
qu’ils occupant dans le corps, & au nombre de
retraites quils ont promis de payer chaque année.
Dans la première luppofition le concordat n’en-
traine après lui aucune formalité ; un capitaine fe
retire , chaque officier porte chez le trésorier la
iomme qui eft fixée , ù celui-ci la fait paffer au
capitaine qui a quitté ; dans la fécondé fuppofition
le concordat exige que l’on crée une malle ,
que l’on tienne des régiftres ; on marque dans les
régiftres le nombre de rangs que chaque officier
a gagné, & par conféquent la fomme qu’il doit ;
on y marque auffi le nombre de retenues qu’il a
éprouvées, & par conféquent l’argent qu’il a verlè
dans la caille des retraits. Au moyen de ces régiftres
il eft aifé de faire la balance du compte de
chaque officier.
La plupart des concordats ne fe bornent pas à
impofer aux officiers la néceffité de fupporter les
retenues annuelles ; ils les obligent encore à payer
quand ils deviennent capitaines une fomme d’argent
qui varie, dans les différents régiments, depuis
iooo jufqu’à 4000 livres. Le capitaine en fécond ,
qui devient capitaine commandant , paye auffi.
communément au capitaine qui lui cède fa place
une fomme de 4 à 500 livres.
Dans beaucoup de régiments les lieutenants en
fécond & les fous-lieutenants qui fe retirent n’ont
point de part au concordat. Comme les officiers
appellés de fortune ne contribuent point à former
la malle des retraites, ils ne retirent pas non plus
le produit du concordat au moment où ils quittent
le corps.
Nous avons jüfqu’à préfent parlé des concordats,
comme s’ils avoient une exiftence légale , &
comme s’il y en avoit un dans chaque régiment ;
il n’en eft cependant rien. Plufieurs corps n’en
ont jamais eu ; d’autres en ont e u , mais les ont
détruits; d’autres enfin les ont confervés malgré
les défenfes des miniftres, les intentions des inf-
pécfeurs , & la volonté des colonels. Si on de-
mandoit quelle eft la raifon de cette infraéfion
formelle aux ordres fupérieurs , je répôndrois, les
régiments défobéiffent aux ordres de leurs chefs
parce qu’ils croient que leur défobéiffance eft indifférente
à l’état j & parce qu’ils penfent avoir
un grand intérêt à la confervation du concordat. Je
crois même qu’on ne parviendra qu’avec beaucoup
de peine à empêcher les conventions de la nature
des concordats, tandis qu’on n’employera que des
prohibitions & des défenfes. Comment, en effet ,
ces moyens pourroient-ils empêcher 60 perfonnes
qui vivent continuellement enfemble , qui ne forment
qu’un même corps, & qui doivent être
animées du même efprit, de tenir une convention
qu’ils ne regardent comme contraire, ni aux loix
de l’honneur, ni au falut, ni à la gloire de la patrie ?
Si les concordats font auffi nuifiblès qu’on le croit,
il n’eft qu’un moyen de les détruire ; il confifte à
prouver aux militaires que ces conventions ne
peuvent produire les avantages qu’ils en attendent.
C ’eft ainfi que peut s’exprimer un partifan d'ès
concordats, en parlant aux officiers d’un régiment
affemblé , pour délibérer s’ils en formeront un.
Ce n’e f t , leur diroit-il x que du moment où vous
avez obtenu la commiffion de capitaine, & où vous
vous approchez de la tête du corps que vous pouvez
folliciter des grades militaires , jouir de quelque
confidération , faire un fervice agréable , prouver
que vous avez reçu des talents de la nature, que
vous les avez cultivés, & que vous êtes animés par
un zèle éclairé. Mais pour arriver de bonne heure ,
au rang qui doit être l’objet de vos defirs, il faut
que vous déterminiez les officiers qui vous précèdent
à hâter leur retraite. Pour y réuffir , vous
n’avez qu’un moyen , & c’eft le concordat qui le
fournit. Faites briller aux yeux des capitaines les
1 plus anciens une fomme d’argent , &. vous les
verrez bientôt éblouis par fon éclat, vous abandonner
leurs places &. hâter l’inftant de votre jouif-
fance. Quel eft celui de nous qui ne peut pas fa-
crifier à fon avancement , quinze ou vingt francs
par mois? Combien de fois ne commettons - nous
pas au hafard du jeu des fommes bien plus confi-
dérables ? Combien de fois n’achetons - nous pas
plus cher un cruel repentir ? Si la fomme que l’on
vous demande, quelque peu confidérable qu’elle
fo it , ne devoit jamais vous être remboursée , je
vous permettrois de la calculer ; mais elle n’eft pas
perdue ; ce n’eft qu’un prêt qu’on exige de vous,
& le prêt devient une véritable économie. Qu’il
y ait un concordat , ou qu’il n’y en ait point, nous
n’en aurons , au bout de l’année , ni plus ni moins
d’argent. Dans notre jeuneffe, nous ne fongeons
guère qu’à jouir du préfent , & le concordat nous
forçant à la prévoyance , nous conferve pour la.
fin de nos jours des fecours qui nous feront alors
très néceffaires; il lait plus , il augmente le dépôt
que nous lui confions : il eft prefque impoffible, en
effet, que dans le cours de 30 ans quelqu’un de
nos camarades ne nous abandonne pas, par fa
mort, le produit du concordat. Qu’il fera doux de
trouver dans cette maffe au moment où nous nous
retirerons,' une fomme qui nous mette dans le cas de
faire les premières avances néceffaires à un nouvel
établiffement, & répare même les petites brèches
que notre jeuneffe aura faite à notre fortune. Tels
font meffieurs, diroit-il en finiffant, les avantages
qu’offre le concordat ; ils font immenfes. Quand à
fes inconvénients , je ne lui en reconnois aucun qui
foit fait pour balancer un inftant votre ojainion.
A ces mots, le corps paroît décidé; les! officiers
les plus vifs ont déjà figné le concordat ; cependant
un homme d’un âge mur, que le difcours de
fon camarade n’a pas féduit, fe lève d’un air froid,
prend la parole & dit.
On ne peut prefque rien ajouter à ce qu’on
vient de nous dire en faveur du concordat ; mais
avant de le figner, ne devons-nous pas examiner fi
les raifons qu’on a apportées en fa faveur font auffi
bonnes qu?on ? paru le croire ?
Il eft vrai qu’on ne peut folliciter les grâces de
la cour qu’après avoir obtenu là commiffion de
capitaine & gagné la fête de fon régiment ; mais le
concordat eft-il fait pour hâter l’inftant où l’on y
arrive?
Touts les officiers qui quittent le fervice avant
d a voir obtenu la croix de Saint-Louis, font entraînés
, vous en conviendrez aifément, par des con-
fidérations du plus grand poids , êt ce n’eft pas le
befoin de toucher une modique fomme d’argent
qui les détermine. Dans cette première fuppofition ,
le concordat eft donc inutile.
' T ours les officiers qui fe retirent après avoir obtenu
la croix, & fans attendre une penfion, font ou
dégoûtés du fervice ., ou incapables de le continuer,
ou empreffés d’aller jouir au fein de leur famille du
bien être qui les y attend ; ce n’eft donc pas le concordat
qui ies féduit ; dans cette circonftance il eft
donc encore inutile. Mais fait- il plus d’effet fur
ceux qui ont férvi le nombre d’années exigées pour
avoir une penfion de retraite ? Non certainement.
Qu ils quittent en 1783 ou en 1788, comme le
concordat leur eft affuré, ils attendent le moment
ou ils auront mérité une penfion plus confidérable,
ou bien celui où ils auront befoin de retourner dans
ULS familles. Si le concordat pouvoit dédommager
1 officier qui fe retire de bonne heure , de la pen-
iion que l’état donne quand on fe retiré tard ; s’il
n etoit accordé qu’à l’officier qui quitte auffi tôt qu’il
à atteint vingt-huit ans de fervice, beaucoup de mi-
utaires fe retireroient à cette époqué ; mais comme il
n eft guère poffihle de fixer un terme au concordat, ,
~r. comme notre fortune ne nous permet pas de le j
faire affez confidérable pour dédommager des pen-
110ns de retraite , il ne peut remplir l'objet pour
lequel pn prétend qu’il eft établi.
On dira, fans doute , que tel officier de tel régi—
nient a quitté le fervice parce qu’il ne pouvoit
payer fes dettes qu’avec l'argent du concordat ;
cette raifon eft, ce me femble, un abus' de mots.
Le concordat ne fait pas quitter l’officier qui a
C£.n.tra^ ^es dettes > c’eft le dérangement de fes
affaires qui le force à donner fa démiflion ; dans
5je cas le concordat ne fait que nous mettre à
1 abri de la honte que nous aurions fi nous comptions
un banqueroutier parmi nos anciens camarades.
C’eft beaucoup, fans doute; mais n’eft-ce
pas le lui-même qui entraîne plufieurs
dé nous dans l’inconduite ? Quand on calcule
avJ.c T°1 ■ même , & qu’on veut fe tromper, la
reffource meme la moins confidérable paroît très
g an de ; on fe plait à la groffir , & , oubliant les
payements qu’on a déjà affignés fur elle , on tire
encore, fi Ion peut parler ainfi, de nouvelles
lettres de change qu’elle ne peut plus acquitter.
Mais fûppofons que le concordat nous faffe obtenir
la commiffion de capitaine deux ans plutôt
que nous ne l’aurions obtenue, fans fon fecours,
eft-'il fage de fe mettre à la gêne pendant vingt
ans pour rapprocher feulement de deux années le
motfient où l’on doit jouir ? Sodfirayez en effet
150 ou zoo livrés des revenus d’un officier fubal-
terhe François , & vous le privez d’une infinité
d’objets agréables ou même néceffaires. Le jeûné
officier ne préfente - 1 - il pas d’ailleurs fouvent à
des parents la retenue du concordat comme la
caufe du dérangement de fes affaires, & on fçait
que dans la jeuneffe, dès qu’on croit avoir trouvé
un prétexte Spécieux pour excufer fon inconduite ,
on ne connoîtplus de bornes ; i l n’en coûte guères
plus d’avouer une dette de cent louis, qu’un dérangement
beaucoup moins confidérable. Ce n’eft
pas tout encore ; vous touchez , je le fuppofe , au
moment où vous allez devenir capitaine, il faut
payer deux ou trois mille livres ; vos parents pourront
ils , avec la meilleure volonté poffiblé , fatis-
faire aux engagements que vous aurez contraétés ?
Cependant la voix de l’honneur vous dira de tenir
votre promeffe ; pour lui obéir vous recourrez à un
emprunt, fans doute ufuraire , & vous verrez ainfi
s’évanouir les avantages pécuniaires que vous
comptiez retirer de votre compagnie. Tels font,
pendant la paix, les inconvénients du concordat *
pendant la guerre ils font encore plus confidé-
rables. C ’eft le temps où vous avez le plus dé
dépenfes à faire, & c’eft celui où les retraites deviennent
plus fréquentes, & abforbent une plus
grande partie de vos appointements. Vous êtes
féduits, je- le vois , par l’éfpoir de relever un jour
en gros les fommes que vous aurez données eii
détail ; mais cét efpoir eft - il bien fondé ? Qui
peut vous-affurer que le concordai fubfiftera quand
vous voudrez vous retirer ? Interrogez ceux dé
vos camarades qui ont plus d’expérience que
vous, ils vdus diront touts, s’ils font de bonne
foi , •qu’ils ont vu cinq à fix concordats différents!
& que plufieurs officiers ont perdu tout l’argent
qu’ils avoient mis* à la maffe des retraites. Il ne
faut en effet pour détruire le concordat le plus fage
& le mieux fait qu’une ligue formée entre cinq
ou fix jeunes gens, qui , par une voix forte & un
ton tranchant, ou un peu d’adreffe, aient acquis le
droit de conduire leurs jeunes camarades : il faut
moins encore ; la variation la plus légère dans la
conftitution de l’armée peut le détruire ; peut-être
même qu’un colonel ferme qui s’occuperoit du-foin
de lé caffer y réuffiroit avec facilité.Mais laiffons les
raifons qui nous font uniquement perfonnelles
& paffons à des motifs d’un plus grand poids.
Puiique les miniftres du roi notre maître nous
ont défendu de nous lier par des conventions
du genre des concordats , comment ofons-nous
encore délibérer fi nous en créerons un ? Y
euffions - nous l’intérêt le plus vifible, ne devrions
- nous pas nous en abftenir ? Mais peut-
être voulons-nous avant d’obéir fçavoir quelles
font les raifons qui ont engagé nos chefs fuprêmes
à nous donner ces ordres ; quoique cette curiO-
fité , effet du cara&èrë françois, foit blâmable à
certains.-égards, cherchons à la-fatisfaire; Le pre-
C c c c c i j