
Les armes de la nation changèrent avec fon génie.
L e pilum fut abandonné : cette arme terrible, en
des mains robuftes , n’étoit plus qu’un poids accablant.
L’épée en s’alongeant devint plus foîfile ;
la tiare fuccéda'au cafque, les archers 8c les frondeurs
firent la moitié des armées , & l’ufage mêijie des
aimes défenfives s’anéantit prefque entièrement.
(Plin. Z. X X X I 11, C. 5 4. Treb. Poil. Ç. 17. Si. Hiero-
nyiji. epitaph. Nepot. Vegec. Z. 111, C. 1 4 , / , 2p.).
A r m e s d é f e n s i v e s .
Les armes défenfives des Romains étoient le
cafque , la cuiraffe , le bouclier, 8c les bottines*
> Sous Servius Tullius , le cafque fut de cuivre.
Camille en donna de fer poli à la plupart de
les foldats , afin que l’épée des Gaulois qui étoit
leur arme principale, s’y brilat plus facilement,
ou 13e -portât que de vains coups. ( Liv. Z. 1 ,
C. 43. Dionyf. L. IV , p. 221. Plutarch.p. 150, £).).
(d e R. 3Z3.). Comme le cafque de cuivre poii-..
voit avoir à-peu-près le même avantage , cette
raifon, alléguée par Plutarque, femble indiquer
qu’alors touts les cafques n’étoient pas de métal,
de qu’il y en avoit de cuir ou de peaux, rendus
plus folides par des lames de fe r , tels que parodient
être la plupart de ceux qu’on voit fur la
colonne trajane & fur l’arc de Septime Sévère.
( Juft. Lipf de mil. rom. L. 111, dial. V , p. 123.
Column. traj. tab. 13 , 1 4 , 20 , 36 6cc. ). Ils
prennent environ à deux- doigts au-deffus des
iburcils, d’où ils vont embraffer, par derrière ,
la forme de la tête , 8c fe terminent par un appendice
qui couvre le cou d’une oreille à l’autre,
&. fert à garantir & des coups & de la pluie. Un
bord de métal ou d’autre matière , faillant en
quart de rond, entoure le bord antérieur , d’un
côté de l’appendice à l’autre. Cette partie paroît
avoir été deftinée à fortifier le cafque , à garantir
du foleil les y eu x , 8c à conduire l’eau de la pluie
fur l’appendice. Une bande embraffe le bonnet depuis
lé front jufqu’à l’appendice ; une fécondé
bande croife la première à angles droits d’un côté
à l’autre : à leur interfeéHon , fur le- fommet du
cafque, s’élève un bouton ou un anneau, qui pouvpit
fervir à le fufpendre. Aux deux extrémités par lef-
quelles la plaque antérieure touche a l’appëndice ,
on voit deux larges bandes ou courroies qui protègent
les tempes, couvrent par une portion taillante
ôl angulaire une partie de la jou é, 8c viennent
en diminuant de largeur s’attacher fous le menton.:
on les nommoit buccultz. D ’autres cafques, d’une
forme toute femblable,, ne font pas renforcés par
les deux bandes qui fe croilent : ceux-ci étoient
peut-être de métal. ( Column. traj. tab. 60, 61 ,
62, 63 , n i , 1 1 2 , 8cc. ). Oh en voit un , pl. 61 ,
qui eft en forme de mitre. Les uns 8c les autres
n’ont ni aigrette ni panache. Cependant ils
en avoient au temps de Polybe, & le cafque
étoit de cuivre. (Z . V I 3 C. 2 1 ,) . II. étoit orné
d’une couronne de plumes, 6c de trois plumes'
rouges ou noires, hautes d’une coudée ; ( 1 p. 2 p.
11,5 1 . ) ; qui , s’élevant perpendiculairement,
faifoient paroître le foldat plus grand ôt plus terrible.
Cette aigrette avoit un fupport appellé apex
ou çonus, qui, s’étendant de l’avant à l’arrière
du cafque, avoit à fa partie antérieure environ
quatre doigts defiaut, ÔC alloit en diminuant jufques
vers l’appendice.
Çet ornement n’étoit point encore en ufage
dans les troupes romaines fous la diélature' de
Lucius Papirius Curlor, 6c à cette époque, dit
Tije-Live, ce fut une nouveauté parmi les Sam-
nites, ( Z. I X , C. 40, de R. 443, ). Les Romains
nen furent point furpris : leurs chefs les en avoient
prévenus. « Le foldat, leur dirent-ils , doit paroître
horrible , 6c non pas orné d’or 6c d’argent : il ne
doit avoir d’autres appuis que le fer 6c fon courage.
Ces ornements font plutôt une proie que
des armes : ils brillent avant l’aétion, 6c deviennent
difformes par le fang 8c les bleflùres. La valeur
eft l’ornement du foldat : toute cette pompe fuit
la victoire, 6c l’ennemi opulent eft le prix du
vainqueur pauvre ». Un autre Papirius , fils du
précédent, ayant à combattre, dix-fëptans après,
une autre armée de Samnites, difoit à fes foldats ,
que les panaches ne faifoient point de bleflùres.
L Liv. X , L . 49, de R. 460. ). Dans ces deux oc-
cafions l’évènement juftifia le précepte : l’armée
ornée ôç brillante fut une proie pour fes ennemis.
Végèce dit que prefquè jufqu’à fon temps les
foldats faifoient ufage d’un bonnet de peau nommé
pannpnien , afin qu’étant accoutumés à porter
toujours quelque chofe fur la tête, le poids du
cafque ne leur parût point incommode dans le
combat. ( Z. I , Ç. 20. ). Mais, comme à fon ordinaire
, il ne défigne aucun temps précis, on
ne connoit point celui dont il parle, 6c fur touts
•les monuments on voit les foldats tête nue ,
foit dans les marches , foit dans les travaux. Ait
temps de l’empereur Julien, quelques-uns por-
toient un bonnet de laine , fous le cafque dé
cuir ou de fer, afin que le métal ne leur blefsat
pas la tête. ( Ammian. L. X IX , C. 2 » 4e J. C.
iWL
és premières cuiraffes de^ Romains furent
faites avec des courroies, 6f prirent de-là le nom
de loricce. Servius y fubftitua celles de métal,
mais il n’en donna qu’aux foldats tirés de fa première
claffe. ( Liv .L . 1. C. 43. Dionyf. L. IV,
p. 2 2 1.)
Du temps de Polybe la plupart des foldats pon-
toient' fur la poitrihe une plaque dè cuivre d’un
fpithame en carré, ( 8 p. 2 1. ) qu?ils nommoient
peSloral : mais ceux qui poffédoient huit mille
dragmes'( 825 o ï.) avoient, au lieu de peâoral,
une cuiraffe de mailles ( Polyb. L VI\ c. 21 de R.
S U . H , m
On voit fur la colonne trajane deux efpèces de
cuiraffes.- ( Tab, | , 1 1 , &c.) L’une e,ft compofée
d’un
d’un corfelet de deux pièces, attachées enfemble
avec une, deux, ou trois agraffes. Six ou fèpt
bandes entourent le corps depuis la poitrine jufques
fur la hanche , 6c s’agraffent par leurs extrémités
devant ou derrière : un foldat de la planche 5 en
a jufqu’à neuf, dont les trois inférieures paroiffent
garnies de plaques. Ce nombre devoit être proportionné
à la hauteur de l’homme 6c à la largeur
des bandes. Quatre bandes pareilles couvrent
chaque épaule , 6c viennent s’attacher par-devant
6c par-derrière à la bande fupérieure , c’eft-à-dire ,
à la première de celles qui entourent le corps.
Entre les deux inférieures, ©u entre la fécondé ou
3a troifième de celles - ci fortent trois ou quatre
autres bandes, longues d’environ fix à fept pouces,
cjui tombent fur le bas-ventre , 8c paroiffent garnies
de têtès de clous. Si ces bandes étoient de cuir,
cette elpèce de cuiraffe pourroit être l’ancienne
lorica.
Le même monument en préfente une autre qui
prend exa&ement la forme du corps. Celle-ci def-
cend jufqu’au haut des cuiffes , un peu moins bas ,
le plus fouvent, que la tunique courte , 8c fe termine
en feftons. Elle a des manches plus courtes
que celles de la tunique , 6c dont les extrémités
font découpées auflï en feftons. Celle - ci paroît
avoir été plus propre aux armés à la légère, 6c
celles de l’empereur 6c des principaux officiers
çaroiffent être de la même matière. Ces dernières
font un corfelet qui va jufqu’à la ceinture. De-là,
tout-au-tour du corps, pend un double rang de
bandes qui portent un ornement à leur extrémité.
Le plus long de ces deux rangs defeend à mi-
cuiffe, 6c laiffe voir au-deffous le bord de la
tunique. La partie fupérieure qui touche au bas du
cou eft une bande large 6c droite, étendue d’une
épaule à l’autre. Une large épaulette , femblable à
celles de nos corps de baleine, embraffe chaque
épaule , 8c porte un rang de bandes qui recouvrent
le haut du bras. Une courroie pareille à celle de
nos cuiraffes,paffant par-deffus l’épaule auprès du
cou, attache la partie antérieure du corfelet à la pofi-
térieure. (R/. 2 5 .) .Ces cuiraffes, qui paroiffent
avoir de la foupleffe, étoient peut-être de plufieurs
doubles de toile , ou de lin foulé, telle que celle
dont parle Nicétas. Celle-ci avoit été bien imbibée
d’une faumure faite avec du vin auftère. Elle étoit,
dit cet auteur, fi compare 6c fi dure , qu’elle réfif-
toit à touts les traits, (lfaac Angel. I. 1, c. 8, ).
Pline parle auffi de vêtements de laine foulés
avec le vinaigre, qui réfiftoient, dit-il, au fe r , 6c
même au feu. ( Z. V l l l , C. 73. ).
Quant aux cuiraffes ordinaires , elles n’oppo-
foient pas aux traits une grande réfiftance , puifque
les foldats de Cæfar furent fi incommodés à Dirra-
chium par les archers de Pompée, q u e , pour fe
garantir des flèches , prefque touts fe firent des
tuniques ou téguments \tegumenta') de feutre, de
cuir , ou de plufieurs doubles de drap. ( CafBeU
Civ. Z. 111, C. 44. )
A r t utilitaire. Tome 1,
Les plus fortes cuiraffes avoient peu de poids.
Celles qui furent apportées de Cypre à Démé-
trius étoient de fe r , 6c pefoient chacune quarante
mines, ou vingt 6c demie de nos livres, 6c elles
étoient à l’épreuve d’un trait de catapulte thé à
vingt-fix pas. Les cuiraffes ordinaires ne s’éloi-
gnoient guère de ce poids, puifque celui de 1 armure
entière étoit de foixante mines ou trente
livres 8c trois quarts. Le plaftro» de nos cavaliers,
qui n’eft guère plus grand que le pe&oral
romain , pèfe feize à vingt livres, 6c n’eft qu’à
l’épreuve du piftolet,( Plutarch. Demet. p. 898, Ci).
Il y avoit une autre forte de cuiraffe, compofee
de petites lames de métal ou de corne , percées
6c attachées l’une à Tautre, avec des fils faits
de nerfs de cheval ou de boeuf : elles fe re-
couvxoient comme les plumes des oifeaux ,. les
écailles des poiffons, ou celles des pommes de pin.
C ’étoit celle que les Grecs nommoient tyoKifctlof
ou Agïr/JWôV 9 6c. les Latins fquamata 6c plumata.
Lucullus en portoit une à la bataille contre T i-
granes. ( Paufan. L . l , Plutarch. Lucull. p. 510 ,D .
Ammian. Z. X X IV , C. 6. (Sneid. L. X I , v. 771 &
Serv. ib.Jujlin. L. X L1 , C. 2.).
Il y avoit dans la légion trois efpèces de boucliers
: l’un étoit i’argolique , nommé par les Romains,
clypeus, l’autre, l’ancien bouclier fabin,
nommé feutum ; le troifième étoit la parme.
Le clypeus étoit rond, concave, 8c de cuivre
ou de fer : c’étôît YcLff'trtc des Grecs , égal de
touts côtés, arécvroire ïen. Virgile le compare au
difque du foleil ; Attius à la voûte du ciel, parce
qu’il étoit concave- Il fut le premier bouclier
dont les Romains firent ufage. Romulus le leur
fit quitter pour le feutum , 61 toute l’armure des
Sabins , qui étoient une colonie lacédémonienne.
( lliad. V I , v. 294. (Eneid. L. I I I , v. 367. Varr. de
Ling. lat. L. IV. Plutarch. Romul. p. 20, T. 30 E. ).
Le feutum étoit concave 6c rectangulaire. Les
Grecs le nommoient ^upsoV, parce qu’il avoit la
forme d’une porte. Sa largeur étoit de deux pieds
6c demi, melùre olympique (2 p. o p. 11 1. ) , fa
hauteur, quatre pieds ( 3 p- 3 p. io l . ) ; les plus
grands avoient de plus une palme ( 2 p. 5,917 1.)
11 étoit compofé d’un double rang d’ais minces,
collés enfemble avec de la colle de taureau. La
furface extérieure étoit recouverte d’uné toile, 8c
enfuite d’une peau de veau. Les deux côtés courbes
en haut 8c en bas étoient garnis d’une lame
de fer qui les^earantiffoit des coups du tranchant
de l’épée 6c de l’humidité de la terre. ( Polyb.
Z. VI, C. 2 1 .) . Le meilleur bois étoit celui de
figuier , de tilleul, de bouleau , de fureau , de
peuplier , 6c fur-tout de faule , parce que les fibres
de ces efpèces de bois, ayant été féparées les unes
des autres, le refferrent, ferment l’ouverture , 8c
s’oppofent plus efficacement au paffage du fer.
( P lin .L. VII, C. 17.). On adaptoit au centre un
bouton de f e r ,- pour défendre le bouclier contre
les coups violents des fariffes , des pierres, &