
au-deffus des Oûiaques , des Samoïedefr, êc des 1
Lapons : ceux - ci ne connoiffent que l’arc & les
flèches ; peut-être parce que leur pauvreté, jointe
à la rigueur de leur climat , les met à l’abri de
la guerre. Ils n’ont befoin d’être armés que contre
les animaux, & c’eft de la néceffité que naît l’invention.
Ces peuples n’ont rien qui puiffe exciter
la cupidité des autres hommes ; ils n’ont ni la '
connoiffance des biens que ceux-ci pofsèdent, ni
la puiffanee de les leur enlever.
Les arcs des Lapons font faits de deux efpèces
de bois : l’un eft le bouleau, qui eft flexible ;
l ’autre, une efpèce de pin tortueux, dur & roide,
qui croît dans les terreins marécageux. Celui-ci
fait la partie antérieure ; l’autre la poftérieure. Elles
font jointes avec une colle fi forte que le ploye-
ment 6c le déployement de l’arc n’en défunit aucun
point. Elle a encore la propriété d’être indif-
foluble dans l’eau. Iis 1a préparent avec la peau
féchée du poiffon nommé perche, amollie dans
l’eau afin d’en ôter les écailles. Ils la font cuire pendant
une heure au fond d’un pot rempli d’eau
bouillante. Alors elle eft molle & gluante. Ils en
enduifent les deux pièces de l’arc, & les ferrent
avec un fort lien, jufqu’à ce que la colle foit entièrement
féche. Pour la garantir des injures de
l’air, des pluies & des neiges, ils le recouvrent
avec l’écorce de bouleau. Leurs flèches font armées
de pointes de fer ou d’os ; les unes font aigues,
pour les plus grands animaux, tels que les ours
Sc les renards ; les autres., obtufes, pour les plus
petits, comme les hermines & les écureuils. Quelques
uns, voifins de la Bothnie ou de la Norvège,
ont des piques & des fufils.
L e commerce des Iflandois avec leur ancienne
patrie leur a, depuis long-temps, fak quitter l’arc
pour le fufil- Us ont eu aufli la lance, & quelques-
uns peut-être en ont -encore. Il y a du moins peu
de temps qu’un vieillard de ce pays employoit
cette arme contre les ours : plus heureux que nous
du moins en ce point, qu’ils ne connoiffent pas
d ’autres ennemis«
A M E R I Q D E S E P T E N T R I O N A L E ,
Plus éloignés du continent de l’Europe , les
•Qroenlandois ont confervé l’arc, & ne remploient
' «ufli qu’à la chaffe^ Chez eux cette arme eft faite
d’obier ou de fapin , renforcé par une corde à
.boyau couchée le long du dos , en plufieurs rangs
ferrés les uns près des autres. Elle fe bande avec
une forte corde de peau de chien marin : fa longueur
eft de cinq à fix pieds. La flèche eft garnie
d’un fer ou d’un os qui a vers la pointe un ou
plufieurs crochets, afin qu’elle ne tombe pas, lorf-
q u ’elle a percé ranimai. Celle-ci eft employée à
tuer les rennes fauvages. Ils en ont une autre pour
les oifeaux : l ’extrémité en eft garnie de deux ou
trois os émouffés qui tuent l’oifeau fans le- percer.
Ils emploient une autre arme à la chaffe des oifeaux
oe tuer. C*efl un javelot garni d’un fer ou d’un os
pointu.
Les Efquimaux ont la fronde & l’arc : celui-cî
compofé de trois morceaux de bois,, garni avec
beaucoup d’art & de propreté. Ce bois eft du
fapin ou du mélèfe , renforcé avec une bande de
nerfs d’animaux. Ils les mettent foovent dans l’eau ,
afin que ces nerfs en fe retirant deviennent plus
élaftiques. Les flèches font armées de dents , de
corne , ou de tout autre os d’animaux marins.
Les Abénaquis, Hurons, Algonquins &. autres,
avoient autrefois l’arc & la flèche , le javelot
armé d’un pointe d’os , la hache , le macanas ou
caffetête, efpèce de petite maffue d’un bois très
dur , dont la tête étoit ronde d’un côté , anguleufe
& tranchante de l’autre. Lorfqu’ils dévoient attaquer
un retranchement , ils fe couvroient de
planches minces ou de nattes de jonc ; &. même
ils avoient des efpèces de cuiffarts 6c de braflarts
de même matière. Tout ceci difparoît peu-à-peu ,
à mefure que l’ufage du fufil fe répand dans ces
contrées.
On trouve en Californie l’arc & la flèche ; l’un
fait d’un bois fimple, long de fix à fept pieds , avec
une corde de fil d’herbes ; l’autre longue d’environ
quatre pieds &. demi, faite d’un petit rofeau , 6c
armée d’un os de poiffon très affilé.
Ces mêmes armes dta continent fe retrouvent
dans les îles fituées vers le midi. Les Caraïbes ou
habitans des Antilles ont l’arc & la flèche , la
maffue 6c le couteau. L’arc eft d’environ fix pieds
de long, droit & fans aucune courbure. Ses deux
extrémités font rondes, de neuf à dix lignes de
diamètre , avec deux crans qui retiennent la corde.
La 'groffeur du bois augmente depuis les extrémités
jufqu’au centre. Cette partie-ci eft arrondie extérieurement
, plate en-dedans , & peut avoir un
pouce & demi de diamètre. Le bois en eft roide ,
verd, compare , pefant. La corde eft toujours tendue
le long de l’arc. Elle eft de pïte ou de caratas ,
efpèces de plantes du pays. ( Voye^ Ditf. d’hiftoire
aat. || La flèche , longue d’environ trois pieds 6c
demi eft la tige du rofeau , qui fe prépare à fleurir.
La pointe eft de bois v erd , longue de fept à huit
pouces , 6c de même groffeur que le refeau à l’endroit
de leur jonéftion ; depuis lequel elle diminue
jufqu’à fon extrémité, qui eft fort aiguë. Elle eft
attachée très ferme à la tige avec du fil de coton.
On y fait de petits crans qui empêchent de la
retirer du corps qu’elle a pénétré, fi ce n’eft en
élargiffant beaucoup la plaie. Quoique le bois en
foit très dur, les Caraïbes le durciffent encore en
le mettant dans le* cendres chaudes. Le refte de
la tige eft laiffé dans fon état naturel : on y fait
feulement une petite hoche à l’extrémké qui touche
la corde. Il eft rare qu’on la garniffe de plumes ;
mais prefque toutes les pointes font empoilonnées
avec le fuc du tnancenilier. Les Caraïbes ont pour
la chaffe à l’oifeau des flèches dont la pointe eft
fans crenelure 6c fans poifon. Celles qui font def*
tinées pour les plus petits oifeaux, ont un bouton
au lieu de pointe , 6c tuent l’animal fans endommager
même les plumes. Ils en ont une autre espèce
pour le poiffon ; celle-ci eft de bois & à
longue pointe.
Ils font quelquefois à leurs flèches de guerre
deux entailles à l’endroit où la pointe eft entée
fur la tige. 'Alors, quand la pointe a frappé 6c
pénétré le corps, la tige fe rompt ; & celle-là,
reliant dans la plaie , eft plus difficile à retirer :
on eft fouvent obligé de lui chercher un paffage
en l’enfonçant vers la partie oppofée, au rifque
de n’en point trouver.
La maffue nommée bouton eft longue d’environ
trois pieds &. demi , taillée à faces plates &. à
vive arrête, d’un bois dur & pefant, groffe d’environ
deux pouces à la poignée , 6c de quatre ou
cinq à fon plus gros bout. Les £aces les plus
larges font ornées de différens traits colorés. Un
coup de bouton caffe un bras , une jambe, met
le crâne en pièces : les Caraïbes s’en fervent avec
beaucoup de force & d’adreffe. Ils apprennent
dès leur enfance à manier ces armes : les enfans
en ont que fon proportionne à leur taille 6c à
leur force.
Nous trouvons un grand progrès dans les armes
chez les Mexicains. Ils avoient avec Tare 6c la
maffue , la fronde , la zagaie ou lance , fépée ,
le poignard, la cuiraffe , 6c le bouclier. Leurs fol-
dats fe couvroient le corps & la tête de peaux
d’animaux, pour paroître plus terribles. Ils tenoient
encore à la barbarie par les couleurs dont ils fe
peignoient le corps 6c le vifage, 6c fur-tout par
cet affreux cordon de coeurs , de nez, d’oreilles
humaines qu’ils portoient en bandoulière 6c terminaient
par une tête entière. Les Tlafcalans dé-
fignoient deux de leurs flèches pour repréfenter
les deux fondateurs de leur ville. Ils en tiroient
une des deux : fi elle atteignoit un ennemi, c’étoit
un heureux augure ; 6c au contraire, quand elle
étoit vaine : mais, quel que fût le fuccès , l’honneur
vouloit qu’ils repriffent ce premier trait, 6>C
leurs efforts pour le recouvrer contribuoient
fouvent à la vi&oire.
. Le nombre des armes mexicaines étoit augmenté,
mais on ne les avoit pas encore perfeéfionnées.
La pointe de la flèche étoit un os ou une arrête de
poiffon ; la corde qui tendent làrc , un nerf d’animal
ou du poil de cerf filé. Quelques-uns portoient
une épée, ou large fabre d’un bois fort dur , qu’on
armoit de pierres tranchantes ; 6c , comme cette
épée étoit fort pefante , ils s’en fervoient à deux
mains. La zagaie leur fervoit comme pique 6c
comme javelot. Les plus robuftes portoient des
maffues pelantes dont l'extrémité étoit armée d’un
caillou.
■ Les armes défenfives étoient réfervées aux caciques
& aux officiers. La cuiraffe étoit de coton j
le bouclier de bois ou d’écaille de tortue, & garni
d o r , commç ceux des anciens, f étoient-de cuivre..
La plupart portoient fur la tête une couronne de
plumes très grandes qui ajoutoit à leur taille. Pourquoi
ce peuple naiffant n’a-t-il pas été trouvé d«
nos jours ? 11 fubfifteroit avec plus d’éclat.
Tandis que les Mexicains employoient ces armes
à foumettre les peuples voifins ; les Tlafcalans ,
les Chichiméques , 6c les Otomies. défendoient
avec elles leurs montagnes 6c leur, liberté.
A m é r i q u e m é r i d i o n a l e .
On trouve dans la Tierra ferme l’ufage de l’arc
& de la lance ; au Brefil l’arc, la flèche empennée,
de plumes, diverfement colorées, 6c la maffue armé&
de pierres ; au Paraguai , outre ces mêmes armes ,
une lance d’un bois très dur , long de quinze
palmes ou dix à douze pieds, 6c gros à proportion.
Elle eft armée d’une pointe de corne de cerf, avec
une languette crochue ou efpèce d’hameçon qui
l’empêche de fortir de la plaie. A fon extrémité
eft une corde qui fert à la retirer après le coup,
comme l’adide des Ofques , arme que Servius
croyoit être de l’antiquité la plus reculée. Lorfqufon
eft bleffé par cette lance , il faut ou fe laiffer
prendre , ou fe déchirer pour s’en délivrer. Les
habitans du Paraeuai ont un autre inftrument de
guerre, qui ne lert point à combattre , mais à
couper le cou du prifonnier qu’ils ont lait : c’eft
une mâchoire de poiffon dont les dents font en
forme de feie ; ils font ufage auiïi des chevaux
que je mets au rang des armes, 6c les manient
avec beaucoup d’adreffe 6c d’agilité : les Efpagnols
fe font repentis d’avoir multiplié ces animaux dans
tout le pays. Je ne fais que marquer les points principaux
où ces armes font en ufage : elles font à-peu-
près les mêmes dans toutes les peuplades de ce
vafte continent, 6c nous allons les retrouver aux
terres magellaniques avec quelques différences.
Je commencerai par les Patagons , peuple d’une
taille très élevée. Le capitaine Wallis a mefuré les
plus grands de ceux qifil ait vu. L'un avoit fix
pieds fept pouces anglois, ou fix pieds deux pouces
dix lignes 6c demie des nôtres. Mais le plus grande
nombre avoit environ de cinq pieds , à cinq
pieds huit pouces de roi. On ne fçait pas s’ils employaient
a la guerre les chiens & les chevaux
qu’ils ont en grand nombre. La feule arme qu’on-
leur ait vu eft une fronde d’efpèce fingulière qu’ils
portent à la ceinture. Ge font deux cailloux ronds ;
couverts de cuir, pefant chacun environ une livre ,
attachés aux deux bouts d’un boyau cordonné
d’environ huit pouces de long. Us s’en fervent en
tenant une des pierres dans la main , & faifànt
tourner l’autre autour de la tête-, jufqu’à ce qu’elle
ait acquis une force luffifante. Alors ils la lancent
contre l’objet qu’ils veulent atteindre. Iis manient
cette arme avec tant d’adreffe, qu’à la diftance de
quinze verges ou environ fept toiles des- nôtres,
ils peuvent frapper, dés deux pierres à la fois , u:i
but qui n’eft- pas plus grand qu’un fehelin..