
dans les campagnes des villes alliées, lorfqu’il fut
envoyé en Afie contre Tiffapherne. Cet exemple
inftruifit Dercillidas', qui prit après lui le commandement.
Non-feulement il maintint la dilci—
pline dans f®n armée , mais il évita d’hyverner
fur les terres des alliés de Lacédémone. « Quand
la marche 9— dit Onofandre , fe fera dans un pays
ami j on enjoindra aux troupes de ne toucher ni
détruire quoique ce foit, & on y reliera, peu de
temps ».
Un général doit employer de même les plus
grands égards pour les alliés qui fervent dans fon
armée. Il aura d’eux touts les foins poffibles ; il entretiendra
l’union entre eux & fes troupes ; il ne
mettra aucune différence entre eux & ceux de fa
nation. Tout ce qui a été ftipulé pour eux fera
exa&ement rempli & même au-delà : on ne
pèche point par la bienfaifance & la générofité.
On les traitera comme des étrangers que l’on a
reçus chez foi.*
Le rang que les troupes auxiliaires & les nationales
doivent avoir dans l’ordre de bataille
doit avoir été réglé d’avance & être exactement
obfervé, afin d’éviter des conteftations qui mènent
toujours à l'éloignement , à la haine , & quelqüe-
foi% à une divifion ouverte & déclarée. On aura
le même foin à l’égard du rang Ô£ du commandement
des officiers généraux, & de celui des
officiers particuliers dans les poftes communs.
On leur témoignera la plus grande confiance,
mais fans être à leur-égard dans la plus grande
fécurité. Des troupes qui ne fervent pas pour
l’intérêt direÇl de leur louverain ne' s’emploient
point avec ce zèle qui affure les fuccès. On peut
même, fuivant le caraélère & les cir confiances ,
craindre ce qui eft arrivé quelquefois ; craindre ,
dis-je , d’en être abandonné fous des prétextes
frivoles, ou même de les voir paffer du côté de
l’ennemi : le danger fera d’autant plus grand qu’ils
feront plus nombreux. Afdrubal, inflruit que Publias
Scipion , général de l’armée romaine en
Efpagne ,, avoit peu de troupes nationales & beaucoup
Ralliés celtibères, forma le projet rde détacher
ceuxrçi des Romains. Il connoiffoit la perfidie
de ces nations barbares , parmi lefquellçsvil
faifoit la, guerre depuis tant d’années. La négociation
étoit facile ' entre deux camps remplis d’Efpà-
gnols. Les chefs celtibères, féduits par des offres
confidérables, convinrent d’emmener leurs troupes,
& nè virent dans cette aélion aucune atrocité. On
leur offroit poür vivre en paix autant qu’ils rece-
yoient pour faire la guerre. Il s’y joignoit l’agréable
idée de revenir dans leurs maifons, de revoir leurs
familles,.& d’y jouir du repos : il fut donc auffi
facile de féduire le foldat que les généraux. D ’ailleurs
j les Romains étoient fi peu nombreux , que
leurs alliés ne pouvoient pas craindre d’être retenus
par force, Ainfi les Celtibères, prenant tout-àreoup
leurs enfeignes, fe mirent en marche , en répondant
à leurs alliés , qui demapdoient l.a çaufe de çe
départ j qu’une guerre domeftique les rappelloit
dans leur pays. Cet exemple, dit Tite-Live , doit
apprendre à jamais qu’il ne faut pas fe fier tellement
aux fecouts étrangers, qu’on les joigne en
nombre fupérieur à les propres troupes.
Un autre inconvénient des armées combinées
de plufieurs nations, c’eft que la diyerfité des
moeurs oc des intérêts amène prefque toujours celle
des opinions dans les confeils, & met obftacle aux
entreprifes. Dans la guerre de Lacédémone contre
Argos, lesEléens vouloient marcher contre Léprée,
les Mantinéens centre Tégée ; les Argiens & les
Athéniens embralsèrent ce dernier avis j mais les
Eléens irrités de qu’on avoit rejetté le leur, abandonnèrent
l’alliance 3 & revinrent dans leur patrie.
• Comme la crainte & l’efpérance çonduifent les.
hommes à l’égard de leurs intérêts, foit particuliers,
foit publics, & forment feules des noeuds folides
entre les fociétés ; la précaution doit augmenter
en même raifoii que ces deux caufes d’union diminuent.
Lorfque l’on eft dans le pays même de
' fes alliés, on a d’autant plus à craindre qu’il eft
plus -loin du fien propre. Les Egeftains, voulant
engager les Athéniens à les fecourir , leur dirent
qu’ils avoient un tréfor capable de fournir à l’entretien
d’une grande armée. Athènes, pour s’en
affurer, envoya quelques citoyens en Sicile. Ceux-
c i , conduits à Eryce dans .le temple de Vénus,
y virent un amas, coôfidérable de dons & de
v afes, q u i, étant d’argent , préfentoient l’apparence
d’une grande richeffe nationale. Ces
mêmes envoyés., admis à . plufieurs feftins chez
des particuliers , y trouvèrent une profufion de
vafes d’or & d’argent., qui leur firent fuppofer
une opulence extraordinaire : mais tout cela n’é-
toit qu’arfifice. Les Egeftains avoient emprunté ces
vafes des villes voifmes, foit grecques, foit phéniciennes
; & ceux qui recevoient les envoyés fe
les prêtoient l’un à l’autre. Revenus dans leur patrie,
ils perfuadèrent l’erreur où ils étoient eux-
mêmes. Envain Nicias, .nommé, général, & plus
prudent que le peuple & fes envoyés , voulut
jetter quelques nuages fur l’opulence des Egeftains;
le rapport paffa pour v r a i, parce que les Athéniens,
defiroient la guerre & cette fùnefte expédition
fut réfolue.
Notre hiftoire nous offre auffi un grand exemple
de l’infidélité d’un allié, qui, étant fort éloigné ,
avoit peu de chofe à efpérer ou à craindre de la
France. Dans la croifade .préchée par S. Bernard ,
fous Louis V I I , & entreprife par ce monarque ,
l’empereur Manuel . Comnène , allié du ro i, mit
en ufage touts les artifices toutes les trahifons.
Le prince grec , fous Jes charmes d’une figure
féduifante , d’un abord gracieux , & d’une douce
éloquence ) çaehoit l’ame la plus dure & la plus
perfide. Sa conduite répondit à ce monftrueux
affemblage. Après avoir reçu l e . roi avec touts
les honneurs dus à un grand prince, Sù touts les
dehors affç.&ueyx d’une fincèrç amitié. > il/fit
conduire les croifés par des guides infidèles dans
les défilés les plus dangereux, & donna ordre à
fes troupes dé les y attaquer. Les portes de fes
villes leur étoient fermées. Us n’y pouvoient acheter
des fubfiftances qu’après en -.avoir dépofé le
prix en des paniers que les habitants defeendoient
du haut des murailles. Quand les Grées avoient
l’argent, ils difparoiffoient fans rien donner, ou ils
fallifioient les vivres , & faifoient périr les Européens
parce mélange. On avoit frappé , par l’ordre
de l’empereur , une monnoie de bas-alloi, dont
les Grecs payoient ce qu’ils àçhetoient des Chrétiens
, & qu’ils refufoient lorfque ceux-ci l’effroient
en payement.
L’empereur Conrad I I I , qui avoit pris part à
l’expédition , ne trouva pas Comnène moins perfide.
Celui-ci lui perfuada que les guides qu’il lui
donnoit le conduiroient à Antioche dans huit jours.
Le prince Allemand , ne foupçonnant pas de tra-
hifon fon allié , ne fit prendre à fon armée que
les vivres néceffaires pour ce temps, Lorfqu’ils
furent confommés , elle fe trouva.en des montagnes
impraticables j fes guides s’évadèrent ; elle fe vit
enveloppée de toutes parts par les Turcs , & périt
: prefqu’en entier par la fatigue, la faim, & les flèches
de l’ennemi.
| A L LO CU T IO N ; difeours 'd’un général Romain
à fes troupes. On lit dans la première édition
de l’encyclopédie, « plufieurs médailles de Cali-
gula, de Néron , de Galba, êt des autres empereurs
romains , repréfentent ces princes en habit
militaire, haranguant des foldats;, avec ces légendes ;
A D LO C. CO H O RT. ( Adlocutio cohortium. ).
A D L O C . COH O R T . P RÆ T O R. &c. Ce qui/
prouve que les harangués militaires des anciens
ne font pas fi^fufpeâes que les ont voulu rendre
quelques critiques , puilque les empereurs ont
confacré par des monuments publics celles qu’ils
faifoient à leurs armées ». Il me, femble que les
harangues des empereurs & des généraux à leurs
troupes font affez atteftées p ar touts lés monuments
& tolits les auteurs de l’antiquité , pour qu’on ne
doute en aucune manière de leur exiftence • mais
on peut croire, ce me femble, qu’ils n’ont peut-
etre, 'pas fait celles que les hiftoriens leur attri-~
buent. Je fuis loin de les blâmer d’avoir fubftitùé de
feellesyraifemblances à la vérité qui leur échappoit :
1 hiftoire a des chofes plus importantes ,'dans lëf-
qpelles il faut bien fe contenter de la vrâifem-
blance. . ■ , •
tribune dreffee dans'le camp avec des gafons. Sur
la colonne Trajané l’empereur , debout & accompagné
des principaux officiers, y parle aux troupes
! armees, qui ont devant elles, près du tribunal,
toutes leurs enfeign.es. Il tient quelquefois une hafte,
iymbole du commandement, & quelquefois l’épée :
pl. x , X X IV , X L V II ) . Cependant les
loldats n y font pas toujours armés ; mais on les
yoit toujours, avec leurs enfeignes , ^j?l, LX1X
Un cri général, tel que les troupes en jettoient
dans le combat, étoit l’approbation militaire , qu’on
accompagnoit auffi de l’élévation des mains. Une
troifième efpèce d’affeutiment s’exprimoit pn frappant
le bouclier avec la hafte, lorfqu’on demandoit
d’aller au combat. Les foldats élevoient auffi leurs'
boucliers , pour approuver ce qui leur étoit pro-
pofé ; &. ces coutumes n’étoient pas particulières
aux Romains : les Germains employoient les mêmes
figues. « Si la propôfition déplaît, dit Tacite , ils la
rejettent par un frémiffement ; fi elle a plu , ils
frappent leurs boucliers. Cet ufage d’approuver
avec les armes èft le plus honorable •'». Céfar dit
des Gaulois : toute cette multitude jette un cri ,
& fait réfonner fes armes à fa manière : c’eft ainfl
qu’ils approuvent lès difeours de leurs généraux.
Ces ufages avoient un air de grandeur & de
majefté, qui devoit paffer dans l’ame de l’officier
& du foldat , & le rendre plus capable de grandes
& fortes actions. Une communication plus intime
du général' .avec fon armée les rapprochoit l’urâ
de l’autre , les uniffoit davantage pour les entreprifes.
La, communauté des biens & des projets
centuple l’ardeur des hommes pour leur défènfe
& pour l’exécution. Sans defeendré jufqu’à la
popularité républicaine , incompatible avec les
principes de la monarchie , nGS-généraux ne pour-
roient-ils pas quitter plus fouvent leur rang fu-
blime, vifiter quelquefois les troupes dans leurs
camps, parler aux foldats, les encouragerj les-
confoler de leurs fatigues , louer les plus faces r
les plus fournis à la discipline, les plus braves-
dans l’aéfion, diftribuer eux-mêmes quelques ré--
compenfes , chercher fous fa tente l’officier qui la
quitte rarement, celui qui dans fes moments de
loifir, s’occupant du foin -de fa troupe , ne court
point après les plaifirs du quartier générai, & lui
' donner des louanges publiques.; -Cet exemple
s’étendroit depuis le générai jufqu’au fergent r il
multipHeroit les foins que le grade fupérieur doit'
aux inférieurs ; il refferreroit les liens qui doivent
les unir touts. Il rapprocheroit, il ^élèveroit touts
les rangs vers celui du général ; les bons officiers-
feroient plus connus , le foldat plus honoré de-
yiendroit meilleur. Quand le fond eft bon dans
un homme , l’eftime qu’on lui témoigne lui fais
fentir ce qu’il v au t, & produire ce qu’il peut.
AMAZONE S j femmes guerrières.
Puifque lés femmes. , à qui la nature" femble
n’avoir donné que lès armes de la grâce & delà
Ê«eauté, ont fouillé leurs mains de fang & de
meurtres , la guerre e ft, fans doute, urr mal inhérent
à la condition humaine. Je vais donner un>
précis hiftorique de ce que les anciens- auteurs-
nous racontent des Amazones; le genre d’intérêc
qu’il préfentera n’eft pas, je le fç.ais, celui d’utilité
dans l’art militaire : mais, ne vouloir que l’utile
ne feroit-ce pas- un excès de févérité l Les- armes
de ces héros'fi terribles dans Tes combats n’ont pas
toujours été fimples & groffières. Q u’il mefoit-per--