
ront le reconnoître. Si l’on peut réuffir à le faire
prifonnier, cet événement ralentira le courage de
ion armée ; & , pendant que le bruit s’en répandra,
il n’y aura perfonne parmi les ennemis qui donne
les ordres nécefl’aires.
Dans la bataille que Judas Machàbée gagna
contre Nicaiior, dès que l'armée -fyri’enne apprit la
mort de l’on général ,- toutes les foldats jettérent
les armes & s’enfuirent.! ' ' ,
A ht bataille où lè même Judas Maehabée fut tùé
en combattant contre Bàcchide » général d’ûne
autre armée fyriennë, touts les Juifs prirent la
• fuite. \
Dans la bataille que les Juifs livrèrent à Â-ntio-
chüsEupator, Eléafar, voyant un éléphant plus
haut que les autres,& couvert d’ornements royaux,
péri fa- que le roi pouvoit être dans là tour que cet
animal portoit. Auffi-tôt il prend la refokition de
fe dévouer pour la-délivrance de fon peuple il fe
jette au milieu de l’armée ennemie , tuant &. ren-
veifant tout ce qui s’oppofe a fon paflage ; arrive
st l’éléphant, paffe deffous & le perce. L’éléphant
tombe & êcrafe le généreux Eléafar.
Le bacha Méfeth, général de l’armée d’Amurat II,
en livrant bataille à Jean Huniade, chargea un corps-
d’élite tiré des janiffaires de le chercher dans le
combat, 8t de le tuer ou de le faire prifon-
nier. .
-, A la bataille de Bovines » Philippe-Augufte, &
l ’empereur O thon fon ennemi, Ordonnèrent l’un
& l’autre à quelques efcadrons d’élite , de s’attacher
uniquement au prince ennemi, & de le
prendre ou de lui ôter la vie. Ils. eonnoiffbient
les funeftes fuites que peut avoir pour une armée
la perte de celui qui la commande.
Si la mort du général eft capable d’abattre le
courage d’une armée entière, on peut dire la
même chofe d’un régiment qui perd fon colonel j
& d’une compagnie qui perd Ion capitaine. Je
confeille donc de mettre les bons tireurs au premier
ran g , afin qu’eux, & touts les officiers
armés de fufrls,. tirent fur les officiers ennemis
qui- leur font oppofés ; il eft aifé de les recon-
Hoître à l’habit-, au plumet, à l’écharpe., à l’ef-
ponton , ou au pofte un peu plus avancé qu’ils
occupent. Cet ordre de tirer fur les officiers
entremis ne fe donnera qu’aux commandants des
corps,, & ceux-ci ne le tranfmettront à ceux
qui doivent l’exécuter qu’irilmédiatement avant
1« combat, &. non auparavant ; parce que, fi les
ennemis en avoient connoiffance, ils donne-
roient le même ordre à leurs troupes. 1
Les Efpagnols qui étoient fous les ordres de
Cortès fe trouvèrent extrêmement fatigués, &
fort incertains fur le fuceès du. combat où ils
étoient engagés: contre les Tlafcaltegues , lorfque
fout-d’un-coup, & au moment où ils dévoient s’y
attendre le. moins , l’armée ennemie prefque
vi&orieufe- fe retira. On apprit enfuite que le
général Xicotencal avoit donné- ordre de faire.
retraite , parce que la plupart des capitaines ayant
été tués à.cette bataille , il i f avoit pas ofé continuer
le combat avec tant de gens , fans avoir des officiers
pour les commander.
Le maréchal de Montluc rapporte que, dans le
régiment-de M. de Thaïs, où il lervoit à la bataille
de Cerifoles, entre le premier & le fécond rang de
piquieïs Ton en av-oit mis un d’arquebufiers, avec
ordre de tirer fur les officiers ennemis., & d’attendre
pour cela qu’ils fuffent à diftance de la longueur
"d’une pique. Le grand nombre d’officiers des
troupes d’Efpagne qui furent tués dans cette occa-
fion contribua beaucoup à .la viétoire que les
François remportèrent. Montluc ajoute que le mar-
j quis de Guaft avoit donné le même ordre dans»
l’armée d’Efpagne , & qu’un corps de cinq mille
allemands & elpagnols, ayant attaqué les Grifons
qui fervoient dans l’armée françoife , les défit entièrement,
après leur avoir tué prefque touts leurs
officiers- ‘ - - ’
On peut voir dans les Mémoires du duc de Guife
- quel avantage ce général tira de trois cents chaf-
feurs qu’il enrôla , & dont il fe fervit pour laiffer
i les troupes- d’Efpagne prefque fans officiers.
S’il y a dans, l’armée ennemie quelque drapeau/
général, tel qu’eft chez les Turcs-l-étendàrt appelle
b a ch a ra tou tel qu'étoit l’oriflamme parmi les
anciens François ; tâchez de le prendre , lorfque
par quelque, évènement du combat, vous croirez
la chofe poffible. La perte de cet étendart la découragera
prefque autant que celle de fon général; -
Fernand Cortès en fit l'expérience à la bataille
d’Otumba. IL attaqua & défit avec 'un corps de
troupes choifies la troupe qui gardoit le grand
étendart de l’empire du. Mexique : a peine 1 eut-il.
pris que les Mexicains abandonnèrent le combat
leurs armes » & m’ême le foin de leur vie.
Choix du. terreitu
Si vous êtes inférieur en cavalerie, & fupérieur
en infanterie, choififfez un terrein qui ait des montagnes,
des bois ,'d e s chauffées-, des foffes , desvignes,
ou beaucoup de pierres , afin que la cavalerie
n’y puiffe- agir qu’avec beaucoup d’embarras-.
& de fatigue. .
Une des fautes que plufieurs habiles- militaires-
ont remarqué dans nos ennemis , ce fut d avoir
ofé rifquer une bataille dans-les plaines d Almanza ,
lorfque toutes leurs forces étoient dans leur infanterie,
& que leur cavalerie n’étoit ni aufli nom-
breufe ,. ni suffi bonne que la nôtre.
Le jour qui précéda la bataille de Cerignoles
le grand capitaine fit avancer l’armee Efpagnole.
en des vignobles où un canal eouvroit fon Iront.-
€e pofte lui parut avantageux», parce que les François,
commandés.-par M. de Nemours, avoient un
plus grand nombre de troupes-, fur-tout de cava--
lerie ; & , en effet, les François y furent battus.
Polybe. nous, apprend qu’avant la batad-le de.
Cannes, Paul Æmile n’étoit pas du fentiment d’en |
venir à une a&ion , parce qu’Annibal étoit plus
fort en cavalerie, & que le combat devoit fe donner .
en plaine. . * , .
Attilius Rigulus , don-t l’armée étoit inférieure à
celle de Carthage en cavalerie & en éléphants ,
l’attaqua fur une colline , où les Carthaginois ne
purent fe fervir de leur avantage ; & ils furent
battus. Après cet événement, le Lacédémonien
Xantippe , ayant pris le commandement de l’armée
Carthaginoile, Si voyant quelle avoit été défaite
par le peu d’habileté de fes généraux , qui n’avoient
pas fçu choifir un champ de bataille , ou leurs éléphants
&. leur cavalerie , fupérieure à celle des
Romains, puffent agir, la conduifit dans les plaines,
& y remporta fur les Romains une viéioire com-
plette. D ’après cet événement, le conlul L. Céci-
lius évita pendant deux campagnes d’en venir à
un combat en plaine avec, les Carthaginois ; mais
enfin, trouvant leur armée & leurs éléphants en- ■
gagés dans certains défilés près de Palerme, il ;
les chargea & les défit : cependant Cécilius n’a-
voit alors que la moitié des troupes qu’il com-
mandoit les deux années précédentes, parce que
Cneius Furius, fon collègue, étoit retourné à Rome
avec l’autre moitié. • •
J’ai dit que,’dans, le cas dont je parle , un terrein .
coupé eft convenable : ce ci doit s’entendre de
celui qui eft entre les deux armées. Il faudroit,
au contraire, ôter touts les embarras qui fe trou-
veroient entre l’une & l’autre de vos ailes , ou
entre votre première &. votre fécondé ligne , s’ils
pouvoient empêcher la communication mutuelle
de vos troupes. Jettez donc de petits ponts fur
les ruiffeaux & les canaux où vous avez befoin
d’un paflage libre. Donnez ordre qu’on élargiffe
les chemins que les» ronces, les arbres, ou les
hrouflailles rendent trop étroits; & qu’on ouvre
une partie des chauffées & des murailles que tra-
.verfent vos lignes, afin que la fécondé puiffe toujours
venir au fecours de la première , & que
les régiments détachés entre vos lignes puiffent
facilement fe mouvoir de la droite à la gauche ,
félon que les événements du combat l’exigeront.
Vous devez non-feulement conferver les mu-
-railles & les haies des vignes- & des jardins qui
fe trouvent devant votre première ligne , & qui
préfentent un front à vos ennemis-; il faut mêmé,
fi ces murailles & ces» haies font baffes, leur faire
un folle du côté de l’armée ennemie ; fi elles
font hautes, faite s -y élever une banquette de
votre côté ÿ afin qu’elles fervent de parapet aux
troupes que vous y porterez. Lorfqu’on doit certainement
combattre, & qu’on n’a pas defafcines
prêtes , la banquette fe fait en un inftant avec des
facs à terre , ou avec ceux des farines» de munition
, & quelque terre jettée à la hâte.
Si les chauffées ont le fofîe par dedans , on
élargit le fofTé, & .on y fait une banquette. Si le
foffé eft par dehors * votre infanterie, ouvrira- eu
dedins une tranchée pour fe couvrir. Ces ouvrages
ne font pas fi longs qu?on pourroit fe l’imaginer ,
parce que les terres ainfi fermées font ordinairement
cultivées, & faciles à remuer. Les foldats
dont chaque file eft compofée , ayant un intérêt
égal à fe couvrir, peuvent travailler tour à: tour
quelques minutes , & en moins d’une demi-heure
l’ouvrage peut être achevé.
Lorfqü’il fe rencontrera des maifons enclavées
da'tis votre ligne , ou qui n’en feront éloignées
que d’une demi portée de fufil j on y fera des
créneaux ;. on les garnira de troupes fi le
temps le permet, on les entourera, d’un foffé, &
on en barricadera les portes. Il faudra même les
miner , fi les enneiVûs vous en donnent le loifir ■,
afin de les faire fauter, fuppofé que les ennemis
s’en emparent. Entourez auffi d’un foffé les baffes-
cours & autres poftes fermés par de hautes murailles
, & faites-y des créneaux , lorfqu’il feroit
trop long de baiffer ces murailles & d’y faire une
banquette.
Vouloir fe fervir de touts les avantages dont je
viens de parler, c’eft fe déterminer à combattre
en fe tenant fur la défenfive. Dans ce c?.s, il
n’eft pas néceffaire d’ôter touts les embarras- qui fe
trouvent devant votre cavalerie ; il fuffit de faire
fur les foffés des ponts où cinq à fix chevaux
puiffent paffer de front, parce que les ennemis-
ne fe hasarderont pas à défiler par ces ponts pour
venir charger votre cavalerie, & elle pourra s’en
fervir pour aller à la pourfuite des ennemis, lorfi-
qu’ayant été repouffés , ils fe retireront en dé-
fordre.
S i , à la portée du fufil, il y a des murailles»
ou des haies vis-à-vis de votre cavalerie , il faut-
ou les applanir, ou la ranger en bataille un peu-
plus en arrière, afin que l ’infanterie ennemie ne
fe ferve pas de ce retranchement pour l’incommoder.
Quand la cavalerie des ennemis eft en plus grande
nombre ou meilleure que la vôtre ,foutenez celle-
ci par quelques-uns de vos meilleurs régiments-
• d’infanterie ,. deftinés à cet unique objet.
A la bataille de Pharfale la cavalerie de Cæfar
étoit inférieure à celle de Pompée; mais Gæfar
foutint la fienne par une cohorte tirée de-: chaque
légion de fa troifième ligne ; & ces cohortes furent
la principale caufe de la défaite de Pompée. ...
A la bataille de Modin , Jean & Judas Macha-
bée ,.fuivant le confeii de Simon leur père , mirent
leur cavalerie au centre de l’infanterie , parce que
cette cavalerie étoit inférieure à celle de l’ennemi.
Lorfqu’on mêle dans toute fa ligne les bataillons
ôo les efcadrons , comme le maréchal de Starem-
berg a fait quelquefois en Efpagne , parce que
notre cavalerie étoit plus nombreufe. & meilleure
que la fienne , on y trouve deux avantages. Le
premier eft de foutenir la cavalerie par le feu de
l’infanterie; & le fécond, de pouvoir faire avancer
1 une partie de cette cavalerie, pour pénétrer plus