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une cartouche glorieufe, contiendroïent plufieurs
foldats fv - qui les fers ne font aucune impreffion.
Pourquoi la veille du jour où un foldat devroit
obtenir l'on congé touts les officiers de fa compagnie
affemblés , ne portëroient-ils pas un jugement fur
la manière dont il auroit feryi ? Pour rendre
ün jugement diéié par la juftice, ils confulteroieflt
le livre des punitions & celui des notes , & ils
prendroient l’avis de touts les bas - officiers. Le
capitaine réfumeroit enfuite les différentes opinions
, & il rédigeroit en peu de mots l’énoncé du
çongé abfolu.
taire fur chaque cartouche une courte analyfe
de la conduite du foldat, qui l’auroit obtenue ,
feroit beaucoup fans doute , mais comme pour
connaître le mérite de ce' foldat, il faudroit qu’on
lût le jugement dans fon entier, comme les pay fans,
le peuple, 6c beaucoup de foldats ne fçavent point
lir e , ne feroit - il pas poffible en peignant les cartouches
de différentes couleurs, & en les chargeant
d’ornements différents, ne feroit-il pas poffible ,
dis-je , de créer pour les congés militaires , une
langue auffi fimple que facile à comprendre.
Nous avons vu qu’il y avoit en France des congés
d’ancienneté , des congés de grâce , des congés de
réforme, des coiigès infamants & des congés limités.
Après avoir affeâé le blanc à touts les congés limités
; le noir aux congés infamants , le jaune aux
congés de réforme, le verd aux congés de grâce,
il refteroit encore le rouge , le bleu de ro i, le
violet , le gris argentin, & le gris cendré pour
différencier les congés abfolus.
Le cçngé rouge feroit le premier & le plus honorable
des congés,* on ne le donneroit qu’aux
hommes dont la conduite militaire 6c les moeurs
feroient irréprochables ; le bleu feroit la récom-
penfe.de ceux qui auroient montré plus de vertus
que de vices ; le violet feroit réfervé à ceux qui
auroient flotté entre les qualités heureufes & les
défauts ; le gris. argentin feroit donné à ceux qui
auroient tenu une conduite où le vice auroit plus
fouvent dominé que les vertus ; le gris cendré,
enfin, feroit la punition deftinée à ceux à qui il
n’auroit manqué qu’un degré de perverfité de plus,
pour mériter un congé infamant.
Les congés abfolus des foldats & des cavaliers, de
quelque couleurs qu’ils fuffent peints, feroient renfermés
par une fimple ligne ; ceux des caporaux
& des brigadiers. feroient entourés d’une ligne
double ; ceux des fergents 6c des maréchàux-des-
logis feroient environnés de trois lignes ; ceux des
fergents-majors & des maréçhaux-rdes-logis en chef
|ç feroient de quatre.
Les armes de France occuperoient le haut de/la
cartouche ; elles repoferoient fur autant de drapeaux
ou à?éîendarts que le foldat auroit fervi
d ’années ; chacun des étendarts ou des drapeaux ,
dont la lance feroit armée de fer , annonceront que
le foldat a fait une campagne. Un fabre placé fur
J§ dçyanç du grouppe feroit voir-cpfü a été bleffé
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d’un coup d’arme blanche ; un moufquetjj qu’îl à
été bleffé par une arme à feu ; deux fabres ou dëux
moufquets, publieroient qu’il a deux , trois ou
quatre fois verfé fon fang pour la patrie.
On fent bien que la i re claffe de congés auroit
feule des habits'de la première année; ceux de la
2e & de la 3 e claffes auroient des habits de la fécondé
année; 6c ceux de la 4e 6c de la 5e claffes
auroient des habits de la troifième année.
Je ne dirai point que les diftinétions que je viens
d’imaginer foient les meilleures que l’on puiffe
créer, je ne le penfe pas.; mais comme je crois
que mes idées reétifiées par un homme de génie
pourroient avoir des fuites heureufes , je crois qu’il
feroit utile'de les foumettre à un examen févère.
O u i, le foldat françois , cet homme intéreffant,
qu’on calomnie trop fouvent , eff auffi fenfible
aux diftinétions honorables que le refte de la nation
l’eft aux récompenfes pécuniaires. Ce n’eft peut-
être qu’en lui feul qu’on retrouve cet enthoufiafme
de la gloire, 6c cet amour de la patrie qui caraété-
rifoient les François dans les beaux fiècles de la
monarchie.
Parmi les problèmes relatifs aux congés abfolus j
il en eft encore un qui mérite toute l’attention du
gouvernement. Il confifte à fçavoir, i° . fi l’on
doit donner les congés après huit ans de fervice,
. ou f i l’on doit en éloigner davantage le terme ;
6c 20. à déterminer quelle doit , être la longueur
du fécond, du troifième , du quatrième engagement.
Ce fera dans l’article enrollement que nous
rapporterons les opinions des militaires fur ces
deux objets importants..
Terminons ce paragraphe, confacré aux congés
d’ancienneté , par quelques réflexions que nous
devons aux deux degrés de congés abfolus qu’Au*
gufte établit, & qu’il appella l’un ex auEloratio ,
6c l’autre plena mijjio. Cet empereur, grand ad-
miniftrateur militaire , quoique mauvais guerrier ,
fentit combien il étoit avantageux à l’empire de
conferver à la tête des légions des foldats qui
euffent déjà fervi le nombre d’années prefciit par
la loi : il comprit encore qu’il devoit, pour parvenir à
fon but, fans exciter des murmures , 6c même
des révoltes , féduire les légionnaires plutôt que les
contraindre ; en conféquence, il promit folçtn-
nellement des réçompenfe$_conüdérables , foit en
argent, fqit en fonds de terre , à touts les légionnaires
, qui, après avoir été dégagés de leur ferment,
refteroient pendant quelque temps fous un drapeau
particulier , appellé vexillum vetcranorum , 6c il
affranchit ces vétérants de toutes' les corvées ; il
ne leur demanda que de combattre les ennemis.
_ Nous lie propoferons pas d’imiter à la lettre le
réglement pprté par Augufte ; mais ne pourroit-
on pas faire promettre a touts les militaires, qui
recevroient la croix de SaintrLouis ou l’ordre des1
épées, ou au moins à touts ceux qui fe retireroient
ayec une penfion, de fe rendre, dès la première
fommation .
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fômmatîort, à l’endroit du royaume qui leur feroit
indiqué par fa majefté. .. .
Si l’on demandoit dans quelle circonftance on
devroit raffembler ces vieillards vénérables , je
répondrois qu’on ne devroit les arracher a leurs
foyers que dans les moments ou le falut de letat
feroit véritablement expofé. Vous avez été obligé
de dégarnir une de vos villes frontières, il n’y
refte qu’une foible & mauvaife gamifon, les cir-
conftances vous empêchent d’y jetter de nouveaux
fecours;- vous fçavez que l’ennemi a quitté fes
ports, qu’il va.paroître fur vos côtes avec une flotte'
formidable -, auffi-tôt le gouverneur ou le commandant
de la place , ou de la province menacée ,
lit l’état a&uel des chevaliers de- Saint-Louis &
des foldats vétérants de fon diftriéî-, à qui leur âge
6c leur fanté permet encore de voler au fecours
de là patrie ; il dépêche une eftafette à ceux qui
habitent les campagnes reculées , & fait publier
dans les villes &. les villages une prière par laquelle
il engage touts les vétérants à fe rendre le
plutôt poffible à l’endroit, où il les croit néceffaires ;
à cet ordre , ces vieux guerriers, que l’âge fem-
bloit avoir glacés, fortent de leur engourdiffement ;
ils demandent leurs armes ,' ils partent avec joie ;
on leur fournit par-tout des vivres, des chevaux
ou des voitures ; ils arrivent avec empreffement ;
un commiffaire des guerres leur a préparé des Iot
gements ; un officier général leur indique le fervice
auqu’eL,il les deftine ; & un.tréforier particulier ,
leur paie pour chaque jour de marche , de fervice
pu de retour, au moins les mêmes appointements
dont ils jouiffoient pendant qu’ils étoient en aéfivité.
Si Ton nous demandoit, quel fervice tirera-t-on
de ces vieux militaires, dont les mains tremblantes
peuvent à peine foutenir une épée , dont la vue:
affoiblie ne peut plus diftinguer les objets éloignés,
& à. qui une démarche foible 6c chancelante ne
permet pas de fuivre l’ennemi ou de l’éviter ? Nous
répondrions; la préfence feule d’un de ces vieux
guerriers caufera plus de mal à l’ennemi que le
bras nerveux de dix jeunes foldats. Placez plufieurs
de ces vieillards refpe&ables à la tête d’une troupe
de citoyens affemblés pour défendre leurs foyers ,
ils mettront de l’ordre dans cette troupe indifci-
plinée, ils feront régner l’harmonie, à la place de
la eonfufion. Si vous,les mêlés avec vos milices
nationales ou avec celles..qui font deftinées à garder
vos côtes, les foldats de chacun de ces corps deviendront
des grenadiers déterminés. Quel eft celui
qui ofera abandonner un pofte où il. aura été placé
par un homme , qu’il n’envifage qu’avec refpeét,
& qu’il regarde comme un demi-dieu militaire ?
Quel eft celui, qui ne bannira pas l’idée importune
de la mort, quand il le reffouviendra que le guerrier
qu’il voit à côté de lui a affifté à plufieurs batailles
& à plufieurs fiéges ? Quel eft celui qui n’aura pas
la plus grande confiance en l’attaque qu’il va faire,
quand il fe rappellera qu’elle eft dirigée par un
militaire qui a vieilli avec gloire au milieu des ar-
Art militaire. Tome l.
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mées. Je ne parle point des propos que tiendront
ces vieux guerriers, des exemples qu’ils'donneront :
la valeur qui les anime, infpire toujours à lefprit
les mots les plus heureux , comme elle rend au
, corps de la force & de l’agilité. Parlez à ce vieux
guerrier du befoin de ménager, fés jours, il vous
répondra que. depuis fôixante ans il s’eft fa milia rifé
avec les boulets : &. à l’âge où je fuis , vous dira-
t-il encore, j’ai- fi peu de jours à vivre que je ne
dois pas les ménager, ni négliger les occafions qui,
pourroient-me procurerune mort glorieufe; Fidèles
à notre plan , laiffons encore à nos légifUteurs le
foin de juger nos idées.
§• ni.
Des congés de gracel
On donne le nom de congé de grâce aux congés
abfolus qu’on accorde aux foldats pour de l’argent
avant qu’ils ayent atteint l’époque de l’expiration
de leur engagement ou de leur rengagement.
_ Le premier congé de grâce fut accordé fans doute
ou aux follicitations d’un vieillard accablé fous le
poids des infirmités , fans confolation 6c fans autre
foutien qu’un fils, qui, aveuglé par l’amour de
la gloire , avoit contraâé un engagement militairë ;
ou aux larmes d’une mère défolée, à qui la mort
de fon époux n’avoit laiffé d’autre fecours .pour
nourrir & élever une famille nombreüfe, que les
travaux d’un fils qui, entraîné par une paffion fou-
gueufe, avoit abandonné les foyers de fés pères.
Aujourd’hui, l’un & l’autre de ces infortunés, faits
pour émouvoir la pitié de l’homme le moins fenfible
, pour faire verfer des larmes d’attendriffement
à celui- même qui n’auroit connu jamais que les
pleurs qu’il auroit fait couler, demanderoit en vain
le congé d’un de leurs enfants , les chefs des corps
ne peuvent plus donner de co n g é s ilsme peuvent
que les ..vendre : ils ne peuvent pas demander
quelles font lesraifons qui vous engagent à tomber
à leurs genoux ; leur bouche ne peut proférer que
ces mots, quelle eft la fomme que vous offrez
pour dégager votre fils ; n’attribuons pas néanmoins
cette conduite cruelle au coeur des chefs ; c’eft la
loi qui les met dans l’impoflibilité de fatisfaire au
defir que l’humanité excite dans leurs âmes , & fi
la loi elle-même eft devenue barbare , ce n’eft pas
aux légiflateurs que nous devons nous en prendre ,
mais à l’extrême, multiplicité de nos troupes , au
luxe de nos armées,- & à la-modicité relative des
revenus de l’état.
Cependant oublions nous-mêmes que nous portons
un coeur tendre , & reprenant là froidejmfen-
fibilité qui convient-à un écrivain dida&ique , rapportons
d’abord ce que la loi ordonne au fujetdes
congés de grâce; après quoi nous pourrons examiner
fi ces congés, font néceffaires, & chercher les moyens
de les rapprocher de ce qu’ils ont dû être lors de
leur mffitution.
D d d d d