
Leur cavalerie, au nombre de quinze mille
hommes, fe déploya dans la plaine. Elle ne marcha
pas dire&ement à l’armée ennemie, mais, appuyant
iur fa droite,elle fe porta peu àpeu contre le centre
des Romains & l’infanterie de leur gauche. Les
confuls Marius & Catulus virent leur' deflein fans
pouvoir s’y oppofer : ils ne purent retenir les
troupes. Un foldat romain s’étant écrié que les
ennemis fuyoient, toute l’armée s’ébranla pour
les pourfuivre.
Cependant on voyoit l’infanterie des Ombres
flotter dans la plaine comme une mer orageufe.
Un nuage immenfe de pouffièrê s’élevant fous les
pieds des deux armées, elles errèrent allez longtemps
avant de fe joindre. Enfin les Cimbres
vinrent par hafard choquer les troupes de Catulus,
qui étoient au centre de l’armée romaine. Peu
accoutumés au climat, & combattants au temps
le plus chaud de l’année, haletants, couverts de
fueur, offufqués par le foleil, occupés à oppofer
leurs boucliers à fes rayons comme aux traits
ennemis, ils pouvoient à peine fe défendre. Les
Romains, au contraire, endurcis à la chaleur, n’é-
prouvoient ni fueur ni laflitude, 6c la pouflière
leur ôtoit la vue, & la crainte du grandliombre de
leurs ennemis. Cependant le combat fut long : les
plus valeureux des Cimbres y perdirent la vie : le
refie prit la fuite, & fut pourfuivi jufqu’à fon camp.
Vous devez chercher l’ennemi s’il vous eft inférieur
en nombre, en valeur, en difcipline, en
adrefle à manier les armes ; fi les fiennes ne font
pas auffi bonnes que les vôtres ; fi l’éloignement,
& la ftérilité de fon pays l’empêche de réparer
promptement fes pertes en hommes, en chevaux,
en argent, en armes, en fubfiftances, tandis que
le vôtre eft abondant & proche de vous ; fi la
retraite eft pour lui longue & difficile, de forte
que vous publiez efpérer d’avoir ruiné fon armée,
.avant qu’elle foit rentrée dans fon pay s , & d’y
pénétrer vous même ; fi fa frontière eft mal fortifiée,
fes places en mauvais état, fes arfenaux
mal fournis, fes finances épuifées : la fuperftition,
toujours plus nuifible qu’utile, peut vous donner
auffi de grands avantages. (/'■ ’ôye^SuPERSTiTiON).
•Profitez de l’oecafion que vous peuvent offrir fes
Fautes. Ailes mal protégées, terrein négligemment
reconnp , marches faunement combinées, embar-
raflees par de gros bagages, ou faites près de vous
tumultuairement, à la manière des brigands ou
• des barbares qui fe; difperfent pour piller défilés
paffés témérairement en votre préfence, camps mal
pris, poftes importants négligés ou qu’on n’a point
apperçus, flanc préfenté par imprudence, ignorance,
ou témérité. Si vous fçavez furprendre l’ennemi
dans ces manquements, le fuccès eft infaillible.
M o y e n s d ’e n g a g e r u n e a c t io n .
Menacer une place.
S’il vous eft avantageux de combattre, l’ennemi
doit l’éviter. Vous pourrez l’y forcer en affiégeant
une place importante qui allure fes convois, couvre
fon pays ou celui dont il tire fes fubfiftances, renferme
fon tréfor, fçs magafms de vivres ou de
munitions de guerre. Mithridate voulant combattre
Triarius, campé à Gaziura, dans le Pont,
avant que Lucullus l’eût joint, tenta d’abord de
l’attirer hors de fes retranchements, en mettant
en bataille & exerçant fon armée à la vue des
Romains. Ce moyen ne réuffiffant pas , il envoya
un corps de troupes affiéger un fort nommé Dadafa,
dans lequel étoient les bagages de l’efinemi. Tria-!
rius craignoit les forces fupérieures de fon- adver-
faire. Il attendoit de jour en jour Lucullus.: il vit
tranquillement commencer le fiège. Mais l’armée,
craignant de perdre touts fes bagages, le menaça
de marcher feule à Dadafa, s’il ne l’y conduiloit,
Il fe mit donc à la tête des enfeignes, & quitta
fon camp à regret. Les Romains, attaqués à peu
de diftance du fort, accablés par l’ennemi beaucoup
plus nombreux qu’ils ne l’étoient, pouffes
dans une plaine oii ils ignoroient qu’il y eut une
rivière, furent enveloppés , & auroient touts péri
fans l’audace d’un foldat romain. Il s’approcha du
roi comme s’il eut été un des Romains qui fer-
voient dans fon armée ; & feignant d’avoir quelque
chofe à lui dire , il lui porta un coup dont il le
bleffa. Auffi-tôt il fut pris & tué : mais cet événement
, troublant l’armée ennemie, donna le
temps à un grand nombre de Romains de s’échapper.
Céfar faifant la guerre en Afrique, attira Scipion
au combat en afliégeant Thapfe. Je rapporterai
ailleurs touts les mouvements que ce grand homme
fit alors. {Voye^ B a t a il l e .)
Ôyiftian I V , roi de Dannemark, s’étant allié
avec Guftave Adolphe contre l’empereur, &
connoiffant la fupériorité que les vieilles troupes
de T illy avoient fur les fiennes, peut-être même
celle que ce général avoit fur lui, évitoit le combat,
fe retranchoit, ne faifoit la guerre que par des
partis , afin d’aguerrir fes troupes. T i l ly , n’ayant
pu réuffir par divers mouvements à engager une
aElion , alla former le fiège de Gættingue. Le roi
y avoit un grand magaïin, & cette place étoit
d’ailleurs très importante pour fe conferver le
paffage libre dans la He fle , par le duché de
Brunlwick. Le roi tenta d’y jetter des troupes :
le fecours fut battu, & la place prife.
T illy efpérant toujours d’engager Chriftian au
combat, affiégea Nordheim , place dont la perte
achevoit de fermer aux Danois l’entrée de la
Heffe : il falloit qu’ils combattiffent ou fe retiraf-
fent au delà de l’Elbe. Le roi fe réfolut cette fois
à fecourir Nordheim avec toutes fes forces. Il
combattit les Impériaux à Luther : fon arniée fut
mife en déroute, perdit fon artillerie, fes muni-,
tions, fon bagage , un grand nombre de drapeaux,
d’officiers 6c de foldats.
Secourir une place.
On peut engager une aElion en s’approchant
I d’une place importante que l’ennemi affiège, 6c
| tentant ou feignant d’y jetter quelque fecours.
j Antoine , ayant eu quelque défavantage en un
I combat donné près de Mutine dans les Gaules ,
] continua de bloquer cette place ; mais avec la
réfolution d’éviter le combat, quand même l’ennemi
le chercheroit, 6c de l’inquiéter touts les jours par
‘ des efcarmouches, jufqu’à ce que la difette abfolue
contraignît Décimus à fe rendre. Oétave & Hir-
tius au contraire defiroient une a&ion, 6c l’offrirent
inutile/nent. Pour y obliger leur adverfaire, ils fe
portèrent vers le côté de la ville qu’Antoine gardoit
, avec moins de forces, parce que l’approche en étoit
: plus difficile, 6c firent quelque démonftration de
vouloir forcer le paffage en cet endroit, pour jetter
du fecours 6c des vivres dans la place. Antoine ne
les fit fuivre que par fa cavalerie. Les deux généraux
, la voyant feule, continuèrent leur marche.
Antoine, craignant pour Mutine, fortit de fon camp
avec deux légions. Auffi-tôt Octave 6c Hirtius
reviennent fur leurs pas, engagent le combat, 6c
repouffeiu l’ennemi jufques dans fon camp. Hir- .
tius y pénètre 6c meurt en combattant auprès du. ;
prétoire.^ Oétave accourant enlève le corps, fe
rend martre du camp, mais pour peu de temps :
~ (jAntoine revient a la charge 6c le repouffe. Les
deux armées paflerent la nuit fous les armes. Le
lendemain Antoine craignant qu’O â a v e ne tentât
encore de jetter du fecours dans Mutine, ou qu’en
fe retranchant il ne fe mît à' l’abri des incurfions
de fa cavalerie, leva fon camp 6c prit le chemin
des Alpes.
Ravager le pays.
H f voit ravager fon pays réfifte
difficilement au défit de le défendre. Le peuple
par fes plaintes, l'armée par fes murmures, le
prince par la crainte de la diminution de fes revenus,
ou de la confommation des vivres nécef-
laires a la fubfiftance des troupes, & par des ordres
réitérés de combattre, ont fouvent contraint le
général a une imprudence funefte. Junius Brutus
W Ë SÊBm k ! ravage des campagnes , le pillage,
& imcendie des bourgs & des villes, attira malgré
eux les Veftins a une aSion , les défit, les contraignit
a fe réfugier dans leur camp, & bientôt
dans leurs villes , dont il fe rendit maître & livra
k s dépouillés a fon armée. Ce fut par ce moyen
que Julien combattit & défit les Perfes. Nous
LuriusSF a" S lÉÉI c°mment G. Flaminius, &
& AnnibarUS lemPloy erAent contre les Gaulois,
« Anmbal contre ce même Flaminius.
I avides, a caufé plnfieurs défaites. Les Fabius s’y
laiffèrenf prendre. Cette famille s’étoit offerte pour
foutenir feule tout le poids de la guerre contre
les Véïentes. Ce peuple, plus incommode que
dangereux, venoit ravager les terres des Romains,
& fe retiroit dans fa ville dès qu’on marchoit contre
lui. Une grande • vigilance étoit plus néceffaire
pour s’en garantir, que de grandes forces. Vaincu
en plufieurs combats, il recourut à la rufe, per-
fuadé que les fuccès auroient augmenté l ’audace
& la confiance des Fabius. Quelques troupeaux
leur furent prélentés comme par hafard. Dès-
partis , envoyés pour éloigner ceux qui pilloient
prirent la fuite dès qu’ils apperçurent les armes
romaines. Les Fabius méprilèrent un ennemi qui
fuymt toujours devant eux , & fe crurent invincibles.
D autres be-ftiaux, montrés dans une plaine
éloignée de Crémère, les y attirèrent. Us défirent
une troupe embufquée auprès du chemin même
& pourfuivirent avec ardeur les troupeaux errants
dans la campagne. Tout à coup les ennemis fe
lèvent , parodient de toutes parts, accourent
avec de grands cris : les Etrufques fe joignent aux
Vmentes;. une pluie de traits tombe fur les Fabius.
Ceux-ci, fe reflèrrant au milieu de cette multitude
combattirent d’abord de touts côtés ; mais bientôt
le portant fur un feul point, & preffant à la fois
de leurs corps, & de leurs armes, ils rompirent
la ligne ennemie. Parvenus fur une colline dont
la pente s’élevoit infenfiblement, ils s’y arrêtèrent
La , prenant un peu de repos , & fe remettant de"
leur terreur, ils repouflèrent ceux des ennemis
qui montèrent la colline. Mais les Véïentes ayant
occupé les hauteurs fupérieures, les attaquèrent
avec 1 avantage du lieu & du nombre. Cette séné-
reufe. & brave famille périt prefque en entier au
nombre de trois cents fix. Un feul eut le bonheur
d échapper, & perpétua ces Fabius qui fhrent
le loutien de Rome dans fes temps les plus
malheureux. r
La guerre fut continuée. Les Véïentes rava-
geoient comme auparavant les terres des Romains
fans niquer aucun combat. Les habitants des cam-
pagnes & les troupeaux n’étoient pas un moment
en iurete ; mais cet ennemi incommode fut pris
a fon pi opre piège. Quelques troupeaux qu’il fui vit
le conduifirent à une embufcade où il fut entièrement
défait.
Oter les fourrages 6> l ’eau.
Si vous pouvez refferrer l’ennemi dans fes fourrages
, les lui enlever en ravageant le pays qui
les fournit, lui ôter l’eau en la détournant, ou ùn
camp cju’il a intérêt de conferver, comme le fit
Cefar a Dyrrachium ; il fera forcé de combattre.
Appât du butin.
Lfi tmin ’ PuIffant W â t pour des ennemis
Montrer l'apparence d’un mauvais pofte, d’une armée
foible.
On attire quelquefois l’ennemi par de faux