
mettre le défordre, à s’approcher & s’éloigner avec 1
promptitude. Dans les pays qui produifent l’éléphant
& le chameau, ces deux efpèces furent conduites
au combat dans la même vue. Mais tout cet appareil
d’animaux , que l’on peut nommer oftenta-
tion plutôt qu’avantage , n^a exifté long-temps que
parmi les peuples d’A l i e , toujours peu habiles dans
l’art de la guerre. Les Grecs n’ont eu des chars que
lorfqu’ils combattoient en barbares. Ils n’en ayoient
pas aux temps de leur gloire, aux Thermopyles,
à Platée, & l’éléphant ne parut à la tête de leurs
troupes que lorfque leur fcience militaire étoit près
de s’évanouir. La manière d’employer le cheval
en le montant, étant la plus (impie, & cet animal
étant plus fournis à celui qui le dirige que l’éléphant
& le chameau , l’ulage de la cavalerie a prévalu
chez toutes les nations.
Il y a un autre animal que les hommes ont
conduit à la guerre, & dont ils ont dirigé l’eifet
comme celui d’une efpèce d'arme ; ce lont les
chiens. Ces fidèles compagnons de l’homme l’ont
fervi jufques dans les batailles. Dociles à la voix ,
capables de s’unir à lui par l’intelligence ; ardents
& courageux dans le danger, ils le partagent avec
lui, quand il le commande. Je parlerai ailleurs des
peuples qui en ont fait ufage.
A rmes Pyr o b a l l is tx q u e s . ( Voyei A r t il l
e r ie .) .
D E S A R M E S D É F E N S I V E S .
A R M E S ü ÉFENSIVES, MOBILES OU PO RTATIVES.
Tant jque les armes offenfives furent (impies, bornées
au bâton , au dard, à la flèche, on n’y oppofa
que des armes de même efpèce: les peuples non ci-
vilifés n’emploient aujourd’hui prefque aucune arme
défendve. Lorfque les premières furent perfectionnées
, &que la fcience de la mécanique leur eut
donné une force qu’elles n’avoient point encore ;
l ’homme inventa les moyens de le conferver,
après ceux de s’entredétruire. Les premiers rois
égyptiens , & les héros de la Grèce, fe couvrirent
de peaux d’animaux. Hercule porta la peau du
lion de Némée comme trophée & défenfe.
On en fit enfiiite le bouclier , afin d’éloigner davantage
les traits & les coups portés de près.
Bientôt la tête fut garantie par le cafque, le corps
par la cuiraffe , la jambe par les grèves ou bottines.
La matière de ces armes fut les peaux, le bois ,
les métaux, l’o r, l’argent, le-cuivre, & le fer. Elles
paflerent de l’Egypte & dé la Phénicie dans la
Grèce , avec touts les arts : .c’eft aufli de l’Egypte
que les Hébreux ont pu les emprunter. Moïfe dit
à Ilraël que le Seigneur Dieu eft le bouclier de fon
fecours & le glaive de fa gloire. Il eft parlé dans
Job de cuirafle • & de boucliers fondus. ( C. XLI,
v. 6 , 17. ). Goliath avçit le cafque, la cuirafle ,
cle bouclier, & les grèves. Sous le règne de Saul,
Naaisès,roi des Ammonites, ayantlubjugué une
partie des Juifs, leur fit crever l’oeil droit, pour
les rendre inutiles à la guerre ; parce que le bouclier
ôtoit l’ulage de l’oeil gauche. ( Jof. antiq. jud.
| /. V I , c. 5,).
A r m e s d é f e n s i v e s i m m o b i l e s .
Telles furent les défenfes imaginées contre les
petites armes mécaniques. On oppofa enfuite à
l’effet des plus grandes machines les retranchements
faits avec des arbres, des pieux, des terres remuées ,
des pierres, &. des murailles. ( Voye^ F o r t if ic a t
io n . ).
I n v en t io n d e la p o u d r e et ses e ffet s.
Ces armes, employées depuis les plus anciens
temps, furent èn ufage jufqu’à l’invention de la
poudre en Europe, ou plutôt de l'on application
à l’art de la gue re , &. le font ,encore chez plu-
fieurs peuples. On ignore les noms des hommes
qui les ont imaginées, &. des nations qui furent
les premières_à les employer. La plupart prétendirent
, par vanité, à l’honneur de l’invention dans
ce genre : mais il y en a fans doute plufieurs qui
peuvent le l’attribuer. L’elprit humain’ agit par-tout
à-peu-près de même manière, il fera parvenu aux
mêmes penfées en différents pays , long-temps
avant qu il y ait eu commerce entr’eux ; & ces
penfées, les,mêmes quant au fond, n’auront différé
que par les idées acceffoires. Un arc aura été
façonné dans un pays autrement que dans un autre ;
mais dans touts les deux ce fera un arc. Tout ce
que les anciens nous ont tranfmis à. ce fujet eft
incertain. Ils ne nous parlent que de temps très
éloignés de leur âge, & très poftérieurs à celui des
premières inventions. Les violences, les meurtres ,
les armes, les guerres , chez toutes les nations , font
fort antérieurs à l’écriture & aux écrivains. Prefque
toutes les origines de ce genre nous font inconnues
, même celles qui ,font près de notre temps.
Nous ignorons l’auteur de rinve-n.tion .de la poudre ,
dont l’application à l’art de la guerre. a opéré de
fi grands changements dans (’ordonnance des
J troupes, dans lèurs mouvements, dans leurs armes,
& dans la conftruétion des remparts. Cette inven-
| tion eft reftée long-temps obfcure, parce qu’on
! n’en faifoit aucun ufage. Lorfqu’elle eft devenue
remarquable & célèbre par fies effets ?, on a tenté
inutilement d’en trouver l’époque &. l’auteur. La
I plupart des écrivains l’ont attribuée au moine aile-
j mand Schwartz. Mais un autre moine anglois ,
nommé Roger Bacon, antérieur à Schwartz d’en-
YÎron cinquante ans, a publié à Oxford., au commen-
j cernent du treizième fiecle , un ouvrage dans lequel
j il parle de la poudre comme d’une •'compofition
j connue long-temps avant lu i, & qu’on pourroit
employer à la guerre. Il dit qu’on ne voit: ni éclair
; ni tonnerre , qui puiffent être comparés à l’effet de
1 la poudre, &. qu’il n’y- a ni ville ni armée qui
,pût en foutenir l’effet. ( V. opus magnum, p. 474 , |
/. 10. ). Roger Bacon étoit fçavant & de grand jugement.
Il pofa les principes de la philofopliie
moderne, développés depuis par le, chancelier
Bacon. On lit dans Ion ouvrage, {pag. 2., /i^. ia .) ;,
qu’il y a quatre grands obftaçles qui empêchent |
prefque touts les hommes de parvenir à la véritable
fcience; ce font l’autorité, l'habitude, l’opinion •
du vulgaire ignorant, & l’aâion de voiler fon J
ignorance fous l’apparence du fçavoir. Il fut per- J
fécuté &. mis en prilon par le-s -moines, qui fa i- ’
(oient partie du vulgaire ignorant dont il aivoit I
parlé. D’ailleurs il ne s’éleva point au-deffus. dés
connoiffances de fon temps. On ne trouveroit que
bien peu de chofes à recueillir dans fies ouvragés ,
dont M. Jebb a fait imprimer un volume in-folio.
Cet éditeur cite en fa préface un manufcrit de
Marcus Græcus , beaucoup plus ancien que Roger
Bacon. Ce manufcrit eft intitulé liber ignium , ’livré ■
des feux. Il dit que l’auteur y parle clairement de ,
la poudre, & en donne la compofition, fans en
nommer l'inventeur.
On connoît aufli la poudre à la Chine depuis
long-temps. Le père Gaubil allure que c’eft depuis
plus, de feize cents ans. On ne peut pas, douter
-du moins qu’ils n’en fiflent ufage à la, guerre , au
commencement du treizième, fièele. « Les Mongous
j fuivant l'auteur; chinois, traduit par le jé-
(uite , avoient des pao oju machines à feu au fiége
de Loyang, & les Kins qui défendoient la ville
en avoient aufli, avec lefquels ils jettoient des
pièces de fer en forme de ventoufe. Cette ven-
toule étoit remplie de poudre : quand, on y met-
toit le feu , cela faifoit un bruit femblable à celui
du tonnerre, & s’entendoit de cent lys. L’endroit
où elle tomboit 1e trouvoit brûlé j &. le feu s’éten-
doit à plus de deux mille pieds. Si ce feu atteignoit
les cuiraflès de fer ,i ils les perçoit de part en part.
Cette efpèce de feu ou d’artifice ne feroit-il point
femblable à ce que nous appelions poudre fulminante
?
Quand les Mongous fe furent logés au pied de
la muraille pour lapper, ils fe tenoient à couvért
dans des tanières creufées fous terre ; & , de deflùs
les murailles, on ne pouvoit leur nuire. Les aflié-
.gés;, pour les déloger, attachoient de ces ventoufes
,à des chaînes de te r , & les faifoient defcendre du
.haut des murailles. Quand elles parvenoient, ou
dans les fofles, ou dans les chambres fouterraines ,
elles prenoient feu par.une • mècher, >& défoloient
les affiégeants. Ces ventoufes d e fe r , & les -h allé-
bardes à poudre & volantes qu’on jettoit ; étoient
ce que les Mongous craignoient le plus » ?
De toutes nos armes pyrophorés, celle qui ref-
femble le plus à ce que le pere Gaubil nomme
ventoules, c’eft .la bombe : mais on ne peut pas
affurer. que c’étoit la même chôfe ; il paroît.,
par l’oblcure relation 'de l’hiftorien chinois, quil
ne fçavoit pas bien lui-même ce que c ’étoit. Il
nous laide ignorer aufli quelles étoient les machines
avec lefquelles on jettoit ces ventoufes*
Les Mongous & les,'Kins avoient des pao, ou
machines à la n c e rd e s dhe-pao, ou machines à
lanper des pierres , & des ho-paô , ou machines a
lancer du -feu ; -ce pouvoit être ïe mêyne pao qui
lançbit .du. feu & -‘.des pieirés.ull ialloit que- eès
machines ftiflent bien imparfaites i,: puifquei’empere
ur Houpilay -fit venir .d’o.ccident yen 12-71, pour
le fiége de Siangyang, deux machiniftes chrétiens ,
eu ,maEornétans qui fçarV-oient lancer des pierres
de cent cinquantecJivres par.le moyen d’un A i,
ou machine de bois à reffort. « Ils lancèrent leurs
grofees pierres "for un rètr-arichemènt 'de'bois qui
-étoit élevé fur les remparts. Les coups de pierres
■ abattirent ce retranchement ; le bruit & le fracas
répandirent la terreur dans Tefiprit des habitans ,
qui n’aboient jamais vu ni /entendu rien de pa-
=reil, j>. ;
‘ On itrouve enfiiite que ;Pé.yen , général-de l ’ëm-
pereur Houpilay, brûla les maifons de CHagyang
-.avec fes kin-ckï-pao, ou machines de métal fendu ;
qu’un officier y de Ma place nommé Pieu-ku , employa
des armes à feu en 1287, lorfqu Houpilay
marcha contre le prince Nayeir, qui a voit les départements
d’une partie de la Tartàrie orientale.;
les troupes de xelui-Gi, épouvantées par un coup
de.ho-pao, ou machine à lancer du feu, .prirent la
fuite. On voit encore de ■ ces ho-pao , dans un.e
Bataille livrée au général Hatan parTimour , fils
d’Houpilay.
Il réfulte de ces faits que les ventoufes à feu des
Chinois étoient, ou des .efpèces de bombes, qu
quelque feu d’artifice ; qu’ils les lançoient avec les
mêmes.paô, ou machines aveciefquelles ils! jettoient
des pierres ; qu’ils ne: connoifToient point le
canon à la fin du treizième fièele, & que leurs machinés;
ne lançoient que des mafles peu confidé-
rables, Ainli , quoique la poudre fut alors en
Europe une invention beaucoup plus moderne
qu’à la Chine , nous étions beaucoup plus avancés
que les Chinois dans ion application à l’art de la
guerre ; puifqu’un ancien regiftre de la chambre
des . ^comptes , de l’année 13 38, prouve que les
François faifoient ufage dès-lors de poudre’& de
canon. On y lit ces mots : « à Henri de Fauméchon
pour avoir poudres & autres chofes nèceffaires aux
canons, qui étoient devant Puy-Guillaume r>. Les
Anglois avoient du canon à la bataille de-Grécy en
-I346.y&-:an .fiiége de Romorantin en 1356. Froif-
fard^dit a fi imaginèrent; aucuns fübtiles hommes,
.que pour traire &. lancer on fe''travail!oit er.vain ,
& ordonnèrent.à porter canons en avant & à trair
en carreaux & à feu grégeois dans la baflè-cour ;
-fi que toute la baffe-cour fut embrafée ». ( Tom. 1.
pag. 86. ). Du Guefclin en avoit quelques-uns au
fiége de Meulan en 1363. L’ufage s’en répandit
promptement-dans toute l’Europe.
Les Mores afliégés par le roi de Caftille , A*l-
phonfe XI , en r.343, tirèrent des mortiers de 1er
i qui faifoient un bruit femblable au tonnerre. En