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paroît à la tête de Tes troupes, fuivi des Ifraélites
qui fortoient en foule de leurs cavernes. Les hé-
breux qui étoient dans le camp des Philiftins, fe
joignirent à leurs frères. Ils furent bientôt au nombre
de dix mille, & pourfuivirent l’ennemi jufqu’en
Aïalon.
On trouve dans notre hiftoire un exemple d'audace
tout à fait femblable. Au paffage du Thanis
par les Croifés en 1250 , les Sarrafins s’étoient
fait avec de groffes pierres une efpèce de retranchement
, d’où ils incommodoient beaucoup les
troupes françoifes. Le fénéchal de Champagne at-
tendoit avec impatience l’entrée de la nuit, pour
aller ruiner cet ouvràge : mais Vaudace de Jean de
Vaify, fon aumônier, lui en fournitplutôtroccafion.
C e courageux prêtre fe dérobe tout feul ; & , .dit
Joinville , fa cuirajfe vêtue , fon chapeL de fer fur la
tête , fon épée fous le bras , marche comme fans
deffein vers les Sarrafins qui le prennent pour un
des leurs, fond tout-à-coup fur eux , les frappe ,
les renverfe , & les met en fuite ; mais bientôt détrompés
, 8c fecourus, ils revenoient fur l’aumo-
nier ; lorfque cinquante gendarmes , détachés par
Joinville , les arrêtent, les chargent, les forcent
a fuir encore , détruifent le retranchement , 8c
ramènent en triomphe l’audacieux Vaify ,. qu’on
n’appelk'plus que le brave prêtre. ( Ibid. Velly.
T. IVy pag. 473-)•
On ne peut pas oublier dans cet article Hora-
tius Codés. On entend quelquefois révoquer en
doute fon aélion , parce que la plupart des hifto-
riens en ont exagéré les circonftances. S’ils avoient
fuivi plus exaélement le récit qu’en fait Tite-
live , elle ne paroîtroit point incroyable. » A l’af-
peél des ennemis, les habitants des campagnes fe
réfugièrent dans la ville : elle fut entourée de
gardes : fes murailles & le tibre paroifToient des
©bftacles fûrs. Un pont de bois auroit livré un
paffage à l’ennemi, fi un feul homme , Horatius
C o d é s , ne s’y étoit pas trouvé : il fut en cette
journée le rempart de Rome 8c de fa fortune.
Chargé de garder ce p ont, & voyant le Janicule
pris d’emblée , les ennemis en defcendre à pas
précipités, les Romains effrayés quitter leurs rangs,
jetter leurs armes , il lés réprimandoif, s’oppo-
ib.it à leur fuite , atteftoit les Dieux 6c les hommes ,
en repréfentant que c’étoit envain qu’ils fuyoient,
en abandonnant la garde ; que s’ils laiffoient derrière
eux le paffage libre , il y auroit bientôt , plus d’ennemis
au mont Palatin & au Capitole qu’au Janicule ;
qu’ils détruififfent le pont avec le fer , le feu , par
quelque moyen que ce fut, 8c qu’il foutiendroit le
choc des ennemis, autant que. le pourroit un feul
homme. Il s’avance à l’entrée du pont, 8c fe fai-
fant diftinguer de ceux qui s’éloignoient, par l’attitude
& la contenance d’un foldat prêt à combattre,
il étonna les ennemis par l’excès de fon audace.
Cependant la pudeur retint près de lui deux romains
, Spurius Lartius 8c Titus Herminius, touts
{leux illustres par la naiffance ainfi que par les ac-
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fions. II foutînt quelque temps avec eux les premiers
coups de la tempête , & ce que l’attaque
avoit de plus tumultueux. Lorfqu’il ne refta plus
qu’une petite partie du pont, ôc que ceux qui le
coupoient rappelloient les trois combattants , il
obligea fes deux compagnons à fe retirer. Enfuite ,
regardant tour-à-tour les chefs des Etrufques ,
d’un oeil menaçant & terrible , il les défie , l’un
après l’autre , & adreffe à touts ce reproche :
efclaves de rois orgueilleux, qui aveç_ oubLié votre
liberté,. vous vene^ attaquer celle des autres. Ils
furent quelque temps immobiles , chacun.attendant
qu’un autre commençât le combat. Enfin la honte
leur rendit le mouvement ; ils jettèrent un c r i,
& lancèrent des traits de toutes parts , contre leur
feul adverfaire. Touts relièrent dans le bouclier ,
& lui toujours ferme fe maintint à l’entrée du
pont, Us tentoient déjà de le repouffer , lorfque le
fracas du pont rompu, & les cris des Romains,
joyeux de voir leur ouvrage achevé , fufpendit leur
choc en les effrayant. Dieu du Tibre, dit alors Codés,
reçois ces armes y ce foldat , 6* que tes eaux leur
foientpropices ! Il s’élança dans le Tibre j & , au
milieu d’un grand nombre de traits qui tomboient
fur lu i, parvint fain & fauf à l’autre rive ». ( Tit.
Liv. L. IL C. 10. ).
On voit dans ce récit un homme audacieux , qui
foutient avec deux autres l’attaque tumultueufe de
quelques foldats épars , attend les traits qu’ils lui
lancent touts enfemble , & traverfe enfuite , en
leur préfence, une rivière à la nage.: cette adion
n’efl point incroyable. Mais elle le deviendroit,
fi on difoit, avec quelques hiftoriens , qu’Horatius
Codés foutint le choc d’une armée entière.
Quelques-uns de nos chevaliers ont fait des
aélions aufli audacieufes, 8c peut-être plus étonnantes.
A la retraite des Croifés , fur les bords
du Thanis , Châtillon 8c Sargines foutinrent prefque
feuls l’attaque d’un gros corps de troupes ennemies.
Toutes les fois , dit Joinville , que les Sarajîns ap-
prouchoient le roi , Sargines le défendoit à grands
coups d'épée & de pointe, & rejfembloit fa force lui
être doublée d'outre moitié, & fon preulx. & hardi cou-
raige, & à touts les coups les çhajfoitde deffus le-roi.
Lorfqu’ils furent parvenus à la petite ville de Calèl ,
Châtillon feul défendit long-temps l’entrée d’une
rue étroite. On le voyoit tantôt fondre fur les enne-
mis, abattre & tuer ceux qu’une fuite affez prompte
ne pouvoit lui dérober, tantôt fe retirer pour arracher
de fon écu, de fa cuiraffe , 8c même de fon
corps les flèches 8c les javelots -dont il étoit tout
hériffé. Il retournoit enfuite au combat avec plus
de furie , 8c - crioit à Châtillon , chevalier 3 à Châtillon
! Ou font mes prudhommes ? Accablé enfin par
le nombre, épuifé de fatigue & percé de coups , il
ceffa de combattre en ceffant de vivre. ( Velly.T. IV,
F- 49*- )■
Dans ces hommes en qui l’éducation,1a profef-
fion , la puiffante voix de l’honneur tendoient de
concert à détruire tout fentiment de crainte ,
celui
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celui de l'audace n’ étoit pas rare. Il eft plus fur-
prenant de le trouver dans un valet de ferme. L’an
135:8 , une compagnie angloife attaqua le bourg
de Longueil, qui n’avoit pour défenfeur que deux
cents payfans. Le capitaine qu’ils s’étoient choifis,
nommé Guillaume Lalouette, accompagné feulement
de quelques - uns des moins timides , fe
pré Tenta fièrement à l’ennemi , mais fuccomba
lbus leurs premiers coups. Un valet le fuivoit ,
homme d’une taille 8c d’u'ne force extraordinaires.
A la vue de fon maître expirant , la douleur 8c
la fureur le tranfportent. Il excite fes camarades ,
faifit une hache , fond fur lès anglois , en étend
dix-huit fans vie : le refie fu it, il fort après eux ,
les difperfe , tue le porte-enfeigne, enlève le drapeau
, & dit à un des fiens d’aller le jetter dans le
foffé. Celui-ci héfite , en voyant un gros d’anglois
fur-le feul chemin qui pouvoit y conduire. Suis-
moi , lui dit le Grand-Ferré, c’étoit le nom du héros.
Il court à ce gros d’ennemis , le renverfe , s’ouvre
le paffage ^ jette le drapeau dans le foffé , revient
fur eux ; 8c ne rentre pas qu’il n’ait difïipé toute
la troupe.
Ils revinrent quelques jours après , 8c le Grand-
Ferré les reçut avec le même courage. Mais la fatigue
de ce combat lui caufa une maladie dangereufê
qui l’obligea de retourner à fon village, nommé R o-
checour, 8c peu éloigné de Longueil.
Les Anglois en furent inflruits. Loin de fentir
cette admiration ? ce refpeél, 8c ce plaifir qü’inf-
pirent les vertus extraordinaires,'ils vinrent, au
nombre de douze, l’attaquer dans fa maifon &
dans fon lit. Sa femme, les appercevant, cou- ,
rut à lui toute éperdue. Mais cet homme, inaccef-
fible à la crainte , & confervant une grânde ame
dans un corps affoibli ,/ fort du l i t , prend une
hache, Sc paroît dans fa cour. Voleurs, s’écria-t-il",
vous vene^ m'attaquer dans mon lit c'orhme des
traîtres, mais vous ne meprendre^pas. Alors, s’appuyant
contre.le mur, il les défia' d’approcher.
Cinq de ceux qui l’osèrent furent tués. Les autres
s’enfuirent. Ces derniers efforts aggravèrent tellement
fa maladie , qu’il mourut peu de jours
après. ( Hifl. de Fr. ÎVillaret. Tom. I X , pag. 315.).
L’hiftoire de touts les peuples préfehte detemps-
en - temps quelques traits üaudace. Lorfque le
bon connétable afliégebit Benon , douze Anglois , ■
fortis de cette ville , vers minuit, fur d excellents
chevaux , attaquèrent le camp des François,
& repoufsèrent les premières gardes. L’alarme
fut générale : on • crut que le duc de Lancaflre
s’étoit jette dans la place avec un puiffant fe-
cours. Mais ces douze hommes ternirent l’éclat
de leur audacieufe- entreprife par un aéle de
férocité. Ils rencontrèrent une troupe commandée
par Geoffroi Payen, & la chargèrent avec tant
d impétüofité , qu’en un moment elle fut rompue ,
difperfée , & prit la fuite. Le chef refié feul fe
défendit avec tout le courage qu’on poiivoit en
attendre ; mais, enfin , couvert de bleffures , &.
Art militaire. Tome /.
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manquant de forces, il fut contraint de rendre
les armes : douleur plus grande pour un chevalier
que celle de fes bleffures. Quelques troupes
françoifes voulurent courir au fecours ; mais les
Anglois, déjà éloignés, fe hâtoient de rentrer
dans la ville. Leur prifonnier fe nomma, dit
qu’il cqmmandoit, aux ordres de M. de Cliffon y
trente hommes d’armes , qu’il pouvoit leur donne r
une rançon confidérablé , & les pria de permettre
qu’il revînt au camp pour faire panfer fes bleffures
, leur jurant & promettant fur fa foi, comme
gentilhomme, qu’il retourneroit à leur commandement.
Au nom fatal de Çliffon, les Anglois furieux
jurèrent qu’ils ne recevroient du prifonnier ni
or ni argent, qu’il alloit mourir au dépit d'Olivier,
quifaifoit fon esbattement de mettre Anglois a fin :
aufii - tôt ils fe jettèrent fur lui , & le tuèrent.
Cliffon , qui venoit au camp avec cinq cent»
bommés d’armes, rencontra 8c reconnut le corps
fanglànt de fon compagnon. Il l’aimoit, le regretta,
le plaignit, 8c le vengea cruellement. ( Hiß. de
du Guefcl. 4°. pag. 516 & fu iv .fi
Paffons en d’autres pays, 8c voyons d’abord
à Tigfanocerte ce petit nombre de foldats grecs
mercenaires , défarmés par les ordres de Mancée,
gouverneur de dette place, parce qu’il foupçon-
noit leur foi'. Cette première injuflice leur en fit
craindre une plus grande. Us fe munirent de la
feule arme qui leur étoit laiffée , 8c fe tinrent enfemble
, ayant chacun un bâton. Mancée eut la
lâcheté de les attaquer à la tête d’une troupe armée.
A cette vue l’indignation change leur courage
en audace : ils s’enveloppent le bras gauche avec
leurs tuniques, marchent à ces barbares, prennent
les armes de ceux qu’ils tuent ; 8 c, quand ils ea
ont en affez grand nombre , vont s’emparer de
quelques tours, d’où ils appellent les Romains
qui àfiiégeoient la ville , 8c les introduifent. ( App.
Bell. Mithrid. pag. 230. B. C. ).
Voyons chez les Hébreux un corps d’Ifraëlites,
effrayé par le grand nombre des Philiftins qui
marchöient à eux, prendre la fuite, Eléafar les
attendre feul, en tuer plufieurs ; ceux qui avoient
fui, honteux de leur crainte, raffurés par fon audace,
revenir au combat 8c vaincre : Abifaï foutenir
l’effort de trois cents combattants ; Semma, fils
d’Agé , défendre feul un pofte que fa, troupe
avoit abandonné j Ui, fils de Séba, voyant fuir
fes compagnons , attendre l’ennèmi 8c combattre
féùl ; Banaïas fe jetter feùl 8c défarmé fur un
Egyptien redoutable par fa grandeur, 8c couvert
de toutes fes armes , lui arracher fa lance 8c l’en
percer. Jonathas, Judas, 8c Marcias, avec cinquante
foldats , enveloppés par l’armée ennemie „
la charger, la rompre, 8c percer fa ligne ; au frége
de Jérufalem, Tephtée, Mégaflàre , 8c Adiabène ^
lé fer 8c les flambeaux en main, s’ouvrir un paffage
a travers des troupes romaines julqu’à leurs
machines , y foutenir une grêle de traits , 8c ne
pas s’en éloigner qu’elles ne fuffent embrafées.
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