
de Ton armée, répondit ; Bourbon ejl de va n t : pà- :
rôles qui font enfuite paffées en proverbe.
Si, par le fang que vous -répandez* ou par le
changement de couleur, lesrégiments les plus voi- :
fins connoiffent que vous êtes bleffé * aflurez que :
la bleffure eft légère ; défendez d’en répandre le ,
bruit, crainte d’alarmer les autres corps , qui pour-
Toient la croire dangereufe ; & dites à ceux qui le
voient* que, loin de s’attrifter comme des femmes*
vous efpérez qu’ils vous vangeront en braves &
valeureux foldats.
- Vefpafien , bleffé devant Jotapat, n’en faifoit
rien connoître : mais le fang coulant en abondance
fut apperçu par ceux qui étoient près de lui.
Comme il vit que cet accident leur caufoit de
l’abattement & de la conftêrnation, il montra fa
bleffure, pour les raffurer & les convaincre qu’elle
n’étoit pas dangereufe ; & , cachant la douleur
qu’elle lui caufoit, il les exhorta feulement à la
vengeance. La vue de la bleffure , la confiance &
les paroles de Vefpafien, animèrent tellement fes
troupes, qu’à l’inflant elles donnèrent un vigoureux
affaut à la place.
Si votre bleffure vous oblige de vous retirer,
donnez-en avis à celui des généraux, qui doit vous
fuccéder dans le commandement, afin qu’il fe charge
de la conduite de la b ataille : l’exemple qui fuit en
jrenferme la raifon.
La principale caufe de la perte de Conftanti-
nople fut que Iean Juftinien, général des armées
de l’empereur Conftantin, fe retira de la brèche,
où il avoit été bleffé, fans en faire avertir celui
■ qui devoit* après lui, fe charger du commandement,
&. donner les ordres néceffaires pour repouffer
l’ennemi* qui avoit commencé^ de monter
à l’affaut. La confufion fe mit Bientôt parmi les
troupes chrétiennes, qui n’avoient plus de chef,
& l’armée de Mahomet II entra dans la place.
Dion de Syracufe fe voyant forcé de fe retirer
de la bataille , à caufe d’une bleffure qu’il avoit
reçue en combattant contre Denys, nomma aufli-
tôt Timonide pour commander en fon abfence.
Les devins pronoftiquèrent à Callicratidas, chef
de l’armée de Sparte , qu’il feroit tué à la bataille
des Arginufes. Callicratidas qui, fur la foi de cette
prédiélion, ne doutoit point d’éprouver le malheur
dont il étoit menacé, nomma Cléarque pour
commander après fa mort, & ordonna aux troupes
de lui obéir.
Cet exemple me donne lieu de penfer que, fi le
lieutenant général le plus ancien de votre armée
n’avoit pas les talents néceffaires pour la conduite
d’une b a ta ille , vous pourriez en charger un autre,
o u ce maréchal de camp que je vous ai confeillé
de retenir auprès de vous, pendant le combat, &
de choifir le plus habile &le plus expérirîîenté. Je
fens que ce que je viens de dire de Callicratidas
ne fçauroit avoir aujourd’hui une jufte & entière
application ; parce que, de fon temps, & dans fon
pays * lorfque la république ne dônnoit pas de collègues
à fon général, celui-ci pouvoit * à fort
choix , nommer pour commander l’armée celui
des officiers généraux qu’il en croyoit le plus capable
: fonâiôn, qui appartient aujourd’hui au lieutenant
général le plus ancien.
Il y auroit néanmoins, dans le cas dont il s’a g i t •
un milieu à prendre ; c’eft que le maréchal de camp
dont je viens de parler diftribuât en votre nom les
ordres, comme ayant été précédemment donnés
par vous d’après les divers événements de la b ataille .
Dès que le généraliflime aura été tué, ou qu’il
aura été obligé de fe retirer, parce qu’il a été bleffé,
fes aides de camp & les officiers d’ordonnance fe
rendront auprès du général qui doit lui fuccéder
dans le commandement. Ils lui apprendront en
fecret la difgrace arrivée au premier, & donneront
à entendre aux troupes voifines qu’ils ont eu ordre
de venir l’attendre à ce pofte.
Lé général qui fuccède à celui qui a été tué ou
bleffé doit diftribuer les ordres au nom du premier
: ils en feront mieux exécutés, & l’on évitera
que l’infortune arrivée au chef principal, & qu’il
importe de tenir cachée , ne fe divulgue.
Artaxerce fut bleffé à la bataille contre Cyrus
fon frère, & contraint de fe retirer. A l’inftant
même Tifapherne prit la place du roi, afin qu’on
ne s’apperçût point de fon abfence : &, comme s’il
eût été le roi lui-même, il anima les foldats ,par fes
paroles & par fon exemple, à combattre valeureu-
fement. Ce fut ce même Tifapherne qui poufuivit
les dix mille Grecs dans leur fameufe retraite.
Pour faire croire que c’eft toujours du général
en chef que viennent les ordres donnés par celui
qui lui a fuccédé, il fuffira que celui-ci les faffe
porter par les aides de camp du premier, & leur
défende, fous des peines graves , de publier la difgrace
furvenue à celui dont il a pris la place.
Mais, Comme il eft difficile que les officiers des
régiments cachent quelque chofe à leurs colonels,
le nouveau commandant de l’armée né doit pas
envoyer fes ordres par les officiers particuliers qui
étoient près du général mort ou bleffé, s’il peut les
faire porter par les aides de camp généraux, par le
major général*le major général des logis, ou par
les aides de ces deux derniers.
S u c c è s d o u t e u x . P r é c a u t i o n s .
Si le fuccès de la bataille paroît avoir été indécis
, faites valoir toutes les circonftances qui font
en votre faveur * pour publier que la viéioire s’eft
déclarée pour vous, afin de foutenir le courage
des troupes* & d’éviter que le pays nouvellement
conquis , ou quelque,prince , qui jufqu’alors
avoit gardé la neutralité, n’embraffe le parti contraire.
Cette réputation de fupériorité fend les
recrues plus faciles à faire dans le pays, & attire à
votre armée un plus grand nombre de déferteurs.
Gagner une bataille * ce n’eft pas perdre moins
de monde que les ennemis. Les preuves de la vietoire
font <Je conferver plus longtemps le champ'
de b a ta ille ; de prendre le bagage ou l’artillerie
des ennemis ; d’enlever les dépouillés du champ de
b a ta ille ; d’enterrer fes morts & ceux des ennemis
» de préfenter le jour fuivant là b a ta ille ,
que les ennemis refufent, & de leur avoir enlevé
plus de drapeaux, d’étendarts * & de timbales. Si ce
dernier avantage n’eft pas une preuve de la viéloire,
il fert du moins à l’illuftrer.
Philippe perdit, à la bataille de Chio ,beaucoup
plus de navires & de troupes que fes ennemis.
Néanmoins ceux-ci, ayant cru que leur roi Attale
avoit été fait prifonnier * le retirèrent. Philippe s attribua
la vi&oire > alléguant qu’il avoit pris la
galère & le bagage d’Attale, &- „qu il s etoit main-
tenu dans les mêmes eaux ou la bataille s etoit
donnée ; qu’il avoit recueilli les débris des batiments.
fracaffés * & enterré les morts des Macédoniens.
Le lendemain les Rhodiens & Denyfidore,
général d’Attale , préfentèrent de nouveau la
b ataille à Philippe , & fon refus paffa pour une
preuve de l’avantage qu’avoient eu fes adversaires.
A la bataille de Sybotha, ou de Chyme-
rie, qui fe donna entre l’armée de Corinthe^ &
celle de Corcyre, chacune s’attribua la viâoire.
Les Corinthiens élevèrent un trophée, parce qu ils
avoient paffé la nuit fur le champ de b a ta ille , retire *
leurs morts & plufieurs de leurs batiments qui !
avoient été brifés & mis hors de combat ; fait
mille prifonniers, & coulé à fond environ foixante-
dix navires. Ceux de Corcyre élevèrent aufli un
trophée , parce qu’ils avoient fubmerge trente
vaiffeaux des Corinthiens ; retiré les débris & leurs
morts, lorfque le Secours d’Athènes les eut joints,
& parce que les Corinthiens avoient fait retraite le
jour fuivant. , . . ,
Les troupes de Louis Sforce & les V énitiens prétendirent
avoir gagné la bataille deTaro, parce
qu’ils avoient pris une partie de l’équipage &. des
tentes de l’armée de Charles VIII. Celui-ci, de
fon côté , s’attribua l’honneur de la vi&oire , parce
qu’il étoit refté maître du champ de bataille. C e tte
dernière raifon me paroît bien plus forte ; puifque ,
pour enlever le bagage, il fuffit qu’un petit parti de
cavalerie vienne l’aflaillir * quoiqu en meme-temps
les lignes des ennemis , qui ont détaché ce parti,
Soient battues & entièrement défaites.
Après la bataille de Mantinée, les Thébains &
ks Lacédémoniens élevèrent un trophée de part
& d’autre. Les premiers alléguoient en leur faveur
que les Lacédémoniens avoient abandonne
le champ de bataille & la plus grande partie de
leurs morts, & les Athéniens, qui étoient venus
joindre l’armée de Lacédémone , s’attribuoient
l’honneur de la vi&oire ; parce qu’ils avoient en
leur pouvoir les morts d’une troupe chalcidienne
qui fut entièrement défaite dans la même bataille
.
Marcellus, maître des dépouilles & de fes morts,
prétendit, que- l’avantage étoit du côté des. Romains,
dans h b ataille qu’il donna contre Annibal,
& dont le fuccès pouvoit paroître douteux. Les
deux'armées demeurèrent deux jours en préfence ;
& on adjugea la viâoire à Marcellus, parce qu il
jiréfenta un Second combat a Annibal * qui^ le re-
fufa, & décampa Secrètement pendant la nuit.
Lorfque, dans la nuit qui fuit le combat, les
deux armées demeurent fur le champ de b ataille 9
ou à une égale diftance * tâchez de faire, fans
bruit, & le plus fecrètement qu’il fera poflible ,
retirer & enterrer une bonne partie de vos morts y
afin que le lendemain la vue d’un plus grand
nombre de morts du côté des ennemis faffe juger
que leur perte a été plus confidérable.
C’eft ce que Didius mit en ufage après une-
bataille contre les Espagnols. Ceux-ci fe perfua-
dèrent, en voyant leurs morts en plus grand nombre
que ceux de l’ennemi, qu’il reftoit plus de combattants
dans l’armée romaine, &. ils acceptèrent^
les conditions que Didius leur fit propofer.
J’ai dit que préfenter un fécond combat le lendemain
de la bataille étoit une preuve qu on n a-
! voit pas perdu le premier. J’ajoute que,pour pre—
fenter ce fécond combat, il faut être affure quih
refte un nombre fuffifant de combattants, &. que:
leur courage n’eft point abattu.
Alors ordonnez que, durant la nuit, vos gardes--
foient très vigilantes, que les foldats les officiers-
de l’armée ne quittent point leurs corps , & qu ils-
repofent fur le terrein où ils font en bataille : faites
diftribuer de nouvelles munitions, tant aux batteries
qu’aux foldats , & rafraîchir les troupes, en-
leur procurant à boire & à manger.
Si des circonftances favorables, & l’avantage que
vous avez eu, vous font préférer d aller attaquer
de nuit l’armée ennemie, entourez votre camp de-
doubles fentinelles* qui foient des hommes de
confiance ; afin d’éviter que quelques efpions, ou<
quelques déferteurs ne s’échappent, & n’inftruifent
l’ennemi que vous vous préparez à une fécondé
bataille', marchez en filence pour 1 attaquer au
point du jour j & , fi vous décampez dun endroit
qu’il puiffe voir, laiffez-y les feux allumes , & des-
perfonnes pour les entretenir, çomme fi votre:
armée y étoit encore.
' S’il ne vous refte pas affez de troupes, ou fi elles
n’ont pas la fermeté de renouveller le combat, au
lieu de vous éloigner du champ de b a ta ille ; hâtez- -
vous de vous fortifier dans l’endroit même où vous-
êtes, ou aux environs, dès. que la nuit aura féparé
les deux armées* C’eft ce que firent Philippe IV,
roi d’Efpagne, & l’empereur Léopold, après ht
bataille de Luzara.-
Si , par la qualité du terrein , par la quantité:'
d’outils- néceffaires , ou par le petit nombre des
pionniers, vous ne croyez pas qu’il foit facile de
mettre, votre retranchement, en état de défenfe
dans une feule nuit ; vous pouvez -vous-arrêter au-
premier-endroit fort par fa nature, ainfi que-fit
le général Mercy, après-aro;c été repouffé par les