
1 amélioration des terres caufée par ces eaux raf-
femblées, qui nourriffent en même-temps de vaftes
prairies artificielles, il démontre un profit de cent
pour un en peu d’années, par des calculs auxquels
on ne peut le refufer.-.
U eft étonnant que l’homme , avec quelques
remuements de terre , puifie faire changer de face à
tout un pay s , & qu’il foit fi indifférent fur des
moyens auffi fimples d’y fixer l’abondance & la
fertilité , que la nature fembloit en avoir bannies.
Qu’on life cet excellent ouvrage, fi on veut fe
convaincre que les eaux font le principe créateur
& confervateur de toute bonne culture ; que ,
•fans elles, on ne peut avoir de prairies , & fans
prairies de beftiaux. Alors, loin de lailfer perdre
dix-huit à vingt pouces d’eau qui tombent annuellement
, & qui ne fervent qu’à délayer les terres
en entraînant les parties végétales les plus fécondes
& les plus légères , nous raffemblerons ces mêmes
eaux avec foin , à l’exemple des Chinois, pour
les diftribuer de là dans nos champs, lorfque les
chaleurs & les féchereffes brûlent toutes nos récoltes.
Si toutes les communautés étbient bien
convaincues des avantages qui réfulteroient d’un
pareil fyftème d’amélioration , elles fe réuniroient
pour faire à frais communs dans les endroits convenables
des réfervoirs d’eau, d’où chacun auroit
le droit de tirer des rigoles pour fes champs 8c fes
prés. En fuivant par-tout un fyftème auffi fimple,
on verroit bientôt la France méconnoiffable en
peu d’années, & fes terres égaler en produit celles
des Egyptiens & des Babyloniens, dont le rapport
tenoit du prodige , au rapport de Pline le natura-
lifte , fans autre fecret que celui de l’arrofement.
Le même aüteur de la France agricole, appliqué
de nouveau fes moyens d’amélioration aux montagnes
des Cévennes, près d’Alez & d’Anduze :
tout vient fe plier de foi - même à fes principes ,
pour démontrer qu’il n’eft point de pays arides,
montueux, 8c couverts de rochers efcarpés , qu’on
ne puiffe fertilifer avec les eaux raffemblées en
des réfervoirs placés à propos. Mais le leéleur
curieux de s’inftruire ne doit pas fur-tout manquer
de luivre avec attention tout ce que cet écrivain
patriotique a dit fur le Périgord & les pays voifins,
tant pour y procurer la fertilité des terres par les
réfervoirs, les rigoles d’arrofage, & par le deffé-
chement du lit de la Dordogne, de la Garonne,
& du golfe que forme la Gironde , que pour y
aflurer des débouchés & le tranfport facile des
denrees par les, canaux de navigation dont il a
tr^cé les plans. Heureux le pays où l’on voudroit
réalifer les idées utiles de ce. zélé citoyen ! Je ne
puis mieux terminer cet important article, qu’en
raffemblant d’après Bélidor, fous un même coup
d’oeil les principes de l’hydraulique fur la coni-
truélion des canaux d’arrofage, 8c le defféchement
des marais & des lieux aquatiques. n
L’auteur a choifi , pour l’application de ces
principes, le diocèfe de Périgueux 8c les pays
arrofés par la Drome , l’Iflo 8c la Vézère avant
leur réunion à la Dordogne qui fe joint au Bec
d’Ambès avec la Garonne pour former la Gironde*
II* a fait ce choix, non - feulement parce que c«
pays âpre 8c montueux préfente plus de difficultés
qu’un autre pour les canaux 8c les arrofages ; mais
parce qu’u» miniftre bienfaifant & patriotique,
qui etoit alors à la tête des finances , y a de
grandes poffeffions. Les détails immenfes dans
lefquels entre l’auteur ne peuvent être féparés du
plan général dans lequel il faut les lire. Une con-
féquence de ce premier établilfement des canaux
d’arrofage , c’eft le defféchement des marais du
bas Médoc 8c du golfe de la Gironde : car, dit
l’auteur, fi toutes les contrées de la Guienne 8t
des.pays voifins font unies d’intérêt pour contenir
par le moyen des réfervoirs , dans les lieux élevés
& les gorges de montagnes, les eaux qui vont fe
jetter dans la Garonne 8c la Dordogne, & pour
les diftribuer en arrofage fur les terres ; bientôt
vous verrez le lit de ces deux rivières à découvert.
Alors le lit de la Gironde , qu’on pourroit def-
fécher, formeroit le plus excellent terrein, de même
que le Médoc tout couvert de marais qui regorgent
du plus pur limon des rivières, & qui feroient
une nouvelle mine d’abondance. Touts. ces vaftes-
cantons du haut Périgord , du Qwerey , .du
Rouergue , des landes de Bordeaux jufqu’à
Bayonne , n’ont aujourd’hui un fol fi ingrat que
parce que les parties limoneufes de la terre ont
été charriées par les eaux qui n’ont laiffé que les
pierres, les roches 8c le fable. Rendez à ces fté-
riles contrées les fubftances végétales qui leur ont
été enlevées, foit en y retenant les eaux en des
réfervoirs , pour ne les diftribuer que dans les
féchereffes , loit en répandant fur leur furface trois
ou quatre pouces de ces terres limoneufes qu’on
trouve en quantité dans touts fes fonds qu’inonde
la Garonne , & qui rendent la navigation de la
Gironde fi difficile , & vous aurez le terrein le
plus fertile dans ces mêmes lieux où l’on ne voit
que de triftes déferts qui font honte à notre peu
d intelligence. Les landes feules de Bordeaux comprennent
une étendue de trente lieues fur une
largeur moyenne de dix lieues ; ce qui fait 300
lieues quarrées de pays perdu. Si on y ajoute
foixante lieues quarrées pour les marais & le lit
de la Gironde, quelle vafte étendue de déferts
8c de terreins perdus ! Grand dieu , des déferts
en France 1 L’auteur remplace la navigation de
la Gironde par deiri? canaux navigables, l’un depuis
Bordeaux jufqu’à la mer vis-à-vis la tour de
Cordouan , qui auroit fon cours par le Médoc 8c
la petite Flandre, l’autre , depuis Libourne jufqu’à
Royan.
Pour établir un canal d’arrofage , il faut fuppofer
un fleuve plus élevé que l$s campagnes qu’on
veut arrofer, fans fe mettre en peine de la distance
, pourvu qu’elle ne foit point exceffive , &
qu’il ne fe rencontre point en chemin d’obftacl$
inlurmontable pour la conduite des eaux qu’on
veut dériver. Après avoir levé une carte du terrein
avec les nivellements néceffaires , on choifira , en-
remontant le fleuve, le point d’élévation le plus
propre pour la naiffance du canal, afin de conduire
les eaux au terme le plus éloigné du précédent
, en donnant à ce canal une pente 8c une
largeur proportionnées à fon ufage. Comme ce
canal doit être accompagné de plufieurs branches
qui fourniront de l’eau à des rigoles d’arrofage,
on lui fait fuivre les coteaux par lefquels on peut
en foutenir la hauteur, en lui donnant une pente
qui les maintienne toujours à une élévation plus
grande que celle qu’aura le fleuve, à mefure qu’il
s’éloigne de l’endroit où fe fera la prife des eaux :
c ’eft-à-dire que , fi le fleuve a une ligne ou deux
de pente par toife courante, ( les rivières qui ont
plus de deux lignes par toife de pente, ce qui
fait feize pouces huit lignes par cent toiles, font
regardées comme des torrents ) , on n’en donnera
que la moitié au lit du canal, en obfervant de
l ’élargir à proportion du chemin qu’on lui fera
faire 8c de la pente qu’on lui donnera, parce que
l’eau augmente de volume 8c de hauteur, en raifon
de la pente qu’on lui ôte.
Après avoir déterminé l’étendue de pays qui
peut profiter du canal dlarrofage ,* on fait convenir
les particuliers de ce que chacun deux doit contribuer
pour le dédommagement des terres qu’occupera
le canal à proportion de l’avantage qu’ils
en peuvent tirer ; ce que l’on fçaura en réglant le
prix de l’arrofage fur celui de la dépenfe totale de
l’entreprifé. On doit préparer enfuite la fuperficie
du terrein qu’on veut arrofer , 8c s’accommoder à
la figure du pays, 8c aux finuofités auxquelles il
conviendra d’affujettir le canal, de manière que
les eaux puiffent fe répandre par - te t dans les
branches néceffaires aux héritages. On ouvre 8c
on ferme ces branches ou canaux particuliers par
de petites éclufes à vannes, qu’on place auffi d’ef-
pace en efpace ,pour faciliter les diftributions qu’on
fait le plus fouvent par de petites bufes , où il ne
peut pafier que la quantité d’eau qui doit appartenir
à chacun, comme cela fe pratique en
Suiffe & en Provence. Il faut fur toutes chofes
donner aux branches que l’on tirera du grand canal,
& aux rigoles qui partiront de ces branches ,' des
largeurs 8c profondeurs proportionnées à la quantité
d’eau qu’on y fera paffer, relativement à fa
vîteffe , & au trajet qu’elle fera obligée de faire.
Il y a plus d’art qu’on ne penfe à faire équitablement
cette diftribution, pour qu’un héritage ne
foit point favo’rifé au préjudice d’un autre. Il eft de
plus effentiel d’établir une bonne police , afin de
regler le temps où il faudra donner des eaux,
celui ou l’on pourra les garder, 8cc. 8cc. On doit
fe conformer pour cet objet à ce qui« s’obferve
dans la plupart des lieux où il fe fait des arrofe-
ments publics , en ajoutant ou retranchant ce que
slon trouvera convenable aux circouftances^
Il faut fur - tout apporter une grande attention
à ce que les eaux qu’on deftine à l*arrofage des.
terres y foient propres , parce qu’il s’en trouve
quelquefois qui font plus nuifibles qu’avantageufes.
Pour cela, on éprouve celles qui font au-deffus du
point de dérivation , en les répandant fur des
plantes du lieu qu’on veut arrofer. M. Arnoul,,
intendant de la marine, ayant fait faire un canal
tiré de la rivière d’Aigues , qui pafie à Orange ,
pour arrofer fa terre de Roche - Garde dans le
Comtat, s’apperçut avec furprife, au bout d’un an ,
que les eaux de cette rivière, qu’on répandoit fur
le terrein, empêchoient que l’herbe n’y crût, &
faifoient mourir les plantes qu’elles hume&oient :
ce qui provenoit d’une terre blanche comme de la
craie, dont ces eaux étoient imprégnées , & qui
portoit la ftérilité par-tout où elle féjournoit.
Le vice le plus ordinaire des eaux que l’on tire
immédiatement des montagnes vient de leur trop
grande crudité, capable de porter plus de préjudice
que d’avantage aux terres qu’elles arrofent.
Quand on en rencontre de cette efpèce, il faut,
à la naiffancé de chaque rigole de diftribution ,
faire un baffin où elles puiffent féjourner avant
que l’on ne s’en ferve , afin qu’elles s’y adouciffent.
Si on n’a pas de lieux propres pour ces baffins ,
ou qu’on ne veuille point fe priver de la culture
du terrein qu’ils occuperoient, chaque particulier
pourra faire paffer à travers un tas de fumier l’eau
qui lui appartiendra, pour lui faire changer de
qualité & en contraéfer une excellenté, provenant
des fels nourriciers qu’elle emportera avec elle.
D ’autre part, les parties du fumier feront auffi
entraînées 8c répandues fur tout le terrein qu’ôn
arrofera ; c’eft pourquoi il faut de temps en temps
en renouveller les amas.
S i , dan^les cantons que doit parcourir le canal
principal * 1 fe. rencontroit des terres marneufes
propres à engraiffer les champs, il faudroit, ficela
fe peut fans lui faire faire un trop grand détour
le conduire par ces endroits, afin d’y bonifier les
"eaux. Par la raifon contraire , on prendra bien
garde de faire paffer le canal dans un terrein qui
auroit une qualité pernicieufe ; en un mot, il faut
étudier la nature 8c fe conduire d’après elle.
S il arrivoit qu’il n’y eût point de rivière dans
un pays que l’on veut arrofer, mais qu’il fe rencontrât
dans le voifinage une quantité de fources
qu’on pût raffembler dans un réfervoir , comme on
a fait à celui de Saint - Ferriol, il faudroit de
même en foutenir les eaux par une digue, 8c faire
un- canal pour les conduire, dans les temps de
féchereffe , aux termes de leur deftination. Enfin ,
fi on en étoit réduit aux eaux de pluie qui tombent
annuellement fur la furface de la terre, il faudroit
pratiquer fur les hauteurs, à mi-côte , des réfervoirs
, mares , 8c étangs, pour en tirer des rigoles
d’arrofage, comme l’enfeigne l’auteur de la Franc«
agricole & marchande.