ier,
chap. IU 3 g. 4.).
En pareil cas on s’attache à la confervation des
places les plus importantes ; on y met de bonnes
garnirons; on démolit les autres ou on les abandonne.
En incommodant l’ennemi de toutes manières
, on empêche fur - tout que fes partis ne
s ’écartent trop de fôn armée, & ne jettent trop
facilement la terreur dans le pays. On retire de la
Art militaire. Tome i l
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campagne tout ce que l’on peut en ôter ; on confume
par le feu les fourrages qu’on ne peut mettre en
lieu de fureté ; on envoie au loin les beftiaux ,
&., autant qu’il fe peut, à couvert des grandes
rivières , où ils foient en fureté &. où ils fubflftent
aifément. ,
VIII. L’ennemi, dit Végèce , a quelquefois ef-
pérc de finir bientôt une expédition ; mais , fi lon
parvient à la faire trainer en longueur , la difette le
confume , ou le dépit de ne rien faire de co-nfidé*-
rable le rebute &. l’oblige de f e retirer. C ’eft alors
que fes foldats, épuifés p-ar le travail Sc les fatigues
, défertent en foule ; une partie fè diflïpe ;
d’autres fe rendent à vous, parce que la fidélité
des troupes tient rarement contre la mauvaife fortune
; d’autres tombent malades & périffent ; &
une armée qui étoit nombreufe en entrant en campagne
f e fond inceffamment d’elle-même. Combien
d’armées ont éprouvé un tel fort !
IX. Lorfqu’on a agi offenfivement, & qu’on a
fait des conquêtes, il faut examiner fi on eft e n
état de les conferver, & quels moyens on emploîra
pour s’y maintenir. Dans un pays de places fortes,
on confidère celles qu’il eft important de garder ou
de démolir ; les poftes qu’il faut fortifier & garnir
pour la fureté des quartiers, des magafins , des
hôpitaux, pour couvrir les convois, conferver une
communication libre avec fes derrières, affujettir
le pays , s’affurer des principaux paffages, du cours
des rivières, &c. Dans un pays ouvert on examine
les villes qui peuvent être facilement, promptement
, & avantageufement fortifiées ; les poftes ,
les rivières , & autres objets dont on pourra fe
couvrir & 1e fervir utilement. Les mefures prifes
par M. le maréchal de Broglie , en 1761 , pour la
confervation de la Heffe , qu’il avoit reconquife
pendant cette campagne, font un parfait modèle de
ce qu’on peut faire en pareil cas. En très peu de
temps ce général fit fortifier plufieurs villes & plu-,
fieurs poftes ; il fit ouvrir des grands chemins , 8c
fit touts-les approvifionnements qui lui étoient né-
ceffaires : la Fuide, rivière qui traverle la Heffe,
fut rendue n’avig’àble par fes ordres & par fes foins.
L’entreprife que fiient les ennemis pendant l’hiver,
pour nous faire abandonner ce pays, prouva clairement
& universellement, par les mauvais fuccès
dont elle fut fuivie pour les alliés , combien M. le
maréchal de Broglie avoit mis de vigilance , d’activité
, & de prudence dans fon projet, & la grande
capacité de ce général. Cette camp agi.c eft incontestablement
une des plus belles &. des plus inftruc-
tives qu’il y ait dans l’hiftoire.
Si par quelque motif que ce foit on ne peut conferver
le pays conquis , on l’évacue, on en tire do
groffes contributions, on l’appauvrit de manière a
le laiffer hors d’état de fournir aucune reffource à
l’ennemi ; quelquefois on le brûle & on le faccage :
mais il faut y être contraint par une grande né-
ceflité.
Quand on eft fur la défenfive, il eft effentiel de