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eut point de projet proprement d it, fait avant le
commencement de l’exécution. On avançoit les
travaux , fujvant que le niveau conduifoit ceux
qui les dirigeoient. Il n’eft pas moins hardi d entreprendre
ainfi uni pareil ouvrage qu heureux de
l’exécuter ).
La longueur totale du canal eft de cent vingt-
deux mille fept cents feize toiles , ou environ
quarante-neuf lieues moyennes, depuis fon embouchure
dans l’étang de Thau , jufqu’à l’éclufe
de la Garonne à Touloufe. Cette longueur eft
ce qui rélulte des mefures prifes en 1769 pour le
bornage du canal, lorsqu’on en a drelïé les plans
topographiques fur une échelle de trois lignes pour
toile. La largeur eft prefque par-tout de foixante
pieds à la furlace de l’eau, & de trente-deux pieds
dans le fond : la profondeur eft au moins de ftx
pieds ; les barques en tirent moins de cinq, quoiqu’elles
portent jufqu’à deux cents milliers ië ou
cent tonneaux, poids de marc.
Le long des bords du canal font deux bermes
pu chemins pour le tirage , l’un de neuf pieds,
l’autre de fix ; mais les francs* bords, y compris
ce chemin , ont environ trente-fix pieds de chaque
côté , ÔL dépendent du canal ; iis fervent a de-
pol'er les terres qui proviennent du netoyement.
Sur cette longueur il y a cent-un baffins ou
fas d’éclules ; un pour communiquer de l’étang de
Thau à la rivière d’Hérault, au-deffus du moulin
d’A gd e , jufqu’au baffin de Nauroure , dont l’ele-
vation eft de cinq cents foixante-feize pieds ; &
vingt - fix pour defeendre vers Touloufe de
cent quatre - vingt - neuf pieds jufqu’a la Garonne,
au-deftous de Touloufe.
Ces cent-un baiïins font répartis en foixante-
deux endroits différents, ou foixante-deux corps
d’éclufes. 11 y a trente-fept baffins fimples, dix-
huit doubles, cinq triplés , un quadruple auprès
de Caftelnaudari, un ocrjiple auprès de Béziers ,
& qu’on appelle éclufes de Fonferane. De ces
foixante-deux corps d’éclufes , il y en a quarante-
quatre du côté de la Méditerranée , & dix - fept
du côté de l’Océan ou de Touloufe, pour defeendre
vers la Garonne.
Les éclufes du canal ont dix-huit ou dix-neuf
pieds d’ouverture vers les épaulements qui font
en avant des portes bufquées : leur faillie eft de
cinq pieds fur dix-huit de bafe. Apres les portes
on trouve les bajoyers en maçonnerie , qui ont
neuf pieds de long. D e - là le baffin s ouvre en
forme d’ellipfe, il a feize pieds de plus, ou trente-
quatre pieds de large dans le milieu , fur une longueur
de quatre-vingt-dix pieds. Enfin , les bajoyers
ou joüillieres ont encore neuf pieds de
long ; de forte que la longueur totale d’une porte
à l’autre eft de cent-huit pieds , fans compter les
parties extérieures ou les epaulements, qui font
au-déhors des portes. La hauteur moyenne des
éclufes eft de fept pieds neuf pouces ; c’eft la
(bute ou la différence des niveaux ; ainfi, quand
C À N
il y a ftx pieds d’eau fur l’éperon de défenfe, H
y en a quatorze fur l’éperon bas : mais il y a des
chutes d’éclufes depuis cinq pieds jufqu’à douze.
Une éclufe moyenne contient environ cent toifes
cubes d’eau : il faut cinq à ftx minutes pour la
remplir, & huit à dix minutes en tout pour faire
palier une barque de bas en-haut.
Une éclufe avec fes portes revient environ à
36000 livres ; les portes feules coûtent 2400 liv .,
& ne durent que quinze à vingt ans : elles font
toutes de chêne. On a tenté d’y employer le
frêne ; mais on n’a pas ofé effayer le lapin. Un
homme fuffit pour ouvrir & fermer les portes
d’éclufes, en agiffant fur une flèche qui a qaa-
torze pieds en-dehors , & quatorze ou quinze
pouces d’équariffage ; lorfqu’on a ouvert les em-
pellements qui font dans chaque porte ; car il faut
laiffer écouler l’eau, q u i, chargeant les portes par
fon poids, ne. permettroit pas de les ouvrir.
On fe fert de pozzolane pour la conftru&ion
des éclufes, & on la tire de Civita-Vecchia près
de Rome : on y emploïfe auffi la pierre d’Agde f
qui femble être une véritable lave pareille à celle
du Véfuve : elle eft extrêmement dure ,& rend
toutes les conftruâioris du canal extrêmement fo-
lides. Il paroit même qu’on pourroit faire de la
pozzolane avec la pierre d’Agde ; mais on l’a tenté
inutilement.
Le canal eft traverfé en différens endroits par
quatre-vingt-douze ponts pour le fervice des grandes
routes & des routes de traverfe ; il paffe lui-même
fur cinquante-cinq aqueducs ou ponts, pour donner
paflage à autant de rivières qui s’écoulent par-,
deffous le canal.
Dans l’origine , il n’y avoit que trois ponts-
aqueducs , le principal fur la rivière de Répudre ,
&. les deux autres fur les tuiffeaux de Jouarre ÔC
de Marfeillette ; les autres ont été faits enfuite peu-
à-peu : on en fait même encore pour fe débarraffer
des rivières que l’on recevoit auparavant dans le
canal , & qui contribuoient à l’enfabler. On y
fuppléoit par des épanchoirs ou vannes deftinées à
faire écouler les eaux &. les fables ; mais on a
trouvé que les ponts-aqueducs étoient beaucoup
plus commodes : ce fut M. de Vauban q u i, lors
de fa vifite en 1686, fit multiplier les aqueducs
aux frais du roi & de la province.
Il y a auffi plus de cent-cinquante cales ou baffins
fupérieurs au canal dans le lit des torrents ou des
ruiffeàux. Ces baffins en reçoivent les eaux, diminuent
leur vîteffe, 6c arrêtent les dépôts de vafe.
qui pourroient enfabler le canal ; par le moyen
de ces cales , on reçoit, dans le canal l ’eau dont
on a befoin , & on rejette le furplus en des contre-
canaux , qui les portent aux aqueducs : cependant
l’avantage de - ces cales n’eft pas comparable à
celui des aqueducs qui donnent un paflage libre
aux rivières.
Les contre-canaux fo*it entretenus par les communautés
C A N
ïffutlautés voifines & par les propriétaires riverains ,
à portions égales.
Ces cales font fi nécèffaires que l’on en fait
continuellement de nouvelles ; il y en a dix de
propofées pour recevoir les eaux pluviales qui
nuifent beaucoup au canal.
On a fait auffi un grand nombre de paffeliffes
ou deverfoirs tout le long du canal ; ce font des
ouvertures avec des,j?fpèces de ponts fur le bord
du canal, par iefqivellels dégorgent les eaux fuper-
flues qui font rejettées en des contre-canaux. Parla
on entretient l’égalité dans le niveau des eaux
du canal , fans interrompre le tirage des francs
bords qui continue fur ces efpèces de ponts. Il y
a auffi des épanchoirs à fond , fermés avec des
vannes , qui vuident beaucoup d’eau quand on
l|s ouvre.
Le canal eft creufé dans le roc en plufieurs
endroits ; on compte qu’il y a eu un déblai de
cinquante mille toifes cubes de rocher , & de deux
millions de toifes cubes de terre ou de tap , c’eft-
à-dire de tuf.
Le canal pafle près de Béziers fous la montagne
du Malpas, dans un percé de quatre-vingt-cinq
•toifes dont nous parlerons bientôt.
Il fuit la rivière d’Aude fur une longueur de
vingt-quatre milles. Cette proximité de la rivière eft
une des caufes de dégradation, parles débordements
les inondations de ce torrent , quoiqu’on ait
tenu le^canal au-deflus des grandes eaux. Dans le
livre des médailles de Louis XIV , il eft dit que
le canal traverfe' l’Aude en deux endroits : c’étoit 1
une^ première idée de M. de Riquet ; mais il s’en i
eft écarté dans l’exécution . comme dans plufieurs
autres points, & il y étoit autorifé par l’édit. Il
a fallu de même abandonner le deffein de fe fervir
de la rivière d’Aude pour la navigation ; elle eft
trop baffe en certains temps, trop haute en quelques
autres j & trop rapide dors pour être remontée :
un canal fait avec autant d’art que celui-ci eft pré--
férable à une petite rivière.
Une des plus grandes difficultés de cette en-
treprife étoit d’avoir , même en été , des eaux
fupérieures au fommet du canal &. au baffin de
Nauroure ; & c’eft ici que Mrs. de Riquet & An-
dreozzi ont montré le plus d’intelligence, d’activité,
& de patience.
On a pris dans la montagne Noire , à cinq lieues
au nord-eft du point de partage , toutes les eaux
fupérieures à fon niveau , pour former deux rigoles;
celle de la. montagne qui amène plufieurs
ruiffeàux dans le S o r , & celle de la plaine , qui
v a , depuis la rivière de Sor près R e v e l, fe terminer
au baffin de Nauroure/
La rigole de la montagne commence à quatre
lieues de Saint-Papoul , & par la petite rivière
d Abran , dont on a arrêté les eaux. Cette rigole
a près de dix pieds de large & environ trois pieds
d eau , qui coule affez rapidement. Elle reçoit, à
deux milles de la , le ruiffeau dç Bç.roffibne ; g^.
Art militaire, Tome U
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fuite elle continue dans le roc v if , fur une étendue
de plus de mille toifes , dont le tiers eft fait avec
de grands efearpements, en des lieux qui auparavant
n’étoient que des précipices.
A deux milles plus loin , la même rigole reçoit
le ruiffeau de Lampy, après avoir coulé dans un
lit de treize cent quarante-cinq toifes, taillé dans
le roc v if, & au travers d’une partie de montagne
qu’il a fallu percer dans .le roc , fur une longueur
de quatre-vingt toiles, &. une hauteur d’environ
huit toifes. On fe propofe de faire un baffin à la
prife d’eau du Lampy , pour mettre des eaux en
r éfer v e , lorfqu’on tra vaille au baffin de Saint-Ferriol. •
Ces trois ruiffeàux ne tatiffent jamais, & la plupart
du temps o;n n’en prend qu’une partie pour.*
canal : ils alloient tous trois à la Méditerranée.
Toutes ces eaux vont tomber dans le Sor après
un cours de deux, milles toifes, dont environ cinq
cents font prifes dans le roc , fans compter plufieurs
parties percées, & plufieurs chauffées très-
fortes , conftruites en maçonnerie. Lors de la conff
truâion du candi, la rigole de la montagne finiffoit
à l’épanchoir de Conquet, à un mille & demi du
Lampy, & les eaux fë verfoient de-là dans la
rivière de Sor qui eft dans le vallon voifin. Nous
les fuivrons d’abord dans ce premier trajet ; en-
fuite nous parlerons de la fécondé route qu.’oa
leur a ouverte vers Nauroure.
A ftx milles toifes au-defl'us de Conquet, oh les
eaux de la rigole de la montagne fe précipitent dans
le Sor , cette rivière eft arrêtée entre Sorèze & Revel
par la chauffée de Pontéroufet , pour recevoir
lës eaux d’un canal de douze pieds de bafe , dans
lequel il coule au moins trois pieds d’eau ; ce canal
pafle un peu au-deffus de la petite ville de R e v e l,
proche de laquelle on avoit conftruit un petit port
nommé Port-Louis, éloigné de Poiitéroufet de
treize cents vingt'toifes. ‘
C ’eft au Port-Louis , tout près de Revel, que
commence véritablement' la rigbje de la plaine :
parce que la partie füpérieUre , jufqu’à Pontê-
roufèt, étoit ouverte avant la conftruétiori du canal
&. fervoit à deux anciens moulins. Elle defeend,
fans recevoir de nouvelles eaux , fur quatre mille
quatre-vingt toifes de longueur, jufqu’aux Tou-
mazes , à la maifon de Landôt ; o ù , après avoir
reçu le ruiffeau de Landot, elle eft continuée fur
treize mille trois cents toifes jufqu’à Nauroure ,
c’eft-à-dire au point de partage du canal.
Les rivières & les ruiffeàux donc nous venons
de parler fourniffoient , pendant la plus grande
partie de l’année , un volume d’eau plus confidé-
rable que celui qui étoit néceffaire à la navigation ;
mais on craignit, avec raifon, que ces fourçesn^
fuffent pas luffifantes dans les temps de féche-
reffe ; fur-tout , lorfqu’après avoir mis une partie
du canal h. feç au mois de juillet, pour y faire les
nétoyements néceffaires dans le mois d’août & de
feptembre , il faudroit enfuite remplacer toutes
, les eaux qu’on $uroit été forcé de perdre.
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