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Thalie a fait don des chants légers Ôc faciles, employez
à célébrer nos héros les fons connus dans
les camps & confacrés à la guerre ; que les généraux
ne foient pas les feuls objets de vos chants.
Jpignez-y touts les guerriers dont les hauts faits auront
acquis à la patrie de nouveaux triomphes.
Remontez jufqu’à ces preux dont nous faifons
gloire de defcendre , &. que vos accords transmettent
touts leurs exploits jufqu’aux derniers âges :
qu’ils effacent dans nos guerriers jufqu’au moindre
Souvenir de ces chants obfcènes qui fouillent leur
ame ôc rabaiflent leur courage ; qu’ils chantent avec
tranfport ôc ne chantent que vos hymnes , en
l ’honneur de nos demi-dieux militaires ; que nos
jeunes Soldats, après avoir dit la chahfon de du
Guefclin, celle de Bayard, de Henri, de Turenne,
de Condé, défirent connoître toutes les aâions ,
toutes les vertus de ces hommes Sublimes ; qu’un
vieux militaire leur en raconte l’hiftoire ; qu’ils en
écoutent les récits avec avidité, ôc qu’étonnés,
frappés, ravis de ces grands exemples, ils afpirent
à les égaler.
Vous pouvez célébrer auffi les charmes de la
viéfoire , & faire Sentir la honte qui fuit la défaite :
on aimeroit encore à trouver dans vos chanfons
l ’éloge de la fidélité, de la valeur , de la difcipline,
de l’obéiffance ', ôc de l’ordre ; l’image hideufe des
vices que le Soldat doit éviter ; l’image aimable ôc
touchante des vertus qu’il doit réunir.
Ainfi votre gloire s’accroîtra de. celle de vos
héros : vos noms voleront de bouche en bouche
avec ceux des guerriers que vous aurez célébrés ;
3 c vos v e rs , retenus par les nations , pafferont
à la poftérité, comme la chanfon du fameux Rolland.
Ainfi vous ferez de vos talents l’ufage immortel
qu’a fait des fiens le divin Homère, qu’ont fait des
leurs les poètes Scythes, les bardes, les fcaldes, les
troubadours, les trouvaires ; mais, ce qui eft le
comble de la gloire, vous mériterez à jamais la
reconnoiflance publique , en ce que vos chants
infpireront aux défenfeurs des générations futures '
un defir ardent de Se rendre dignes d’être chantés
par des poètes dignes d’eux. ( C . ).
C H A P E R O N . Efpèce de cafque des arbalétriers.
CHARG E . Attaque d’une troupe non défendue
par des retranchements. Voyer A t t a q u e .
C h ar ge . Air qui Sert de fign&l pour marcher à
la charge : les tambours le battent ôc les trompettes
le Sonnent.
CH A R . Voiture portant un combattant.
Les chars furent en ufage dès la plus haute antiquité
: les chefs & les principaux officiers com-
battoient bien plutôt Sur des chars que fur des
chevaux. Qui fut l’inventeur de cet ufage ? C ’eft
ce que Son antiquité couvre d’incertitude, Cicéron
dit que les Arçadiens l’attribuoient à Mijaerye : ;
( ce qui n’explique & n’apprend rien. ). Pline dit ;
que les Phrygiens l’inventèrent, ôc qu’Erichtonius
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les perfectionna. Ceux-là attelèrent Seulement deux
chevaux aux chars ; Erichtonius en mit quatre ; ÔG
c’eft auffi ce que dit Virgile :
P r im u s E r i c h t o n iu s cu r ru s , & q u a tu o r a u f u s ,
Ju n ge r e e q u o s , r a p i d is q u e r ô t is infifte r e v ic to r .
Dans Homère, les dieux & les héros ne combattent
que Sur des chars. Non-feulement ce poëté ,
mais encore touts ceux de l’antiquité nous représentent
le dieu de la guerre monté Sur un char :
dans Virgile , les cydopes forgent pour ce dieu
un char Ôc des armes.
P a r t e a l ia M a r t i , cur rum que r o ta fq u e v o lu c r e s
In j la b a n t , q u ib u s i l l e v i r o s , q u ïb u s e x c i t â t u r b e s ,
Homère parle auffi du char de Junon conduit
par Sa fille Hébé. Virgile dit qu’elle le dépofoit à
Cartage par amour pour cette ville.
H i c i l l i u s a rm a ,
H i c cu r ru s f u i t .
C ’eft pourquoi cette, déefle vouloit que les autres
* dieux partageaffent Son affe&ion pour cette ville ,
a laquelle elle defiroit donner l’empire du monde.
P a n i t e a t q u o d mon f o v i C a r th a g in is a r c e s ,
C um mea f in t i l l o cu r ru s & a rm a lo e o .
. Les poëtes nous repréfentent Neptune même fur.
un char.
Colloque invectus aperto
F l e c t i t e q u o s e u n u q u e v o la n s d u t lo r a f e c u n d o •
Ils en donnent à touts les dieux ; à ceux mêmg
qui n’avoient pas le caraâère ou les moeurs guer*
rieres; à Prothée, aux déeffes, à Vénus, Min
erv e, Cibèle;
Q u a l i s B e r e c y n th ia m a te r
J n v eh itu r c u r r u , P h r y g ia s tu r r ita p e r u rb e s .
En effet, les prêtres de cette déefle portoienf
ainfi Son image dans les Villes de Phrygie.
Les dieux guerriers étoient toujours fur des
çhars ; on voit Bacchus , dans Son expédition des
Indes, porté Sur un char traîné par des lions , des
tigres , ou des lynx,
Les héros ôc les chefs des troupes combattaient
toujours fur des chars : touts les poëtes Sont d’ac-
çoYd en ce point avec Homère. Virgile dit en
parlant d’Achille :
N om q u e v id e b a t u t i b a lla n t e s P e rg am a c ir cum
H a c fu g e r e n t G r a i 'i , p r em e r é t t r o ja n a ju v e n tu s
Hetc P n r y g e s , in fta r e t cu r ru c r if la tu s A e k i l l e s ,
Il en donne auffi à Haléfus, fils naturel d’Aga-
memnon ; qui, après l’affaffinat de ce prince , s’étant
réfugié en Italie, amena un gros corps de troupes à Turnus :
H in c A g am em n o n iiis T r o ja n i n om in is h o f i i s ,
J u n g it H a lé fu s e q u o s cu r ru , Tu rq o'que fe r o c e e
M i l l e r a p i t p o p u lo s %
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!H dit encore, Sur la mort d’Hypolite, que ce
prince , renverfé de Son char , fût traîne par Ses
chevaux effrayés à la vue d’un monftre marin ; que
c’étoit depuis ce malheur que les chevaux n’appro-
choient plus du temple de Diane, parce que la
déefle aimoit le jeune Ôc chafte Hypolite , uniquement
occupé d’armes, de chevaux, de chars, ôc
de chaffe. v
U n d e e t iam T r iv ia t em p lo , lu c i fq u e f a c r a t i s ,
C o rn ip ed e s a r cen tu r e q u i , q u o d l i to r e currum
E t ju v e n cm m o n fir is p a v id k e ffu d t r e m a r ia is .
L’antiquité des chars eft bien marquée dans l’écriture
Sainte. On y v o it , au paffage de la mer
rouge par les Ifraëlites , que les Egyptiens en fai-
Soient ufage dès-lors.
Les rois & les généraux avoient Souvent à la guerre
deux chars, dont un de rechange les Suivoit pour
le befoin. On voit auffi dans l’écriture que Jofias *
bleffé à mort, Se fait mettre Sur un autre char qu’on
menoit toujours à la Suite des rois, lbique vulneratus
à fagittariis, dixit pueris fu is , educite me preelio ,*
quia oppidb vulneratus fum : qui tranjlulerunt eum
de curru in alterum currum, qui fequebatur eum more
regio.
Quelques guerriers ont orné leurs chars d’une
manière 'horrible : ils y attachoient les têtes Sanglantes
des ennemis qu’ils avoient tués. Dans l’E néide
, Turnus attacha ainfi celles de.s deux frères
Amycus ôc Diorès :
C u r ru q u e a b fc if fa duorum.
S u fp e n d i t câ p ita , & r o r a n t ia fa n g u in e p o r tâ t .
Le char tiré par deux chevaux "était appellé biga :
Virgile montre Turnus monté Sur un char attelé
de deux chevaux blancs, ôc tenant deux javelots:
B i g i s i t T u rn u s in a lb i s ,
B in a m anu la t e cr i f pans h a f t i lia fe r r o .
On Se Servit d’abord de ces chars à deux chevaux
dans les courfes du cirque ; enfuite on leur fubf-
titua ceux à trois ; ôc enfin , on. leur préféra ceux
à quatre que l’on regarda comme les plus.utiles dans
les combats.
Les poëtes plaçoient la lune dans un char à
deux chevaux, ôc lé Soleil dans un char à quatre :
E t n o x a tra p o lu m b ig is fu b v e c la ten eb a t.
Ils repréfentoient de même l’aurore dans un
char à deux chevaux couleur de rofe.
A u r o r a in r o f e i s fu lg e b a t lu t e a b ig i s .
Le char attelé de trois chevaux êtoit appellé triga.
Il fut peu en ufage, Sur-tout à la guerre.
Le char attelé de quatre chevaux, ÔC appellé
quadriga, fut employé dans les combats Ôc enfuite
dans les jeux. Ces chars eurent d’abord deux timons
auxquels etoient couplés les chevaux ; ceux
de la droite a lun ôc ceux de la gauche à l’autre,
Sur une Seule ôc meme ligne, Cîyûhènes de Sicyone
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fut le premier qui montra un char à quatre chevaux
, ôc à un feul timon auquel étoient attachés
les deux' chevaux du centre, Ôc les deux autres
Seulement à des traits ; tels Sont les chars que l’o»
voit fur les monumens antiques ôc fur les médailles.
( On lit dans Xénophon qu’Abradate, ayant
embraffé le parti de C y ru s , lui amena cent chariots
armés de faulx , qu’il s’en fit faire un à quatre
timons ôc à huit chevaux ; ôc que C y ru s , voyant
ce char, en fit conftruire à huit timons , ôc y
fit atteller huit couples de boeufs. Ces chars por- ■
toient desefpècès de tours contenant vingt hommes
armés. ( Cy ro p a td . L. V I . p. 156.). Cette machine
a-t-elle été imaginée par Cyrus ou par Xénophon ? ).
Paffons à la defeription des chars armés de faulx ,
ôc voyons d’abord ce que Vegèce en a rapporté.
« Antiochus ôc Mitridate, dit-îl, avoient à la
guerre des chars armés de faulx , tirés par quatre
chevaux. Ces machines, lorsqu’elles parurent pour
la première fois , effrayèrent beaucoup, mais on
ne tarda point à les méprifer. Il n’eft pas"facile de
trouver un terrein uni Ôc découvert pour en faire
ufage. Les moindres obftacles qu’elles rencontrent
en empêchent l’effet ; ou bien un Seul des chevaux
tué ou bleffé, l’arrête abfolument, ôc la rend bientôt
la proie de l’ennemi w.
» Les Romains trouvèrent les premiers contre
les chars un moyen de défenfe qui en fit bientôt
abolir l’ufage : au moment du combat, ils femoient
des chauffe-trapes Sur le champ de bataille : lorfque
les chariots s’y précipitoient, ils étoient bientôt
détruits ».
Xénophon dit que Cyrus fut le premier qui Se
Servit de chars armés de faulx.
Quinte-CurSe exprime affez bien leur forme
ôc leurs effets, en parlant de ceux des Perfes
contre Alexandre. Ces chariots placés fur le front
partaient à un Signal donné ; ceux qui les condui-
Soient lâchoient les rênes fur le col des chevaux „
Ôc les preffoient de manière que les c h a r s , entraînés
avec une extrême impétuofité , renverfoient tout
ce qu’ils rencontroient ; ils avoient une hafte en
avant du timon, ôc de chaque côté une faulx.
I p f é a n te f e f a l c a t o s c u r r u s h a b e b a t ; q u â , jig n &
d a t o u n i v e r f o s in h o flem e f fu d it . R u e b a n t l a x a t i s
h a b e n is A u r ig x q u b p lu r e s n o n d um f a f i s p r o v if .&
im p e tu o b te r er en t. A l i o s ergoh a fte e m u ltum u l t r a tem a -
n em em in e n te s ± a l io s a b u tr o q u e la te r e d em ijfoe f a l c e s
l a c e r a v é r é .
Le même auteur entre ailleurs dans un plus grand
détail; il dit que l’extrémité du timon portoit une pique
qui dépaffoit les chevaux; que chaque côté dû
joug étoit armé de trois épées ; que plufieurs javelots-
failloient en avant entre les rayons des roues; enfin
que les effieux étoient armés de faulx , dont les unes
horiSontales, ôc les autres verticales,.ôc tournées vers
la terre, coupaient tout ce qu’elles rencontroient z
ingens, ut crediderat, ténor hoflium ducents, falcatos.
quadriges 3 unicum illarum gentium auxilium, feauts
funt, ex fummo temone hajbsprcefixx ferro emmebam,