
fes trois lignés en coins., entre lefquelles il inféra
les vélites : triplicem aciem cuneis injlruxit > inter
quos fubinde velites etnijït. Ceci ne repréfente que
Informe naturelle de la première ordonnance romaine
, qu’on employait toujours contre la phalange.
Le traducteur d’Æ lien, qui s’eft fait de ce
paüage une autorité , ne pouvoit fournir de plus
fortes armes contre lui, 11 en eft de même de plu-
fieurs autres.
Dans la guerre contre Civilis , lès vieilles cohortes
Bataves, qui avoient abandonné le parti des
Romains, marchoient dans le deffein de repaffer
le Rhin auprès de Bonn. Gallus, qui commândoit
un camp dans cette partie, fit fortir trois mille légionnaires
avec plufieurs cohortes auxiliaires des
Belges, pour leur couper le chemin. Les Bataves,
formés à la difcipline romaine fe difposèrent en
coin , renversèrent la légion & fe firent jour à
travers les Belges/ La manière dont Tacite s’exprime
ne veut pas dire que les coins étoient triangulaires.
In cuneis congregantur, denji undique,
6* frontem tergaque ac latus tuti. Cela lignifie allez
clairemeht qu’ils étoient épais & ierrés par-tout,
. que le front, la queue & les côtés étoient également
forts. On voit ici toutes les propriétés du
quarté , & point du tout celles du triangle. Celui-
ci en fe préfentant par la pointe , n’a pas de front
& n’eft pas également épais par-tout.
Dans l ’occafion ou les trois cents Fabiens environnés
d’ennemis formèrent le coin pour gagner
une hauteur , dans’"'celle ou fix certts Romains
eurent l ’audace, après la bataille de Cannes,, de
lortir en coin du petit camp ppur fe rejoindre à
ceux qui étoient dans le grand, dans celle où une
partie des légionnaires inveftis par les Sicam-
bres , regagnèrent de même le camp de Cicéron
; on ne peut entendre qu’une maffe d’hommes
réunis &, ferrés» Rien n’y défigne une figure triangulaire
plutôt qu’une autre. Sur quoi peut - on fe
fonder pour l’imaginer ? Sur ce qu’ont dit Ælien
& Végèce ? Mais Ælien n’étoit point un homme
de guerre , & a pu prendre des manoeuvres de
pure théorie , dont les Grecs ne manquoient point
dans leurs écoles pour les évolutions pratiquées a
la guerre. V ég è c e , qui n’avoit pas plus d’expérience
, y a cru de même , ou l’a peut-être copie.
Si Xénophon , Cæfar, Frontin même , euffent fait
la defeription du coin dans quelque pecafion de
guerre, on ne pourroit plus en douter.
Je conviens que l’armée navale des Romains a
Ecnome fôrmoit un triangle , à la pointe duquel
étoient les deux amiraux. Mais la tactique élémentaire
de mer eft bien différente de celle de terre :
les vaiffeaux n’ont pas befoin de former des rangs
&. des files égales pour s’unir & fe donner de la
force. L’objet des généraux étoit d’attaquer le
centre des Carthaginois; & , fi ceux-ci fe fuffent
repliés fur les deux côtés du triangle , les vaiffeaux
qui faifoient front en dehors s’y feroient oppofés ,
tandis que les deux ailes qui débordoient les euffent
enveloppés ; de forte qu’ils fe feroient trouvés
entre deux lignes de vaiffeaux romains. MaisPo-
lybe dit que cet ordre reffembloit à un véritable
embolon : donc Vembolon étoit toujours triangulaire :
fauffe concluflon. Le mot ernbolos comme celui de
cuneus s’appliquoit indifféremment à toute ordonnance
qui paroiffoit avoir beaucoup de profondeur,
& dé.fignoit plutôt cette propriété qu’une figure
triangulaire où quarrée.
L’ordre en coin que prirent les Francs à la bataille
de Cafilin eft parfaitement exprimé ; on ne.
peut y méconnoître le triangle. Mais il faut ob-
lerver que c’étoit une armée entière qui avoit pris
cette difpofition, plus défenfive qu’offenfive. Quoi-
qu’Agathias dife qu’elle reffembloit au A des Grecs,
& que la partie antérieure finiffoit en pointe , il y
a lieu de croire qu’elle étoit tronquée. Les deux
ailes femblables au^ . jambes s’étendoient au loin
& s’éloignoient l’une de l’autre , de manière que
le milieu étoit vuide & que les rangs s’y tournoient
le dos ; Keù Tôt vaiïci yvy.vtt Tav kvopcov
yoiyjiS'QV S'tu.q&ive'àa.i»
Cela prouve que l’ordre étoit défenfif & n’étoit
pas précifémentdeftiné pour marcher en avant. Les
Francs ne fe fervoieat alors que d’infanterie : or ,
cette difpofition n’avoit d’autre objet que d’éviter
d’être pris par derrière & enveloppés par la cavalerie
romaine. Cependant , ils furent défaits.
Narsèslesfit attaquer de front par fon infanterie ,
tandis que la cavalerie- vint fondre de droite &.
de gauche fur les ailes, & tourna même fur les
derrières. Elles les accabla de traits &. de flèches ,
fans qu’ils puffent y répondre» parce qu’ils n’étoient
encore armés que de larges épées & de} leurs fran-
cifquès. On ne voit pas qu’ils ayent cherché à
mettre en ufage l’avantage qui peutfe trouver dans
l’ordre en coin , de pouffer en avant & d’enfoncer.
Loin de l.à, ce fut l’infanterie romaine qui les attaqua
, & ils s’ôtèrent par leur difpofition le moyen
de faire agir cette impéluofité qui leur étoit naturelle.
Cet événement ne favorife en rien l’opinion
des partifans du coin : au contraire , on voit ici
que l’armée. des Francs prit un ordre de bataille
aufli mauvais que fi elle fe fut mife en rond.
Si jamais on a formé un coin, il a dû être of-
fenfif : tel fut fans doute l’ordre que prirent les
Limigantes fous l’empereur Conftantin; ordre dé-
figné par le nom de caput porei, tête de porc ; mais
il ne faut pas douter que le front n’eût une certaine
étendue. Ce corps devoit être formé de plufieurs
lignes les unes derrière les autres ; de ma-,
nière que la fécondé débordoit la première , la
troifième la fécondé , & ainfi du refte.
Ceci n’a plus l’inconyénient d’un coin, où les
files & les rangs font en écharpes comme dans la
phalange repliée; les files & les rangs font ici parallèles
; le front eft à foutenir par toute la hauteur,
& les côtés fe défendent par les angles rentrants;
ç’eft la feule façon raifonn^ble de former cet ordre
& qui peut s’exécuter avec la plus grande facilité,
même en marchant.
Il me paroît que les raifons alléguées par ces
deux adverfaires- ne prouvent pas entièrement
l’opinion que chacun d’eux avoit embraffée.
Lorfque T ite -L iv e nomme cuneus là phalange
grecque , il eft évident que l’idée qu’il attachoit à
ce mot n’étoit pas celle d’un ordre triangulaire f
mais , lorfque Je même auteur dit que le conful
Flaminius forma trois lignes en coins, tripliçem aciem
cuneis injlruxit, entend ici une difpofition qui
différoit en quelque chofe de l’ordre accoutumé.
Si elle eut été-, celle qu’on prenoit toujours, il ne
l’auroit pas diftinguée par un terme particulier; ainfi
le mot cuneus exprimoit une autre idée que celle de
cohorte ou de manipule. On voit d’ailleurs dans
touts les auteurs grecs & latins que Xembolon ou le
cuneus étoit toujours deftiné à percer en un point
une ligne ennemie. Je crois donc que cette'exprefl-
fion étoit générale , & ne fignifiok pas une ordonnance
particulière , mais toute ordonnance fur un
petit front & fur une profondeur plus grande que
l ’ordinaire , deftinée à enfoncer l’ennemi dans un
point de fa ligne. Quant à la forme triangulaire , je
ne, doute pas qu’elle n’ait été en ufage pour la cavalerie
, & je ne vois aucune impoflibilité à ce
qu’elle ait été employée quelquefois par l’infanterie.
Pourquoi n’auroit-on point formé deux obliques
pour percer une ligne, & prendre en flanc à
l ’inftant même les deux parties féparées ? Pourquoi,
dans cet ordre, n’auroit-on pas chargé de
front une aile ennemie, avec une troupe d’élite
formant une aile du triangle tandis que l'autre
aile, beaucoup plus allongée fe feroit refufée à
l’ennemi ? Il eft impoflible , d k - o n , de marcher
dans cet ordre. Non , il ne l’r o p a s , fi on fetranf-
porte dans les anciens temps. Les Grecs & les
Romains marchoient à rangs & files très peu ferrés,
& ce n’étoit qu’à une fort petite diftance qu’ils le
condenfoient pour charger. Je n’embraffe donc ex-
clufivement aucune des opinions qui ont été fou-
tenues- à l’égard du coin , & je crois qu’ici comme
fouvent ailleurs, la vérité eft reliée au milieu de
l’arène.
On peut voir dans le tom. X X V des mémoires
de l’academie des belles-lettres , un très bon & très
fçavant mémoire' de M. de Sigrais , dans lequel il
combat avec., beaucoup d’avantage l’opinion du
chevalier Folard fur le coin 3 & , en rendant à cet
âm e * célébré toute la juftice qui lui eft due ,
relève quelques-unes de fes erreurs.
COLADE . Coup que celui-qui recevoit chevalier.
un ccuyer lui donnoit fur la joue avec la paume
de la main : c’etoit quelquefois trois coups-du plat
de l’épée nue, donnés fur l’épaule ou far le cou
du candidat.
Il feroit difficile aujourd’hui de pénétrer le fens
de cette cérémonie, & même il paroîf qu’on n?en
avoit pas une idée bien nette en des temps beaucoup
plus anciens*. On lit dans l'ordre de chevalerie,
p. J 2, u Le chevalier doit baifer l’écuyer & lui donner
une paumée , afin qu’il foit fouvenant de ce qu’il
promet, & de la grande charge à quoi il eft obligé,
&. du grand honneur qu’il reçoit & prend par
l’ordre de chevalerie ». Mais il eft dit feulement
dans l’Ordène de chevalerie par Hue de' Tabarie
que li colée 3 comme l’appelle cet auteur, a pour
objet de faire fouvenir l’écuyer de celui qui l’a
fait chevalier.
Chou eft li remembranche
De cHelui qui l’a adoubé,
A chevalier & ordené.
# Quelques auteurs écrivent accolade & accolée j
dérivant ce mot du baifer que l’écuyer recevoit :
d’autres penfent avec plus de vraisemblance qu’il
vient du coup que le chevalier lui donnoit fur le
col & fur la joue. On nommoit anciennement colée
un coup , un foufflet colaphus. Pour dire que Dieu
frappe fouvent de grands coups, Guyot de Provins a écrit,:
Moult done dîex hères' colées.
.
C ’eft encore un terme populaire dans quelques-'
unes de nos provinces, pour fignifier une fuite de
coups.. Lorfqu’une perfonne du peuple veut faire
entendre qu’un homme en a battu un autre, elle
dit qu’il lui a donné une fière colée.
COLONEL. Commandant breveté d’un ou de
plufieurs régiments.
Ce qui concerne les devoirs de cet emploi i
les talents , les connoiffances., & les qualités
neceffaires pour le remplir dignement, eft renvoyé
aux.articles c om m a n d a n t e mestre-de-c amp .
Celui-ci ne renferme que ce qui concerne les
colonels généraux.
C olonel - général de l’infanterie françoife/
Ce titre ne fut en ufage dans nos troupes que fous
le règne de François Ie*. Je dis dans nos troupes ,
parce que Brantôme rapporte que Louis XII donna
à M. de Fontrailles l’état de 'colonel - général des
Albanois qu’il avoit à fon fervice..
François •Ier emploie plufieurs fois .ce titre, dans
fon ordonnance de 1 5 3 4 , concernant les légions :
il y ordonne qu’un des fix capitaines de la légion .»
ou tel autre qu’il lui plaira choifir , portera le
titre de colonel-général ; mais il n’en inftitua la charge
que plufieurs années après..
Après celle de maréchal de France & de corn-
‘ mandant général ,. cette charge étoit la plus belle
qui fût dans les troupes françoifes,:. le colonel-général
commândoit toute l’infanterie ; & fous le règne
de François Ier. elle devint beaucoup plus nom-
breufe quelle navoit été fous les trois précédens».
Ses. droits & prérogatives, furent- dès-lors très»
étendus, & le devinrent encore plus fous le. règne
de Henri I îî. °
On ignore l’année dans laquelle François I**'
inftitua la charge de- colonel.-général ,. & quand!
M. de T a ix , qui en fut décoré le grei/ûer * e®
prit poffeifion,.