
mais aflez heureux pour avoir au milieu de la capitale
une académie militaire, le problème qui nous
occupe tiendroit fans doute un des premiers
rangs parmi ceux qu’elle propoferoit pour fes
prix. Elle recommanderoit fans doute aux perfonnes
qui concourroient de ne pas envifager la queftion
fous un point de vue trop général : une réponfe
qui feroit bonne pour un corps de troupes allemandes
pourroit ne pas être telle pour un régiment
françois : une folution heureufe pour tel ou tel
fervice pourroit être mauvaife pour tel ou tel
autre. Il faut que l’uniformité règne dans les troupes
d’une même nation ; mais ce ne doit jamais être
aux dépens du bien du fervice. Si nous olions avoir
un avis à nous, nous dirions qu’en France , &
fur - tout dans l’infanterie nationale , un capitaine
en fécond eft quelquefois à charge , fouvent
fuperflu , toujours inutile : nous renvoyons à l’article
C om p a g n ie , les raifons fur lefqùellesnotre
opinion eft fondée , parce que nous examinerons
quelle doit être la force d’une compagnie françoife.
S E C T I O N V I .
Des capitaines qui nont point une attivité réelle.
Les befoins de l’état introdüifirent la vénalité
dans ,1a- magiftrature : la même caufe mit à prix
d’argent les emplois des militaires en aélivité ; c’eft
elle qui a créé de nos jours les capitaines réformés,
capitaines à la fuite des régiments, les capitaines
a la fuite des différents corps , & les capitaines à
là fuite des places. Les circonftances dans lef-
quelles fe font trouvés les minières qui ont eu'
recours à ce moyen burfal rendent leur conduite
excufable. Mais eft—il aufli facile de pallier le motif
qui a fait courir quelques militaires après les emplois
fans a&ivité. Jouir des prérogatives de la com-
miflion de capitaine , fans être obligés de remplir
les devoirs qu’elle impofe ; faire de bonne heure
un chemin rapide & obtenir le prix de la vertu
guerrière en reliant à fes foyelrs, tels font, feion
lès'apparences, les motifs qui ont engagé beaucoup
d’officiers à defirer d’étre compris dans l’une des
différentes claffes de capitaines que nous avons
raflemblées dans cette fe&ion.
Dans le moment où nous écrivons, il femble
qu’on a enfin fenti combien il eft effentiel de couper
ce mal jufques dans fa racine. On ne pourra peut-
être y parvenir qu’en -exigeant quelques facrifices
de la partie des militaires qui a toujours été en
activité ; mais on peut avancer qu’ils les feront fans
peine, s’ils font bien affurés de ne plus voir renaître
cet abus deftru&eur de toute émulation &
de tout efprit militaire. On fent bien que, dans ce
que nous venons de dire fur les capitaines fans
àérivité , nous n’avons jamais eu en vue ceux , qui
ont été réformés par quelque changement arrivé
dans la conftitution du corps dont ils faifoient
partie ? & après de longs feryices.
Des capitaines réformés. Lorfque, dans le demie!
fiècle, la paix permettoit aux princes de rendre
a l’agriculture & aux arts une partie des bras que
la guerre leur avoit enlevés , les capitaines des
compagnies comprifes dans le licenciement fubif-
foient un fort à-peu-près femblable à celui de leurs
foldats ; quelquefois cependant ils étoient obligés
de fervir pendant plufieurs mois de l’année ; quelquefois
ils reftoient attachés à leur régiment, 8c
y faifoient les fondions d’un grade inférieur à celui
qu’ils occupoient avant la réforme , ou bien ils.
commandoient une troupe moins confidérable que
celle qu’ils avoient à leurs ordres pendant la guerre.
Quand la paix expirante obligeoit d’augmenter les
troupes , on ordonnoit aux capitaines réformés de
lever des compagnies nouvelles, ou de completter
les leurs : & , lorfque les capitaines en a&ivit-é
obtenoient leur retraite, ou laiuoient par leur mort
des compagnies vacantes , ils étoient remplacés par
les capitaines réformés.
Les capitaines qui portent aujourd’hui dans les
troupes françoifes le nom de capitaines réformés ,
n’avoient eu, avant d’obtenir ce titre , ni une com-
miffion , ni une compagnie , & par conféquent ils
n’ont jamais été réformés en qualité de capitaines.
Ils doivent donc leur commiffion & leurs droits
aria fomme qu’ils ont payée : ils ont acquis , non
par leurs fervices , mais à prix d’argent , une ex-
peélative fur une ‘des compagnies qui viendront
à vacquer- dans le régiment des troupes à cheval
auquel le hafard les a attachés.
Des capitaines à la fuite d'un régiment. On
trouve des capitaines à la fuite des régiments d’infanterie
3 des régiments de cavalerie, & des régiments
de dragons. Ces capitaines doivent aufli
a leur argent la commiffion qu’ils ont obtenué
ils n’ont par leur titre aucun rang dans le corps
auquel ils font attachés ; ils ne font tenus à faire
aucun fervice intérieur , & leur qualité de capitaines
ne leur donne aucun droit à obtenir une
compagnie.
Capitaines à la fuite de l’infanterie. Outre les
capitaines à la fuite des régiments , on trouve
encore des capitaines à la fuite de telle ou telle
arme : ces officiers font encore moins utiles
que les capitaines à la fuite d’un régiment. Ils.
prouvent très-clairement que le befoin d’argent
d’un côté , & l’ambition de l’autre , fçavent tirer
parti de tout.
Capitaines à la fuite des places. On trouve
dans quelques villes de guerre des capitaines k
la fuite de la place. Ces capitaines font allez généralement
d’anciens officiers réformés ou retirésJ
que les miniftres ont voulu favorifer ou fecourir ,
en leur affignant un logement dans telle ou telle ,
place. Ces deux dernières efpèçes de capitaines
ne font tenus à aucun fervice militaire, à moins
qu’on ne veuille compter comme fervice le droit
d’affifter à la- parade proche du lieutenant de
roi p ou de l’officier général qui lg commande*
S E C T I O N VI I .
Des lieutenants qui obtiennent la commiffion de
capitaine.
Un folaat qui, après être parvenu de grade en
grade jufqu’à la tête de fa compagnie , a obtenu
le brevet d’officier , & q u i, après avoir gagné en-
fuité la tête de la colonne des premiers lieutenants,
conferve cette place pendant trois ans , reçoit la
commiffion de capitaine ; mais il n’a ni les appointements
, ni les droits dont la commiffion fait jouir
les capitaines à qui leur naiffance a donné d’emblée
un brevet de fous-lieutenant : telle eft la loi. Nous
ne ferons aucune réflexion fur les motifs qui ont
déterminé à la promulguer ; mais les variations fréquentes
de notre législation fur cet objet femblent
nous autorifer à demander fi on ne de voit pas,
après” de mures réflexions , fixer d’une façon pofi-
tive & favorable le traitement que méritent les
officiers, connus fous le nom d’officiers de fortune.
( Voye{ A v anc em en t et O f f ic ie r s de fo r tu
n e . ).
Un lieutenant qui fait à la guerre une acHon
d’éclat, reçoit quelquefois peur récompenfe la com-
miffion de capitaine.- Celui qui obtient cette distinction
ne jouit pas, à la vérité, dèsTinftant pii
on la lui donne , des droits & des appointements
qui y font attachés î mais, dès que par fon ancienneté
il eft entré dans la colonne des capitaines,
il y prend le rang que fa commiffion lui donne.
Cette manière de récompenfer une aâion utile-
û la patrie nous paroît bien vue : elle ne coûte
rien a l’état ; elle eft. un aiguillon puiffant peur,
touts les officiers fubalternes', & ceux même qui
font retardés par cettè récompenfe , qu’obtient un
cle leurs camarades , ne peuvent fe plaindre avec
juftice du retard qu’ils éprouvent. Mon camarade ,
doivent-ils fe dire , a fervi plus utilement que
moi ; il doit me devancer. Il a montré plus d’intelligence
que moi ; il doit me commander ; &
ils ne peuvent s’en prendre qu’à la fortune qui
ne les a pas mis à portée de fe fignaler aufli. Mais
ils ne tiennent plus le même langage , quand ils
voient un de leurs camarades , qui n’eft entré au
fervice que long-temps après eux , les précéder, &.
les commander , parce que, dans une affaire générale
, il a été atteint par un boulet, ou par
line balle. Quoi ! difenf-ils , parce qu’il a été malheureux
, il doit prendre rang avant moi ? E t , qu’a- j
t-il fait pour me commander ? Quelle preuve d’in- [
telligence & de zèle a-t-il donné de plus que moi ? I
Jîfi combattu pendant toute la journée dont il |
n a vu que le commencement : j’ai fait toute la ]
campagne dont il n’a vu que les premiers jours : j
il eft recompenfé, & je fuis puni. Qu’on lui donne j
des marques d’honneur qui difent à toute la terre j
quil a perdu un bras au fervice de l’état: qu’on J
|ui donne une récompenfe pécuniaire qui le dé- I
dommage des maux qu’il a foufferts ; cela eft dans
l’ordre. Mais doit-on le récompenfer d’une manière
qui tourne à mon détriment ? Si dix de mes cadets
avoient reçu des bleffures .légères , j’aurois donc
perdu dix rangs ? Cette loi eft injufte. V. R écompenses.
Pendant que les aide-majors ont fubfifté , il
fuffifoit d’en avoir obtenu le titre, & d’en avoir
exerscé. les fondions pendant quelque temps, pour
avoir la commiffion de capitaine avant l’inftant où
l’ancienneté l’auroit donnée. Il étoit jufte , fans
doute, que les officiers qui avoient pris plus de
peiné que leurs camarades arrivafîent les premiers
au rang de capitaine j & la loi y avoit pourvu ,
en fixant qu’on auroit la commiffion après avoir
été aide-major pendant trois ans. Mais la faveur
fàifoit trop louvent taire cette loi fage. Les aides-
majors font fupprimés : ainfi cette manière de devenir
capitaine eft détruite : fi on croyoit jamais
néceffaire de recréer les aides-majors ; ce dont on
peut douter ; on devroit, ce me femble , imaginer
en même-temps une manière d’entretenir leur
émulation , fans éteindre néanmoins celle du refte
des officiers. Ce moyen feroit aifé à imaginer .
8c d’une exécution facile.
S E C T I O N V I I I.
Du capitaine-lieutenant.
Un capitaine-lieutenant eft un officier qui prend
les peines attachées au commandement d’une compagnie
, & qui eft chargé des foins qu’elle exige ,
tandis qu’un autre porte le nom de capitaine, jouit
des honneurs &. des prérogatives attribuées à ce
titre, & eft cependant difpenfé de remplir les
devoirs qu’il impofe.
On prendroit avec raifon une étrange idée d’une
conftitution militaire dans laquelle on compteroit
beaucoup de capitaines-lieutenants , fur-tout fi les
capitaines titulaires ne fe dévoient pas à des foins
beaucoup plus importants que ceux qu’impofe la
conduite d’une compagnie de gens de guerre. Mais
en France, où l’on ne trouve que dix capitaines-
lieutenants , où. les capitaines titulaires font le roi
la reine, & les frères de fa majefté , on ne mettra
jamais l’inftitution des capitaines-lieutenants au rang
des abus. 1 m fï ®
Le commandant des gendarmes, & celui des
chevaux-légérs de la garde du roi , n’ont que le
titre de capitaine -lieutenant ; le roi eft leur capitaine
titulaire,( Voye^G en d arm e s & C h e v a u x -
légers de la Garde du roi . ). Les commandants
des huit compagnies d’ordonnance de la
gendarmerie de France n’ont aufli que le titre de
capitaine-lieutenant ; le roi eft capitaine titulaire de
cinq de ces compagnies ; la reine , Monfieur , &
môufeigneur le comte d’Artois , portent le titre de
capitaines des trois autres. ( Voye^ G en d a rm e r ie
de F r a n c e . ). [ C \