
Medavi avoit été obligé de mettre l’infanterie
efpagnoîé.' Ce vuide fit même un peu profpérer
la cavalerie de la gauche de l’ennemi, qui fit perdre
•du terrein à la cavalerie de notre droite : mais,
la fécondé ligne ayant marche en avant toute entière
, & M. de Médavi ayant fait fortir des bataillons
de la fécondé ligne, pour remplir le vuide j
•que le défordre de l'infanterie efpâgriole y avoit {
|fait ; ce premier défordre fe rétablit avec d’autant \
plus de facilité que , toute notre gauche de cava- j
lerie & d’infanterie ayant emporté la droite de
l ’ennemi, & nos brigades d’infanterie de la gauche j
•s’étant reployées fur le centre de l’ennemi, pen- 1
dant que notre cavalerie pouffoit celle qui lui j
étoit oppofée , 8c ayant chargé cette infanterie en
- flanc i, la confufion fut générale fur tout le front de
la première ligne des ennemis ’/ le champ de bataille
fut entièrement abandonne avec le canon ;
& ceux qui voulurent fe fauver ne purent le faire
qu’en défordre à la faveur des monticules;; qui ,
: dérobant les fuyards à la'vue , leur donnèrent le
moyen de repaffer le Mincio , au pied de Ponte-
Caftello. - x
Si on avoit combattu aufli heureufement a
Turin qu’à Caftiglione , le roi d’Efpagne auroit
été maître de toute, l’Italie 8c M. de Savoie
auroit perdu touts fes états..
B A T A I L L E D E M A L P L A Q U E T .
En l’année 7709, le 1 1 feptembre , fe donna la
bataille de Malplaquet. Cet événement confidéra-
ble, méritant une longue difçufljon , doit être repris
de plus haut que du jour de l’aélion ; parce que
les fautes précédentes l’ont amené, contre les
règles que j’ai données au général qui veut engager
une aôipn avec toute fon armée ou qui a des
raifons pour l’éviter : dans cette occalion , il m a
• été itnpoffiHe de déterminer fi M. le maréchal de
.Villars vouloit une aétion générale , ou s’il ne la
• jroulôit pas. , . , , •. r .
Quoique j’aye parie ailleurs de la dupolition
des ennemis pendant le liegede Tournai ; comme
ce n’a été que par rapport au liège, il faut ajouter
à ce que j’en ai dit qu’outre toutes les forces des
ennemis raliemb'léès pour protéger le fiège de cette
. v ille , ils avoient un corps de huit ou dix mille
hommes fur la Dendre, pour la furete de leurs
• convois de Bruxelles , d’A th, & d’Oudenarde ;
parce que le maréchal' de Villars tenoit le chevalier
de Luxembourg auprès de Condé avec un
corps de cavalerie '& d’infanterie. Ainfi celui que
- -les' ennemis avoient fut la -Dendre leur etoit ifl-
difpenfable : il ne marquoit pourtant pendant -le
fiège qu’une fage précaution pour leurs convois &
leurs communications, & né donnoit encore au
maréchal de Villars aucun indice du- fiège de
Il V a eu dans la capitulation de la citadelle 8e
Tournai deux irritants affez remarquables, pour
faire fentir âti maréchal de Villars que l ’entiemî
avoit abandonnées vues d’entreprife du côté de
Béthune 8c de la L y s , 8c qu’elles fe tournoient
vers la Haifne.
Ce font ces deux inftants qu’il' faut faire remarquer
, pour montrer que dans cette pccafion le
maréchal a manqué de pénétration; ou, s’il n’en
a pas manqué, il n’a pas eu du moins , affez de
précaution pour éviter les inconvénients du fiège
de Mons , fans être obligé de combattre, en cas
que l’ennemi fût déterminé à cette êntreprife.
Ces deux inftants dont je viens de parler font
ceux des deux chamades de la citadelle , dont la
première fut battue le 23 d’août. M. le prince
Eugène , qui voyoit par- l’état oh étoit la place
qu’elle pouvait tenir encore longtemps , s’imagina
aifément qu’elle ne battoit la enamade que parce
que fa garnifon n’avoit plus de vivres , & crut
pouvoir lui impofer des conditions trop dures. Au
moment oh les otages avoient été donnés de part
& d’autre , ce prince avoit fait paffer l’Efcaut à
un corps de cavalerie 8c^ d’infanterie , de dix • a
douze mille hommes , pour aller en diligence occuper
nos lignes de la Trouille; 8c ce corps devoir
être joint par celui que j’ai dit être fur la
Dendre pour la fureté des convois. M. de Sour-
i ville n’ayant pas voulu rendre la citadelle aux conditions
que M. le prince Eugène exigeoit, la capitulation
fe rompit, 8c le feu recommença. Cet
incident obligea M v le prince Eugène: à ordonner
que ce corps détaché reftât à Pervis , o h '- ilfe
tràuvoit alors.
Le mouvement de ces deux corps du côté de la
Haifne , & la fufpenfion de leur marche dès que
la capitulation avoit été rompue , dévoient faire
. penfer au maréchal de Villars que les projets de
l’ennemi ne regardoient plus le côté de la Lys ; 8c'
il me paroît qu’il auroit été prudent de faire rapprocher
de lui dès ce moment toute la gauche de
fon armée, qui étoit du côté du pont Âvendin.
Il ne le fit pourtant pas, & il fe contènta d’envoyer
encore quelques bataillons au chevalier de
Luxembourg , & de lui ordonner de marcher
jufqu’à la hauteur de Condé , "pour obferver ce
- corps des ennemis , qui s’étoit arrêté à Pervis.
Deux jours après, la citadelle j pluspreffée par
le manque de vivres, battit une fécondé fois la
chamade; 8c M. ie prince Eugène, qui pouvoit
croire avec raifon que M. de Villars avoit pénétré
fon deffein fur Mons , s’étant rendu plus traitable
dans les articles de la capitulation, elle fut bientôt
fignée.
Enfuite M. le prince Eugène, ayant deftiné trente-
fix bataillons 8c quelque cavalerie à protéger fa
nouvelle conquête, feulement pendant quelques
jours, 8c tandis qüe notre armée feroit encore à
portée de Tournai , envoya diligemment • fes
ordres à fes deux corps avancés , pour entrer par
Havré dans la Haifne , 8c pour occuper avant nous
les lignes de la Trouille ; puis il paffa l’Efoaut
entre
entre Mortagfle 8c T ournai avec toute fon armée J
qu’il fit marcher avec une diligence extrême , afin
qu’elle entrât dans la Haifne avant que la contré-
armée entière pût y-être arrivée.
La vivacité de ce mouvement, qui ne pouvoit
être inconnu à M. de Villars , parce qu’il pouvoit
en être averti par Valenciennes , Condé ,
Saint-Gnilain, 8c Mons même, l’obligea de paffer
1 Efcaut avec toute la droite de fon armée, & de
faire revenir fa gauche dans le camp de fa droite ,
jufqua ce qu’il fût inftruit de la force du corps
refté fous Tournai. Il s’avança même avec toute
fa droite jufqu’à Keuvrain , 8c détacha encore
M. de Légal avec un corps de troupes pour fou-
tenir le chevalier de Luxembourg.
L ’impoflibilité de faire fournir du pain à fon
armée par Valenciennes 8c Condé , oh il n’y avoit
point de farine, lui fit perdre quelques jours ;
pendant lefquels cependant la gauche de l’armée ,
n ayant aucune inquiétude du corps refté fous
Tournai, marcha & joignit M. de Villars au camp
de Keuvrain, en deçà de l’Honneau.
Le chevalier de Luxembourg, qui s’étoit avancé
aux lignes de la Trouille , trouva fur la hauteur
de Saint-Simphorien, entre la Haifne & la Trouille,
les deux corps ennemis que j’ai dit avoir précédé
la marche de l’armée. On dit qu’il le fit
promptement fçavoir à M. de Légal, qui étoit
auprès de Boiïut, afin qu’il marchât à lui pour le
foutenir. Ce qu’il y a de certain, c’eft que M. de
Légal ne marcha pas , 8c que le chevalier de
Luxembourg fe crut dans la néceflité d’abandonner
les lignes de la Trouille, & de fe retirer fur M. de
Légal & fur notre armée. Ainfi ce corps avancé
des ennemis, qui commençoit à être joint par la
tete de larmee, paffa la Trouille 8c vint camper
a Sippli.
Touts ces mouvements nous conduifirent juf-
qu au 4 de feptembre , jour auquel M. de Villars,
qui avoit paffé l’Honneau à Keuvrain, fut joint
parla gauche de fon armée , conduite par M. d’Ar-
tagnan.
La journée du 8 fut employée à laiffer un peu
repofer l’infanterie de la gauche, 8c à donner du
pain au foldat. Vers le foir on renvoya touts les
bagages, 8c dansja nuit toute l’armée marcha pi-
fa droite & fe trouva fur les neuf heures du
matin vis-à-vis de la trouée qui eft entre les bois
de Sars 8c de Blangies, en deçà des bois 6c de la
trouee.
M. le prince Eugène, qui avoit paffé la Trouille
avec toute fon armée, à la réferve du corps qu’il
avoit laiffé fous T ournai, 8c qui dès le 6 marchoit
pour le joindre, fe feroit trouvé dans une'fituation
facheufe , fi notre armée en arrivant avoit paffé
la trouee , 8c s etoit placée en mettant la trouée
& les bois derrière elle. Pour éviter cet inconvénient
, ce prince s’avança vers nous avec tout ce
cju il avoit de troupes : elles étoient fort inférieures
a nos forces. Il fe plaça vers les têtes de deux ou
Art militaire. Tome /,
trois petits ruifleaux qui fortent des bois de Sar*
& de Blangies. II fit avancer beaucoup de canon,
& i l nous retint dans la fituation que nous avions
prife en arrivant fur ce terrein , par une cannonade
i & une groffe efcarmouche qui dura tout le 9 feptembre.
Le 10 fut employé de notre côté à faire un
retranchement fur tout le front de la trouée , en
le dirigeant par le milieu de l’épaiffeur du bois ; à
allonger notre gauche d’infanterie , le long d’une
première langue que faifoit le bois; à en faire
autant à notre droite le long du bois ; à faire
faire de grands abattis par l’infanterie.
Comme tout ce front étpit trop petit pour contenir
celui de notre première ligne , on laiffa
quelques brigades d’infanterie de la gauche derrière
le bois , 6c toute l’aile gauche de cavalerie.
On en fit de même d’une partie de l’infanterie de
la droite *, 8c toute la cavalerie de cette aile fut
placée fur plufieurs lignes derrière l’infanterie qui
occupoit le front de la trouée. Le canon fut dif-
tribue fur tout ce front, fuivant qu’on le jugea à
propos : voilà quelle étoit lapofition de notre armée.
Après ce récit, & avant que de parler des défauts
de cette difpofition , je crois indifpenfable de
faire quelques réflexions fur les mouvements des
ennemis depuis Tournai jufqu’à la Drouille, pour
faire fentir qu’on n’y a pas fait l’attention qu’on
auroit dû pour protéger Mons ; 8c enfuite fur la
fituation oh s’eft trouvé le prince Eugène pendant
le 9 6c le 10, pour faire encore fentir que pendant
ces deux jours nous ne nous fommes prévalus
d aucun des avantages que nous aurions pu prendre
. fur lui.
Par ce que j’ai dit çi-deffus des mouvements de
l’ennemi, dès la première chamade de la citadelle
de Tournai, on aura aifément compris que leur
projet les portoit a la Haifne. Ainfi, puifque dans
la fituation préfente on étoit réduit à ladéfenfive,
il fallait fuivre dans nos mouvements les indications
que les ennemis nous donnoient de leur deffein.-
Quand on voudroit fuppofer qu’on craignit dans
ce même temps pour Namur ou Charleroi, nos
mouvements vers la Haifne nous portoient de même
à la prote&ion de ces deux places ; 6c par confé-
quent toute la droite de notre armée devoit être
portée avec plus de diligence jufqu’à la Trouille;
ce qui auroit fauvé Mons. Il eft vraifèmblable que
la tête de l’armée ennemie n’auroit point ofé entrer
dans la Haifne par Havré, comme elle fit longtemps
avant le corps de l’armée , fi la nôtre avoit
été a la Trouille : elle auroit pu dans un moment
paffer ce ruiffeau , 8c accabler le corps qui auroit
aufli imprudemment paffé la Haifne.
Si notre armée s’étoit avancée ainfi jufqu’à la
Trouille, il n’y auroit point eu à craindre pour
Saint-Guillain , auquel nous tenions par notre
gauche, ni même qu’ayant paffé l’Honneau , les
ennemis puffent faire des ponts fur la Haifne , entre
Condé 6c l’Honneau, pour inveftir cette place;
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