
n’eft plus qu’un titre que le roi accprde en érigeant
une terre en comté, avec 'la réferve du
.reffort ôc de la fouveraineté ; d’abord , on n’em-
ployoit point dans les lettres d’ére&ion la claufe
de réverfion du comté à la couronne au défaut
d’enfans mâles. Mais Charles IX pour empêcher
que ces ére&ions ne fuffent trop fréquentes , ordonna
en 156 4, que les duchés & comtés retour-
neroient à la couronne au défaut d’enfans mâles.
Il faut remarquer que touts les feigneùrs de
terres érigées en comtés , ne peuvent prendre la
qualité de comtes que quand ils font gentilshommes ;
quand l’éreâion a été faite en leur faveur ou en
faveur de leurs ancêtres , ôcc. ; autrement ils ne
peuvent prendre que la qualité de feigneur du
comté.
En revenant à l’origine de ce titre , c’eft-à-rdire
l’ufage d’accompagner les princes , on voit que
c’eft de cette fonction qu’efl venu celui de nommer
comtes palatins ceux qui étoient toujours à côté du
prince, qu’on appelloit auffi. comtes à la terre ; ôc
comme on envoyoit ces courtifans dans les villes
pour les gouverner , & qu’ils s’en rendirent les
maîtres j c’eft ce qui a fait les comtes d’aujourd’hui
. qu’on appelle comtes palatins , dont il y en a fur
le Rhin, en Saxe & en Luface. Il y a eu aufli
des comtes palatins en France fous la fécondé ôc
troifième race ; il y en a eu aufli en Angleterre ,
en Aquitaine, enfuite en Tofcane, ôc chez les
Goths rois d’Efpagne. Les .papes même ont eu
leurs comtes palatins. C’eft de là que les Italiens
ont appelle- comités , les gens qui font à la fuite
des feigneùrs , & qui les accompagnent quand ils
vont par pairs.
On a appellé aufli comtes les chefs des troupes
militaires , qui menoient la noblefle à l’armée, &
même plufteurs capitaines : d’où vient qu’on a,
encore eonfervé le nom de comité à celui qui
. commande aux forçats.
Je ne vois pas dans notre hiftoire de cérémonie
particulière pour la création d’un comte ; mais
Mariana dans fon hiftoire d’Efpagne , parle d’une
création faite particuliérement pour un comte, ÔC
qui eft affez fingulière ; on préfentoit trois morceaux
de pain dans une coupe de vin ; le roi en
prenoit un , le comte un autre ; on donnoit les
lettres patentes au nouveau pourvu, & l’aflemblée
par des acclamations Ôc des fouhaits de profpérités
célébroit cette fête.
Toute la cérémonie parmi nous pour la création
cPun comte, conflfte dans l’enregiftrement de fes
lettres patentes; mais en Angleterre le roi ceint
l’épée, met le manteau fur l’épaule, le bonnet
ôc la couronne fur la tête, & la lettre patente
, à la main à celui qu’il décore de cette dignité ;
il le qualifie d’ailleurs de coufin , Sc de très-haut
6c très-noble feigneur.
Les .fils des ducs ont dans ce royaume le titre de
comte,
En Allemagne, outre les comtes palatins dont
fai parlé, il y en a encore d’une autre efpècej
mais bien différente. Les premiers font du corps
des princes, ôc ont l’inveftiture d’un palatinat.
Les autres font fouvent des gens de lettres, que
l’empereur décore de cette dignité par des lettres
patentes, qui leur attribuent un pouvoir plus ou
moins étendu. Quelquefois ils peuvent donner le
degré de doéteur ; créer des notaires ; légitimer
des bâtards ; annoblir des roturiers ; donner des
armories, ôcc. Mais comme cette dignité de comte
eft vénale, on fait peu de cas des privilèges qui ei»
émanent. Le pape crée aufli des comtes palatins de
cette fécondé efpèce.
On a autrefois difputé fi le marquis a la pré-
féance fur le comte. Une raifon d’en douter , c’eft
qu’il y a des comtes qui font pairs, & qu’il n’y a
nul marquis qui le foit. Alciat a traité cette quef-
tion. Aujourd’hui la chôfe eft décidée : le marquis
précède le comte. Lerfque les comtes étoient gouverneurs
de provinces, ils n’auroient pas cédé
la préféance aux marquis. ( Dan. hift. de la M. Fr. )•
C O M M U N E S . Troupes levées par les
communautés des paroiffes.
Les feigneùrs feudataires de la couronne abusèrent
fous le règne de Philippe du peu de fermeté
de ce prince, plus occupé de fes plaifirs ôc de fes
amours que des affaires de fon état. Ses liaifons
adultères & publiques avec Bertrade de Mont-
fort, qui lui causèrent tant d’embarras de la part
du pape ôc des évêques de France, affoiblirent ex-,
trèmement fon autorité , ôc auroient pu même
avoir des fuites fâcheufes, fi ce roi n’avoit eu
un fils aufli brave Ôc aufli a&if que Louis : c’eft
celui qui fut furnommé le Gros, ôc qui fuccéda
.à la couronne. Ce. jeune prince, dès qu’il fut
en âge de porter les armes, foutint tout le poids du
gouvernement fous le règne de fon père. Il étoit
fans ceffe en campagne pour dompter l’indocilité
des feigneùrs, qui étoient devenus autant de petits
tyrans dans leurs terres, vexoient leurs vaflaux,
ufurpoient les biens de leurs voifins, & principalement
ceux des évêques 6c des abbés qui
avoient fans celle recours au roi, pour dqjjÿiander
juftice contre ces violences.
Les plus indociles de ces vaflaux étoient les
.feigneùrs de Montmorenci, de Beaumont, de
Couci, de Rochefort, de Montjay 6c de Gournai.
Louis les mit à la raifon, en ravageant leurs terres,
en prenant leurs châteaux, 6c en les rafant quelquefois
; car l’abbé Suger, marque dans la vie de
Louis le Gros, une chofe digne d’attention ; c’eft
que le roi n’avoit droit de les punir que de cette
manière, 6c non point par la mort , ou par la
prifon ; ÔC ce fut encore apparemment un privilège
qu’ils extorquèrent de Hugues-Capet en
le mettant fur le trône. Louis les battit en une
infinité de petits combats; ce qui lui fit donner
le furnom de batailleur; fans, parler de la guerre
qu’il foutint pendant trois ans contre Guillaume I I ,
roi d’Angleterre.
Il jugôoit bien que plus ces feigneùrs avoient été
humiliés, moins ils feroient difpolés à fervir volontairement
l’état, s’il furvenoit quelque guerre étrangère,
c’eft ce qui lui fit imaginer le projet de la
milice dont je parle ; elle devoit rendre le roi .
moins dépendant des feigneurs pour, avoir des
foldats , fans les difpenfer cependant de l’obligation
de fervir, quand on le leur commande-
roit, 6c qu’on feroit en état de les y contraindre.
Les premières croifâdes fous Philippe I étoient
tres-favorables à ce projet; elles eurent lieu d’a- j
bord en Efpagne contre les Sarrafins, où le duc
de Guyenne, le comte de Touloufe, 6c quelques
autres fe fignalèrent; ôc enfuite à la Terre-Sainte ,
où le duc de Normandie, le comte de Touloufe ,
les comtes de Chartres & de Blois, 6c plufieurs
autres des plus puiffants feigneurs de France s’engagèrent.
Leur ablence, les grandes levées d’hommes
qu ils faifoient dans leurs domaines, les exceflïves
depenfes qu’il leur falloit faire pour fe mettre
en équipage, leur ôtoient le moyen d’appuyer 6c
de foutenir la révolte des feigneurs du domaine
du roi, 6c laifloient à ce prince le pouvoir d’exécuter
fes volontés, fans que ceux-ci ofaffent s’y
oppofer. On peut dire que ces croifâdes contribuèrent
beaucoup au rétabliffement de l’autorité
royale, en ruinant touts ces ducs 6c touts ces
comtes, dont quelques-uns mêmes vendoient
leurs domaines pour fubvenir aux frais du voyage ;
ceft ce que fit Herpin, comte de Bourges, qui
pour fe mettre en état d’armer, 6c d’avoir une
grande fuite de noblefle 6c de foldats* vendit fon
comte au roi. Et il me fouvient à Ce fujet d’une
reponfe que Philippe-Augufte fit à Jean , roi d’Angleterre,
qui ayant pris la croix, lui envoya des
ambafladeurs, pour le prier de lui rendre pour
de l’argent une partie du pays qu’il avoit pris
lur lui : Je fuis furpris, répondit Philippe-Augufte,
qu un homme qui s’eft croifé , veuille acheter, des
terres 6c des domaines, au lieu d’en vendre, ?
comme il devroit, pour accomplir fon voeu.
Les raifons de l’établiffement de la nouvelle :
milice étoient plaufibles ôc fpécieufes, 6c en même
temps très-juftes, 6c utiles au bien de l’état. Non-
feulement les violences des feigneurs particuliers
oc des gentilshommes étoient pouffées aux derniers
excès , mais encore l’infolence ôc la cruauté
d une infinité de brigands ôc de fcélérats qui fe I
fervoient de leur nom, étoient extrêmes. 11 n’y j
avoit nulle sürete dans les chemins; le commerce,. J
par cette raifon, étoit interrompu par-tout : il fe
commettait jufques dans les villes des homicides
oc des aflaflinats , que l’impunité rendoit très-
ïrequents; 6c l’on n’y voyoit point de remèdes
qui fuffent efficaces. Voici donc cè que Louis - le-
Gros imagina fur ce fujet.
ta ^ ^Ue iu%ues4à c’étoient les feigneurs 9,
les baillifs, les comtes , ou gouverneurs des villes,,
cm. lesv'vicomtes 6c les. châtelains qui, ieyoient feule* !
les troupes, pour .les envoyer ou les conduire à
l’armée, on concerta avec les évêques, Ôc les bourgeois
des villes, les moyens de lever ces nouvelles
milices. Les prélats furent ravis d’augmenter par-là'
leur puiflance 6c leur confidération, 6c de fe mettre
a couvert des vexations que les troupes levées
par les feigneurs, 6c agiffant fous leurs ordres,
iaifoient fouvent fur les terres des églifes.
Il fut réglé que les villes léveroient elles-mêmes-
des troupes de bourgeois, pour les faire marcher
a l’armée par paroiffes, les curés à leur tête, avec
1 la bannière de l’églife. « Le roi de France, 6c le
duc de Normandie, (d it encore le même auteur
que je viens de citer) » , allèrent durant le carême
aflîéger Breherval, & furent deux mois à ce fiége.
“ L à , les curés avec leurs paroifliens portèrent
leurs bannières; les abbés y vinrent aufli avec
leurs vaflaux. » Les curés n’alloient pas à l’armée
pour combattre eux-mêmes, mais pour prêcher
confeffer 6c aflifter leurs paroifliens à la mort. I
De tout temps, comme nous l’avons vu parles
capitulaires de la fécondé race, touts les gens-
de condition libre étoient obligés au fervice;ainfi
cette ordonnance n’avoit rien de nouveau à cet
égard : mais la manière de les convoquer étoit
nouvelle; car, ainfi que je viens de le dire, juf-
ques-là les comtes ou gouverneurs, les fénéchaux,.
les baillifs, les vicomtes l’avoient fait; 6c ce furent
les viüqs qui furent chargées de lever cette nouvelle
milice. Les troupes1 avoient toujours marché-
fous les enfeignes du fénéchal, du bailli, du vicomte;
6c celles-ci dévoient marcher déformai»
lous les bannières de leurs paroiffes. Ces troupe»
furent depuis appellées du nom de communes ,,
communiât, ou les communautés des paroiffes y
communitates pàrochïarum. Ce qu’il y eut donc
de plus fingulier là-deffus, c’eft que l’autorité 6c
les fondions des baillis, des vicomtes, ÔCc. 'ÿj
l’égard de ces troupes tirées des ville» , furent
tranfportées aux villes mêmes; le roi fe crôyant
plus sûr de leur fidélité 6c de leur foumiflion a fe»
ordres, que de celle des baillifs, des vicomtes, Ôcc.-
De tout temps la noblefle demeuroit pour 1*
plupart à la campagne, 6c les villes étoient com-
pofées de quatre fortes de perfonnes; fçavoir
de gens libres non nobles; 6c qui-, fans doute *
defcendoient originairement pour la plupart d’affranchis;
car ceux de cette condition , s’ils n e
demeuroient pas auprès-de leurs anciens maîtres
s’établiffoient dans les villes, 6c y aeheioient le
droit de bourgeoifie.. Ces habitans des villes faifoient
le commerce ; plufieurs affranchis exer-
çoient les métiers ' qu’ils- avoient- appris dans le
temps de leur fervitude ; c’étoit ce qui faifoit le
gros des villes. I f y avoit en fécond lieu des clercs;
6c des prêtres qui dëffervoient les églifes. Il y avoit
des tribunaux de juftice; les5 uns dépendants-dm
prince immédiatement r comme dans la plupart
des grandes ôc anciennes* villes ; les-autres dépens
dants- des feigneurs particuliers-^ fur-tout dans fey