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mis (forner cet ouvrage des traits de valeur des
femmes. S’il en eft que la fifrion peut avoir embellis
, l’hiftoire en préfente auffi qui font dignes de
fçrvir d’exemple.
Le plus ancien des poëtes qui ont chanté les
combats , nous parle de femmes guerrières. Il fait
dire à Neftor ; « Heureux Atride, heureux favori du
fort 8c de la fortune, la nombreufe jëunefîe des
Grecs eft foümife à ton empire. Lorfque j’entrai
jadis dans la Phrygie, abondante en ceps chargés
d.e fruits , j’y vis un grand nombre de fes habitants
dirigeant des courfiers rapides : c’étoient
les peuples d’Otrée , 8c de Mygdon pareil à un
dieu. Alors ils portoient la guerre fur les rives
du Sangaré. J’étois ' dans cette armée ''comme
auxiliaire , en ce jour oh parurent 1 es Amazones ,
ennemies des hommes : mais les Phrygiens étoient
moins nombreux que la jeuneffe grecque aux
y.eux noirs».
Une antiquité plus reculée plaçoit à l’occident
de la Lybie un peuple a’Amazones, vers les
confins de la terre habitée , dans une ifle nommée
Hejperie , abondante en huile 8c en troupeaux,
feule nourriture qui fût alors en ufage. Chez
cette nation , différente de toutes celles qui
exiftent, les hommes étoient .chargés de l’économie
dpmeftique , les femmes des foins du
gouvernement 8c des travaux de la guerre,; Contraires
en tout à la nature, elles en recevoiçnt
.en vain cés réfervoirs précieux des premiers
fues nourriciers. Leur délicateffe ne convenant
point aux exercices guerriers , on les détruifoit
par le feu dans les filles nouvellement nées. Le
fervice militaire commençoit à l’âge de puberté.
Lorfqu’èlles avpient rempli le temps preferit par
la lo i , .elles n’étoient plus occupées que de
l’adminiftration civile , 8c du foin de donner à l’état
de nouveaux citoyens.
Armées de l’épée , de l’arc, & de la lance ,
couvertes de la peau des ferpents énormes dont
l’Afrique abonde , elles afïùjettirent les villes
hefpériennes 8c les peuples yoifins d’Afrique &
de Numidie. Myrine , une de leurs,reines, à la
tête de trente mille femmes d’infanterie 8c deux
mille de cavalerie , attaqua les Atlantes , défit
lçs Arcénites , peuple de .cette nation , entra
dans leur ville aj/çc les fuyards ; 8c , pour frapper
de terreur les peuples, voifins, fit égorger
touts les hommes, toiits les jeunes gens au-
delfus de la puberté , & emmener en captivité
les enfants • & les femmes. Cette rigueur atrqce
eut le fuccès qu’elle en ' attendpit : les àutrès
Atlantes, redoutant le même fo r t, reçurent la
loi du vainqueur. Alors Myrine , revenant aux
fentiments de la nature, ufa de clémence. .Elle
fit alliance avec les peuples fournis , fonda une -
ville de fon nom au lieu de celle qu’elle avoit
détruite, 8c la peupla de fes captifs, & des habitants
du pays qui voulurent fe joindre à eux. Les
Atlantes lui ayant fait des préfents ’ magnifiques ,
A M'A
. 8c rendu Les plus grands honneurs publics, elle
en fut touchée , 8c promit de leur prouver fa
reconnoiffance. D ’autres femmes guerrières, nommées
les Gorgones , habitoient auprès de la nation
Atlantide , 8c l’incommodoient par de fréquentes
incurfions. Myrine marcha contre ces rivales, les
défit, en tua un grand nombre, 8c n’en prit pas
moins de trois mille. Elle pourfuivit le refie,
retiré dans les forêts, 8c tenta de l’exterminer en
incendiant fon afyle': mais , ne pouvant y réuf-
fir , elle revint aux frontières de fon pays.
Le fuccès produit la fécurité, que fouvent fuit
la négligence. Les Gorgones captives, s’appçrce-
vant que la garde étoit mal faite pendant la nuit,
prennent les épées des Âina^ones endormies , & en
égorgent un grand nombre. Les autres, réveillées
par les cris 8c le tumulte, courent aux armes, à
leurs ennemies , 8c malgré leur défenfe courageufe
8ç opiniâtre , exterminent jufqu’à la dernière.
Myrine fit conftruire trois bûchers, 8c brûler les
corps des Amazones qui avoient péri dans le combat
: on leur- éleva auffi trois tombeaux ou monceaux
de terre , qui furent nommés long - temps
les fépulcres dès ^maçones,
La puiflance des Gorgones ne fut point abattue
par leur défaite : elle exifta fur les bords & dans
les ifles du lac Tritonide jufqu’au règne de Mé-
dufe que Perfée vainquit ; xe héros , fugitif du
P.éloponnèfe-, avec une troupe d’élite, furprit le
camp de cette reine pendant la nuit , & la tua
lui-même, Lorfque le jour parut il voulut voir
cette femme célèbre. Elle lui parut encore fi belle*
qu’il en rapporta la tête en Grèce comme . un,
prodige de »beauté. Il pouvoit dire d’elle ce que
dit Armide en voyant Renaud*
Groïroit-on q iiilfût né feulement pour la guerre ?■
I l femblp être fait pour Iamour„
Dans les fiècles poftçrîeurs, les écrivains grées ,
s’étant faifis de cette - matière , y joignirent les
fi (frions & les conjectures de toute efpèce. Ceux
qui ne purent croire à l’exiftence des femmes guerrières
altérèrent ce que les anciens avoient diç
des Gorgones , pour l’adapter à leur opinion. Les
uns dirent que c’étoient des femmes fauvagè$,
q u i, du fond de leurs forêts , venoient infefter les
terres habitées ; d’autres en firent de vraies bêtes
féroces , dont l’haleine 8c les regards étoient mortels.
On transforma enfuite Médufe & fes deux
foeurs, filles de Phorcus , en femmes économes,
Jabqrieufes * adonnées • à l’agriçulture * opulentès ,
ppffédant une ftatue de Minerve d’or maffif,
nommée Gorgone , que Perfée enleva en tuant
Médufe. On en fit tou r-à-tour des prodiges de
beauté qui pétrifioiçnt les fpefrateprs , des monftres
qui répandoient l’éppuvante & la terreur, des
modèles de fageffe, 8c d’infamés courtifannes. Les
poëtes, peignant d’après ces idées , couvrirent de
ferpents la tête des Gorgones ,'la mirent fur les
boucliers de leurs fiéros ? lui donnèrent les regards.
terribles
terribles de l’homicide Mars , & placèrent à fes
icôtés la terreur 8c l’épouvante.
- Myrine parcourut la L y b ie , pafïa en Egypte,
& y ht alliance avec Horus , fils d’Ifis ; attaqua &
.Vainquit les Arabes , afïujettit la Syrie : les Cili—
ciens s’étant fournis obtinrent leur liberté. La
•force & le courage des habitants du mont Taurus
,ne purent les garantir de la fervitude. Cette conquérante
, defeendant par la grande Phrygie vers
la mer, s’empara de tout le rivage, 8c borna fon
expédition à la rivière du Caïque. Elle choifit
..plufieurs lieux dans les pays conquis, pour y
.établir des villes ; l’une porta fon nom, les autres
ceux de fes premiers chefs. Elle s’empara aufïi de
.quelques ifle s, dont ■ la principale fut Lesbos :
•Mitylene, qu’ette y fonda, reçut ce nom de fa
foeur qui fer voit dans fon armée. Ce fut de ces
nouveaux établifïements qu’elle fit des incurfions
.■ dans la Thrace , dans la G rèce, 8c dans les parties
de l’Afie voifines de fes conquêtes. Les villes
grecques de l’Afie mineure les plus confidérables,
-telles qu’Ephèfe, Smyrne, CumeS , & quelques-
autres, fondées onze fiècles avant l’ère chrétienne,
rapportaient aux Amazones l’origine de leur fondation.
Elles les repréfentoient fur leurs médailles ,
ou les y défignoient par quelques marques.
J; Mopfus, ne dans la Thrace, fuyant Lycurgue ,
troi de ce pays, entra fur les terres des Amazones
•:avec une armée , accompagné par le feythe Sipyle ,
^contraint comme lui d’abandonner fa patrie. Myrine
vint au - devant d’eux ; mais ce fut lè terme
de fes viifroires ; elle fut vaincue 8c périt dans le
combat. Ses compagnes , défaites enfuite par les
Thraces en plufieurs combats* repafsèrent en
Lybie. On dit qu’Hercule voulant purger la terre
de tout ce qu’elle avoit d’inhumain, 8c ne pou-
"Vant fupporter qu’il y eût des nations foumifes à
J’empire des femmes, extermina les Amazones de
Lybie en allant vers l’occident pofer fes fameufes
colonnes. Seconde par Théfée & une armée
grecque, il attaqua celles qui s’étoient fixées aux
rives du Thermodon.
“ T 6 w i u m e « i u i o w u c - u i d i i u u ia
guerre au-dehors. Antiope fut furprife par l’incur-
2*on imprévue des Grecs, un grand nombre à!Amazones
tuées & faites prifonnières. Ménalippe, foeur
: -de la reine, fut prife par Hercule, qui la rendit à
Antiope, dont il reçut les armes en échange.
| 'Hyppolytë, Autre foeur d’Antiope, fut prife par
l'Thefee * & accordée à ce héros comme por-
( ^ut’n- j}| l’époufa, & en eut ce fiis que la
| paflion de Phèdre rendit célèbre. Les Grecs ern-
I ™eJjèrent fur trois vaiffeaux toutes leurs captives,
[ Lelles-ci les ayant furpris tuèrent leurs vainqueurs.
Jyais elles ne connoiffoient pas les navires , 8c ne
i ça voient faire ufageni des rames, ni des-voiles | ni
t „ gouvernail. Ayant égorgé leurs condmfreurs.
eues s abandonnèrent aux flots & aux vents, &
abordèrent a un rivage efearpé du Palus Mceotide,
Art Ttiihtaine, Tome1!,
que les Scythes libres habitoient. Elles defcôndirent
des vaiffeaux, entrèrent dans les terres, & rencontrant
un troupeau de chevaux, elles s’en emparèrent
; puis fe fervirent de ces animaux , pour
faire la courfe & butiner dans le pays des Scythes.
Ceux-ci ne pouvoient s’expliquer ce qu’ilsvoyoient:
la langue, les vêtements, la nation , tout leur étoit
inconnu. Ils fe demandoient avec étonnement d’où
venoient ces ennemis. Il leur fembla que c’étoient
des jeunes gens à-peu-près de même âge , & il y eut
entre eux quelques combats. Mais s’étant rendus
maîtres de quelques-uns d’eux , ils reconnurent
que c’étoient des femmes. Leur confeil affemblé
•réfolut alors de n’en tuer aucune, 8c d’envoyer
vers elles les plus jeunes d’entre eux en même
nombre qu’elles étoient , en leur enjoignant de
camper auprès d’e lles, de faire ce qu’elles reroient,
de ne pas combattre, s’ils étoient pourfuivis , mais
de prendre la fuite ; 8c , lorfqu’eîles auroient fait
halte, de revenir camper auprès d’elles.
Les Scythes avoient pris cette réfolution dans le
deffein d’avoir des enfants de ces femmes guerrières.
Les jeunes gens envoyés vers les Amazones remplirent
ce qui leur étoit preferit. Lorfqu’elles eurent
compris qu’ils ne venoient pas avec intention de
leur nuire , elles reçurent leurs faluts. Cependant
chaque jour un camp s’approchoit de l’autre. Les
jeunes gens ne différoient en rien des Amazones,
fi ce n’eft par les armes 8c les chevaux. Ils avoient
même genre de v ie , chaffoient, butinoient comme
elles.
Vers le midi, elles avoient coutume d’aller fé-
parément, une feule ou deux enfemble, fatisfaire
leurs befbins. Les Scythes Payant remarqué faifoient
la même chofe. Un d’eux fe trouvant feul aborda
l’une d’elles, 8c l’Amazone lui permit de l’approcher.
Elle ne pouvoit parler ; car ils' ne s’entendoient
point. Elle lui fit donc comprendre par fes geftes
de venir le lendemain au même lieu 8c d’en amener
un autre ; lui faifant figne d’être deux, 8c qu’elle
ameneroit une de fes compagnes. Le jeune homme
de retour apprit à fes compagnons fa rencontre.
Le lendemain il revint au même lieu avec un
fécond Scy the,& celui-ci trouva la fécondé Amazone
qui l’attendoit. Les autres, informés de l’évènement,
attirèrent auffi les autres guerrières. Enfuite les
camps fe joignirent ; l’habitation fut commune,
8c chaque Scythe eut pour femme celle qu’il avoit
d’abord attirée.
Les hommes ne purent pas apprendre la langue
des femmes ; mais celles-ci apprirent celle des
hommes. Lorfqu’ils eurent habité enfemble, les
Scythes dirent aux Amazones ; « nous avons des
parents, nous avons des biens ; ne vivons pas ainfi
plus long-temps, mais retournons à la nation, 8c
vivons comme elle : nous y aurons nos femmes,
8c aucune autre ». Elles répondirent : « nous ne
pouvons habiter avec vos femmes ; nos moeurs &
les leurs ne font pas les mêmes. Nous tirons des
flèches, nous lançons le javelot, nous manions
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