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L ’auteur de Thiftoire des grands officiers de
la Couronne femble fuppofer que ce fut l’an 1546 ;
mais François Ier , dans un réglement de 1544 ,
qualifie cet officier de général de l’infanterie ; &
il étoit ordonné que les capitaines qui lèveroient
dans la fuite des compagnies d’infanterie pren-
droient de lui leur commiffion : ce qui fait croire
que, dès-lors , il étoit colonel-général ; parce qu’une
des fondions de cette charge étoit de délivrer des
commiffions aux officiers.
De plus, Brantôme dit que la première & plus
belle montre de fa charge fut en la bataille de Ce-
rifoles, de l’an 1544 ; & Montluc lui donne le
titre de colonel dans le récit de cette bataille : ce qui
fixe à peu près l’époque où cette charge fut inf-
tituée.
Gafpard de Coligny étendit beaucoup l’autorité
de colonel-général. Henri 11 lè regardoit comme
très habile pour le gouvernement des troupes , &
la confiance du prince fut extrêmement augmentée
par le grand ordre que Coligny maintint dans l’armée
, pendant le long blocus de Boulogne. Ce fut
luitggui dre lia l’ordonnance de 1550 pour la discipline
de l’infanterie , & le roi lui en fait honneur
dans l’ordonnance même. Il avoit non-feulement
toute la jurifdiâioni& police militaire de l'infanterie
; mais les capitaines ne pouvoient pas difpo-
fer d’un emploi de caporal' ou d’anfpeffade fans
fon agrément, ou fans celui du mettre de-camp , en
fon abfence.
Il avoit deux, compagnies colonelles , & il
difpofoit immédiatement de touts les emplois. Les
régiments n’exiftoient point encore : ils ne furent
institués qu’en 1558, fur la fin du règne de Henri II :
toutes les compagnies , nommées bandes, étoient
des compagnies franches ; les colonelles étoient
comme les autres : on les diftinguoit par le rang
Si par le drapeau blanc quelles feules pouvoient
avoir. Après l’inftitution des régiments, il y eut
autant de compagnies colonelles que de régiments :
la colonelle étoit la première du régiment : le capitaine
s’appelloit lieutenant - colonel 9 comme représentant
le colonel-général \ Si. le meftre-de-camp
n’avoit que le fécond rang.
François Ier , en créant la charge de colonel-
général , Si en lui attribuant de grandes prérogatives
s’étoit réfervé le droit de nommer les capitaines
des vieilles bandes ; mais Henri II en laiffa
la nomination à Coligny ; &. par-là que cette charge
devint beaucoup plus confidérable, parce que touts
les officiers étoient des créatures du colonel-général.
Cette prérogative fut ôtée à François de Coligny ,
i eigneur d’Andelot , par Charles IX ; en 1564 , &
l’ancien ufage fut rétabli. ~
François I er ayant enlevé le Piémont à Charles III,
duc de Savoie, avoit dans ce pays beaucoup de
troupes, pour conferver la conquête ; en inftituant
la charge de colonel-général, il en étendit l’autorité
tant fur les bandes qui étoient en France, que
fur celles qui étoient en Piémont : Henri II créa une
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charge de colonel-général dyen-dcçcC3 Si fans fubor-
dination de l’une à l’autre.
Dans la fuite on .ne donna pas feulement ce
titre au commandant de l’infanterie françoife , ôt
à celui des bandes de Piémont , mais encore à
ceux q u i, dans les pays étrangers, commandoient
l’infanterie des troupes auxiliaires que la France y
«envoyoit.
La charge de colonel-général de l’infanterie n’eut
toutes les prérogatives qu’Henri III y attacha , Si
ne fut érigée en charge de la couronne qu’au mois
de décembre 1584, en faveur du duc dEpernon
fon favori, Si vérifiée en parlement au mois de
janvier 1585. Henri 111 attribua au colonel-général
le pouvoir de nommer généralement à toutes les
charges qui vacqueroient dans l’infanterie françoife j
fans excepter même celle de meftre-de-camp du
régiment des gardes. *
Ce prince donna non feulement au colonel-général
une jurifdiérion particulière., pour juger de
la vie & de l’honneur des gens de guerre , fans
être obligé d’y app'eller d’autres officiers que les
fièns ; mais il augmenta les appointements de la
charge ; il y attacha une forte penfion ; Si le ëolonel-
généràl devint le maître abfolu de l'infanterie. >
' Ses appointements étoient de 19667 liv. Iltiroit
de plus fix deniers pour livre de la folde du régiment
des gardes : ce qu’on appelloit les aumônes ,
qui fe montoient à une très grotte fomme. •
Les honneurs qu’on lui rendoit n’étoient pas moins
extraordinaires. Il avoit une garde de deux compagnies
, avec le capitaine, Si le drapeau ; les tambours
battant aux champs , quand il entroit ou
fortoit, comme l’on fait pour le fouverain. Quand
il vouloit monter tagarde chez le roi, il en faifoit
avertir les capitaiii^, & on le faluoit de la pique ,
même à la porte du palais.
Gatton , frere de Louis X I I I , entrant au louvre
dans fon carotte, où étoit le duc d’Epernon; le
tambour de la garde, voyant le carotte de monfieür ;
rappella, félon la coutume ; auffitôt le duc d’Eper-
non mit la tête à la portière , Si cria au tambour
qu’il étoit là : alors le tambour battit aux champs ;
ce qui choqua extrêmement le prince : c’étoit un
trait de la fierté du duc d’Epernon, & tout-à-fait
I dans, fon cara&ère.
Le colonel-général recevoit le ferment du meftre-
de-camp des gardes , couvert, & affis dans un fauteuil
; le meftre-de-camp étant chapeau bas , à
genoux fur un carreau , Si tenant la main iur l’évangile.
Le meftre-de-camp lui devoit une fois le falut
de la pique ; Si , quand il ne le faifoit pas le jour
de fa réception , il éroit obligé de lui rendre cet
honneur la première fois qu’il paroiffoit devant lui j
à la tête, du régiment.
Longtemps avant le duc d’Epernon , les colonels-
généraux avoient des compagnies colonelles ,.. qui
avoient rang avant toutes les autres. On a déjà
dit que ces compagnies étoient des compagnies
franches
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franches Si à part. Quand les régiments furent
inftitués, il y en eut plufieurs où l’on établit des
compagnies colonelles : mais touts les régiments
n’en eurent qu’après que le duc d’Epernon eut obtenu
la charge de colonel-général ; toutes ces compagnies
avoient le colonel-général pour capitaine , & avoient
rang avant la compagnie meftre-de-camp, comme
elles l’ont toujours eu jufqu'à la fuppreffion de la
charge de colonel-général. Depuis l’inftallation du
duc d’Epernon , on voit dans touts les états de
guerre cette compagnie colonelle , même dans le
régiment des gardes : mais quoiqu’elle ait toujours
fubfifté dans ce régiment jufqu’à la fuppreffion de
la charge de colonel-général, Henri IV , dans la
fuite fe réferva la nomination desmeftres-de-camp
de ce régiment.
Quant à ce qui concerne le privilège du drapeau
blanc, les colonels-généraux l’eurent d’abord
pour leurs deux compagnies colonelles , à l’exclu-
fion de toutes les autres. Lorfque les légions furent
inftituées par Henri I I , les colonels de ces corps
eurent aulli le droit de faire porter le drapeau
blanc aux deux compagnies colonelles dont ils
etoient capitaines dans leur propre légion ; c’eft le
feul fondement fur lequel les commandants de
quelques autres régiments, qui furent levés depuis,
purent prétendre avoir ce droit. Le privilège du
drapeau blanc fut enfuite attribué à quelques-uns
des plus anciens régiments , & puis à d’autres
plus récents. Le colonel-général ne s’oppofa point
à cette multiplication de drapeaux blancs, parce
qu’ils étoient affeélés aux compagnies colonelles,
Si qu’elles lui appartenoïent.
Le duc d’Epernon pofféda cette charge depuis
la démiffion de M. de Strozzy en 1582. jufqu’à fa
mort en 1642 , c’eft-à-dire durant loixante ans.
Elle paffa à Bernard de la Valette, duc d’Eper-
non, fon fils. Celui-ci l’exerça jufqu’à fa mort arrivée
en 16 6 1, Si après lu i , fa charge fut fup-
primée. v
Henri IV créa une charge de lieutenant-colonel-
général de l’infanterie françoife , qui donnoit le
commandement fur toute cette infanterie , fous le
colonel-général : ce fut M. de Grillon à qui le prince
la confia, Si il n’eut point de fucceffeurs. Henri IV
donna peut-être ce fécond au duc d’Epernon ,
moins pour le foulager dans l’exercice de cet emploi
que pour modérer fon autorité 9Si empêcher qu’il
n’en abusât.
L'an 16,61 , à la mort du fécond duc d’Epernon ,
Louis XIV fupprima cette charge par un édit du
28 juillet 1661. Elle fut rétablie par les lettres-
patentes du n mai 17 2 1, accordées par Louis X V
à Louis I , duc de Chartres, depuis duc d’Orléans.
Celui-ci en donna fa démiffion entre les mains
du roi, le 5 décembre 173©, Si une ordonnance
du 8 de ce mois la fupprima de nouveau.
Le colonel-général mettoit derrière l’écu de fes
armes , quatre ou fix drapeaux des couleurs du
fQi, qui font blanc , incarnat & bleu. Art militaire. Tome, I,
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C olonel g é n é r a l d e s S u i s s è s & G r i s o n s .
Cette charge n’étoit autrefois que paffagère , Si
cependant toujours occupée par un prince. Elle
fut érigée en titre d’office par Charles IX , en
faveur de Charles de Montmorenci-de-Méru, l’an
1571. Le commandement de toutes les troupes
Suiffes lui fut attribué , excepté la compagnie des
cent-Suiffes de la garde.
Cette charge n’eft point au nombre de celles de
la couronne ; cependant celui qui en eft pourvu
prête ferment entre les mains du roi.
Toutes les troupes fuiffes lui font fubordonnées.
Il nommoit autrefois à toutes les places de colonel
&. de capitaine ; mais , depuis la mort du comte
de Soiffons , le roi s’eft réfervé ce droit. C ’eft
lui auffi qui nomme Si préfente au roi les officiers
de la nation, pour être compris dans la promotion
des officiers généraux.
Il efb chef d’une compagnie que l’on nomme
la générale : elle marche à la tête du régiment des
Gardes-Suiffes. Quoiqu’elle foit comme unie à ce
corps , elle en forme cependant un particulier :
elle a un état-major & un confeil féparé. Le drapeau
blanc eft dans cette compagnie , ôc les autres
drapeaux du régiment portent les couleurs de la
livrée du général. Le capitaine-lieutenant a rang
de capitaine aux gardes«
Quand le colonel-général eft à l’armée, Si qu’il
y a des régiments Suiffes, une compagnie doit monter
la garde chez lu i , avec le drapeau ; indépendamment
de celle qu’il doit avoir à raifon de fa
naiffance ou de fon grade d’officier général.
Lorfque le régiment des Gardes-Suiffes patte la
revue du ro i, le général fe met à la tê te , "où il
fe tient toujours a cheval, foit de pied-ferme ,
foit en défilant devant fa majefté, qu’il falue en
paffant du chapeau feulement;
Il peut faire grâce , même pour crime capital l
aux foldats Si officiers de fa compagnie. C ’eft
lui qui décide fouyerainement de toutes les querelles
entre les officiers de la nation. Il a une garde
de douze trabans , ou hallebardiers , entretenus
aux dépens du roi. ' -
La marque de fa dignité confifte en fix drapeaux
du régiment des Gardes, pattes en fautoir
derrière l’écuffon de fes armes.
Cette charge a été poffédée par plufieurs princes,'
& par un plus grand nombre de gentilshommes :
tels font M. de Montmorenci-Méru, en 1571 ;
Duharlay de Sancy , en 1596; le Maréchal de
Baffompierre, en 16 14 , deftitué en 1632 , Si remis
en 1643; n a q u is de Coiflin, en 1632 ; le
marquis de la Châtre, en 1642; le maréchal de
Schomberg,en 1647 ; Si M. le duc de Choifeul,
en 1762. Il n’a pas même été demandé qu’ils fuffent
maréchaux de France.
C o l o n e l -g é n é r a l de la cavalerie françoife Sc
étrangère.
La charge de colonel-général de la cavalerie eft
une des plus confidérable s de la milice de France*; y v y v.