
y manqueront-ils des troupes néceflaires pour lui
réfuter. Afin de réuifir , il faut une grande quantité
de chauffe - trapes & un terrein refferré :*il
eft aifé de comprendre que , pour en remplir
liiflifamment tout le front de quatre où cinq mille
chevaux , la dépenfe du fer & du tranlport ferait
trop considérable pour l’effet qu’on pourroir en
attendre. Je fuppofe encore que , depuis la première
ligne jufqu’à la fécondé , vous avez de l’infanterie
retranchée à l’aile que votre cavalerie
abandonne , en cas que celle des ennemis vienne
malgré les chauffe - trapes vous charger par ce
flanc. Mais j de quelque manière que ce puiffe
être , je ne crois point qu’on doive le promettre
un avantage décidé de ces chauffe - trapes , fur-
tout fi l’ennemi en a connoiffance.
A la bataille. d’Arbelle , Darius fit enterrer une
grande quantité de chauffe-trapes, en laiffant de
diftance en diftance des vuides , afin que fa cavalerie
-inftruite des endroits où elles étpient
paffât facilement. Un Perfe transfuge en inftruifit
Alexandre ; celui- ci, affembla fes officiers , leur
montra les endroits où le transfuge difoit que les
chauffe - trapes étoient placées 9 ÔC ils évitèrent
ainfi ce danger.
Si vous jugez à propos d’aller vous même préfenter
le combat aux ennemis , qui ne veulent pas vous
attaquer dans votre camp retranché ; outre le peu
de troupes que vous laifferez pour la garde du
camp & du bagage , faites diftribuer les armes
des loldats morts &. bleffés dans les aâions précédentes
, aux valets , aux vivandiers, aux gens des
vivres, & autres perfonnes qui fuivent l’armée,
en les joignant pour ce jour aux régiments 6c aux
compagnies que vous laiffez pour la garde du
camp. Quoiqu’on ne compte pas que ces fortes
de gens combattent bien dans l’occafion, ils
peuvent empêcher que quelque détachement des
ennemis, pendant que les deux armées font aux
mains ne viennent furprendre votre camp , foit
pour le piller, foit pour ôter cette retraite à vos
troupes.
Si vous fortez d’un camp retranché pour préfenter
la bataille , que ce foit avant que les ennemis
s’approchent ; de crainte qu’ils ne chargent
vos troupes à la fortie des barrières ou des avenues
du camp., avant qu’elles ayent eu le temps de
fortir 6c de fe mettre en bataille. -
PRÉCAUTIONS EN FO RM AN T L’ARMÉE.
Placez votre armée de manière qu’elle ait le
foleil 6c le vent par derrière, toutes les fois que
vous le pourrez, fans quelque autre inconvénient
çonfidéi-able ; parce que le foleil, que les ennemis
auront en face , les empêchera de bien diftinguer
vos mouvements & de bien ajufter leurs coups,
vu la réflexion de^Tes rayons fur les fufils , & les
fatiguera beaucoup : fur-tout fi le combat fe donne
dans un pays chaud 6c dans une faifon brûlante,
Le vent cjui leur portera dans les yeux la pôuflière
6c la fumée achèvera de les offufquer. Cafaubon
difoit à Henri I V , « vous avez fçu parfaitement
employer en votre faveur, le foleil, le v en t, 6c la
pouflière ».
Un des plus grands avantagés qu’eut Anninal
a la bataille de Cannes, ce fut d’avoir difpofé fon
armée de manière que les ennemis euffentfe vent
&.;,le foleil en face. Les Romains , prefque
aveuglés par l’éclat des armés & par la pouflière ,
ne purent pas réfifter aux Carthaginois. Le cardinal
de Bentivoglio, rapporte qu’à la bataille des
Dunes,'le foleil & le vent incommodèrent beaucoup
l’armée de l’archiduc Albert, & furent caufe
en grande partie qu’il perdit cette bataille. Guf-
tave Adolphe, à la bataille de Leipfic, fe plaça de
forte que le vent , qui pouffoit la fumée 6c la
pouflière aux yeux des Impériaux , contribua
beaucoup à lui donner une vi&oire complette.
C ’eft à la même caufe qu’on doit attribuer la défaite
de Conftantin IV par Malcome.
A la bataille de Sterling que Robert Bruce, avec
trente mille Ecoffois , gagna contre cent mille
Anglois dont l’armée d’Edouard II, étoit com-
pofée ; Bruce ayoit prévu l’avantage qu’il auroit,
en difpofànt fes troupes de manière que les Anglois
euffent le foleil en face,. Le v en t, qui jette
la pouflière contre les ennemis, caufe une foifqui
contribue à les fatiguer plus vite. C ’efl: la remarque
de l’empereur Léon, 6c un fécond avantage que
peut retirer du vent celui qui fçait fe le rendre
favorable.
Amédée Niccolüci veut, que dans un jour de
bataille on tâche d’avoir le foleil direélement derrière
fo i , afin que dans fon cours il ne vienne
pas en face avant que le combat finiffe.
Marius mettoit exaélement cette obfervation en
pratique : il tâchoit toujours de ne combattre qu’après
midi 3 lorfque le front de fon armée étoit tourné
vers l’oriènt ; 6c il commençoit le combat le
matin , lorfque fon armée étoit rangée en bataille
vers l’occident. -
Il eft avantageux , dans les combats qui fe livrent
la nuit, d’avoir la lune par derrière ; parce
que les ennemis prendront fouvent les ombres
pour les corps, 6c plufieurs de leurs coups porteront
à fâux. Cet avis efl appuyé fur l’exemple
des troupes de Pompée dans leur bataille coptre
celles de Mithridate.
B A G A G E S . V I V R E S .
Plufieurs généraux & plufieurs écrivains penfent
qu’il faut retenir auprès d’une armée qui va combattre
*-tout le bagage des troupes ; afin que, pour
ne pas le perdre t elle faffe de plus grands efforts.
C ’eft dans cette vue que les Afiatiques ont eu 6c ont
dans leurs armées leurs meubles les plus précieux
& leurs femmes. Agéfilas, voyant que plufieurs
perfonnes de fon armée campée devant Orchomène,
«nvoyoient dans cette ville leurs plus riches effets ,
donna ordre à la garnifon de ne pas les recevoir.
Les Romains faifoient dépofer chaque mois
auprès des enfeignes une portion de la folde des
foldats, afin qu’ils combattiffent avèc plus de courage
6c de fermeté pour la conferver.
Cet expédient me paroîtroit bon à l’égard du
foldat ; fi, après ce qui lui efl: néceffaire pour la
chambrée 6c fon entretien ordinaire, illuireftoit
quelque chofe à mettre en dépôt ; parce qu’il efl
capable d’agir autant par intérêt que par honneur.
Comme cet argent dépofé aux enfeignes ne fé
donnoit aux Romains qu’après avoir accompli
le temps prefcrit de leur fervice , la fomme de-
venoit plus confidérable d’année en année. Mais
aujourd’hui on ne peut rien retenir d’un mois à
l’autre fur la folde , qui èft bien modique , relativement
à la cherté des vivres que caufent les
impofitions.
Il y a des nations extrêmement intéreffées qui
peuvent donner lieu à l’exception de la règle que
j’établis , d’éloigner le bagage d’une armée qui va
combattre. Je foutiens néanmoins que contrevenir
à cette règle, c’efl: s’expofer aux,inconvénients
fuivants'.
Si dix mille foldats de votre armée combattent
mieux pour ne pas. perdre leurs équipages, dix
mille foldats de l’armée ennemie feront aufli plus
animés pour tâcher de les prendre. Ce feroit donc
infpirer autant d’ardeur a l ’armée ennemie qu’à
la vôtre. D’ailleurs un gros bagage y fi vous êtes
battu, vous fera d’un grand embarras pour la
retraite.
Jonathas Machabée, avant, de livrer bataille à
Bacchides , général de Démétrius, envoya le bagage
fous, la conduite de. Jean fon frère , fur les-
terres des Arabes nabathéens qui étoient fes alliés.
Le conful Cornélius Scipion , s’attendant à combattre
l’armée d’Annibal près du Rhône , fit.
erAbarquer fur ce fleuve tout, le bagage de fes
Romains.
Il efl prefqu’impoflible qu’une. armée qui- a
perdu tout fon bagage puiffe tenir, la campagne ;
6c pour le remplacer il faut plus de temps, que
pour remplacer les foldats morts ou bleffés. On
ne'devroit donc jamais expofer le bagage au fort
du combat.
La raifon ,. felonPoly.be , qui détermina Annibal-
à faire les derniers efforts, pour conferver le ba^
gage que les Gaulois, attaquèrent dans un défilé ,
fut qu’il, prévit que , s’il le perdoit., il ne-pourrait
plus tenir la campagne;
Un des motifs qui obligea les François., quoique,
fupérieurs, en nombre., à évacuer le Milanois &
à fe retirer en France., après, que les Allemands.-
eurent fecouru Turin , c’efl qu’ayant-* perdu- prefque
tout le. bagage il ne leur étoit plus pofiible de.
camper fans revenir, en France pour le rétablir.
Par les. raifons que. je viens d’expofer , 6c pour
ne pas. rifquer. dans, une bataille., ce. qui ne* peut.
fervir , ni pour la viéfoire , ni pour la retraite ,
non-feulement vous éloignerez le bagage d’une
armée qui va combattre , mais encore le parc principal
des vivres & de l’artillerie, l’hôpital, & le
tréfor; & vous aurez foin de les envoyer à temps,
6c avec une bonne efcorte , dans l’intérieur du pays :
ou vous les ferez marcher d’avance vers l’endroit oit
vous méditez de faire retraite , fuppofé que vous
y foyez obligé. Le commandant de l’efcorte aura
foin, s’il y a des défilés , de faire pafl’er a fiez
tôt touts ceux qui pourroient être caufe de la perte
du bagage , en arrêtant les troupes , lorfqu’elles
feroient pourfuivies par les ennemis. On fe fertr
pour cette efcorte des chevaux un peu eftropiés 6c
mal rétablis , qui peuvent fuivre au petit pas les-
chariots , 6c qui feroient inutiles dans le combat,
dans la retraite, ou dans, la pourfuite.
Mettez en fureté les ordres 6c les projets de la'
cour , vos- repréfentations à votre fouverarn 6c à
fes miniftres avec leurs réponfes : mettez y les livres*
où font écrits les ordres que vous avez diftribués
à l’armée : fi vous étiez privé de ces papiers , vous*
vous trouveriez expofé au danger dont j’ai parlé ,
en traitant des premières démarches d’un' général.-
Il efl encore plus effentiel de mettre en fureté
'les lettres de correfpondance des perfonnes avec'
qui vous êtes en intelligence dans le pays ou dans*
l’armée des ennemis , les clefs des: chiffres, vos
fceaux ou cachets , 6c les états des places.
Peu s’en fallut qu’Annibal ne furprît Salapie r
en contrefaifant un ordre de Marcellus, & y fai--
fant appofer le fceau de ce conful, qui fut trouvé
dans fes. habits , après qu’il eut. été- tué. dans une*
embufcade.
Les Efpagnols-perdirent Turin, 6c plufieurs autres*
places confidérables ; parce que les François prirent
dans l’équipage du marquis, de Léganès certains-
papiers qui contenoient les deffeins de la coup
d’Efpagne.
Si l’armée qui va combattre n?a pas à une certaine
diftance une r.éferve de vivres qu’elle puiffe-
recevoir aufli-tôt après la première marche , foitr
en faifant retraite , foit en pourfuivant fennemi ££
elle fera forcée de. s’écarter & de s’arrêter pour*
chercher du pain & de l’avoine, 6c donnera aux*
ennemis le temps d’avancer ou de fe retirer. \
Ceux des Romains qui-échappèrent à la bataille
de Trafimène furent , le jour-, fuivant, obligés de
fe rendre à la cavalerie ennemie , parce qu’ils man-
quoient de vivres.
Les Amorrhéens, ba-ttus par lesTfraëlites-, furent'
très, maltraités dans leur retraite ; parce que la*
foif les contraignit de s’écarter^ de : s’arrêter , &
de fe divifer pour, chercher de l’eau ; ce qui fut:
caufe que.les llraëlites les joignirent ,.& en tuèrent’
un grand.nombre.' On doit comprendre par cet*
exemple qu’il feroit néceffaire. de fe détourner &\
de s’arrêter bien davantage j s’il falloit, dans une
retraite, chercher du pain 6c de l’avoine , qui ne
fé trouvent pas par-tout aufli aifément que. de»