
L’élepliant du trône, nommé aureng- gas on
capitaine des éléphants -, a une maifon plus nom-
breufe que celle de plufieurs'princes. 11 eft toujours
précédé de timbales , - de trompettes , &.
d’étendards. On peut juger de l’énormité du luxe
de cette cour par le prix du trône de Chadjéhan ,
commencé l’an 1036 de l’hegyre , & le fécond de
fon règne , achevé l’an 1044 > Par Bébaldécan, &
enlevé par Naderchah, l’an 11*51. ( 1738 .). Il
avoit coûté en étoffes pour les tentes & dais cent
mille roupies, en pierres précieufes huit millions
ffx cents mille roupies , en ornements d’or un
million quatre cents mille roupies ; en tout vingt-
cinq millions deux cents cinquante mille livres
de notre monnoie. Quelle multitude de gardes,
de femmes, d’efclaves fuppofe une pareille magnificence
, & qu’un prince parort petit au milieu
d’un fi grand cortège 1 S’il avoit près de lui une
nation qui n’eut que du fêr avec un chef homme
de guerre & conquérant, celui-ci auroit bientôt l’or
d.u monarque. C ’eft l’or qui attire la guerre ôt le
fer qui la repouffe.
T U R C S .
A r m e s o f f e n s i v e s .
Les Turcs emploient pour armes offenfîves Tare
& les flèches : le k i f i , efpèce de javelot, dont
les agas. portent trois dans une bourfe à la gauche
de leur l'elle, & qu’ils lancent fur l’ennemi; léger/*
oü dard d’environ deux pieds & demi de
long ; le karki mejfrac, efpèee de lance dont fe
fervent les afiatiques , & la cavalerie capiculy ; la.
coftanitfa , autre lance portée par la cavalerie fe-
rateuly ; le terpan ,fer à couper , ou ferpé adaptée,
au bout d’une hampe ; le gadara ou fabre un peu
courbe, large , épais au dos ; le dich pu fabre à
l’ufage des Turcs ; Yagiem - dich ou fabre perfan
plus courbe que ceux des Turcs ; le polos ou fabre
droit ; le meg ou épée de longueur ; le tebet,
efpèee de hache qu’on porte à la felle avec le
gadara; le polos le topeis, efpèee de bâton qui'
n’eft qu’une marque de dignité; le hangiar, efpèee
de poignard que les janiflaires portent, dans Çonf-
îantinople.-
Fig. 112. A r c , flèches=& carquoisi
113. Javelot nommé kift.
214. Dard nommé gérit.
115. Lance nommée karki mefraC.
116. Lance, nommée cojianitfa.
117 . Serpe emmanchée ou terpan..
118. Sabre nommé gadara.
119. Sabre turc nommé dich.
120. Sabre perfan nommé agiem-dich.
j a i . Sabre droit nommé palas»-
122. Épée longue ou meg.
123. *Hache nommée tebet.
124. Poignard nommé hangiar•
125. Bâton nommé -topeis
A r m e s d é f e n s i v e s ;
Les rfrm«défenfrves font deux efpèces de cafques-
de fer appellés qirinculla ; l’un rond & l’autre conique
; toufs deux couvrent le tiers du cou par
un appendice de mailles de fer. Dans le premier
les parties latérales ou tempes font auflr re cou vertes
par l’appendice : dans le fécond par deux
ailes de fer battu.
La T^irè ou cotte de mailles que l’on met. comme
une chemife par-deffus une camifolle de coton
piqué , fouvent couverte d’une toile ; fur laquelle
la fuperftition écrit des paroles tirées du koran.
Le braffard nommé colgiac, qui couvre le bras-
jufqu’au deffus du coude , défend la main, & fert
fouvent à garantir la tête des coups de fabre.
Deux efpèces de boucliers faits de bois de
figuier, parce qu’il eft léger, liant, propre à parer
les coups d’eftoc & de taille ; l’un couvert de-
peaux , en dedans & en-dehors y l’autre de cordes*
de coton.
Le buinduc , fait avec deux planches attachées-
enfemble, & dont on couvre le cou du^cheval.
Les Tartares en font un grand ufage pour conferver
les chevaux y & les. garantir des coups de fabre ;
parce que ces animaux font la principale de leurs
armes ; dès-que le foldat-tartare la perd, il eft-
perdu lui-même. Ce couvre-cou fert encore pen-,
dant l’été à empêcher le cheval de tourner la tete.
pour chaffer les mouches; mouvement.quiincom^-
mode extrêmement le cavalier.
Fig. 126. Cafques nommés ÿrinculla.
127. Cotte de mailles ou ÿré.-
1-28. Braffard ou colgiac..
129, Boucliers ou cale ans.
130. Couvre-cou de cheval ou kuinduc.
Les autres nations de l’Afie ont à-peu-près les--
mêmes armes ; la feule différence remarquable que
l’on y puiffe obferver , c’eft qu’il y en a d’affez
inhumaines pour les empoifonner. Les habitants de
Java ont ce déteftable ufage. Craignant fans, ceffe
la trahifon, parce qu’ils la méditent fans celle , ils--
ne connoiffent les noeuds ni du fang ni de l’amitie*.
Un frère qui reçoit chez lui fon frère , tient tout
prêt fon poignard , & trois ou quatre javelines. li r ont
aufîi des tuyaux qui leur fervent à fouffler de
petites flèches d’os de poiffon , dont la pointe eft
empoifonnée, & affoiblie par quelques entailles ,
afin que venant à fe brifer plus; facilement, elle-;
demeure dans le corps. Les Mariânois. ont desbâtons
armés du plus gros os-d’une jambe , d’une -
cuiffe , ©u d’un bras d’homme, auquel ils font une-
pointe fort aigue. Ils les empoifonnent de forte
que la moindre efquille , reftée dans la plaie
caufe infailliblement la mort, avec des conv-ulfions
des tremblements-, & des douleurs incroyables».-
Les armes des Macâffaroisfont aufli empoifonnées.
La plupart de ces nations connoiffent les armes*
& feu en font ufage, mais moins généralementquè
les Européens. Ceux-ci ont tellement per-
feâionné l’art de s’en fervir, qu’elles fo n tp o u r
ainfi dire, leurs feules armes, du moins pour l’infanterie
: elle n’emploie jamais l’épée , rarement
le fabre & la baïonnette. Il n’y a que la
cavalerie qui faffe de F épée un ufage plus fréquent
que des armes à feu ; de forte qu’on pourroit,
fans inconvénient, ôter l’épée au foldat, & le
moufq.ueton au cavalier". C ’eft peut-être ce non-
ufage de l’épée dans l’infanterie, qui a conduit
infenfiblement à en faire les lames $ufli mauvaifes
que celles des anciens Gaulois.
Je ne parlerai point ici tes armes à feu , parce
que cet objet appartient au dictionnaire d’artft-
lerie, ni des chevaux & autres animaux que jé
confidère comme des armes offenfîves, ni des fortifications
que je mets au nombre des défenfiyes :
ces parties feront traitées en des articles particuliers.
Je dirai feulement en général que nos armes
offenfîves font en Europe l’épée , le labre , la hallebarde
, l’efponton, & la baïonnette ; les défenfives
font la calotte, le plaftron , & la cuiraffe : on
en trouvera les dimenfions à leurs articles. Et
quant aux ornements qu’on y a ajoutés en différents
temps, tels que les lambrequins, les panaches
, les cocardes, les écharpes, & c . j’en parlerai
fous ces mots.
Après avoir parlé de l’ufage des armes à la
guerre, nous ajouterons quelques mots fur le
port des armes.
Ar.mes. ( port d’ ). Dans la liberté indéfinie
de l’état fauvage , tout homme a droit de fe faire
des armes, de les porter , de les employer. Dans
les fociétés civilifées, le fouverain, chargé de maintenir
l’ordre & de prévenir tout ce qui peut le
troubler, doit défxgner ceux des citoyens à qui le
port d'armes peut être permis. Les raifons de le
permettre ou de le défendre, fe tirent des moeurs
des différentes claffes de citoyens. Ceux en qui elles
font groffières, violentes, & capables de les expofer
à faire des armes un ufage funefte, doivent être exclus.
Telles font les dernières claffes du peuple.
Les autres, plus polies & plus retenues, peuvent
jouir fans danger de ce privilège. C ’eft ce qui, chez
la plupart des nations civilifées, a fait continuer la
défenfe-du port d'armes pour les claffes inférieures ;
car cette raifon politique n’en a point été l’origine.
Il y en a une autre antérieure , qui eft celle
du droit de conquête. Le vainqueur, regardant la
paix comme,mal affurée, & la nation nouvellement
fubjuguée, comme fon ennemie fecrète, lui ôte
les moyens de fe délivrer. Ces marques de conquête
& d’affujettiffement fe trouvent encore par toute la
terre.. On y voit les nations policées divifées en
deux parties, l’une toujours armée & l’autre fans
armes. C ’eft ainfi qu’un petit nombre en affervit un
beaucoup plus grand.
Le port d'armes eft permis en France aux gentilshommes
&. aux militaires, tant officiers que
foldats. Il y a des raifons particulières de difeiplïne
qui font défendre à ceux-ci, dans les gar-
nifons, de porter des épées ou des fabr.es. J’ai vu
que cette défenfe, faite à propos, a prévenu des
duels & confervé des hommes à l’état.
Prefque touts les peuples fauvages, ufant du
droit illimité de la nature, ne permettent pas feulement
à touts les membres de leurs petites fociétés
le port des armes : ils en rendent l’effet plus
fûr & plus mortel , en les empoifohnant. On peut
exeufer un ufage aufli barbare dans ce malheureux
état, oii l’homme voifin de la brute fait la guerre
avec férocité. Alors la raifon n’a plus d’empire fur
lui ; c’eft un lion , c’eft un tigre, qui emploie toutes
fes armes naturelles à déchirer fa proie. Dans les
fociétés civilifées , l’efprit de guerre n’étouffe pas
tellement la raifon & l’humanité, qu’il n’en refte
quelques étincelles. A ce degré fupérieur, l’homme
tend vers fon objet en faifant le moins de mal pof*
fible. Il cherche à pofféder le bien qu’il defire , fans
détruire le poffeffeùr, qu’il regarde lui - même
comme un bien qui peut être en la puiffance. Alors
l’empoifonnement des ‘armes eft regardé comme
exécrable, & détefté par touts les citoyens.
Il fut en ufage autrefois chez prefque touts les
barbares. Les Scythes, les Gètes, les Thraces, les
Parthes , les habitants du Caucafe, les Ethiopiens ,
les Nubiens, plufieurs autres peuples ont empoi-
fonné leurs traits. Prefque touts les peuples fauvages
le font encore. La civilifation a banni cette
atrocité de chez toutes les grandes nations.
Nous joindrons ici quelques articles des ordonnances
de nos rois , fur 1 e port des armes.
[ Article 11L de Vordonnance du. roi, du mois d'août
1669. Interdifons à toutes perfonnes, fans dif-
tinâion de qualité, de temps ni de lieu, l ’ufage des
armes à feü brifées par la croffe ou par le canon ,
; & de cannes ou, bâtons creufés, même d’en porter
fous quelquë prétexte que ce foit ou que ce puiffe
être ; & à touts ouvriers d’en fabriquer & Façonner,
à peine contre les particuliers de 100 livres
d’amende, outre la confifcation pour la première
fois, & de punition corporelle pour la fécondé ; &
contre les ouvriers, de punition corporelle pour la
première fois.
Article IV. même ordonnance. Faifons aufli dé-
fenfes à toutes perfonnes de chaffer à feu, & d’entrer
ou demeurer de nuit dans nos forêts, bois ôc
buiffons en dépendans,ni même dans les bois des
particuliers, avec armes à feu ,, à peine de 100
livres, & de punition corporelle'ps’il y écKet.
Article V. même ordonnance. Pourront néanmoins
nos fujets de la qualité requife par les édits &
ordonnances, paffant par lés grands chemins des
forêts &. bois, porter des piftolets & autres armes
non.prohibées, pour la défenfe & confervation de
[ leur perfonne.
Article V. de l'ordonnance du roi, du mois d'avril
1669. Défenfes à touts payfans , laboureurs, &
autres habitants domiciliés en l’étendue de nos
capitaineries, d’avoir dans leurs maifons ni ail—
X ij