
oppofées : on nomme celles-ci alliantes forcées. On
voit & l’on doit compter que celles-ci périront dans ■
peu avec leur caufe.
Je renvoie a F article G uerre , ce qui concerne
plus particulièrement les alliances relativement
aux préparatifs. Quant aux détails ultérieurs,
ils^ font partie de la politique , & quoique cette
icience entre dans celle du générai & du miniftre
de la guerre, .elle n’eft qu'un acceffoire de l’art
militaire. On doit recourir, pour s’en inftiuire, à
la partie du dictionnaire- encyclopédique où cette
ïcience ^fera traitée, & aux bons ouvrages dont
elle eft 1 objet, tels que les Inflitutionspolitiques par
Le bai on de Bielfeld ; Science du gouvernement, par
M. de Real ; EJJ'ai fur les ^principes du droit & de
la morale ; Difcours politiques de Machiavel;
Principes des négociations par M. P abbé de Mably ;
Leibniti , Grotius , Pufendorf, Wo lf 3 & c. '
A L L I É S . Si les alliances politiques ont des
avantages, on y trouve auffi des dangers, dont
le plus grand, peut-ê tre, eft celui d’une trop
grande inégalité entre les puiffances alliées fur-
4out lorfque celle qui a la prépondérance eft
conquérante. Rome er, fes commencements n’ôta
point à fes alliés la fouveraineté : elle fembla
meme dans la fuite la leur laitier ; mais ce ne
fut qu’en apparence. Si les peuples appellés
alliés & amis des Romains confervèrent leurs
Idix , leurs magiftrats, & la propriété de leurs
îe .re s , ils furent contraints de reconnoître qu’ils
ue teiioient ces biens que de la conceflion _du
fenat & du peuple romain, & ce peuple monarque
, ou plutôt tyran , diminuoit ou même
enlevoit ces dons fuivant fon intérêt ou fon caprice.
Le jurifconfulte Scævola rapporte au crime
de lèze-majefté l’aéiion de ceux qui, par dpi,
empecheroient qu’un roi étranger n’obéît au
peuple romain. Celui-ci regardoit en effet comme
fujets, & traitoit comme tels, les fouyerains, les
v illes , les nations , & les républiques, auxquelles
il accordoit le vain titre de libres & d"alliées. Elles
payoient tribut & impôt. Elles ne pouvoient faire
feules ni guerre ni alliance. Elles étoient tenues de
fournir, des troupes aux Romains, dès qu’ils le
demandoient. Ces conquérants s’étoient même
réfervc le droit de connoître les accufations intentées
contre les citoyens de leurs alliés-, & d’exercer
envers eux le droit de glaive en matière civile,
ainfi qu’à la guerre. Les Latins fe plaignoient que,
fous l’apparence d’une alliance égale , les Romains
les tenoient dans l’efclavage ; les Ætoliens, de ce
qu’ils n’avoient qu’une ombre & un vain nom de
liberté ; que leur chaîne , il eft vrai , avait plus
d’é clat, mais auffi plus. de pefanteur. Les A chiens
leur difoient : « nous.. fournies en apparence des
alliés égaux ; mais notre liberté eft précaire ; c’eft
vous feuls qui avez l’empire» : & Civilisé dans
ta c ite ; «vous çe nous traitez plus en alliés ; mais
en efclaves r c’eft fauffement que vous nommez
paix une miférable fervitude »*
Ce reproche fait aux Romains, touts les a lliés fupé*
rieurs l’ont mérité, dès que leur puiffance eft de vernie
beaucoup plus grande que celle des a llié s inférieurs ;
fur-tout lorfque l’alliance a été longue & perpétuelle
, & que Va llié fupérieur a pu s’arroger le
droit de mettre garnifôn dans les villes de l'inférieur1
Dans fes commencements Athènes prit
feulement la défenfe de la Grèce : chaque peuple
y demeura libre. Athènes ne demanda - qu’à les
commander à la guerre : elle ne vouloir point
encore la domination. Dans la fuite elle affeéia
l’empire j & fur - tout celui de la mer. Les effets
de cette irijuftice furent qu’Athènes &. Rome devinrent
fu jettes. r
Un a llié n’eft donc en sûreté que-lorfque fes
forces ne font pas trop inégales : j’examinerar
quels font, dans ce cas, les devoirs &. les droits
réciproques. Lorfque plufieurs a llié s d’une puiffance
fe font la guerre , quel eft celui qu’elle doit fecourir
préférablement aux autres ? Celui qui fait une
guerre jufte : on n’eft obligé, dans aucun cas., de
donner fe cours à fon a llié dans une caufe injufte.
Dire que ce principe donne des prétextes de
manquer aux traités , c’eft réduire la politique à
l’arbitraire-, & ouvrir un champ libre aux deux
four ces les plus abondantes des maux des hommes, à
l’intérêt & à l’ambition ; c’eft en un mot renverler
le principe fondamental de touts les autres principes.
Qu’eft-ce que cette complication de circonftances ,
Sl cette obfcurité qui enveloppe , dit-on , les;
caufes de guerre , & empêchent d’y démêler le
jufte & l’injufte ? Le prince qui cherchera de
bonne foi la yérité , le bonheur des hommes,,
fon véritable intérêt, celui de fon peuple, & qui.
voudra fur-tout écouter le témoignage de fa con-
fcience, n’aura pas tant de peine‘qu’on le dit, à'
découvrir la juftice ôu'l’injuftice. La vérité morale
n’eft guères cachée que pour ceux qui craignent
de la trouver. Dire que dans le cas du-
doute il faut s’armer , c’eft enleigner que dans le
fléau le plus terrible qui puiffe affliger l’humanité,.
il faut s’en remettre aiv hafard , rifquèr d’opprimer
l’innocent aux dépens du fang & des biens-
du peuple. La raifon crie que, lorfque la juftice
de la caüfe de guerre eft indécife ou douteufe , il
faut garder la neutralité , & elle fera toujours
entendue des coeurs pénétrés du fentiment faeré
de l’amour des hommes.
Quand deux a llié s font chacun une guerre particulière
à des peuples étrangers, lq troifième. a l lié
doit les fecourir touts les deux , s’il eft poffible»
Lorfqu’il ne peut en fecourir qu’un, celui qui lui*
a rendu de plus grands fervices mérite la préférence»
Dans ce cas, les plus grands font ordinairement
les plus multipliés ; c’eft-à-dire, que le plus fouvent
il faut fecourir Y a llié le plus ancien. Le fénat.
Romain répondit aux Campaniens, qui demandoient
du fecours contre les Samnites , que Rome
les regardoit comme dignes de l’obtenir ; mais,
qu’elle ne pouvoit violer une. amitié & une alliante
plus ancienne. Il faut cependant fuppofer ici que
la puiffance qui doit fecourir eft entièrement libre ,
&. qu’il n’y a dans fes engagements nulle forte de
fujétion, /
Obfervons auffi qu’un a llié n’eft point obligé d’en
fecourir un autre, fi la guerre que celui-ci fait ,
quoique jufte, eft évidemment imprudente, &
ne peut être fuivie que d’un fuccês malheureux.
On ne peut pas prétendre qu’une puiffance ait
confenti à prendre des engagements qui , fuivant
la certitude morale , lui deviendroient funeftes.
Elle violeroit la première loi du droit en agiffant
contre elle-même ; &., dans ce cas , comme dans
celui où la juftice de la caufe de guerre eft douteufe
, elle doit garder la neutralité.
Une queftion qu’il feroit important de réfoudre ,
parce qu’elle a produit & peut encore produire
des diffentions & des guerres, eft celle qui concerne
l’étendue du mot a lliés . On demande s’il comprend
. feulement les a llié s qui exiftent au moment du
traité., ou bien touts ceux-ci, & en même-temps
touts ceux à venir. Une grande conteftation fur ‘
cette matière s’éleva entre Carthage & Rome ,
après la guerre de Sicile. Ces deux puiffances
avoient ftipuié qu’aucune d’elles ne nuiroit aux
a llié s de l’autre. Annibal ayant afliégé Sagonte ,
que les Romains avoient reçue dans leur alliance
depuis le traité fait avec Carthage, ils dirent qu’elle
avoit enfreint le traité , & qu’ils étoient en
droit de lui déclarer la guerre. Voici comment
Tite-Live expofe les raifons. de Rome : « Le ;
-traité antérieur, d it-il, garantiffoit affez les Sagontins
, puifqu’il exceptoït les a llié s des deux
parties. On n’avoit point fpécifié ceux qui l’étoient
alors , ni qu’on n’en recevroit point d’autres. Puifqu’il
étoit permis de recevoir de nouveaux a llié s ,
auroit-il été jufte de n’accorder aucune amitié à
ceux qui 1 avoient mérité j ou , après avoir reçu
leurs engagements, de ne pas les défendre ? Et
cela feulement, afin que les a llié s des Carthaginois
Pas ffftlicffés à la défeéfion, ou qu’on \
ne reçut pas ceux d’entre eux qui abandonneroient
leur alliance ». Polybe parle à peu près de même
des claufes de ce traité. « Les Romains foute-
noient, dit-il, que, fi on avoit voulu fe borner aux
a llie s prefents, on auroit ajouté"qu’il ne feroit
pas permis d’en faire de nouveaux-, ou qu’on n’y
comprenoit pas ceux avec lefquels on auroit fait
alliance depuis cette paix. Mais, puifqu’on n’ajouta
aucun de ces deux articles, il faut croire que touts
les alliés , tant préfents qu’à venir , étoient compris
dans le traite , & que ni l’un ni'l’autre peuple
ne. devoit les attaquer. Ils n’auroient pas fait une
paix qui les éût privés de prendre pour a llié s &
pour amis ceux dont l’alliance leur étoit néceffaire
& par laquelle ils euffent été obligés d’abandonner
leurs nouveaux a l lié s , fi on leur faifoit quelque
dommage. Je crois que l’intention des deux peuples
«toit que l’un n’attaqueroit point les a llié s de
i autre».
Voici maintenant, à ce fujet, le fentiment de
Grotius. « Il n’eft pas douteux , dit-il, que le mot
a llié s ne puiffe être entendu fans aucune irrégularité,
&. dans un fens étroit, pour ceux-là feulement qui
étoient a llié s au temps du traité, & dans un fens
plus étendu pour touts les a llié s préfents & à venir.
Mais je crois qu’on ne pouvoit pas expliquer le
terme d’a llié contenu dans le traité , d’une manière
qui s’étendît à ceux qui ne J’étoient pas encore ;
parce qu’il s’agiffoit de la rupture d’une aüiance ;
ce qui eft une chofe.odieufe ; & que d’ailleurs cela
tendoit à ôter aux Carthaginois la liberté de prendre
les armes, pour mettre a la raifon ceux de qui ils
croyoient avoir reçu quelque tort ; liberté qui eft:
accordée aux hommes par la nature même ,.&dont
on 11e doit pas légèrement préfumer que perfonne
fe dépouille »,
Ici Buddée ajoute aux raifons de Grotius que
c’étoit une chofe favorable aux Romains & aux
Sagontins que cette ville fût çonfervée , ou qu’a-
près qu’elle auroit été détruite , on pût fe précautionner
contre ce que la république romaine avoit
à craindre par-là.
N’étoit-il donc pas permis aux Romains , continue
Grotius , de recevoir dans leur alliance les
Sagontins, ou de les défendre après s’être allié avec
eux ? Ils le pouvoient , fans contredit ; mais non
pas en vertu*de l’alliance : c’étoit en vertu d’uii
droit naturel auquel ils n’avoient point renoncé par
le traité. Les Sagontins dévoient être regardés de
part d’autre , comme s’il n’y avoit rien de
ftipuié par rapport aux a llié s ; de forte qu’il n’y
avoit aucune infraélion du traité , ni de la part
des Carthaginois, en ce qu’ils afliégeoient Sagonte ,
croyant avoir contre cetté ville un jufte fujet de-
guerre , ni de la part des Romains , en ce qu’ils
la fecouroient. C’eft ainfi que du temps de Pirrhus ,
les Carthaginois ôc> les Romains convinrent en-
femble qu’aucun des deux peuples ne pourroit
s’allier avec fon prince , qu’en fe réfervant la
liberté de donner du fecours à l’autre , fi celui-ci
venoit à être attaqué par Pirrhus. Ceux de l’île
de Corcyre , au rapport de Thucydide, difoient'
»aux Athéniens, en leur demandant du fecours
qu’ils pouvoient leur en donner fans préjudice
de l’alliance qu’il y avoit entre eux Athéniens 8c
les Lacédémoniens ; puifque ,. par le traité , il étoit
permis réciproquement de s’allier avec d’autres.
Les Athéniens agirent enfuite fur ce principe ,
lorfque , pour ne pas enfreindre . l’alliance , ils
défendirent aux commandants de leurs vaiffeaux
de s’engager dans aucun combat avec les Corinthiens
, à moins que ceux-ci ne vouluffent faire
quelque defcente dans l’île de Corcyre , ou fe
jetter fur quelque terre de fa .dépendance.
Je ne prétends pas, au refte, que dans le cas
dont nous traitons , la guerre ait pu être jufte
des deux côtés ; mais je dis que , foit que les
Carthaginois fiffent mal d’attaquer Sagonte , ou .
les Romains de la défendre, cela a’emportoit point ,
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