
bâtiments voifins ; ce fera que vous ôterez à l'ennemi j
celui' de s’approcher à la faveur de ces édifices ,
pour battre vos lignes. Je fçais que vous pourriez
vous garantir des embufcades & des partis ennemis
, en poftant dans ces édifices quelques gardes
qui fe mettroient en fureté contre les petits détachements
, en crénelant les murailles , & en
couvrant la porte par un foffé, un parapet 8c une
paliffade. Mais , fi l’armée ennemie fait feulement
avancer quatre pièces de canon contre ce pofte,
vous ne fauverez pas la garde, qu’il feroit fâcheux
de perdre à la vue de l’armée. Il fera donc plus
aife de défendre ces édifices en les enfermant dans
yos retranchements.
S i, pour les avantages dont je viens de parler ,
ou pour quelques autres, il vous convient de vous
maintenir dans un camp qui manque d’eau, donnez
ordre qu’on ouvre une grande quantité de puits
dans les endroits les plus bas ,r& qui parôîtront
humides ; quoique cet ouvrage femble long ,
l ’expérience a appris qu’en employant beaucoup
d ’hommes on trouve en peu de jours de l’eau
pour toute l’armée. Mais, fi cette eau eft falée, 8c
.que les troupes n’en ayent pas d’autre , il faut in-
«difpenfablement changer de camp, pour éviter les
jmalàdies. ..
11 faut que le lieu où vous devez camper longtemps
foit aifé à fortifier, ou fort par.fa fituation.
Ifera aifé à fo r t ifie r fi au lieu de roches, dë
cailloux détachés, ou de fable mouvant , vous
rencontrez un terrein folide , fur - tout s’il eft affez
gras 8c tenace pour vous exémpter d’employer des
fafcines & des piquets dans la conftruéfion de vos
lignes. Lorfque le terrein ne vous fournira pas cet
avantage, voyez f i , à une diftance peu confidé-
-rable , il y a affez d’arbres pour vous fournir des
fafcines, des piquets, 8c des gabions ; ces derniers
font néceffaires, fi l’on trouve l’eau à peu de profondeur
, ou lorfque le fond eft de roche.
Un camp eft fort par fa fituation , lorfque la plus
grande partie de fon enceinte eft entourée de
quelque rivière, de quelque partie de la mer , ou
de marais impraticablès ; parce qu’alors , pour dé-
fendre la tête du camp , vous pouvez employer
plus de troupes.il eft fort, lorfqu’en garniffant 8c
en fortifiant un petit nombre d’avenues étroites,’
vous fermez le paffage aux ennemis ; ce qui arrive
dans les vallées, où l’on ne peut dêfcendre que
par quelques petits fentiers , 8c fur les montagnes,
©ù l’ctn ne peut monter que de la même manière.
• Comme les montagnes font plus faines & qu’elles;
dominent, elles font plus avantageufes, fur-tout
Jorfqu’on trouve à leur fommet de grandes plaines,
où les troupes peuvent fe former fans embarras.
Quelquefois une feule montagne domine un
terrein où il feroit important de camper, & qui
ue peut être enfermé dans vos retranchements ,;
parce qu’après l ’avoir étendu pour enclorre d’autres
poftes néceffaires , il ne refte pas affez de troupes
pour garnir la trop grande circonférence du pied
de cette montagne. Alors, fije fommet peut ctre
défendu avec peu de monde , on le fortifie oc on
le garnit d’hommes :8c de canon , principalement fi
l’on peut tirer du retranchement à la montagne
des lignes de communication, pour foutenir ceux
qui la défendent.: parce qu’on perd toujours les
poftes entièrement détachés , 8c , lorfque les ennemis
s’y font logés , ces poftes aident à forcer
le retranchement qui en eft dominé.
On trouve aufti quelquefois des montagnes ac-
.céfiibles de touts les côtés, qui n’ont que peu de
■ plaine à leur fommet , mais qui ne font pas. dominées;
& , quoique toute l’armée ne puiffe pas être
rangée fur une ou deux lignes formées au pied de
ces montagnes ou un peu plus haut, vous devez
pourtant les regarder comme un pofte très-avantageux
pour camper , en formant à une hauteur convenable
plusieurs lignes les unes au-deffus des
autres. De cette manière vous' avez de toutes
parts un double 8c triple feu & une double 8c
triple retraite : & , fi les ennemis viennent vous
.charger , vous les battrez facilement , en tombant
-fur eux lorfque l’ardeur avec laquelle ils graviront
les aura mis hors d’haleine & en défordre.
Le meilleur camp eft celui qui eft fous le canon
d’une de vos places, 8c qui du côté oppofé a des
ponts fur une grande rivière. Si les ennemis s’étendent
pour inveftir la place & l’armée par une
ligne de circonvallation , afin de vous couper
les vivres ; ils expofent un de leurs quartiers à
être défait lorfque vous l’attaquerez avec toutes
vos troupes, fur-tout fi vous rompez leurs ponts
de communication. '
La principale attention qu’il faut avôir en choi-
fiffant un lieu où l ’on doit camper long - temps,
c’eft que ce lieu foit fain. Cette qualité fe trouve
ordinairement dans touts les poftes élevés & éloignés
des marais , des eaux croupiffantes , ou qui
ont peu d’écoulement fur- un fond bourbeux. On
peut en excepter les eaux falées, qui, quoiqu’elles
ne courent pas , infeéfent moins l’air.
On peut connoître au vifage des habitants du
pays fi l’air en eft fain : nous voyons qu’à Lantini
en Sicile, à Oriftan en Sardaigne , 8c en plufieurs'
autres endroits où l’air eft mauvais , touts les
hommes y font pâles. On peut aufti juger de la
falubrité d’un canton , en ôbfer’vaht fi les entrailles
des animaux y font fans corruption , fi les jeunes
enfans y ont de la vivacité , 8c s’il y a un grand,
nombre de vieillards.
Les ordonnances militaires , & la pratique ordinaire
apprennent que, pour empêcher que l’air ne
fe corrompe & ne çaufe des maladies, il faut faire
couvrir, avec beaucoup de terre & fort loin des
tentes les ordures des anciens cloaques, les chevaux
8c chiens morts, & les immondices des boucheries;:
cette attention regarde les majors 8c les
aide-majors , chacun dans le terrein que leur régiment
occupe, & généralement les officiers de jour,
le major général, & les maréchaux des logis. Souvent
on charge particulièrement le prévôt cîu foin
de la propreté du camp ; mais les perfonnes que je
viens de nommer ne font pas pour cela difpenfées
•de faire obferver un point aufti important pour la
.fanté des troupes.
Végèce obferve qu’une des principales caufes .
des maladies contagieufes dans les armées eft la
mauvaife qualité des eaux : ce qui provient de .ce
.qu’elles font croupiffantes * de ce qu’on y jette
quantité d’immondices, de ce qu’on y fait tremper
du. chanvre, du fin,' ou de ce qu’elles font rete-
•nues pour arrofer du riz ou du fucre. Vous défendrez
donc à tout payfan de faire tremper du lin
.ou du chanvre à .fept ou huit lieues au-deffus de
votre armée, dans les rivières ou ruiffeaux qui
viennent à votre camp ; d’y laver du linge ; de
-les retenir pour arrofer du riz ou du fucre : lùr-tout
fi ces rivières ne font pas grandes & rapides ; 8c
vous établirez des patrouilles qui infpeêlent continuellement
les bords, pour fe faifir de ceux qui
contreviendront à cette défenfe. Faites écouler les
eaux croupiffantes, lorfqu’il eft poflible de faigner
les marais. Si cela ne fe peut pas , mettez des
fentinelles qui ne permettent à perfonne de boire
de ces eaux : les foldats, pour ne pas faire quatre
pas de plus, boivent la première qu’ils trouvent. Par
la même raifon vous garnirez de fentinelles , jufqu’à
un quart de lieue au-deffous de votre armée, le
bord de la rivière où les foldats laveront leur linge.
Quoiqu’il femble peut-être que c’eft prendre trop j
de précaution, elles ne feront pourtant pas regardées
comme inutiles par celui qui aura fréquenté
les armées.
J’ai déjà dit que, s’il y a dans votre armée des
troupes de différentes nations, dans lefquelles vous
.n’avez pas affez de confiance , vous devez les répartir
de manière qu’elles foient par-tout inférieures
en nonsbre à celles de votre prince , & les
placer en des poftes où elles foient moins eji état
de vous porter quelque préjudice : mais, quand
. vous êtes bien aflùré de la fidélité 8c de l’obéiffance
.des régiments étrangers, faites camper enfemble
** ceux d’une même nation , pour éviter les mécontentements
6c les défordres communs entre des
nations qui diffèrent en couturées, en langage , en
bruits de guerre, 8cc. Comme la raifon de guerre
exige que l’on campe félon l’ordre de marche , 8c
que l’on marche félon l’ordre de bataille ; quand
les corps de chaque nation fe trouveront enfemble ,
l’émulation les portera à fe diftinguer des autres
. par leur propreté dans le camp, par leur vigilance
, dans les gardes, par leur régularité dans les marches
, & par leur valeur dans le combat. De cette
manière vous donnerez encore aux étrangers la
fatisfaéiion de commercer les uns avec les autres.
Le«' ennemis feront peut-être mettre le feu à
, votre camp par des perfonnes affidées ; afin de vous
, cfiafïer de quelque pofte fort, ou afin de tomber
. fûr votre armée pendant la confufion de l’incendie,
c D'ailleurs il peut arriver que le feu y prenne par
quelque accident, comme on l’a fouvent éprouvé.
Pour éviter en ces occurrences que les ennemis
ne réufliffent dans leur deffein , cc. que le feu r.e
faffe un trop grand ravage , prenez par avance les
mefures néceffaires pour laiffer des efpaces fuffi-
fants d’une compagnie à l’autre , 8c d’un régiment
à un autre régiment, eu égard à la grandeur du
terrein : j’ai déjà dit que vous devez dès le premier
jour faire couper les brouffailles & les bois taillis
où vous pouvez craindre que le feu prenne.
11 devroit y avoir toutes les nuits dans chaque
régiment une petite patrouille pour, obferver fi
contre la défenfe il n’eftpas refié quelque lumière
ou quelque feu dans les tentes ou dans les barra-
ques, après que les foldats fe font retirés. Cette
patrouille doit fe faifir des contrevenants à la défenfe
, ;& de ceux qui feroient trouvés mettant le
feu à la paille , aux tentes, ou aux magafins de
bois 8c de fafcines.
Dès que vous arrivez au camp où vous avez
deffein de refter quelque temps, vous y ferez une
grande provifion de vivres ; afin de pouyoir y
lùbfifter , s’il arrive que les ennemis , ou quelques
accidents imprévus retardent l’arrivée de vos
convois.
Vous ferez aufti dans le camp de grands magafins
de fourrage , en commençant à les prendre le plus
loin que vous pourrez, du côté où font les ennemis
; non-feulement afin qu’ils n’en profitent pas,
mais encore afin qu’après avoir confommé ceux-
là,-votre armée puiffe avoir recours aux autres
qui font plus proches ou derrière vous. Ne touchez
pas aux fourrages voifins, ni à ceux qui font
dans les magafins tandis qu’il y aura du pâturage
pour nourrir les chevaux.
V I V A N D I E R S . M A R A U D E .
Les magafins de vivres 8c les convois ne peuvent
fuffire pour faire vivre votre armée avec une
certaine aifance : car, excepté certaines provifion»
pour les hôpitaux, ces vivres de munition ne font
. pas fort du goût des officiers , lorfqu’il n’y en a
pas d’autres , 8c qu’il en faut manger plufieurs jours
de fuite,
Les gros convois apportent de tout-: mais ,
comme ils ne viennent que rarement, les principaux
officiers 8c les plus riches achètent le premier
jour tout ce qu’il y a de meilleur ; 6c ceux
qui ont peu d’argent ne peuvent en faire provifion.
D ’ailleurs les fruits , les herbages, la glace,
6c autres chofes femblables , qui font agréables ôc
utiles à la fanté , quoiqu’elles ne foient pas abfo-
. lument néceffaires , ne fe confervent pas long-
temps. 11 faut donc avoir recours aux vivandiers,
qui portent fans ceffe à l’armée ce qui fe trouve
1. dans les lieux voifins. Les commandants d’armée
| qui connoiffent combien les vivandiers font néceffaires
retrancheront de diftance en diftance de
petites, troupes d’infanterie , pour les e.fçorter