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moins èmplôyées à la charge qu’à la pourfuîte.
Le fabre droit, à un ou deux tranchants , a le
même défavantage à très peu près que le fabre
recourbé. Si fon coup de voit porter fur une fur-
face plane , il feroit plus sûr ; mais , l’épaule , le
bras , la tête , un cafque, préfentant une furface
arrondie, cette arme n’y porte auffi que par peu
de points, eft rarement dirigée perpendiculairement
à la furface, êc frappe le plus fouvent à faux ôc
à plat : quand elle eft fans pointe, elle ne vaut
gu ères mieux que le fabre courbe : mais avec la
pointe,elle a un des avantages de l’épée, ôç cependant
eft loin de les avoir touts.
L’épée à trois-quarts , & fans tranchant, fert
à porter des coups de pointe , toujours beaucoup
plus dangereux que .les coups de taille,: le fabre
droit a auffi cet ufage , ôc porte même à ràifon
de fon poids & de fa largeur des coups plus terribles
; mais il exige plus de force de la main qui
le manie, ôc n’eft pas propre à parer autant que
l’épée. Le cavalier avec le fabre eft toujours
porté à frapper de taille , c’eft-à-dire de la manière
la plus déiavantageufe , au lieu qii’kvec l’épée fans
•tranchant , il eft forcé à frapper de pointe. Ènfin
l’épée , étant plus légère , eft plus facile à manier :
c’eft l’arme propre de là cavalerie. Deux cavaliers
qui fe chargent étant à-peu-près à fix pieds l’un
de l’autre , l’épée doit avoir au moins trois pieds.
La lance, abandonnée aujourd’hui, eft une arme
plus- terrible en apparence 'que dangereufe en réalité.
.Elle .demande un terrein très uni , qu?il eft
Tare de rencontrer ; elle n’a qu’un feül coup qu’il
n’eft pas fort difficile d’éviter ou de détourner ,.
ôc faire porter, à vuide ; furtout, lorfque le cavalier
contre lequel il eft dirigé n’eft pas occupé à
en porter un femblable à fon adverfaire. Elle’em-
pêche l’efcadron de prendre l’ordre très ferré ; elle
ne convient, qu’au premier rang ; elle n’a pas fuffi
dans les temps oii on en a fait le plus' a’ufage ;
alors on a employé avec elle l’ épée, la mafîùe
le maillet,. la maffè.
L e chevalier Folard a vanté la lance maure.
Il faudroit peut-être en avoir plus d’expérience,
pour être convaincu, des grands avantages que
cet auteur lui attribue. Elle peut avoir quelque
fupériorité fur l’épée pour la longueur; mais elle â
certainement le défavantage de-'toute arme avée
laquelle on frappe en élevant le bras ; le coup en
eft moins prompt. ; & ,. tandis qu’il eft fufpéndu ,
fe corps-entier refte a découvert.
Les armes défenfives de: la cavalerie font la calotte
, le cafque & la demi-cuiraffe. Le cafque
eft évidemment préférable à la calotte. Il couvre
toute la tête y il- l’embraffe ,.il y eft ferme : au
leuqu e le chapeau & la calotte font incommodes,
ôc difficiles à fixer. La cuiraffe eft- néceffairë pour
garantir des coups dé feu ôc d’épée. M. de Brézé ,
( abferv. fur la caval. Tom. IL p. 8 0 . ) propofé
d’y ajouter des épaulettes faites avec une lame
d’acier appliquée fur un morceau, de drap. ôc re-
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couverte d’un morceau de buffle, longues de
quatre pouces, & larges de quatorze lignes ; une
lame d’acier adaptée au-deffus de la tètière de la
bride, & un petit chamfrein , fait auffi d’une lame
d’acier, épaiffe de deux lignes à fon milieu, ÔC
diminuant vers les bords , appliqué fur un morceau
de cuir un peu rembourré à la partie qui
appuie fur le cheval , Ôc ajufté à la bride , de
forte qu’il puilfe être placé en même temps que
fon met la bride du cheval : ce chamfrein pèle,,
y compris le cuir , vingt à vingt-deux onces. Le
même auteur demande auffi pour les chevaux un
petit plaftron d’une plaque d’açier d’environ fix
pouces de haut fur cinq de large , Ôc pèfant dix-
huit à vingt onces. « S’il eft bien placé ûir le
poitrail, dit-il , ÔC foutenu par deux courroies qui
aillent fe bouder à l’arçon dû devant de là'Telle,,
il incommode fi peu le cheval , qu en ayant fait
mettre un à un bidet de pofte , il fit deux grandes-
lieues de France comme s’il n e l’avoit point eu. »„.
Ce plaftron eft deftiné à garantir les chevaux des
coups de'baïonnette.
Quelques militaires' ont propofé de réformer là;
cuiraffe'comme inutile & embarraffante. Elle n’eft
point inutile': il. eft vfai qu’un coup de fufil tiré
de près la traverfe" ; mais de loin il n’en éft pas
de même, ôc elle fauve la vie à plufieurs cavaliers
, fur-tout lorfquils font obligés dè refter
quelque: temps expofés au. feu. La fupprimer ,
ce feroit ; donner un avantage à l’infanterie,. diminuer
la confiance du cavalier, §c perdre un plus,
grand nombre, d’hommes par les coiips de fufil ôc
d’épée: lim é paroit'inutile d’ajouter que tontes
ces .armes doivent.être faites-des .meilleures matières
& avec autant de'foin que. les moyens de;
dépenfè peuvent le permettre;
Utilité de ta cavaleries
L’avantage de la eavalerie réfide en entier dans'
fa vitefle.1 Elle éft propre aux expéditions qui
demandent de la célérité. Elle eft néceffaire pour
les partis ÔC détachements, pour donner des nouvelles
de' l’ennemi r attaquer fes convois , le
harceler dans fes marches , dans fes retraites , arrêter
une arrière-garde ,. inquiéter ôc empêcher
des fourages- efcorter le général dàns les rècon-
noïffances , ôcc. Voilà pour l’pffenfive. Elle n?eft-
pas moins utile d'ans la défenfive ; elle protège-
toutes lés opétations-, les retraites , lès marches „.
les arrière-gardes, les fourages-, les convois, les-
campsr l’infanterie en ordre de bataillé, fur-tout,
clans l’oblique. L’expérience ayant convaincu toutes-
îës nations dé ces avantages-, elles ont eu" cette;-
armé en auffi grand , nombre que leur richeffe ÔC
leur économie l’ont permis-, .& que lé demandoitr
la, nature du- terrein ou elles faifoient la. guerre;
Je ne rapporte aucun1 exemple^de ces avantages-,,
parce qu'ils font évidents , ÔC que l’hiftoire dfe
toute les. temps les- attefte*.
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\ Les peuples ôc les fouverains ambitieux ont eu
une cavalerie nombre ufe, foit pour conquérir rapidement
de vaftes pays, foit pour les garder 1
après la conquête. Les Juifs, habitant un petit
pays de montagne , eurent peu de cavalerie. Les
Grecs, divifés en petits états peu opulents , &
dont le territoire étoit montagneux , eurent cette
arme en petit nombre : mais les républiques les
plus riches en eurent plus que les autres , & les
Theffaliens , opulents ôc maîtres d’un pays de j
valerie, plaines abondantes, furent célèbres par leur .ca
Agéfilas en forma une dans fon expédition
en Afie , ôc ce fut l'expérience ôc la néceffité qui
l’y contraignirent. Les Romains en eurent peu dans
leurs commencements, parce qu’ils étoient pauvres
Ôc faifoient la guerre à des peuples qui n’en avoient
pas : elle augmenta chez eux avec les richeffes ,
oc la fupériorité de celle de leurs ennemis fut une
des caufes principales dés grands revers qu’éprouva
cette république. Régulus fut victorieux , tant que
les Carthaginois, fupérieurs en c a v a l e r i e , combattirent
dans les terreins inégaux 6c embarraffés :
Régulus fut vaincu, lorfque Xantippe le combe.
alotttçi tT 0dv anTOsT Tluev.s Ppollaibin. eLs. ;J. . (C %. ç#e-auévos toi? IntTre— 31. Ernefli. 8°. )»
En vain le général romain, au lieu de l’ordre ordinaire
, difpofa plufieurs manipules les uns derrière
les autres ; (jxeXhctç \7raXb.y,Xisç %ctT07riv 'Larroiv tntfAitaç ) ;
en donnant ainfi à fon ordonnance moins d’étendue
6c plus dé profondeur , il la rendit meilleure contre
les éléphants , 6c plus foible contre la cavalerie
carthaginoife, qui étoit plus nombreufe que la fienne.
Gelle-ci prit bientôt la fuite ; ôc , tandis que les1
éléphants écrafoient les premiers rangs des manipules
qui leur étoientoppofés, la cavalerie carthaginoife
les chargea par derrière. En vain les derniers
rangs firent demi-tour à droite , 6c tentèrent
de la repouffer ; ils furent accablés par les traits
<de cette cavalerie, 6c tués ou pris en combattant
ou en fuyant.
; Le chevalier Folard, trouvant le récit de cette
bataille, tel qu’il eft dans l’auteur grec, contradictoire
a fon principe de l’invincibilité de l’ordre
profond, en a changé les circonftances, 6c prétendu
que les éléphants ont été la feule caufe de
la défaite des Romains. Ce n’eft pas le feul exemple
de fa prévention. Il l’a portée jufqu’à dire « qu’on
ne fauroit faire un fantaffin médiocre d’un bon
cavalier , au lieu qu’on fera toujours un bon cavalier
d’un mauvais fantaffin ». Cependant il
nignoroit pas que dans les périls extrêmes les Romains
faifoient de leurs cavaliers d’excellents fan-
taffins , qui rétablirent fouvent le combat, 6c obtinrent
la victoire. Dans la bataille livrée aux Latins,
par le dictateur Pofthumius, la cavalerie mit pied
à terre , remplaça les manipules épuifés par la
duree du combat, leur donna le temps de reprendre
des forces, rompit avec eux l’armée ennemie ; 6c ,
remontant à cheval, pourfuivit ceux qui fuyoient. { lav. L. II. C. 20..}. Les Sabin-s combattant l’ar-
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mée fomaine, commandée par le conful M. Ho-
ratius , avoient féparé dé leur ordre de bataille une
divifion de deux mille hommes, q ui, pendant le
combat enveloppèrent l’aile gauche des Romains.
Alors fix cents cavaliers mirent pied à terre , chargèrent
cette divifion , devant laquelle l’aile gauche
commeriçoit à fuir , 6c rétablirent le combat
( Liv. L. IIL C. 62. ). Lorfque l’armée du conful
C. Sempronius Atratinus , preffée par les Volfques ,
cédoit de toutes parts, fans écouter les repréfen-
tations de fon général, ôc fans refpeCl pour fes
ordres ; un décurion de cavalerie , nommé Tem-
panius , s’écria : a que les cavaliers qui veulent le
lalut de la république mettent pied à terre». A ce
mot fi puiffant pour des Romains , toutes les turrr.es
fautent de cheval comme à la voix du conful; Tem-
panius marche à leur tête ; ils enfoncent tout ce
qui fe préfente, font enveloppés, 6c gagnent, en
combattant, une petite éminence où l’ennemi ne
peut les forcer. Ils y pafsèrent la nuit qui interrompit
le combat. ( Liv. L. IV. Ç. 3 8. ). Si on veut
.d’autres exemples femblables, on les trouvera dans
le même hiftorien ; L. VI. C. 24. IX. 22. 39.
dâqs Jofephe, de bell. Jud, L. III. C. 10.
On peut dire que lés cavaliers romains étoient
l’élite de la nation : mais on trouve lès mêmes
exemples dans l’hiftoire de plufieurs autres, peuples.
Cyrus , voulant rendre inutile la cavalerie de Cré-
J fus , lui oppofa des chameaux. Les Lydiens voyant
leurs chevaux effrayés, mirent pied à terre , ÔC
combattirent avec l’infanterie. ( Hérodot. L. 1 . C.
8q. ). Du Guefclin , marchant au fecours de D.
Henri, emmena quatre mille hommes d’armes ,
c’eft-à-dire douze mille chevaux , 6c feulement
deux mille arbalétriers à pied , parce qu’alors la cavalerie combattoit à pied , quand on le lui
pc.o mmandoit. ( Hifl. de du Guefclin. Tom. I. L. HL 504. ). Une partie de la cavalerie ôc des dragons
de l’armée du prince Eugène combattit à pied
à la bataille de Belgrade. Carmagnole , général
du duc de Milan , ne pouvant enfoncer avec
dix mille chevaux un corps de dix-huit mille pi-
quiérs fuiffes , fit mettre pied à terre à fa cavalerie ,
attaqua les Suiffes l’épée à la main , les rompit 6c
les mit en fuite. A Guaft’alle, en 1734, quarante
carabiniers par efeadron mirent pied à terre; 6c-
fous les ordres de M. de Valcourt, forcèrent un
pofte défendu par de l’infanterie.
Folard , perfuadé de la foibleffe de la cavalerie,
propofé de la fortifier par des pelotons d’infanterie
placés entre les efeadrons, Donner ce confeil en
général, c’eft confondre les temps 6c les efpèces
de troupes. Cette difpofition a été employée par
les anciens , 6c a du l’être en certaines circonftances.
Leur cavalerie étoit légère, propre à l’ef-
carmouche, 6c toujours employée foit à cette ef-
pèce de combat , foit à jeter le défordre dans
une ligne d’infanterie , en chargeant par petits pelotons,
à la débandade, 6c à toute courfe de cheval.
Oeft ce que Tite-Live nous apprend dans le récit
B b b. b ij