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forme ronde & de longueur égale. Ils en donnoîent
un au général , & retenoient l’autre. Ces bâtons
étoient nommés fcytales. Celui qui vouloit mander
une chofe importante, entouroit la fcytale d’un
papier long & étroit comme une courroie > fans
1 ailler aucun intervalle. 11' écrivoit enfuite lur ce
papier fuivant la longueur ou l’axe du cylindre.
Enfuite il l’en ô to it, & l’envoyoit feul. Celui qui
le recevoit, i’appliquoit fur la fcytale qu’il avoir ;
& , réunifiant- ainfi les lettres dans leur ordre *
liloit facilement ce qu’on lui avoit écrit. Mais cèux
qui n’avoient pas une fcytale femblable ne pou-
voient pas réunir toutes les lettres difperfées fur
cette lanière de papier. Ce moyen étoit imparfait ;
il né fafloit que peu d’effais pour découvrir quel
étoit le diamètre du bâton & en avoir un de
grofleur égale. Quanta la longueur, iln’étoit pas
effentiel de la conroître ; il' luffifoit que la fcytale
dont on fe fervoit' fût" plus longue. ( Plutarch.
Lyfand.p. 444, B. Typ. reg. 16 14 ,/ .) .
Il ne faut pas négliger les avis que l’on reçoit ;
mais il faut fe bien aflurer de leur fincérité : ceux
qui viennent de l’ennemi font toujours fufpeéfs &.
fouvent perfides.
Il y a eu plus- d’un Sinon depuis le fiège de
Troie. Les chefs de la flotte grecque , mouillée
près de Salamine , étoient diviies en deux
partis, dont l’un vouloit quon fe retirât vers le
Péloponnèfe, l’autre que- Fon combattît la flotte
des Ferles. Thémiftocies penfeit que ce dernier
fentiment étoit le 'feu l qu’il fût convenable de
fuivre , parce qu’il étoit avantageux d’attendre
dans le détroit un ennemi très fupérieur en forces ,
auquel on pouvoir dans cette pofition oppofer un
front égal. I l tenta donc d’engager les Perles par
un faux avis à le hâter de couper la retraite aux
Grecs en les environnant, & de terminer ainfi
touts leurs différents. Ce général-, aufli fin qu’habile
, fe déroba du confeil de guerre , & fit partir
auffitôt un homme de confiance , nommé Sicinus ,
qui fe rendit à la flotte perfe. Introdüit auprès des
chefs , il leur dit : « Le général des Athéniens ,
favorifant le parti du f o i , & préférant vos liiccès
à ceux de la Grèce s m’envoie vers vous à l’infçu
de touts fes compatriotes. Il vous fait informer que
les Grecs , frappés de terreur , projettent de fuir ,
& que l’occafion de remporter un Avantage éclatant
fe préfente à vous, fi vous ne permettez, pas qu’ils
fe retirent. Leurs chefs, divifés de lentiments , ne
vous réfifteront pas vous verrez ceux qui- font :
pour vous , & • ceux qui font contre vous , fe j
combattre les uns les autres ». Les barbares, ajoutant
foi à cet avis, fe hâtèrent d’environner la .flotte
grecque ; & ceux - c i , forcés de livrer bataille ,
remportèrent une viéloire fignalée. ( Herodou L.
V IU 3 C. 7 5 , P. 486.). /-
Les chefs des Syracufains fe feifsèrent prendre
~aü même piège , qui leur fut tendu par les Athéniens.
Ceux-ci, campés auprès de Catane , n’ofoient
s i marcher à Syracufe parce que, n’ayant point
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encofe de cavalerie, ils craignoient celle de Pèrr-
nemi qui étoit nombreufe ; ni s’y. rendre par mer ,,
& tenter une defcëntë en pré’ence de troupes préparées
à les recevoir. Ils formèrent le projet d’engager
les Syracufains à fortir de leur ville pour les-
venir attaquer , & de faifir ce moment pour s’embarquer
, & venir delceridre en fureté près de Syracufe.
Dans ce deffein , Us envoyèrent un homme
fur que les chefs ennemis croyoient être dans leurs
intérêts, parce qu’il étoit catanéen; Celui-ci leur dit
qu’il venoit de la part de ceux de fes concitoyens'
qu’ils connoiffoient ,& fça voient tenir encore pour,
eux dans Catane ; les Athéniens , ajouta - 1 - il ,>
quittent leur camp pendant la nuit, & là paffent
dans la ville : fi vous voulez venir à un jour préfix,,
& arriver au point du jour avec toutes vos forces
nous fermerons les portes de l'a villfe , nous brûlerons
la flotte grecque ; vous vous emparerez facilement
du camp ennemi ; plufieurs Catanéens fe"
joindront à vous , & fur-tout ceux qui m’envoient'
font tout prêts à vous féconder. Cet avis augmenta
la confiance des. généraux fyraeulains ; qui *
avant dé l’avoir reçu , avoient formé le projet
d’aller attaquer l’armée athénienne, ils' donnèrent
donc au rapport dé cet envoyé- une foi aveugle ,
& convinrent avfic lui dir jour auquel ils fe ren—
droient à Catane.
Ils ordonnèrent auffitôt aux haBitans de fe préparer
touts pour l’expédition-, & fartant- au jour-
marqué vinrent camper aux champs Léontins, fur
la rivière de Simæthe. Dès que les Athéniens en
furent inftruitsils s’embarquèrent à Feutrée' de là;
nuit, vinrent defcendre près de Syracufe', prirent-
un camp protégé d’un côté par des marais, des
maifens, des bois , de l’autre par des rochers e£-
carpés , & en retranchèrent le front par un parapet^
de bois & de pierres. Les Syraculains , étant radvenus
fur leurs pas, livrèrent une bataille dans-
laquelle ils furent défaits. (Thucyd\ L~V1 ,p. 456,;
B. Francof. 1504, ƒ.
Cependant Nicias, général des troupes athéniennes.,
ayant échoué devant Syracufe, réfolut'-
de lever le fiège-, & fut trompé dé me me-par un avis..
d’Hermocrate , chef des Syracufains. Celui-ci:
craignit que les ennemis ne lui échapaffent en.
partant de nuit, & paffaffent certains défilés ,
avant qu’il eût fait fes difpôfitions pour les attaquer
avec avantage. Il envoya vers le loir au camp deV
Athéniens quelques habitants dont la for lui étoit
connue. Ceux ci,'s’étant approchés à. portée, appelèrent
quelques Grec», & leur dirent d’avertir
Nicias-qu’il ne mît pas fon armée en marche cette
huit, parce que les Syracufains avoient fermé- les
paffages , mais qu’il pourroit fe ,retirer le lende.-
main fecrétement & fans bruit. Nicias, accoutumé
à recevoir des avis de quelques habitants qui
étoient d’intelligence avec lu i, fui vit celui-ci,. &
feperdit lui & fon armée. S’il âyoit pris les précautions
néceffaïres-, & envoyé un détachement s’emparer
des défilés qu’on lui difeit occupés; par Fèa»
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nemi, il auroit auffitôt reconnu la fauffete de 1 avis
- qu’on lui donnoit, & profité de la nuit pour fe
retirer..( T/focy^. Z. j ƒ?• 5 46 » Æ. )«
Un faux avis perdit la légion que Cæfar avoit
laiffée entre la Meufe & le Rhin , fous les ordres
de L. Arunculeius Cotta , & de Q . Titurius Sa-
binus. Ambiorix & Cativulce regnoîent dans ce
pays. Engagés à la révolte par Indutiomare ,chef
des Trévires,, ils attaquèrent les fourageurs des
Romains , & leur camp même. Après avoir etc
repouffés , ils demandèrent un pourparler fuivant
leur ufage , difant qu’ils avoient à communiquer
des choies qui pourroient mettre fin a la diffenfion
nouvelle. On leur envoya C . Arpinéius , chevalier
romain , & l’efpagnol Q . Junius que Cæfar avoit
chargé quelquefois de meffages auprès d’Ambiorix.
Celui-ci convint qu’il avoit reçu de Cæfar plufieurs
bienfaits , & dit qu’il n’auroit point, inquiété fes
troupes , s’il n’y avoit été contraint par les
Tiennes, qui, fuivant le gouvernement de fon. pays,
avoient fur lui autant de pouvoir qu’il en avoit
fur elles. « Je n’ai pas , ajouta-t-il, la témérité de
croire que le peu de forces qui font à mes ordres
triompheront de celles du peuple romain. Mais
nous femmes entraînés par le foulèvement de toute
- la Gaule : ce jour a été marqué pour attaquer en
même temps touts les quartiers de Cæfar , afin
qu’une légion ne puiffe venir aufecours de l’autre.
Il étoit difficile que nous Gaulois, nous refufaffions
notre alliance à des Gaulois, fur-tout lorfque l’objet
de la confédération étoit la liberté commune. Après
avoir fatisfait aux devoirs de compatriote , je vais
remplir envers Cæfar ceux de la reconnoiffance.
Avertiffez de ma part, priez Titurius , mon ami,
mon hôte, de pourvoir à fon falut & à celui de
: fes troupes. Une armée nombreufe , levée en
Germanie a paffé le Rhin : elle arrive dans deux
jours. Délibérez, fi vous devez, avant que les
peuples voifins en ay,ent connoiffance , faire fortir
vos troupes de fes quartiers, & les conduire à
ceux de Cicéron ou de Labiénus, dont l’un n’efl
qu’à environ cinquante mille pas, & l’autre un peu
plus éloigné. Je promets & jure de vous laiffer libre
fe paffage par les terres de mon obéiffance, tant pour
les feulager de la préfence des quartiers romains que
pour témoigner à Cæfar ma reconnoiffance »..
Arpinéius & Junius rapportèrent aux légats ce
q.u’ils venoient d’entendre.Geux-ci, frappés de Y avis,
pensèrent qu’il ne devoit pas être négligé, quoiqu’il
vînt d’un ennemi. Ce qui fur-tout les ébranloit,
c’eft qu’il étoit difficile de croire que la petite &
fpible cité des Eburons , ( Liégeçis , ) , eut l’audace
, d’attaquer feule le peuple romain. Ils affemblèrent
un confeil de guerre, 011 la diffenfion fut grande.
Lucius Arunculéius , un grand nombre de tribuns ,
& les centurions des premières cohortes penfoient
qu’on ne devpit ni agir témérairement, ni fortir
des quartiers fans les ordres de Cæfar. Ils taifeient
voir qu’on pou voit, en des quartiers retranchés ,
fpuferür l’attaque des Germains , quelque fut l§ur
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nombre. Ils alléguoient en preuve qu’on venoit de
repouffer l’ennemi avec vigueur & courage. Ils
ajoutoient qu’on recevroit dufecours des quartiers
voifins & de Cæfar même. Quoi de plus léger on
de plus honteux que de prendre confeil de l’ennemi
fur le fujet le plus important ?
Titurius objeéloit qu’il ne feroit plus temps de
fe retirer , lorfque les ennemis feroient raffemblés
en plus grand nombre , & joints aux Germains ,
ou que les quartiers auroient reçu quelque échec.
On fçavoit Cæfar en Italie : autrement , les Car-
nutes auroient-ils formé le projet de tuer Tàfgétius ;
les Eburons feroient-ils venus avec tant de mépris
attaquer le camp romain ? C ’étoitdes faits & non
de l’ennemi qu’il falloit prendre confeil. Le Rhin
étoit proche. La mort d’Ariovifte & les défaites
précédentes des germains étoient dans leurs coeurs
autant de plaies douloureufes. La Gaule étoit en
feu , après tant d’affronts reçus fous la domination
romaine , & l’extinérion de fon ancienne gloire
militaire. Qui pouvoit croire qu’Ambiorix eût
formé ce deffein, fi la confédération ri’étort pas
certaine ? Le parti de la retraite étoit fûr dans
toute fuppofition. S’il n’y avoit rien à craindre,
fe légion arriveroit faine & fauve aux quartiers
voifins. Si la Gaule & la Germanie .confpiroient
enfemble, il n’y avoit de falut que dans la célérité.
Quelle feroit la fuite de Y avis contraire ? Si. le péril
n’étoit pas imminent, on avoit du moins à craindre
fe famine, occafionnée par un long fiège.
Cotta & les premiers centurions perfiftant dans
leur oppofition ; triomphez ,puifque vous le voulez,
dit Sabinus d’une voix affez haute pour que la
plupart des foldats puffent l’entendre ; je ne fuis
pas celui d’entre vous qui craindra le plus la mort.
Mais 3 cëtte légion fçaura que , fi elle éprouve
quelque difgrace, c’eft à vous qu’elle en doit demander
raifon, elle qui réunie après demain aux
quartiers voifins , fi vous le permettiez , feutien-
droit avec eux les événements de la guerre, &
ne feroit pas reléguée , abandonnée , expofée loin
d’eux à périr par le fer ou par la famine.
Le confeil fe rompt ; on fe lè ve; on embraffe
les deux généraux ; on les conjure de ne pas ex-
pofer l’armée au plus grand danger par leur diffenfion
& leur opiniâtreté. Il eff également fûr de
relier ou de partir , fi touts approuvent & prennent
le même parti ; mais il ne faut efpérer aucun falut
dans la diffenfion,
La difpute fut prolongée jufqu’au milieu de la
nuit. Enfin , Cotta ébranlé céda : & Y avis de Sabinus
prévalut. On convient de partir à la pointe
du jour. Le relie de la nuit fe confume dans la
veille. Chaque foldat examine ce qu’il peut emporter
, ce qu’il fera contraint de, laiffer de fes
ullenfiles d’hiver. On fait tout ce qui peut augmenter
le danger de relier , & celui de partir
après une nuit paffée dans le travail & les veilles.
La légion fe met en marche au point du jour , fur
i une çqfense très, allongée, fuivie des plus nenvt