
traîneau que j’avois suffi fait mafquer de fafcines,
pour la lureté des officiers qui dévoient la fervir
fur le bord du torrent, c’eft-à-dire à huit ou dix
pieds du parapet.
Cette pièce ht du premier coup un tel effet
contre les cailloux, qu’elle ouvrit le parapet ; &
le bruit de ce canon, auquel l’ennemi ne s’at-
tendoit pas, lui donna une fi grande terreur , &
anima tellement les troupes de mon attaque ,
qu’elles fe jettèrent dans le torrent, ou il y avoit
peu d’eau ce jour-là, & forcèrent le retranchement,
tuant tout ce qui fe défendoit. En même temps
l’officier qui avoit le drapeau fit les fignaux convenus
avec les autres attaques ; de forte qu’en
moins de deux heures le rocher des Quatredents
fut forcé dans tout fon circuit , & que touts les
Barbets qui s’y étoient renfermés furent tués, excepté
cent-vingt , qui trouvèrent le moyen de
s’échapper par le côté de l’attaque que j’avois
donnée à M. de Clérambault.
J’ai mis le pofte des Quatredents au nombre
des camps retranchés, parce qu’il n’y avoit point
d’habitation en ce lieu, qu’effeéfivement les Barbets
y étoient retranchés , comme je l’ai d it, fur le
bord du torrent, & avoient coupé les autres avenues
du côté dés montagnes. Ce récit peut faire
connoître que les attentions pour attaquer un pofte
dont la fituation eft bifarre , & la fortification hors
des règles de l’a rt, doivent être bien plus grandes
que celles de l’attaque d’une fortification régulière,
& que l’on peut voir par fes yeux ; parce qu’il
faut avoir prévu que la bifarrerie de cette fituation
fera trouver des obftacles inconnus, & dont
on ne fçai't pas quel fera l’effet fur l’efprit des attaquants
, auxquels il faut perfuader que la bonne
difpofition ou on les met les. fera réunir.
R É C A P I T U L A T I O N .
M a x i m e s g é n é r a l e s «
I. Pour bien camper une armée , ayez une con-
noiffance exacte du pays où vous êtes , & du
terrein que vous, devez occuper. Lorfque vous
devez aller camper dans un lieu que vous ne
connoiffez pas , envoyez-y à l’avance le maréchal
général des logis , pour choifir & marquer le
camp. Le roi dePruffe dit dans fon inftruéfion
pour lés généraux, ( article VI. ) , que dans l’ef-
pace d’un quârré de deux lieues on peut quelquefois
prendre deux cents pofitions. En parcourant
un tel terrein, ou quelqu’autre que ce foit en-
tout fens ; en vous arrêtant aux moindres émir.
eaces pour découvrir par-tout , vous le reconnaîtrez
parfaitement, & vous jugerez avec certitude
de la manière la plus avantageufe de l’occuper.
II. Choififfez un lieu commode , qui ne foit
si humide , ni marécageux ; ces fortes d’endroits
étant mal-fai ns , & pouvant caufer par leurs exhalaifons
des maladies dangereufes dans une armée*
Campez, autant que vous le pourrez , fur un terrein
élevé , éloigné des marais, des eaux crou-
piffantes, ou qui ne coulent que fur un terrein
bourbeux , excepté les eaux falées , qui , quoiqu’elles
ne courent pas, font moins à craindre*,
Il eft aifé de connoitre fi l’air eft fain, au vifage
& a la mine des habitants du voifinage, qui, partout
où il eft mauvais , y font ordinairement pâles*
III. Que le terrein foit fuffifant pour contenir
l’armée , & plutôt plus que moins.
IV. Que le camp foit près d’une rivière ou de
quelque ruifleau ; les eaux courantes étant les
meilleures & les plus faines. S’il eft près d’un
ruifleau, &. qu’il ne fourniffe pas affez d’eau >
' faites conftruire des batardeaux pour le groffir*
Empêchez que l’eau ne puiffe être détournée, &
qu’on n’y fafle rien qui la gâte & la corrompe.
Défendez, lorfque le cours d’eau n’eft pas affez
confidérable , qu’on mene boire les chevaux dans
la partie fupérieure parce qu’ils rendroient l’eau
bourbeùfe ; & ordonnez qu’on les abreuve dans
la partie au-deifous du camp & à la gamelle. Qu’il
y ait aux environs de l’ombre dans les grandes,
chaleurs ,. des abris en hyver contre les-vents froids
du nord &. de l’eft.
Ne faites creufer des puits que lorfque les eaux
courantes font trop éloignées du camp ; parce que
les eaux n’en font pas faines , & qu’elles fe troublent
par la quantité qu’on en puife.
Une des principales caufes qui ruinent une armée
, eft la mauvaife qualité des eaux ; ce qui
provient de ce qu’elles font croupiffant.es., ou de
ce qu’on y jette des immondices, qu’on y lave
du linge, qu’on y fait tremper du chanvre ou du
lin. On ne peut donc prendre trop de précautions
pour fe procurer de bonnes, eaux & les conferver „
&. pour empêcher que les foldats ne. boivent de
celles qui croupiffent ou autres qui peuvent les
rendre malades.
V . Qu’il y ait au camp j, ou te plus à portée
qu’il fera poffible , du bois pour le feu ou pour
les baraques, du fourrage, des pâturages, de la
paille ; que les marchands & les vivandiers puiffent
y arriver facilement & farjs rifques., & que les
chofe&les pUisnéceffaires à la vie y foient à jufte
prix.
V L Que le terrein ne foit pasfujet à être inondé
par des torrents ou des.débordements,. occafionnés
ordinairement par les pluies ou par la fonte des
neiges des montagnes voifines; ils pourraient caufer
un grand dommage à l’armée,. & mettre le général
dans l’embarras. Un orage qui furvint au premier
camp de Lipftatt, en 175,7 > obligea l’armée de:
changer de pofition.
VII. Campez félon votre ordre de marche
autant que le terrein & les circonftances vous le
permettront, toujours de la même manière , afin
que les troupes accoutumées à cet ofdre foient
moins embarraffées , ôt comprennent plus aifément
ce qu’elles auront à faire lorfqu’elles devront
camper & décamper.
VIII. Avant de camper faites mettre les troupes
en bataille, & placer les gardes.
IX. Que l’infanterie & la cavalerie foient placées
dans le terrein qui leur fera le plus commode
& le plus avantageux, relativement à leurs
befoins & à leur fervice ; de manière qu’elles fe
protègent mutuellement.
X. Laiffez toujours devant le camp un terrein
affez étendu pour y raffembler les troupes &. les
faire mouvoir.
XI. Qu’il n’y ait point d’obftacles qui empêchent
la communication des différentes parties
du camp, afin que rien ne gêne le fervice des
troupes.
XII. Placez l’artillerie à trois cents pas en avant
du centre de la première ligne de l’armée , ou au
centre du camp ; & , lorfque le terrein ne le permettra
pas , fa i t e s la parquer derrière le centre
de la fécondé ligne ou ailleurs où elle foit commodément
&. furement. Poftez quelques pièces de
campagne fur les principales avenues.
XIII. Q ue le quartier général foit pris au centre I
du camp, foit entre les deux lignes de l’armée, foit
derrière la fécondé, & jamais à la tête du camp,
fans une néceffité indifpenfable.
XIV. Parquez les vivres derrière la. fécondé
ligne , ou le plus près que vous pourrez du centre
de l’armée.
X V . Etabliffez l’hôpital ambulant derrière le
camp, & dans un lieu commode.
XVI. Obfervez de vous camper de manière que
vous pulîfiez vous porter en une marche au camp
que vous devez prendre enfuite ; & faites enforte
d’y arriver de bonne heure , afin de prévenir le
défordre, la confufion, & les embarras que peut
caufer la nuit ; que les troupes ayent le temps de
fe pourvoir de bois , de fourrages , d’eau, & de
prendre du repos ; qu’on ait celui de reconnoître
les poftes, de diftribuer lesgatdes, de fe retrancher;
d’aller à la découverte.
_ XVII. Que le camp foit bien gardé par les espions
, les gardes, les fentinelles, les rondes, les
patrouilles, les coureurs, & les partis.
Ca m p d e r a s s e m b l e m e n t .
On affemble une armée au commencement d’une
guerre, ou à l’ouverture d’une campagne ; & cette
affemblée fe fait en entier ou par parties féparées.
Lorfqu’on doit agir offenfivement, dans quelque
pays que ce foit, on eft loin ou plus ou moins
a portée de l’ennemi.
Dans le premier cas , comme on n’a rien à
craindre , on ne doit chercher dans un camp de raf-
femblement que la commodité de l’armée. On la !
campe enfemble , ou par petits corps , à portée des
magafins , & en général de la manière qu’on l’a
fut ci-devant.
Quelquefois on attend dans un camp de cette
efpèce que les herbes foient venues. Alors il faut
y être très attentifs aux premiers mouvements de
l ’ennemi, pour qu’il ne vous prévienne pas 9 en
quelque point où vous ayez deffein de vous porter.
Il eft efl’entiel d’y exercer fouvent les troupes ,
& de leur faire obferver la plus grande difcipline.
Ils ne doivent pas être d’une grande garde , afin
de point fatiguer l’armée fans raifon. Il n’y
a prefque pas de guerres qui ne fourniffent des
exemples de ces fortes de camps.
Il n’en eft pas de même dans le fécond cas :
du choix des premiers camps dépendent prefque
I toujours les fuccès- d’une campagne. Les uns ont
I pour objet l’entrée du pays ennemi; quelquefois
même de l’ouvrir tout d’un coup : les autres de
donner jaloufie de quelque côté, ou d’y contenir
un corps ennemi, pendant qu’on pénétre de l’autre :
ceux-ci, de fe mettre à portée d’attaquer l’armée
ennemie , ou de la faire reculer; ceux-là , de
faire le liège ou le blocus d’une placer II ne fuffit
pas alors que les troupes ayent leurs commodités ;
il faut en même temps qu’elles foient campées
fuivant des maximes particulières à chaque deffein
qu’on peut avoir.
Quel que foit l’objet d’un camp de raffemblement,
on commence par difpofer les quartiers de l’armée ;
on envoie aux troupes des ordres pour leur marche
au rendez-vous général, ou aux rendez-vous particuliers
qui ont été déterminés ; obfervant qu’elles
y arrivent toutes le même jour, fuivant qu il fera
néceffaire ou poffible. Il faut que l’armée ait à fa
fuite toutes les chofes dont elle a befoin pour
entrer en campagne, ou du moins qu’elles foient
placées de manière à ne pouvoir nullement retarder
fa marche & fes opérations. Cela fuppofé,
nous allons voir ce qui doit être obfervé dans un
camp de raffemblement.
I. En quelque pays que vous vous trouviez,
conformez-vous aux maximes générales.
II. Evitez de prêter le flanc à l’ennemi ; prenez
une pofition forte par elle-même : appuyez vos
ailes ; affurez par des détachements les devants &
les derrières de votre camp. Que le pofte foit
avantageux par quelque rivière , chaîne de montagnes
, ou autre chofe qui puiffe le mettre hors
d’infulte ; qu’il ait à proximité des eaux courantes
qui fervent de réceptacles aux immondices
& qui les emportent ; une rivière qui facilite l’importation
des chofes néceffaires ; un pont pour
paffer à l’autre bord, fortifié des deux côtés ; &
tel qu*l ne puiffe être ni brûlé ni détruit. ’
III. Que l’étendue de votre camp foit proportionnée
à la force de votre armée, de forte qu’elle
ne s’y trouve pas trop ferrée ni trop étendue.
Suivant le nombre des bataillons & des efcadrons
alongez plus ou moins la ligne & les intervalles
pour remplir le terrein, & être à portée de ce
qui devra couvrir vos flancs. Lorfque votre camp
I ne fera pa$ affez étendu , campez l’armée fur
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