
chôment, il fautvqu’il y ait divers petits corps de j
rélerve à diftance convenable les uns des autres, !
afin de vous en fervir pour ce que les occurrences
du combat exigeront ; foit pour renforcer
celles de vos troupes qui plient en défendant la
ligne j foit pour charger en flanc les ennemis qui
ont commencé de forcer cette ligne. Pour l’une
& l’autre de ces fins , il eft bon que les corps
de réferve foient poftés près du retranchement.
Le plus grand nombre de ces corps doit être de
cavalerie, afin qu’ils arrivent plus vite où le befoin
-les demande. D ’ailleurs, fi vous les compofiez de
beaucoup d’infanterie, vous vous priveriez du feu
qu'elle auroit fait pour la défenfe des lignes. .
Lorl'que , par rapport au nombre de votre armée
, la partie de votre camp qui peut être attaquée
n’eft pas très étendue ; parce qu’une rivière ,
la mer., des marais, ou des précipices rendent les
autres avenues inacceflibles ; au-delà de vos corps
détachés, & poftés près du retranchement, vous
formerez au milieu du camp une ligne qui fera
cdfnrne un grand corps de réferve, derrière laquelle
les troupes qui auront été forcées par les
ennemis fe réfugieront pour s’y reformer.
Il eft à préfumer que les ennemis , à la vue
de cette ligne , ne continueront pas leur pourfuite ;
mais qu’ils s’arrêteront au contraire pour reprendre
leurs rangs , qu’ils doivent néceffairement avoir
rompus en forçant le retranchement. S’ils ne le
faifoient pas , ou s’ils fe débandoient pour piller,
ils courroient grand rifque d’être défaits par les
troupes de votre ligne : & , quand même ils pren-
jdroient la précaution de-s’arrêter pour fe reformer,
vous pourrez les battre en marchant à eux , avant
qu’un allez grand nombre ait achevé de fe ranger
en bataille.
On ne doit communiquer qu’aux officiers généraux
& aux commandants des brigades les dif-
pofitions que je viens de propofer, parce qu’il n’y
a pas deux chofes plus oppofées que la multitude
& le fecret. Il importe que celui dont je
parle ne tranfpire pas ; afin que les ennemis n’ayent
connoiffance ni de vos defleins, ni des ordres que
vous aurez donnés ; & qu’ils trouvent que le pofte
qu’ils avoient cru le plus mal garni eft celui qui
l ’eft le mieux, ou qu’ils n’ofent rien entreprendre
dans le doute où ils font des précautions que vous
aurez prifes. Leur incertitude à l’égard de l’endroit
oy ils trouveront le plus de réfiftance les contiendra
tellement qu’ils n’auront pas la hardiefîe
d’entreprendre fur votre camp.
Le marquis de Santa-Crux , étant en garnifon
à Mefline avec fon régiment, touts les colonels
qui s’y trouvoient , reçurent un ordre ou lettre
cachetée du prince Pio , avec ordre de ne l’ouvrir
que lorfqu’il entendroit fonner la cloche du château
de Matagriphon, & tirer un certain nombre
de coups de canon de la citadelle, qui dévoient
être les fignaux de l’alarme ; & , quoiqu’en évaluant
la place il ait rendu fa lettre cachetée comme
il l’avoit reçue, il fçut par un autre colonel, qu*
ouvrit la Tienne , que par ces lettres on défignoit
aux colonels l’endroit où , en entendant fonner
l’alarme, chacun devoit marcher avec fon régiment 9
fans attendre un autre ordre.
Si les ennemis donnent une faillie alarme à votre
armée, vous devez penfer que c’eft afin que les
efpions qu’ils ont parmi vos troupes puiflent leur
donner avis de la manière dont elles’ fe feront
préfentées pour la défenfe du camp : mais vous
rendrez leur ftratagême inutile, fi après cette faulfe
alarme vous changez fecrettement la difpofition de
vos troupes.
Vous pourrez auffi , en faifant donner vous-
même à votre camp une faufle alarme, ordonner
aux généraux de pofter les troupes d’une manière
différente de l’ordre que vous leur avez prefcrit
en cas d’une alarme donnée par les ennemis. Alors
les. efpions qu’ils ont dans votre armée les tromperont
fans le vouloir, en leur apprenant quelle
eft la diftribution de vos troupes , & peut-être
ils ne feront pas feulement trompés par rapport au
nombre, mais encore par rapport aux perfonnes
deftinées pour défendre chaque pofte, & viendront
en attaquer un où ils croiront trouver des officiers
avec lefquels ils ont une fecrète intelligence.
Outre les retranchements, flèches & redoutes
conftruites aux lieux convenables , il feroit bon
de placer devant les angles faillants un ou deux
rangs. de fougaffes , pour y mettre le feu lorfque
vos troupes le trouvent le plus preffées par l’attaque
des ennemis. Ils fe troubleront .au moins ,
ii la frayeur ne les fait pas retirer, : il n’y a point
de péril qui étonne davantage , parce que l’adrefle
ni le courage ne peuvent rien contre lui : & , fi.
les ennemis , afin d’éviter le danger de vos fou-
gaffes , viennent par des rameaux d’attaque juf-
qu’auprès de votre camp , pour foutenir les mineurs
qui travailleront à les découvrir & à les
ruiner , il eft aifé de comprendre qu’il faudra bien
du temps & de la fatigue , & qu’il y aura bien
des dangers à effuyer pour y parvenir à la vue
de votre armée, qui peut faire de puiffantes forties.
L’artillerie fera renfermée dans les retranchements
, &. les batteries, feront fraifées ; afin
que les ennemis ne puiflent pas entrer par les
embrafures , quand les canons ont tiré. On tiendra
près des batteries les mulets & les chevaux né-
ceffaires avec leurs traits , leurs harnois, leur avant-
train , & une garde pour empêcher les muletiers
& charretiers de s’échapper; afin de]retirer
les pièces, quand il arrive que les ennemis forcent
par quelque endroit le retranchement. S i , dans
cette retraite , votre canon eft en danger d’être pris,
les commiffaires d’artillerie tiendront toujours prêt
ce qu’il faut pour l ’enclouer : c’eft-à-dire les marteaux
de fe r , les clous d’acier dentelés , & d’une-
groffeur proportionnée à l’ouverture de la lumière.
Il faut avoir des boulets de jufte calibre , quelques,
autres dont trois faffent le poids de celui qui eft
de calibre , & des cartouches avec leurs petits facs
de balles de plomb , qui foient du poids de ce
même boulet, afin de s’en fervir félon que les
ennemis feront plus ou moins proches. On fçait
que pour les canons qui ne font pas de gros calibre,
on fe fert de cartouches de parchemin, où l’on met
la poudre avec le boulet ou les balles ; excepté
lorfc }ue les tirs fe doivent faire de fort loin : il
faut alors fe fervir de bouchon , afin que leur portée
foit plus grande.
Il eft néceffaire que les troupes d’un cajnp qui peut
etre attaqué foient inftruites par avance de.tout ce
dont je viens de parler , & que toutes ces chofes
foient préparées ; parce que la plupart de ces ordres
ne pourroient pas être exécutés, fi les difpofitions
n’en avoient été faites précédemment. D ’ailleurs
il n’eft guère poffible que les foldats , qui font
pour l’ordinaire très grofliers , foient capables
d’apprendre & d’exécuter dans le même inftant.
11 faut aufli avertir les troupes que , toutes les
fois qu’elles feront quelques mouvements pour fe
rendre à leurs poftés, elles doivent obferver un
grand lilence, principalement la nuit ; afin d’éviter
la confufion , de ne pas s’intimider par leur propre
bruit, & donner à connoître qu’elles ne font pas
bien difciplinées : ce qui réleveroit le courage des
ennemis.
Le filence peut fervir encore à faire croire aux
ennemis , s’ils venoient de nuit pour vous fur-
prendre , que vous ignorez leur deffein. Ce piège
pourroit leur coûter cher ; fi , continuant leur
marche dans cette fuppofition , ils fe déterminoient
à vous attaquer.
Dès que vos partis avancés donnent l’allarme
pendant la nuit , & que , par eux ou par les
partis deftinés à obferver les mouvements de
l’armée ennemie , vous apprenez qu’elle s’avance,
faites jetter avec vos mortiers vers toutes les
avenues du camp de grandes balles à feu , afin
qu’à cette lumière vous puifliez découvrir de quel
côté les ennemis viennent, & en quel nombre de
chaque endroit : & , I l, à la faveur de cette même
lumière , vous pouvez vous fervir de vos canons
& de vos mortiers, jettez de temps en temps de
ces balles à feu ou des fafcines enduites de goudron
, allumées & attachées aux bombes. Feu
M. le duc d’Orléans s’en fervit très, utilement
pour brûler les magafins de fafcines que les ennemis
avoient à Tortofe.
Il feroit bon, lorfque les ennemis approchent,
de paffer au-delà du retranchement, avec de longues
perches , de grands falots ou pots de fer
rempli de goudron enflammé. Les falots doivent
etre découverts du côté de la campagne , &
fermés avec du fer-blanc du côté du retranchement
; afin que votre infanterie & ceux qui fervent
1 artillerie, puiflent découvrir les ennemis fans en
être vus. On peut aufli de cette manière difcerner
par le nombre des ennemis la véritable attaque
des fauffes , &. pofter un corps de réferve pluÿ
Art militaire. Tome /,
fort dans l’endroit où l’on jugera qu’il eft le plus
néceffaire.
Les troupes qui défendoient Oftende firent ufage
de ces falots, & y trouvèrent ces deux avantages
dans le premier affaut que l’archiduc Albert leur
donna. Par ces lumières ils reconnurent les fauffes
attaques de l’archiduc, & fes troupes furent re—
pouliées avec beaucoup de perte.
Faites placer de diftance en diftance autour da
retranchement des fafcines ardentes ou autres feux
d’artifice ; afin de mettre le feu aux fafcines que
les ennemis emploient pour combler le folié ; ou
pouf les brûler eux- mêmes lorfqu’ils feront rafi*
- lëmblés en foule pour monter fur le parapet. Si
ces fafcines fe trouvent mêlées avec quantité
d’autres bois , on ne fçauroit douter que , pendant
que le feu durera , les ennemis n’ayent beaucoup à
fouffrir , ou qu’ils ne foient forcés d’abandonner
entièrement l’attaque.
Le général Daun, dans le dernier liège de la
citadelle de Turin, commençant à manquer de
munitions & d’hommes, pour en défendre les
brèches , fit jetter devant elles dans le folié une
grande quantité de poutres & de lolives des m a llons
ruinées par les bombes , & d’autres bois mélés
avec des fafcines goudronnées. L’armée-des deux
couronnes n’ayant pu durant plusieurs jours éteindre
ce grand feu ni le franchir ; le prince Eugène eut
le temps d’arriver & de fecourir la place.
Se rtorius , Pélopidas, & Craffus, avoient fait
dans les foliés de leurs retranchements ce que le
général Daun fit dans celui de la citadelle de
Turin.
On difpofera en divers endroits voifins du retranchement
des magafins de munitions de guerre :
fçàvoir , des moufquets de rempart & des caillons
de cartouches propres à ces moufquets, qui font
excellents pour tirer fur les ennemis à une double
portéb de celle du fufil ; des cartouches faites avec
de gros plomb ou des chevrotines , pour tirer
lorfque les ennemis font fort près ; des fulils, des
cartouches , & des pierres à fufil.
Une grande quantité de grenades, & de petits
barrils de dix à douze livres de poudre chacun,
avec leurs lumières & leurs fufées plus grandes
que celles des grenades ; afin d’y mettre le feu ,
& de les jetter dans le folié, lorfqu’il eft rempli
d’ennemis.
Des mèches pour mettre le feu aux fufées des
grenades & des barrils.
Des javelots ou pertuifanes , qui atteignent de
plus loin que les baïo.nettes , &. qui font un plus
grand effet contre les ennemis qui montent fur le
parapet.
Il faut avertir les troupes de ne jamais demander
à haute voix des munitions en quelque
occurrence que ce puille être.
Si les ennemis commencent à forcer le retranchement
, il faut que les corps de réferve les plus
proches du pofte forcé attaquent en flanc les en»
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