
fiers j ce camp retranché ne nous a été d’aucune
utilité pour la défenfe de ce château.
P ePu‘s quelques années les Hollandois ont fortifie
un camp retranché fous Maftricht. Ce camp oc-,
cupe la hauteur de Saint-Pierre , fur laquelle ils
ont^ confiant un fort revêtu, entouré d’ouvrages
extérieurs. Ces ouvrages éloignent infiniment la
- circonvallation de la place ; , à moins qu’elle
ne foit attaquée dans un temps où il n’y auroit pas
aflTez de troupes pour garnir fuffifamment ce camp
retranche 3 il feroit très-difficile d’entreprendre le
iiége de Maftricht.
Dans les mefures que les Hollandois prirent pour
la protection de cette j place , ils fuivirent cette
maxime des Turcs, dont j’ai parlé au commencement
de ce chapitre. 11 eftfûr que, tant que cette
republique gardera dans Maftricht une nombreufe I
garnifon en temps de paix , & qu’en temps de J
guerre contre la France ou l’Efpagne , & pofle-
dant les pays-bas catholiques , elle aura un corps
fuffifant pour la garde de la place & de l'on camp
retranché , elle n’aura rien à craindre pour cette
ville ; dont la fituation fur la meufe lui eft capitale
pour la conlervation de fon territoire & pour fa
communication’ avec la France même, en cas
qu’elle eût befoin de fon fecours contre quelque
autre puiflance.
Voila quels font touts les camps retranchés que
j ai vus , & qui n’ont point été attaqués.
Il nè me refte plus à parler que de celui de
Schalemberg fous Donawert, qui a été attaqué &
emporté en 1704.
Cette hauteur de Schalemberg avoit été autrefois
retranchée par le roi de Suède Guftave - Adolphe.
Elle venoit encore de l’être par les ordres de M. l’E-
leéfeur de Bavière : mais ce camp n’étoit point
achevé lorfqu’il fut attaqué.
Ce camp étoit deftiné à renfermer un corps de
troupes , tant pour la protection particulière de
Donawert, que pour conferver la communication
libre entre le haut & le bas Danube , en cas que
la guerre d’Allemagne s’établît en Franconie.
, Ce camp étoit bon par fa tête ; mais les branches
par lefquelles il tenoit au chemin couvert de la
pla ce, étoient trop longues, & n’avoient point
de flanc : elles n’étoient pas même fuffifamment
protégées, ni du chemin couvert, ni de la place.
Comme il y avoit peu de temps que l’on avoit
commencé cet ouvrage , il n’y avoit encore que la
tête en état de défenfe, & les branches n’étoient
pas hors d’état d’infulte ; de forte que , quoiqu’il
ne pût être forcé par la tête , où fe fit le premier
effort de l’ennemi, il le fut par les branches, & cela
par hafard.
La nuit favorife les gens qui ont peur. Les attaquants
qui étoient fous le grand feu à la tête , en
cherchant à s’en garantir, s’étendirent fur les flancs
qu’ils trouvèrent imparfaits & prefque fans troupes ;
foit parce qu’il n’y en avoit pas affez pour bien
garder çe çamv, foit par manque d’attention pour
ces longues branches pendant l’attaque de,la tête,
ou par la mauvaife difpofition où l’on avoit mis
les troupes dans l’intérieur du camp. Ces gens timides
, qui s’étoient allongés fur les branches, y
attirèrent-les braves ; qui , n’y trouvant qu’une
foible réfiftance , montèrent fur le parapet imparfait
, chargèrent en flanc les troupes qui foutenoient
1 attaque de la tête, les mirent en défordre, & forcèrent
le camp.
L’officier-général qui commandoït les troupes du
camp accufa le commandant de Donawert de
n’avoir pas voulu garnir fon chemin couvert ,
quelque inftance qui lui en eût été faite.
Si l’ennemi avoit eu du feu à effuyer fur les
branches, peut-être ne s’y feroit-il pas allongé fi
facilement. Mais enfin le camp retranché avoit fes
branches trop longues , & fans proteélion : il n’eff
pas extraordinaire qu’il ait été forcé , puifqu’il
avoit effentiellement en lui-même un défaut qui
le rendoit fufceptible d’une infulte générale.
•Ce feul exemple de camp retranché fous une
place , qui a été emporté de vive force , juftifie la
maxime que j’ai donnée à ce fujet pour les attentions
qu’on doit avoir dans le choix du lieu où l’on
veut conftruire un camp retranché , & dans fa conf-
truéfion : il fait connoître en même temps que ces
camps deviennent auffi utiles,. quand ils font fortifiés
avec art, achevés, & défendus avec capacité ,
qu’ils font dangereux étant mal placés, imparfaits,
ou mal défendus.
Après avoir parlé des camps retranchés fous les
places, je crois devoir dire ici qu’il y a des oc-
caftons où l’on conftruit des camps retranchés en
pleine campagne, & même où un corps fe retranche
dans un lieu choifi , & qu’il croit inattaquable.
Il y a eu dans les guerres d’Italie des exemples de
camps retranchés par un petit corps en pleine cam-
pagne ; & , comme la conftru&iôn de ces camps
eft de nouvelle invention, & due aux Allemands,
je les nommerai des places à l’Allemande ; parce
qu’en effet cette fortification n’a rien du camp retranché
pour fon étendue, & pour la proteélion
qu’elle doit donner aux places, qu’elle le protège
elle-même , & forme une place régulière, fortifiée
en peu de jours ,„mais pourtant avec une folidité
capable de réfifter affez de temps au canon, pour
obliger l’ennemi à l’attaquer dans les formes ;
quoiqu’à la yérité cette place ne puiffe pas durer
plus de deux ans, par les raifons que je dirai ci-
après.
Voici donc comme ces places fe conftruifent. On
trace la place d’un trait de cordeau , telle qu’qn la
veut avoir ; enfuite on pofe le long de ce trait un
gros boudin de fafcinës de quatre à cinq pieds de
tour, bien lié de demi-pied en demi-pied_& de la
longueur d’un angle à l’autre. Ce premier boudin ,
placé le long du trait, eft affujetti avec une grande
quantité de forts piquëïs. On place ainft jufqu’à
trois ou quatre traits de ce boudin intérieurement,
fuivant les épaiffeurs que l’on veut donner à la
fortification
tification , & l’on jette les terres du foffé que l’on
veut faire , entre les boudins, qui font rehaufles
de nouveaux boudins placés fur les premiers
avec la même attention9 & ainft jufqu’à ce que l’on
ait donné à là fortification la hauteur que l’on defire.
Une place ainft fortifiée a de grands avantages fur
une place en terre. Le canon n’y fait tout au plus
qu’un trou qui ne pénétre pas, parce que l’effort du
boulet amorti par le premier boudin, bien ferré &.
lié , s’arrête au fécond, ou tout au plus au troiftème.
Le feu y prend difficilement , parce que le
boudin eft toujours humide , à caufe de la terre qui
eft entre les rangs de fafcinës : & , quand même
1 !artifice y prendroit un peu , cela ne cauferoit aucune
ruine à la fortieation.
Les batteries en écharpe n’y font pas un grand
effet, parce que le boulet ne peut qu’avec peine
pénétrer ce boudin, bien lié , & piqueté fort avant
dans la terre,
La bombe même qui tombe fur l’épaiffeur de
cette fortification l’endommage fort peu , parce
que fon effet eft retenu par ces rangs redoublés de
boudins , qui font contigus, & toujours piquetés de
près à près. Enfin je trouve cette nouvelle invention
très utile dans les occafions, & ces places n’ont
à craindre que la pourriture des fafcinës , qui arriveront
certainement au bout des deux ans.
Attaque du rocher des Quatredents en 1690.
J’ai été chargé de l’attaque d’un lieu ou camp
retranché fi bifarre , que je crois en devoir parler
ic i , parce que le fujet en fera fort inftruâif pour
ceux qui fe trouveroient dans une circonftance fem-
blable à celle dont je vais parler.
Les Barbets étant rentrés dans la vallée de Saint-
Martin à la fin de l’année 1689 , je fus chargé au
printemps de 1690 de leur faire la guerre, & de les
chaffer de ce pays.
Au fond de la vallée eft un grand rocher prefque
féparé dés autres montagnes, que l’on nomme les
Quatredents à caufe de fa figure. Ce rocher étoit
la retraite que les Barbets avoient regardé de tout
temps comme un afyle fûr , & dont ils firent ufage
dans les guerres qu’ils foutinrent contre le duc de
Savoye, leur ancien fouverain ; & ce fut ce lieu où
je les remis bientôt enfemble.
La première difficulté qui fe préfenta fut celle
de circonvaller ce rocher, où je voulois détruire
touts les Barbets ; parce que les differentes combes
qui faifoient tenir ce rocher aux autres montagnes ,
donnoient à ces gens-là des moyens fors de m’échapper
d’un côte , pendant que je les attaquerois
de 1 autre. J’y réuffis cependant par mon application
à placer les troupes autour du rocher. Elles
le furent de manière que , quoique la voix parvînt
d une troupe à la plus voifine, il falloit marcher
huit heures pendant le jour pour aller de l’une à
1 autre ; parce que la communication la plus proche
ne fe trouvoit que par le fond de la combe qui
Art militaire, Tome 1.
étoit entre le rocher des Quatredents & la troupe
poftée for la montagne oppofée à la demi portée
du fufil des Barbets , & qu’aucun parapet n’auroit
pu mettre à couvert de leur feu , vu la fupériorité
dû rocher des Quatredents.
Lorfque la circonvallation fut faite , je m’appliquai
à prendre des mefures juftes pour une attaque
générale de deux côtés. Le rocher étoit
féparé des autres montagnes par deux torrents ,
dans lefquels , en certains jours qu*il n’y avoit
point de fontes de neige à la montagne , il y avoit
peu d’ë'au ; mais le bord du torrent étoit couvert
d’un parapet de gros cailloux ronds, derrière lequel
les Barbets fe plaçoient pour tirer , & où la rondeur
des cailloux ne laiflbit que de petits trous
pour paffer le bout du fufil.
De mon côté , le torrent ne pouvoit être abordé
que par un petit fentier pratiqué dans le rocher, où
l’on ne pouvoit marcher qu’un homme de front ;
mais , quand on étoit arrivé au bord du torrent,
on pouvoit s’étendre à droite &. à gauche , &.
former un front égal à celui du parapet, derrière
lequel étoient, les Barbets.
Des deux autres. côtés , le rocher tenoit aux
montagnes , fans torrent entre-deux, mais par des
combes qui me paroiffoient impraticab’es.
Pour forcer ce pofte par une attaque générale i
voici quelle fut ma difpofition. Comme je ne
pouvois voir d’aucun endroit l’effet de toutes mes
attaques , je fis une difpofition particulière pour
chacune d’elles. Je donnai des fignaux , pour faire
connoître à chacune des attaques l’effet de celles
qu’elle ne pouvoit voir , & je plaçai fur un rocher
fort élevé , & d’où l’on voyoit prefque par-tout,
un officier intelligent avec ma difpofition générale
par écrit, & un drapeau pour faire les fignaux
fuivant mon intention, lorfqu’il feroit temps de
les faire.
Je choifis pour l’attaque où je voulois être
celle du bord du torrent; parce que je crus,que
'c’étoit celle-là où une plus grande attention feroit
le plus néceffaire.
Je fis faire pour cette attaque par chaque foldat
une forte fafcine bien ferrée, plus groffe que le
corps , & lardée d’un grand piquet, qui par derrière
alloit jufqu’à terre , & fervoit au foldat à
porter la fafcine devant lu i, pour être à couvert
en marchant en avant, &. pour la pofer droite,
afin de tirer de temps en temps , à mefure qu’il
s’approcheroit du bord du torrent. Mon intention
étoit de defcendre ainft le petit fentier qui con-
duifoit au torrent, à couvert du feu de l’ennemi,
& de m’étendre à droite & à gauche, auffi à couvert
par les fafcinës ainft polées de. bout.
Je me mis en marche un peu avant le jour ,
de forte que, lorfqu’il parut, je me trouvai placé
le long du torrent, n’ayant effuyé jufques-là qu’un
feu' incertain.
J’avois à force de cabeftarfs fait fuivre ma marche
d’une petite pièce de quatre fort courte, for un
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